La Couronne de la Terre des Illusions (CTI)
Chapitre 15
L'étude de la science
Il faisait nuit dans la Terre des Illusions. Aux pieds de la Montagne Yokais, une ombre se faufila à toute vitesse entre les patrouilles kappas. Guettant la moindre occasion, celle-ci arriva après d’interminables minutes d’inspection, à atteindre un piedmont. Là, il longea la roche, dans l’obscurité la plus totale, à la recherche d’une entrée. Sa recherche fut longue et à de nombreuses reprises, elle devait se cacher de nouveau dans les arbres, en attendant que les patrouilles passent. L’individu continua la recherche d’une ouverture tant bien que mal, et au bout d’une longue durée plongée dans le noir, ses yeux finirent par se poser sur une porte métallique.
À cet instant, la présence savait qu’elle était arrivée à destination. Elle chercha un panneau de contrôle mais le seul qu’il découvrit était en miette et arraché de son support. Constatant que la porte avait été scellée, elle regarda autour d’elle. Les yeux habitués à l’obscurité, elle parvint à distinguer une forme ressortant de la roche un peu plus loin. Elle se rapprocha furtivement et s’envola vers elle, qui se révéla être un conduit d’aération monté à la hâte. La seule protection qui la recouvrait était plusieurs sceaux destinés à neutraliser les Yokais. De quelques gestes de la main, l’ombre les fit s’envoler. Elle déplaça la grille et entra dedans avant de vaguement la replacer. La personne se faufila alors à travers les tuyaux d’aérations étroits et mal entretenus jusqu’à découvrir une nouvelle bouche. La grille de celle-ci était correctement visée à son support mais elle ne résista pas longtemps face à quelques coups de pieds bien placés. Une fois la plaque à terre, l’infiltré sauta au sol et scruta les alentours. La pièce était éclairée par un néon à demi allumé, révélant une salle de laboratoire, comportant ordinateurs, éprouvettes et diverses machines plus étranges les unes que les autres. Dans certains flacons, il put voir des couleurs de liquides biens étranges ainsi que des étiquettes sur lesquelles étaient écrites des noms en latin. Il décida de quitter la pièce sans fenêtre en passant par la porte et le sas qui semblait désactivé, lui permettant d’avancer sans encombre. Il se retrouva dans une grande salle à peine éclairée par quelques autres néons également à demi allumés. Excepté un certain nombre de caisses métalliques, il n’y avait pas grand-chose.
Après avoir inspecté chaque recoin de ce qui était un hangar, il aperçut une lueur bien plus forte venant d’une salle située au fond de la pièce. Il s’y dirigea prudemment avec de jeter un œil par l’entrebâillement de la porte. Les lumières étaient toutes allumées et les ordinateurs présents fonctionnaient à plein régime, leurs ventilateurs vrombissant à un rythme régulier. Il s’aventura alors sans un bruit dans la pièce, passant derrière des palets de bois et des caisses. Il entendit alors un claquement sur le sol métallique. Il resta caché, silencieusement. Du fond de la salle, une seconde porte s’ouvrit et deux personnes entrèrent dans la même pièce que lui.
– Professeure, il faudrait mettre en place le plan de secours. La situation présente devient... dit la première voix, d’une jeune femme inquiète et peu sûre.
– Mais tu sais bien que c’est impossible. Le vaisseau est contrôlé par les Kappas. Je dois trouver un moyen de lutter contre ce qui les a transformés comme ça. Et pour cela, je dois comprendre ce qu’il se passe, répondit la seconde sur un ton plus assurée mais particulièrement préoccupée.
– Vous savez que c’est dangereux de rester ici. La dernière attaque a failli réussir !
– Pas de soucis. On a encore un stock de sceaux. Cela les maintiendra à distance.
– Pour combien de temps ? Et puis, si des Humains nous attaquent ? Cela ne les repoussera pas ! s’emporta la plus jeune, commençant à s’angoisser.
– Tu vas te calmer, oui ?!
– Désolée, professeure…
– Chiyuri, je sais bien que tu t’inquiètes pour moi. Cependant, j’ai un travail à faire. Il s’agit d’un incident grave et même celles qui résolvent ces problèmes ne peuvent s’en occuper. Il faut que je trouve une solution pour les résoudre.
– Qu’est-ce ? demanda l’assistante en entendant un bruit dans la pièce.
À cet instant, l’intrus s’était déplacé, renversant une pile de planches qui tomba avec fracas. Dans un cri, Chiyuri dégaina un étrange pistolet et tira à plusieurs reprises sur les palettes et caisses. La professeure lui ordonna de cesser d’arrêter immédiatement, ce qu’elle fit alors. Elle s’excusa de s’être laissée emportée. Puis, elle reçut une claque à l’arrière de la tête. Elle se la tint, geignant comme une enfant qu’on aurait punie pour une bêtise.
Les palettes étaient réduites à l’état de vulgaires bouts de bois et les caisses étaient en piteuses états. Se croyant repérée, la silhouette sortit. Doucement, des mains levées s’élevèrent. Instantanément, la fille à la gâchette facile les visa. En réaction immédiate, sa supérieure exigea qu’elle ne fasse rien. Lentement, la personne se releva jusqu’à dévoiler sa tête avant de se redresser complètement.
– Votre tête me rappelle quelque chose… marmonna la scientifique.
– C’est un peu normal, on se connaît. Vous allez bien Chiyuri ? Et vous, Yumemi ?
– Mais bien sûr ! Vous êtes l’ami de Tom. Vous étiez l’un des chefs de la résistance face à lui durant son règne.
– C’est bien ça, Olivier Marc.
– Comment êtes-vous entré ?! exigea la femme au costume de marin qui le visait.
– La porte était fermée, je suis passé par les conduits d’aération.
– Olivier, pourquoi êtes-vous présent ici ? lui demanda la professeure toute vêtue de rouge.
– Je suis venu chercher votre aide.
– Pour l’incident ? Que voulez-vous qu’on puisse faire ?
– Je recherche des soutiens qui m’aideront à triompher lors du tournoi afin de récupérer l’objet qui maudit la Terre des Illusions.
– Vous connaissez la source de cet incident ?! Qu’est-il ? Je veux l’étudier !
– Vous devriez vous calmer. Cet objet appartient à une divinité particulièrement néfaste. L’étudier n’est pas une bonne chose. Cependant, on pourrait s’arranger.
– Que voulez-vous dire ?
– C’est toujours valable pour être sujet d’expérience « pas trop dangereuse » ?
– Oui, elle est toujours valable. Et puis… étudier un Humain du Monde extérieur qui contrôle la magie, cela serait très intéressant… Dans ce cas, j’accepte de vous aider ! répondit la professeure enthousiaste, ayant pleine d’idées en tête.
– Merci, Yumemi.
À cet instant, un violent bruit sourd se fit entendre, surprenant les trois personnes présentes dans la pièce. Un second coup, plus fort que le premier se produisit rapidement après. Chiyuri se précipita alors vers la grande salle vide. Elle fut rapidement suivie des deux autres personnes lorsque se produisit un troisième coup, encore plus puissant, provoquant un important bruit métallique. En arrivant dans la pièce, ils découvrirent que la porte blindée de l’entrée venait d’être enfoncée et que des dizaines de kappas étaient en train de pénétrer par l’ouverture qu’ils avaient réalisée. Là, les créatures des eaux les virent et poussèrent un terrible cri de colère. Olivier s’avança vers les eux et dégaina son arme.
– Vous avez une autre sortie ? lui demanda le jeune homme avec insistance.
– Il y a la sortie de secours à l’arrière du bâtiment, lui répondit Yumemi.
– Foncez-y ! Je vous rejoindrai une fois que vous aurez évacué !
Sans en attendre plus, l’assistante de la professeure lui saisit la main et elles coururent vers le fond de la vaste salle, débouchant sur une porte à double battant qu’elles franchirent immédiatement, laissant le jeune homme face à une armée de kappas enragés.
– Vous avez mal choisi votre moment pour les attaquer. Cela va vous coûter cher, affirma le jeune homme sur un ton mi-sérieux mi-ironique.
– C’est plutôt toi qui vas le payer cher… lui répondit une personne qui entra dans la grande salle par la porte enfoncée.
– Nitori ?! répondit Olivier, surpris de la voir.
– Surpris de me voir ? Et pourtant, je t’avais bien dit de ne pas mettre ton nez dans ces affaires. Mais, tu ne m’as pas écoutée. Pauvre humain… Bientôt, la Montagne régnera sur Gensokyo !
– Nitori, ce n’est pas toi qui parles ! C’est ce mal qui vit dans les ruines ! Bats-toi contre cette créature qui te manipule !
– Il n’y a pas manipulation quand il y a consentement.
– Nitori…
– Ton ami Tom avait raison. Il faut unir Gensokyo sous une seule bannière : celle de la Montagne !
– Jamais cela ne se fera !
– Ah oui ? Et qui pourra nous arrêter ? Toi ?! demanda-t-elle sur un ton narquois et supérieur.
– S’il le faut, je le ferai !
– Ah ah ah ah ah ! rit la Kappa dans un éclat de rire avant que de nombreux autres de ses congénères ne fassent de même.
– Je ne te savais aussi sinistre Nitori… répondit Olivier inquiété.
– Tu ne connais pas toute la vérité sur Gensokyo, c’est normal alors. Mais tu la connaîtras bien assez vite. Kappas, saisissez-vous de lui. Ramenez le vivant, peu importe son état.
À cet ordre, une dizaine de créatures des ravines de la montagne, armée de Bō, « taille Kappa », se dirigèrent rapidement vers Olivier. Celui-ci pointa son arme vers eux et pressa la détente. Une vague de danmakus vert fluo fut alors émise de l’arme et percutèrent les Kappas les plus proches de lui. Cependant, en voyant la première ligne vaincue, les suivantes esquivèrent autant que possible les tirs grâce à leur mobilité surhumaine. Malgré cela, ils devaient zigzaguer entre les projectiles, permettant à Olivier de fuir en direction de la porte du fond, celle qui devait donner sur son échappatoire. En l’atteignant, il se prit un projectile dans le dos, lui arrachant un cri de douleur tout en ouvrant avec violence la porte à double battant, pour arriver dans un long couloir faiblement éclairé. Il regarda rapidement autour de lui et vit l’issue du fond, légèrement entrouverte.
Il commença alors à courir, malgré la douleur lancinante. Il n’avait pas encore parcouru la moitié du couloir qu’il entendit l’entrée derrière lui s’ouvrir avec fracas. Il savait très bien qu’il ne pouvait s’arrêter. Il accéléra alors sa course, voyant la porte menant vers l’extérieur de rapprocher de plus en plus. Il enfonça celle-ci, l’épaule en avant. Là, il fut ébloui pendant une seconde par la lumière extérieure. Il se rendit alors compte qu’il chutait, la tête la première. Ses yeux eurent alors à peine le temps de s’habituer à la luminosité qu’il plongea violemment dans un lac.
Aussitôt qu’il le put, il remonta à la surface. Le jeune homme se rendit alors compte que le courant était en train de l’emporter vers une nouvelle chute d’eau. Il nagea le plus vite possible en direction de la rive, malgré sa douleur dans le dos et parvint finalement à l’atteindre, avant que les flots ne soient suffisamment importants pour l’emporter. Il se hissa sur la rive, mort de fatigue. Olivier s’allongea sur le sol et respira avec force, avant de constater une traînée de sang. Il ne lui fallut qu’un instant pour comprendre que c’était sa blessure.
Il resta sans bouger pendant quelques minutes, se concentrant sur sa douleur et essayant de se reposer avant de se relever. Il entendit des bruits de pas qui s’arrêtèrent à quelques mètres de lui. Il ferma les yeux et lentement, posa sa main sur son holster, prêt à dégainer et à se défendre. Cependant, il entendit de nouveau les bruits de pas. Ils étaient lents, bien trop lents pour l’attaquer. Il entendit alors une voix.
– Olivier, tu vas bien ?! Olivier ?!
– Professeure, vous croyez qu’il est mort ?
– Non. Je ne vais pas mourir pour si peu.
– C’est pas si peu, au vu de la blessure, lui répondit Yumemi.
– S’il vous plaît, vous pouvez m’aider à quitter ce lieu ? J’ai affreusement mal, rétorqua Olivier, se plaignant davantage qu’il ne souffrait réellement.
– Chiyuri, aide-moi à le soulever.
Les deux femmes de science aidèrent le jeune homme à se relever et à marcher, s’éloignant toujours plus de la Montagne Yokais qui était devenue un endroit extrêmement dangereux pour quiconque s’y aventurant. Olivier jeta un dernier regard sur ce volcan, espérant parvenir à un jour, à anéantir la source du mal y résidant.