Un jour à Gensokyo

Chapitre 40 : Loin du froid de décembre

1959 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/05/2020 09:39

Tom monta sur l’embarcadère. Komachi resta là. Elle disait qu’il devait continuer tout droit. Il demanda pourquoi elle ne venait pas. Elle répondit que son travail était uniquement de faire traverser le fleuve et que c’était déjà assez fatiguant comme ça. Elle s’allongea aussitôt dans son bateau. Tom cessa de regarder le rafiot et commença sa longue marche.


Higan. Tom ne voyait qu’un gigantesque jardin de fleurs. Il n’y avait pas d’astres, ni soleil, ni lunes ou étoiles, juste une nuit infinie et sombre. Seul le brouillard émettait une lueur calme et reposante. Les fantômes vagabondaient, attendant leur tour pour se faire juger. L’unique humain en ce lieu marcha durant une longue période. Les alentours n’étaient pas très diversifiés. Les minutes passèrent et sa marche s’éternisa. Son esprit commençait lui-même à n’être plus que de la brume.

Quand il releva la tête, il vit un bâtiment aux dimensions titanesques. Le mot Yamaxanadu était écrit sur une large planche de bois accroché au-dessus de la porte. Des fantômes allaient et venaient. Tom y entra. Il traversa une fente qui servait de porte. Elle mesurait moins de deux mètres de large pour plus d’une dizaine de haut. Le hall était encombré par une foule d’esprits. Quelques-uns avaient une sorte de chapeau et semblaient diriger les autres fantômes. Du hall, partaient dix portes, menant à dix couloirs. Au-dessus de chaque porte, il y avait un écriteau. Komachi lui avait dit de prendre la porte centrale, menant au bureau des affaires. Il prit donc la porte centrale, de gauche, puis traversa un long couloir à peine éclairé. Il marcha durant ce qui lui semblait une éternité. Il se plaignait de douleurs avant d’ouvrir une porte située au bout du long couloir.

Il frappa. Il n’y eu pas de réponse. Il entrouvrit la porte pour y jeter un coup d’œil avant d’entrer. La salle était une sorte de bibliothèque. Les rayonnages montaient jusqu’aux plafonds, si haut qu’ils disparaissaient dans l’obscurité. La pièce était faiblement éclairée. En face de la porte, il y avait une grande cheminée. Devant lui, un majestueux bureau et un fauteuil magnifique donnait du prestige à cette pièce. Le bureau était encombré de paperasse et de documents. Mais un dossier était mis en avant sur ce bureau. Tom s’avança et prit le dossier. Il y lisait «Dossier N°111-894-001RI». Il l’ouvrit et la première page parlait de la réincarnation actuelle d’un esprit en la personne de Tom, celui qui était en train de lire le dossier, son propre dossier.


-Posez ça tout de suite. Lança une personne avec autorité.


Tom referma le dossier et se retourna. La personne qui se tenait devant lui avait les yeux bleus, des cheveux verts qui étaient plus longs sur le côté gauche, elle portait une robe bleu foncé, noire et blanche avec des décorations en or, un ruban sur les deux manches, un chapeau bleu et blanc avec un emblème en or à l'avant et un ruban rouge puis un ruban blanc à l'arrière qui étaient bien centrés. Elle portait un bâton sur lequel était écrit quelque chose. Elle portait aussi des chaussures noires avec un ruban rouge et blanc, et des chaussettes en dentelles. Elle s’avança vers lui. Elle était mécontente mais son expression changea quand il vit le visage de Tom de plus près.


-Vous voilà. Enfin face à moi. En chair et en os, cette fois. Lui dit-elle.

-Vous êtes la Yama ? Demanda-il.

-Oui. Eiki Shiki la Yamaxanadu. Juge des morts de son état, spécialiste dans les affaires traitant de la région de Gensokyo.

-On m’a demandé de venir vous voir.

-Elle vous a enfin mis la main dessus. Je commençais à douter d’elle.

-Elle ? Komachi ?

-Oui. Dites. Ce n’est pas elle qui vous a trouvé ?

-Ben, je me promenais sur le chemin de la liminalité quand je suis tombé sur elle. Elle dormait.

-Je m’en doutais. Je me demande encore si cela sert à quelque chose de la réprimander. Disait-elle en grattant la tête avec son bâton.

-Et moi dans cette affaire ?

-Tu as la réponse dans le dossier que tu tiens. Lança une voix que Tom connaissait bien.

-Yuyuko ?

-Oui. C’est bien moi. Disait-elle pendant qu’elle sortait de derrière un rayonnage.

-La prochaine fois, tu me préviendras avant d’entrer. Lui lança Eiki.

-D’accord. Lui répondit Yuyuko en penchant la tête vers la gauche et en souriant.

-Je ne comprends pas. Dit Tom.

-Tu connais le cycle de la vie, de la mort et de la réincarnation, non ? Lui demanda Eiki.

-Bien sûr que je les connais mais … je ne comprends pas.

-Quand une personne meurt, ou un yokai, son esprit traverse le fleuve Sanzu et se retrouve dans ce lieu, un tribunal. Je suis chargée de juger la personne sur ses actes accomplis. Puis, soit il va en Enfer soit il va au Royaume des Morts où …

-Je me charge de les accueillir dans l’attente d’une possible réincarnation ou dans la préparation pour le paradis.

-Et moi ?

-Toi. Ton esprit a un petit problème. Lui révéla Eiki.

-Un problème ? Lequel ?

-Il remonte à tes origines… et à mon début en tant que Yama.

-Mes… origines ?

-Tom, il y a deux milles ans, un lunarien se suicida. A cette époque, je venais tout juste d’être prit comme Yama et je devais m’occuper des morts venant de la Lune. Un travail assez tranquille. Jusqu’au jour où tu es arrivé. Ou plutôt, ton esprit. Un lunarien s’était suicidé, il devait donc par conséquent aller en Enfer, selon le Code. Cependant, quand j’ai reçu le bâton des remords en lien avec lui, il n’y avait rien. J’ai donc demandé une étude approfondie. On m’a apporté une pile de dossier traité de sa longue vie. Une vie qui lui aurait permis sans problème d’aller au Paradis voir même de se voir édifier un temple en tant qu’être de pur bonté. Je ne pouvais pas l’envoyer en Enfer alors qu’il ne le méritait pas. J’ai donc employé la procédure d’exception. Cela lui a permis d’éviter l’Enfer mais il ne pouvait plus aller au Paradis. Il fut envoyé au Royaume des Morts dans l’attente d’une réincarnation. Le maitre du Royaume des Mort de l’époque m’avait envoyé un message. L’esprit avait une particularité : une tache noirâtre sur le dos. Au début, je n’y avais pas fait attention. Bien plus tard, je fus mutée en Gensokyo. Parmi les fantômes à juger, il y avait un qui avait la tâche noirâtre. A cause de sa mesure d’exception, il ne pouvait pas aller au Paradis. Cependant, je voyais bien que quelque chose clochait. Il subissait une réincarnation incomplète. Son esprit n’était pas totalement nettoyé de ses souvenirs. Une partie restait, de manière indélébile. A chaque passage, je constatais cela. J’avais envoyé des demandes aux autres Yama de m’envoyer leurs observations s’ils avaient ce cas. Toujours la même chose. La réinitialisation de l’esprit était incomplète. Yuyuko traita ma demande. Celle de te garder en observation pendant quelques temps.

-Ce que je fis. J’ai fait des études et des mesures pour savoir ce qui se passait puis je me suis prise d’affection pour lui.

-L’esprit était toujours quelqu’un ayant un bon fond, héritage du lunarien. Je t’avais perdu de vue depuis plus d’une centaine d’année. Je pensais que la situation s’était améliorée … jusqu’à il y a un mois. Yuyuko m’a prévenu qu’elle t’avait retrouvé. J’ai demandé à Komachi de partir à ta recherche, «sans succès». Mais maintenant, te voilà présent dans cette incarnation.

-Pourquoi était-il si urgent de me retrouver ?

-Mesures d’économies. Toutes les mesures d’exceptions doivent être résolues d’ici le prochain cycle de réincarnation de chaque cas. Si on ne change pas ton cas, quand tu mourras, ta mesure d’exception expirera et tu seras jugé. Tu risqueras d’aller en Enfer.

-Pourquoi ? Je n’ai rien fait.

-Je sais mais le Code est impénétrable. La mesure d’exception était prévue pour qu’elle soit résolue en une ou deux réincarnations mais avec toi, elle a duré. Jamais tes réincarnations ne permettaient de racheter ton suicide.

-Que dois-je faire ?

-Vivre une vie pleine de bonté, d’amour. Une vie te permettant un aller-simple pour le Paradis.

-Je commence à comprendre. Mes réincarnations imparfaites. Mes très grandes connaissances. Mes apprentissages accélérés. Je ne les ai pas appris, je m’en suis souvenu. Je connaissais déjà tout cela. Je me suis juste souvenu des connaissances venant de mes vies antérieures. C’est … incroyable, surréaliste. Tom posa le dossier sur la table et s’assit sur le fauteuil. Yuyuko alla le soutenir, alors qu’il était sous état de choc. Eiki ramassa le dossier de Tom et le rangea.

-Tom. Ton passé t’appartient, à toi de décider de ton futur ?

-Quoi ? Répondit Tom en relevant la tête.

-C’est possible que ce soit une épreuve très difficile pour toi. Alors, j’ai prévu ça.

Elle sortit d’une poche une petite boite, elle l’ouvrit et prit deux pilules.

-Tu peux prendre la pilule jaune, elle te tuera, tu n’auras plus besoin d’affronter ton passé, ton présent et ton futur et t’ira directement en Enfer. Si tu prends la pilule verte, tu t’endormiras et tu te réveilleras chez toi et t’affronteras la vie pour éviter l’Enfer.

-J’ai déjà vu ça dans un film. Lui répondit-il.

-Je sais, je l’ai vu aussi. Répondit la Yama.

-Fort bien. Dit-il en choisissant la pilule verte et en exprimant sa préférence pour la couleur verte et en affichant un large sourire

Après avoir pris la pilule verte, il lui demanda comment c’était possible. Elle répondit qu’elle aimait voir des films du Monde Extérieur. Tom sourit à cette réponse. Ses paupières se firent de plus en plus lourdes puis il perdit connaissance.


Quand il reprit connaissance, il était chez lui, dans la cave. Il ouvrit la trappe et sortit. Il s’étira. Cela fit tomber une lettre qui était cachée sous ses vêtements. Il l’a pris et l’ouvrit, c’était une lettre de la Yamaxanadu, Eiki. Il regarda le Soleil couchant, vers l’ouest, en direction de l’Higan. Il dit qu’il y arrivera, que la prochaine fois qu’elle le jugerait, se serait pour l’envoyer au Paradis.

Il se retourna mais la trappe s’était refermée. Il exprima son mécontentement en essayant de la rouvrir. Au loin, Yuyuko demanda à Eiki s’il y arrivera, tout en regardant Tom s’acharner à tenter d’ouvrir la cave. Elle répondit qu’en voyant la scène, elle avait des doutes.

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