La Couronne de la Terre des Illusions (CTI)
Chapitre 19 : Les confins de la Plaine de Sang
2242 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 07/10/2025 23:21
Chapitre 19
Les confins de la Plaine de Sang
Depuis qu’il avait quitté Meira, trois jours s’étaient écoulés. Trois jours à marcher vers le nord, toujours plus profondément dans la Plaine de Sang. Les vivres commençaient à lui manquer. Il ne savait plus quoi faire. Sa gourde était presque à sec et depuis la veille, il ne vit plus la moindre rivière. Autour de lui, rien ne semblait réel. C’était comme si le monde n’était plus qu’un tableau surréaliste. Il pouvait voir des rochers de la taille d’une maison et de formes parfaitement sphériques flotter dans le ciel, de rares arbres s’élever étrangement vers le ciel avec des racines qui sortaient du sol et qui ressemblaient à des jambes. Il pouvait voir des nuages blancs qui s’étaient écrasés au sol et qui avaient la consistance d’une crêpe, des formes figées qui semblaient fossilisées et qui ressemblaient à d’étranges créatures de quelques mètres de haut avec un court cou et d’innombrables pattes longues et effilés.
Tout ici ne semblait qu’être chaos. Souvent, un élément dans le paysage changeait du tout au tout. Un « rocher-nuage-rond » se transforma en une pyramide inversée avec des couleurs bleu et vert, formant une vague projection de la surface de la terre sur l’ensemble du polyèdre. Parfois, il voyait une stalagmite de terre qui s’élevait à des dizaines de mètres de haut retomber en pluie de pierres.
Soudain, il tomba sur une forme encore plus étrange, vaguement humaine vue de loin. Il s’approcha d’elle et découvrit une créature de trois mètres de haut, le corps intégralement recouvert d’un vêtement fait de sable, seul la face n’était pas cachée par cet étrange habit. Son « visage » était particulièrement étrange, composé uniquement d’une grande bouche dont les dents étaient faites de différentes pierres précieuses. Une fois suffisamment proche, il lui parla. La créature bougea lentement, se penchant vers Olivier. De sous sa coiffe en sable, une sorte de tentacule en forme de trompette sortie et l’extrémité de celle-ci, ressemblant à l’embouchure du même instrument. Hésitant, il n’osa pas parler pendant quelques secondes face à cette créature avant de laisser échapper un bonjour. À cet instant, la bouche figée de la créature commença difficilement à se mouvoir et lui répondit.
– Booonjooour, dit la créature avec une voix proche d’un instrument de musique désaccordé.
– Je m’appelle Olivier, et je suis à la recherche d’un ermite vivant ici, annonça le jeune homme inquiet face à cette créature.
– Je ne m’aaaaappeeelle pas. Je suiiiiis tombééééé sur un chercheeeeeur d’ermiteeee.
– Vous ne pouvez m’aider… commença-t-il avant de voir la créature sortir un bras semblable à un tournevis et de l’enfoncer sous sa tête avant de lentement le faire tourner.
– Vooous êtes perdu, n’est-ce paaas ? demanda la créature tout en continuant de tourner son bras dans sa tête.
– Je le crois… oui. Vous ne savez pas où je pourrais le trouver ?
– La Plaine de Saaaang est vaste. Votre ermiteeee n’est pourtant pas loiiin.
– Vous savez où il se trouve ?! s’exclama l’humain alors que la créature termina de tourner son bras dans sa tête et retira son tournevis.
– Je peux vous indiquer où il est, affirma la créature dont la voix était devenue soudainement mélodieuse.
– Où se trouve-t-il ?
– À la fois très loin d’ici mais en même temps si proche.
– Je ne comprends pas.
– Savez-vous qui suis-je ?
– Non.
– Je suis une vaste étendue plane et un liquide de vie.
– Une vaste étendue… un liquide de... mais cela ne veut rien dire… Plaine… Sang. Je ne comprends pas. La Plaine de Sang ?! Mais qu’est-ce que cela veut dire ! s’impatienta Olivier, essayant de garder son calme.
– Je suis à la fois la Plaine de Sang et à la fois, je ne le suis pas.
– Je ne comprends rien.
– Je ne suis que métaphysique de la Plaine de Sang, parcelle de l’inconscience de cet endroit.
– D’accord… répondit Olivier perplexe.
– Je n’ai aucune existence sur le moindre plan, mortel, spirituel, physique, temporel. Je ne vis qu’à la croisée de tout.
– Mais l’ermite, il se trouve où ?
– Vous voulez le rejoindre ?
– Oui !
À sa réponse, il sentit ses pieds être pris dans le sol devenu sablonneux. Il se débattit pour en sortir mais il vit l’étrange créature fondre en sable qui s’enfonça dans le sol et se dirigea vers Olivier. Les grains commencèrent alors à remonter le long de ses jambes et à le recouvrir. Il se débattit de plus en plus fort afin de s’en sortir mais il se rendit compte que le sol semblait devenir inconsistant et il tomba comme s’il n’existait plus.
Il chuta à la renverse pendant quelques minutes où il fut plongé dans des ténèbres étranges où il pouvait entendre des milliers de sons très différents les uns des autres. À la fin, il fut rejeté hors d’un trou et se retrouva allongé sur le dos dans une mer de sable en mouvement comme s’il s’agissait d’un liquide. Il se releva mais eut beaucoup de mal à tenir debout et encore plus à marcher. Au bout de quelques pas hasardeux, il regarda autour de lui. Le sable s’étendait jusqu’à ce qui ressemblait vaguement l’horizon, le sable semblant monter dans le ciel.
Mais là, une forme fantomatique sortit du sol et se mit à se déplacer lentement vers lui. Cette chose était sombre et il était impossible à discerner le moindre trait distinct. Intrigué et méfiant, il marcha vers le « fantôme », l’arme en main et prêt à ouvrir le feu. Cependant, il entendit un léger bruit derrière lui. Il se retourna brusquement, visant dans la direction de son regard. Il fut surpris de voir une autre créature fantomatique se diriger vers lui, là où avant, il n’y avait rien. Il entendit alors de plus en plus ces drôles de bruits émis par ces créatures qui apparurent tout autour de lui. Il pouvait en compter au final une bonne dizaine qui marchèrent toutes vers lui. En se déplaçant vers lui, il pouvait voir que ces êtres se déformaient à un rythme aléatoire, parfois avançant d’un pas supplémentaire avant de reculer d’autant de pas par rapport au déplacement initial. Il se comparait cela à des temps de latences dans les connections internet lorsqu’il vivait encore dans le Monde extérieur.
Face à ces créatures étranges, il pressa la détente de son revolver. L’orbe bleu quitta le canon de son arme à toute vitesse et traversa le « fantôme » de part en part. Cependant, la créature continua d’avancer comme si rien ne s’était passé. Olivier tira alors de nouveau sur elle à plusieurs reprises. À chaque fois, les orbes magiques traversèrent la créature sans même qu’elle ne bronche. Il se décida alors à fuir. Il se concentra et tenta de prendre son envol mais il resta les pieds fixés dans le sol. Voyant qu’il n’arrivait à s’envoler et que les attaques furent inefficaces contre ces créatures, il commença à paniquer, réfléchissant à toute vitesse afin de s’en sortir.
Alors que les créatures se rapprochèrent, il tenta de se protéger en se recroquevillant sur lui-même. Alors que les choses autour de lui ne formaient plus qu’une masse unique le surplombant, elles partirent en poussière. Ces grains s’envolèrent et se dirigèrent alors vers le sommet d’une dune. Au sommet de celle-ci, les grains se mirent à tournoyer surplace, étonnant le jeune homme qui venait juste de se relever. Il ne comprit pas la raison des actions menées par ces créatures bien étranges. Il pensait avoir été attaqué par elles mais au final, il se rendit compte qu’elles poursuivaient un autre but. Il décida donc de monter cette dune qui semblait jamais s’arrêter. Plus les pas se succédèrent, plus Olivier eut du mal à avancer. Il avait comme l’impression que plus il montait, plus son poids augmentait et plus la pente devenait forte. Il se disait que plus rien n’avait de sens ici.
Après de nombreuses longues minutes, il parvint enfin au sommet de cette dune. De là, il pouvait voir une étendue infinie de désert. Il s’interrogea sur sa localisation, se demandant même s’il était encore dans la Terre des Illusions. A ce moment-là, le nuage de sable tournoyant s’envola loin de la dune. Au loin, il vit une gigantesque tour qui semblait presque soutenir le ciel, ciel qu’Olivier venait tout juste de remarquer. Son regard se figea en voyant ce spectacle incroyable. Le firmament n’était pas celui qu’il avait l’habitude de voir, c’était presque un tableau animé sur lequel il pouvait voir de nombreuses planètes excessivement proches ainsi qu’un gigantesque trou noir au fond du ciel. Les planètes qu’il voyait étaient gigantesques et ne correspondaient absolument pas à celle du système solaire. Il vit une planète gazeuse à la robe écarlate, une planète solide recouverte d’un océan d’un bleu nuit intense ainsi qu’une lune forestière.
Une fois son regard habitué à la beauté du ciel et à son caractère imposant, il se décida d’aller vers la tour, seul endroit où il pourrait espérer trouver un moyen de s’en sortir.
Il marcha de longues heures avant d’arriver au pied de la tour. Durant sa marche, il constata que l’océan de sable était en perpétuel mouvement, se déplaçant comme s’il s’agissait d’un véritable océan liquide. Durant les heures qu’il passa à avancer, il vit le ciel changer d’aspect, les astres tournant très rapidement autour du trou noir et laissant la place à d’autres planètes dans le ciel. Plus il se rapprochait de la tour, plus il pouvait en voir son gigantisme et au pied de celle-ci, le sommet se confondait avec les cieux.
Il entra alors dans la structure dont il se disait qu’en faire le tour lui prendre beaucoup trop de temps. Il vit alors un gigantesque escalier en colimaçon dont une partie descendait, alors que l’autre montait vers ce qui semblait être un étage dont il voyait à peine le plafond. Il monta l’escalier aux marches larges pendant des très longues minutes avant d’arriver au niveau supérieur. Il n’y trouva pas grand-chose et continua son ascension, passant les étages vides.
Au bout de quelques heures, éreinté par ce qu’il avait vécu, il but la dernière gorgée d’eau qu’il avait et s’assit dans les marches. Il se sentait perdu, désespéré. Il ne savait même pas s’il allait survivre à cet enfer. Par les minces meurtrières qui couraient tout autour de la tour, il pouvait apercevoir les lumières dégagées par les astres inconnus. Il finit alors par fermer les yeux et trouva la quiétude dans le sommeil.
Quand il se réveilla, il était installé dans un lit de camp situé dans un étage. Il regarda autour de lui et vit que la pièce semblait avoir été aménagée et habitée. Il se releva d’un coup, prit ses affaires qui furent posées à côté de lui. Il regarda autour de lui et monta l’escalier, espérant trouver quelqu’un au sommet de cette tour, la personne qui l’avait porté jusqu’ici.
Après un dernier étage, il arriva enfin au sommet de la tour. Il resta sans voix en voyant ce spectacle autour de lui. La tour montait si haut dans les cieux que le sommet se trouvait au même niveau que les astres tournant autour du trou noir. Il regarda autour de lui, il ne vit pas de distinction nette entre le vide spatial et les rebords de la tour. Partant de cette observation, il marcha à tâtons. Il vit alors une personne se tenant là, observant le cosmos. Il était de dos et portait une grande cape marron sombre surmontée d’un capuchon avec une tête de loup blanc vue de face dessus teinte dans le dos de la pèlerine. Olivier marcha lentement vers la personne qui tendit alors le bras vers une pierre située à côté de lui et servant de table sur laquelle était posé un masque en émeraude. Il le prit et le posa sur son visage. L’étrange individu resta quelques secondes encore de dos alors qu’Olivier avança de moins en moins vite. La personne se retourna alors vers Olivier qui s’arrêta net. La personne encapuchonnée leva la tête dont le visage était masqué. Olivier tendit légèrement le bras vers lui et ne put ouvrir la bouche.