Tiré à quatre épingles
Chapitre 7
Les volets de sa chambre clos, Violetta pleurait à chaude larmes depuis un long moment déjà.
L’idée de se marier avec ce vieux pédant qui empestait le vin et la poussière lui était insupportable. Elle se calma peu à peu.
À mesure qu’elle retrouvait ses esprits, une idée commençait à germer en elle. Fuir. Elle le sentait profondément en elle.
Il fallait qu’elle prenne la poudre d’escampette.
Bien sûr cela blesserait sa tante, une femme bonne qui l’avait élevée comme sa fille. Cependant c’est en pensant à la honte et à la colère qui s’abattrait sur son oncle, un homme méprisable qui n’avait eu de cesse de la brimer depuis que le couple l’avait recueilli, qu’elle prit une décision irrévocable. Il aurait été préférable qu’elle puisse préparer sa cavale mais peu lui importait à cet instant. Elle se leva et entre ouvrit discrètement les battants en bois. Elle glissa un œil curieux dans l’interstice et vit son horrible oncle en discussion avec le sorceleur et le maure qui l’accompagnait.
Le mutant exerça sur elle une attraction magnétique. Sa beauté sauvage et sa virilité créaient chez la jeune fille un embrasement des sens sans précédent. Elle eut alors une illumination. Elle allait suivre le chasseur de monstre au cheveux noirs. Elle le pisterait sur plusieurs lieux et lorsqu’il se rendrait compte de sa présence, à des dizaines de lieus d’ici, il ne pourrait pas la renvoyer chez elle.
Vu sa condition de jeune vierge à la dot généreuse rien ne la prédisposait aux connaissances d’un pisteur. Or depuis toute petite elle avait identifié en elle un don très étrange qu’elle avait toujours du mal à nommer. Il lui suffisait d’observer, de toucher ou même sentir l’odeur d’une personne pour réussir à suivre sa piste, sur des distances à peine imaginables.
En se concentrant elle arrivait à visualiser la silhouette de la personne en question, colorée de rouge, de jaune et de vert.
Enfant elle s’était d’abord exercé sur les chats de la maisonnée dont elle avait suivi les expéditions nocturnes. Plus grande, c’est au marché de Kagen qu’elle s’était entraînée, choisissant une personne au hasard et la localisant n’importe où dans la ville et au-delà.
Jamais elle n’en avait soufflé mot, à qui que ce soit, terrorisé par le sort réservé aux sorcières et autres arcanistes par les autorités de la région. Au mieux on les envoyait à Aretuza la terrible école pour magicienne, au pire ils étaient reniés et voués à une vie de bassesses. En découvrant ce talent à l’âge de raison, elle s’était sentie effrayée mais assez maline pour son âge elle avait très vite su qu’il valait mieux garder le silence. D’autant que ces facultés, invisibles, ne lui avaient jamais nuis. Et aujourd’hui cette capacité magique, inexpliquée, se révélerai être sa porte de sortie d’une vie qu’elle exécrait par avance.
Prendre la tangente juste avant le déjeuner serait éminemment plus compliqué qu’attendre la nuit venue. Cependant elle ne pouvait rester à végéter plus longtemps. Son pouvoir avait beau être puissant, il fallait tout de même que le sorceleur ne s’éloigne pas déraisonnablement au risque de le voir disparaitre à jamais. Elle entendait le vacarme des casseroles et des marmites annonçant le début de la préparation du repas. Lorik, le chef s’attelait à la tâche pour le déjeuner. Un coup abrupt s’abattit sur la porte sans crier gare.
« Tu manges avec nous mon coquelicot ? Je sais que tu es triste mais nous faisons cela pour ton bonheur. »
C’était sa tante. Violetta aimait la matrone et le surnom floral qu’elle lui avait donné. Elle lui manquerait, sa naïveté abyssale mis à part. Zerca n’avait arrangé le mariage avec le comte que pour son propre bonheur pensa-t-elle. En tant que jeune vierge de famille convenable sa dot représentait une somme rondelette, fait que seule la maitresse de maison semblait ignorer. En lui laissant le choix de rester claquemurée dans sa chambrée, sa tante lui offrait une aubaine inespérée. De l’élaboration du repas à la sieste qui suivrait elle disposait de deux bonnes heures devant elle pour s’échapper et filer loin d’eux.
Après avoir vérifié la position du sorceleur, qui s’était quelque peu éloigné de la maison, elle chassa ses dernières larmes et les trémolos dans sa voix pour donner une réponse théâtrale pleine de colère à peine forcée.
« On m’a coupé l’appétit ! Je reste me morfondre dans ma chambre telle une pauvresse. Un peu de sommeil plus que de nourriture pour oublier l’injustice. »
Il y eu un blanc relativement long puis la matrone répondit :
« Cela me peine que tu le prennes ainsi mon coquelicot. Tu me promets de te rattraper sur la soupe de pois de ce soir ? »
En guise de réponse la jeune fille grommela une onomatopée digne des plus grands piliers de comptoir. Une fois le silence revenue Violetta tenta de se concentrer sur Kaehl. Il n’avait pas bougé du verger où il s’était assis en tailleur pour discuter avec l’homme qui l’accompagnait. Elle se leva doucement. Trop de raffut éveillerait sans nul doute un intérêt trop poussé de la part de sa tante.
A pas de velours, elle commença à rassembler ses possessions dans un sac en toile de jute qu’elle conservait depuis des années sans but précis. Bien que vivant dans une famille aisée, l’apprenti fugueuse ne possédait pas grand-chose.
Coté vêtement, quelques robes, un manteau en peau de mouton, différents types de sous-vêtement féminins et une paire de bottines en cuir simple. Elle fourra le tout dans le sac et y rajouta une couverture fine. Elle farfouilla un moment dans le tiroir de sa coiffeuse avant d’en sortir ce qui constituerait son rudimentaire mais indispensable nécessaire à toilette. Puis la jeune fille se dirigea vers sa table de nuit. Y trônait une statue miniature de la déesse Melitele. Elle prit l’idole dans ses mains et sentit immédiatement le courage et la sérénité afflué en elle. Le grès tranquillement taillé de la déesse l’avait toujours apaisé. Elle emmaillota l’idole dans la couverture et, par réflexe toucha au pendentif de lapis qu’elle portait autour de son cou gracile. Ce bijou et la statue représentaient tout ce qui lui restait de ses parents. Ils étaient morts loin d’ici et, vers l'âge de cinq ans, sa tante lui avait assuré que son héritage se résumait à ces deux objets. Ils valaient bien plus à ses yeux qu’un leg d’or ou de terre.
Dans la même table de chevet, elle prit un morceau de charbon et du vélin. Instrument qui lui servait à tenir un journal intime épisodique qu’elle roula dans un tissu avant de le jeter dans le sac.
C’était à peu près tout ce qu’elle possédait et qui pouvait être utile pour une fuite. Après localisation du sorceleur, qui était désormais à cheval, elle décida que c’était l’heure. Sa tante, ingénieuse fée du logis avait cousu pour elle deux bretelles symétriques reliant le haut et le bas du sac.
« On peut le mettre sur le dos ! Comme ça regarde c’est plus pratique. On pourra même appeler ça un sac à bretelle ! Ah ah ah » avait déclaré la matrone, fière de sa trouvaille. Un sourire aux lèvres, Violetta mis le sac à bretelle sur son dos et remercia en silence, sa tante pour cette brillante idée. Ainsi que pour tout le reste.
Elle fit de brefs adieux à sa chambre puis tourna la poignée de la porte après s’être assuré que personne ne rodait dans le coin.
Evidemment l’évasion était censé être plus aisée pour elle que pour n’importe qui d’autre. En fermant les yeux elle pouvait savoir qui se trouvait où, en simultané. En ce moment même son oncle se tenait assis à son bureau, sa tante et le cuisinier s’affairaient au fourneau et, à l’arrière de la maison, Demi-Bras était allongé sur une chaise dans une position suggérant un endormissement imminent. Même avec ces précieuses informations en tête, la panique failli s’emparer de Violetta. C’était la première fois qu’elle faisait une chose aussi folle.
Prenant tout son courage à deux mains la jeune femme s’enfonça dans le couloir vide qui traversait la maisonnée. Un divin fumet emplissait les lieux. Un ultime appel à rester qui fut difficile d’ignorer. Proche, sur sa droite elle pouvait apercevoir la porte menant au cellier. Par chance, en ce jour tous les accès du domaine avait été ouvert pour permettre aux visiteurs un tour du propriétaire en bon et due forme. Ironiquement la visite de celui qui aurait dû devenir son fiancé puis son mari et qui la poussait à partir, avait aussi pour conséquence de faciliter sa fuite. La descente vers la grande cave eut été périlleuse si la jeune fille n’avait pas si bien connu l’endroit. Les minces rayons de clarté y pénétrant la guidèrent à travers les étagères de légumes, produits de la ferme et spiritueux en tout genre dont une grande quantité du fameux vin de prune local.
Au fond du cellier, à gauche des dernières bouteilles une petite porte donnait sur un des côtés de la maison où poussaient comme de fiers nourrisseurs, quelques arbres fruitiers. Continuant son chemin vers la sortie, elle ouvrit délicatement le petit battant qui donnait sur l’ersatz de verger. Elle montait doucement les escaliers menant à l’air libre lorsqu’elle entendit un craquement derrière elle. Elle se stoppa net. Ses réflexes lui commandèrent de visualiser les positions de son oncle et de Demi-bras. Aucun des deux n’avait bougé d’un pouce.
Revenu à la réalité, elle regarda le paysage qui l’entourait. Elle sentit le vent fort dans ses cheveux. En regardant bien on pouvait voir une branche cassée au pied d’un poirier.
Fausse alerte ! Elle pouvait respirer…et reprendre sa fuite où elle l’avait laissé, tout en réajustant son serre tête en lin jaune.
Des palissades de taille moyenne délimitaient le terrain du verger à l’entrée de la maison. Avec le temps des arbustes avaient poussé tout le long de ces dernières. Violetta savait que la vétusté, les rongeurs et les renards avaient creusé un trou et abîmé le bois en un endroit bien précis de l’enceinte. Zerca s’était époumoner à ce que quelqu’un répare le clos mais c’était sans compter sur la légendaire fainéantise de ses hommes. Accroupi dans les buissons épars elle trouva très vite la béance, dans laquelle elle se glissa tout en maudissant son généreux tour de poitrine. Utile pour se faire constamment reluquer, beaucoup moins pour se faufiler dans un espace si étroit. Après un intense effort de contorsion elle s’en extirpa non sans déchirer un pan de sa si jolie robe.
Par chance les abords du domaine étaient déserts, chose plutôt normale à l’heure de la pause méridienne. Contrairement à d’autres contrées, ici on arrêtait le travail à la mi-journée pour une petite collation. Toujours en position accroupie et à découvert Violetta accéléra le pas pour longer l’entrée de la demeure.
Elle arriva de l’autre côté du domaine. Désormais dissimulé par les conifères qui constituaient l’autre partie de l’enceinte elle se mit à courir ; À perdre haleine. Les deux mains sur les bretelles de son sac, sa course ne se termina qu’une fois la grange de son oncle en vue.
La fugueuse prit une pause à l’ombre d’un marronnier.
Les deux mains appuyées contre l’épaisse écorce, les joues rougies, elle reprenait son souffle tentant de baisser son rythme cardiaque.
Son regard se posa alors sur un monticule de terre surmontée d’une branche à laquelle était accroché un médaillon.
Choquée, la jeune femme porta la main à sa bouche. Quelqu’un était enterré la ! Mais qui avait bien put commettre une telle offense à Melitele ? Il fallait déguerpir. Et vite. Puisant un peu plus encore dans ses ressources elle vérifia rapidement la position du Sorceleur qui galopait toujours de bon cœur vers le nord. Violetta reprit alors sa fuite, en direction de Kaehl sans demander son reste.
À la faveur d’un effort considérable la jeune fille arriva à un croisement. Son cœur battait la chamade et ses jambes tiraient comme jamais. Les mains sur les cuisses elle reprenait son souffle.
Devant elle se dressait l’entrée de ce qui ressemblait à un grand bois. L’endroit lui était inconnu. Ici la grande piste se divisait en deux chemins plus étroits. À son grand désarroi les routes s’enfonçaient toutes deux dans le lugubre bois que la lumière du jour ne parvenait pas à rendre moins menaçant. La direction prise par le sorceleur l’obligeait à prendre le chemin de gauche. À contre cœur, ce dernier encore battant, elle s’engagea sur le sentier où les fougères dessinaient des ombres ciselés. Violetta eu l’impression de se jeter dans la gueule d’une bête terrifiante.
D’abord hésitante, elle se mit à courir à travers la forêt, initiative facilitée par un chemin dégagé. L’important se dit-elle est de sortir d’ici au plus vite tout en levant les pieds au maximum afin d’éviter les branchages et autres dangereuses racines. Elle atteignit une petite clairière d’où on pouvait apercevoir les derniers grands arbres de plus en plus clairsemés. A la faveur d’une plus grande luminosité, on pouvait en déduire que la sortie était proche.
Revigorée, Violetta se reposa auprès d’un grand arbre dont elle ignorait l’essence. Elle avait une envie folle de s’asseoir, cependant elle savait que c’était une mauvaise idée. Profitant de la courte pause la jeune fille s’employa à établir la position de Kaehl une nouvelle fois. Il cavalait toujours dans la même direction. Au moment de rouvrir les yeux un étrange malaise saisit la jeune fille. Un malaise qui se transforma en terreur lorsqu’elle entendit d’horrifiant grognements, tout proche.
Même une fille comme elle, petite bourgeoise de campagne, connaissait le jappement des loups. Et c’est ce bruit terrible qui venait de la saisir. En ouvrant les yeux elle découvrit un énorme loup hirsute à quelques pas de l’endroit où elle se trouvait. Un peu plus loin derrière la bête se tenait un deuxième animal, plus fluet. Violetta cru en apercevoir un troisième, une silhouette canine se dessinant furtivement dans la végétation. Le carnivore qui lui faisait face grogna de plus belle et découvrait ses babines laissant entrevoir une rangée de dents à faire pâlir le plus solide des chasseurs. La seconde bête, plus petite, restait immobile et fixait intensément la fugueuse.
Transi de peur, Violetta n’osait bouger ne serait-ce qu’un muscle. Son front perlait de sueur froide. Elle sentait le danger mortel lui cisailler les entrailles. Soudain, l’image du sorceleur s’imposa à elle. Les contours de Kaehl chevauchant venaient se superposer à la scène qui se déroulait devant ses yeux. Elle se sentit brusquement très fatiguée, avec la sensation que ses jambes allaient se dérober sous elle à tout moment. L’énorme loup sombre commençait à montrer des signes d’impatience, piétinant nerveusement le sol en une parade mortelle, prélude à une attaque imminente.
Sans crier gare, tout son corps se mit à trembler. La vision de la jeune femme se troubla. Seule la silhouette du Sorceleur se détachait au milieu du flou. Ses pensées s’étiolèrent jusqu’à qu’elle ne puisse plus réfléchir. Il ne lui restait plus que des sensations primitives. Elle tenta de clore ses paupières, en vain. Dans la seconde qui suivit le temps sembla s’arrêter autour d’elle, comme dilaté sous l’effet d’un étrange processus. Le prédateur lui faisant face n’était plus qu’une tâche sombre se mouvant au ralenti. Un voile d’obscurité s’abattit brusquement, l’enveloppant dans ses draps terrifiants. Seules les lignes furtives du sorceleur apparaissaient au loin sur un fond noir abyssal. À peine entendit-elle, en écho, un ultime grognement affamé et un claquement de crocs aiguisés.
Après un moment qui lui sembla interminable, Violetta fut poussée dans le dos par une force incommensurable. Une puissance inouïe la portait, comme un torrent liquide et ferme à la fois qui effaçait chez elle toute volonté. Impuissante, elle se laissa ballotter dans un tunnel obscur où le temps, l’espace, la vie et la mort elle-même semblait avoir été aspirée. Tandis que son corps était transporté vers l’avant sa conscience elle, semblait lui être arrachée. Un écartèlement de tout son être que la jeune femme expérimenta comme étant le seuil de la mort, dans un effort brutal pour ne pas perdre la raison. Bataille qu’elle remporta. De sa victoire résultat un maelström de pensées confuses avant qu’une sensation, bien réelle, la fit revenir à la réalité.
Elle était trempée et ressentait une vive douleur en bas du dos et au niveau de son séant. Sous son postérieur elle pouvait sentir de nombreux petits cailloux de forme ronde et ovale. Elle ouvrit les yeux qu’elle avait réussi à fermer pendant les étranges événements qui avait précédé et fut aveuglé par une lumière éclatante. Elle se trouvait assise dans ce qui ressemblait à un large mais peu profond ruisseau.
L’eau froide lui arrivait à mi-cuisse, le courant lui fouettait le bas ventre. Une sensation glaciale ankylosait ses os. Son audition, sa vue, son odorat. Tout était brouillé. La jeune femme avait un mal fou à retrouver ses esprits.
Des questions s’imposèrent à elle malgré tout. Que s’est-il passé ? Où suis-je ? Mon pouvoir y serait-il pour quelque chose ?
Elle était trop faible pour ne serait-ce qu’oser formuler de quelconques réponses.
Dans un ultime effort, Violetta osa un bref regard sur sa droite où elle crut apercevoir un massif montagneux découpant l’horizon.
Puis elle entendit comme un hennissement sourd.
La jeune femme porta son regard du côté opposé, d’où venait le bruit animal. Ce qu’elle découvrit finit de la stupéfier.
La surplombant et séparé d’elle par un fossé, un cavalier se tenait vaillamment sur un fier destrier, une épée à la main.
Ils se fixèrent pendant un moment, que ni l’un ni l’autre n’aurait su minuter. Elle reconnut finalement l’homme à cheval et réciproquement, si l’on se fiait à l’attitude du cavalier. Était-il plus troublé par l’identité de celle qui venait d’atterrir dans l’eau ou par sa nudité que dévoilait sa robe mouillée ? Très certainement les deux.
Usant de ses dernières forces Violetta rampa dans le lit du ruisseau pour tenter d’atteindre la berge.
« Ka...e...hl... » parvînt-elle à peine à murmurer alors qu’elle s’évanouissait, son adorable visage sur la terre limoneuse, ses jambes diaphanes caressées par l’eau limpide du courant.
Les raies de lumière qui transperçaient les nuages pour la première fois en ce jour, baignaient son corps inerte d’un halo divin.
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Kaehl l’avait regardé, le souffle coupé tandis que Léon piétinait nerveusement. Il avait été pétrifié par l’évènement et avait mis en temps fou à reconnaitre Violeta. Puis il avait assisté à l’évanouissement de la jeune femme sans bouger. Une scène en tout point étrange. Tragique et érotique à la fois. Violeta, dans sa robe devenue transparente, ressemblait à une nymphe endormie. Semblable à celles qui peuplent les compositions des artistes romantiques du Nilfgaard que Kaehl avait pu admirer à une époque désormais lointaine.
Il sortit lentement de sa stupéfaction rassemblant tant bien que mal son esprit et se demanda ce qui avait bien pu se passer. Ses réflexes ne l’avaient pas averti de l’apparition brutale de Violeta en plein milieu du cours d’eau. Dans d’autres circonstances il l’aurait entendu arriver de loin et il ne lui aurait fallu que quelques secondes pour arriver jusqu’à elle. Au lieu de cela il s’était trouvé comme une statue de marbre aux pensées divagantes. Ses facultés étaient-elles si diminuées ? A moins qu’il ne s’agisse d’autre chose...
Ces derniers jours ayant été une succession de surprises et de revers, Kaehl s’attendait maintenant à tout. Quoiqu’il en soit, il ne pouvait la laisser à son triste sort. Il démonta, descendit la berge jusque dans le ruisseau et s’approcha de la jeune fille.
Tout en pataugeant vers elle il se demandait quel tour malicieux quel tour malicieux le Destin lui réservait-il encore.
Arrivé à quelques pas, il ne put s’empêcher de l’admirer et de penser qu’elle était belle.