La Destiné de la Terre des Illusions (DdlTI)

Chapitre 88

Y aller

         Le bus roulait tranquillement dans la ville vide en direction du mur d'enceinte. Le groupe s’était muré dans le silence, sachant qu'ils ne pourraient plus revenir sur leur pas désormais. Mamizou conduisait le véhicule sans trop de difficulté. Elle pouvait s'estimer heureuse que ses contacts lui aient permis de l’obtenir ce matin même. Le jour était levé mais le soleil ne parvenait pas à traverser l'épaisse couche de poussière qui s'était répandue dans l'atmosphère depuis la nuit dernière. À la radio, le groupe apprit qu'une nouvelle attaque avait eu lieu dans les anciens docks et qu’une grande partie du site avait été réduite en cendres.

Assis juste derrière le poste du conducteur, Tom ne pouvait s'empêcher de réfléchir sur son pressentiment. La nuit dernière, il n’avait cessé de penser à Yukari, notamment lorsqu'il regardait l'épaisse colonne de fumée qu'il pouvait voir depuis sa chambre. Il fut sorti de ses interrogations par Marisa. Elle s'inquiétait pour lui. Depuis le matin même, il n'avait pratiquement pas parlé et son comportement lui semblait étrange. Il se contenta de lui dire que son combat contre Rumia avait été éprouvant. Malgré cette réponse et un léger sourire qu'il tenta d'afficher, cela ne put rassurer la jeune apprentie magicienne. Il repositionna ses lunettes sur son nez puis regarda par la fenêtre du véhicule. Plus loin dans le camion, les autres membres du groupe tentaient de se préparer à ce qu'ils pourraient rencontrer. Ils étaient tous plus ou moins fatigués et blessés mais ils savaient qu'ils ne devaient pas perdre de temps et qu'ils devaient se dépêcher de rattraper et d’arrêter Corruption. Parmi eux, c'était Olivier qui semblait être le plus atteint. Il avait appris que son « maître », Omokumo no Hyuga, était entre la vie et la mort. Il ne pouvait supporter d'avoir laissé celui qui lui avait commencé à apprendre à voler se faire anéantir de la sorte par la Vampire Bathory. Il ne pouvait ni savourer une vengeance, car elle fut anéantie par Sakuya, ni se résoudre à le laisser tomber. L'Humain aux deux revolvers était une personne fière, indépendante, et pour qui, les autres importaient peu. Cependant, il éprouvait toujours des sentiments forts auprès des personnes qui lui étaient attachées. Il ne put s'empêcher de regarder sa voisine, Reisen, qui avait été également son « maître » et qui lui avait appris la base de la magie. Il savait qu'il ne pourrait pas supporter si quelque chose lui arriverait.

Au bout d'un certain temps, et de nombreux détours, ils parvinrent à une porte qui était, fait étrange, ouverte. Un militaire arriva côté conducteur et frappa à la fenêtre. Mamziou l'ouvrit et interrogea le garde. Celui-ci lui répondit que la porte avait été forcée et qu'elle devait rester ouverte le temps que l’électronique soit réparé. Toutefois, en regardant autour d’eux, elle trouva le comportement des autres militaires très suspects. Ils portaient une armure intégrale avec casque et visière, ce qui était davantage le fait des forces d'intervention que des gardiens. Elle avait la certitude qu’ils étaient plus que de simples gardes. Elle lui donna ses papiers mais suite à cela, il exigea une vérification des passagers. Cela l'étonna d'autant plus que son papier lui donnait suffisamment de droit, notamment, celui de franchir sans encombre les portes de la ville. Deux militaires montèrent dans le véhicule et regardèrent rapidement les passagers, comme s'ils étaient à la recherche de quelqu'un. À cet instant, Sanae sentit à son tour que quelque chose n'allait pas, comme Youmu qui se trouvait juste derrière elle et qui en fit part avec la prêtresse. Finalement, l'un des deux hommes, revint sur ses pas et s'arrêta à la première rangée de siège, ceux de Marisa et de Tom. Il tendit son bras ganté vers lui le jeune humain puis le saisit au niveau du col. Sur le coup, le jeune homme commença à se débattre, donnant un violent coup dans la visière, ce qui fit tomber le casque, révélant le visage du soldat se déformer totalement alors qu’il ouvrit une gigantesque gueule béante garnie de nombreuses dents aiguillées comme des rasoirs alors qu'il tirait Tom vers celle-ci.

À cet instant, Tom retomba sur les genoux de Marisa, le bras le saisissant toujours mais coupé du reste du corps. Le membre coupé ne saigna pas et semblait presque pourrit de l'intérieur. À côté du « militaire », se tenait Youmu, le sabre dégainé qui venait de trancher le membre.

– Je le savais ! Ce sont des corps possédés par un esprit maléfique ! C'est une embuscade !

Là, le deuxième soldat dirigea son arme dans le dos de la demi-spectre et visa mais Sanae arriva derrière et posa un sortilège contre la cuirasse qu'il portait. Après quelques convulsions, il s'écroula au sol. Face à Youmu, le soldat dégaina son arme de secours avec le bras restant mais il ne fut pas assez rapide, Youmu venait déjà de l'attaquer. Le coup fut si puissant qu'il trancha le corps déjà mort en deux et brisa le pare-brise dans la foulée. Suite à cela, les quelques autres soldats se mirent à ouvrir le feu sur le véhicule. Mamizou, voyant la situation dégénérée, pressa l’accélérateur, passa la porte ouverte et roula à toute vitesse sur les anciennes routes, laissant sur place les serviteurs de Mima.

Le véhicule roula longtemps mais sa vitesse descendit rapidement après avoir pu fuir l'embuscade. Les membres du groupe furent étonnés de voir que Mima avait utilisé des soldats morts pour qu'ils la servent. Youmu étudia attentivement le bras qui s'était resté accroché à Tom et put affirmer qu'il s'agissait bel et bien d'un esprit maléfique. Étonné par cela, Olivier lui demanda d'où elle savait cela. Elle lui répondit que depuis qu'elle existait, elle les avait beaucoup étudiés car ils ne devaient en aucun cas pénétrer dans le Royaume des Morts et qu'ils devaient rester en Enfers.

Finalement, après de nombreuses interrogations et d'inquiétudes sur ce qu'ils allaient trouver au Mont Fuji, ils arrivèrent au début du sentier Yoshida, complètement à l’abandon depuis longtemps. Ils descendirent du camion et contemplèrent la vue du volcan. Après ces quelques instants de recueillement, ils entreprirent l'ascension.

Cependant, Sakuya se rendit compte que Mamizou avait disparu. Suite à cette étrange nouvelle, des bruits étranges se firent entendre autour d'eux. Le groupe se rassembla et forma un cercle, se collant dos à dos afin d'éviter d'être pris par surprise. Les premières ombres arrivèrent des zones forestières. Là, des dizaines puis des centaines de créatures sortirent du sous-bois. Parmi ceux-ci, il y avait un certain nombre « d’Humains ». Le groupe resserra encore plus les rangs et se prépara à l'affrontement. Cependant, descendant le chemin, plusieurs créatures arrivèrent. Parmi celles-ci, ils reconnurent la cheffe oni, Masaru, accompagnée par deux spectres, un ayant les traits d'un esclavagiste des États du Sud des États-Unis des années 1860, l'autre étant un soldat japonais de la Seconde Guerre mondiale. Face à toutes les menaces qu'ils avaient face à eux, le groupe quitta la formation en cercle et s'aligna face à leur adversaire dont une partie restaient cachées dans le sous-bois, prêt à bondir au moindre geste.

Masaru s'avança vers eux. Elle observa attentivement les combattants qu'elle avait en face d'elle, les jaugeant du regard, du moins, ceux et celles qu'elle n'avait pas encore personnellement affrontée. Elle fut ravie de revoir Tom et Youmu.

– Soyez les bienvenus, je suis heureuse de vous revoir tous ici même, au pied du Mont Fuji.

– Ce n'est pas réciproque, rétorqua Olivier.

– Je m'attendais à plus, de réactions de la part des deux nobles qui sont des vôtres, et non celles d'un pitoyable humain.

– Tu vas voir ce qu'il sait faire ce pitoyable humain ! répondit Olivier en dégainant l'une de ses armes avant de se faire interrompre par Tom.

– Arrête ça ! On va y aller d'une autre manière. Noble oni, nous souhaiterions expressivement, pouvoir avoir accès au sommet de la montagne.

– Tu es loin du compte, Tom. Vous ne monterez pas. Ce que je peux te proposer par contre, c'est de te rendre, cela permettra à tes amis d'éviter une fin affreuse et douloureuse.

– C'est une menace ?

– C'est un conseil d'amie. Je t'aime bien, de même pour la demi-spectre. Je respecte la force, c'est pour cela que j'aimerais vous épargner.

– J'aurais pensé qu'un petit combat t'aurait intéressée.

– En temps normal, oui. Mais aujourd'hui, c'est un grand jour et je suis trop occupée pour m'intéresser à mes loisirs. Désolée Tom, désolé Youmu, mais vous devez me donner votre réponse.

– On refuse !

– C'est donc bien triste... Yokais ! Tuez-les tous, excepté Tom, lui capturez-le vivant. Vous deux, spectres, aidez-les !

Alors que la Oni remonta la pente, les créatures se jetèrent sur le groupe qui dut les affronter, perdant toujours plus de temps, permettant à Corruption de davantage accomplir son plan sur le sommet du Mont Fuji.