La Couronne de la Terre des Illusions (CTI)
Chapitre 20
L'ermite de la tour
Ils se faisaient face, au sommet de la tour. Autour d’eux, les planètes semblaient ralentir leurs mouvements et leurs rotations, comme si elles attendaient le dénouement de cette rencontre. Le silence et l’immobilisme régnaient en maître en ce lieu perdu dans le temps et l’espace. Alors qu’Olivier tendit légèrement le bras vers cet homme, jugeant celui-ci, l’inspectant des yeux à la tête et se doutait bien que celui-ci faisait de même. Malgré sa joie de penser qu’il était enfin en présence de cet ermite qu’il recherchait tant, il ne pouvait plus rien dire. Il avait comme l’impression que le regard, dissimulé par ce masque en émeraude, le paralysait. Mais redoublant de courage et d’ardeur, il posa un pied après l’autre vers cette personne. Après quelques pas, l’homme leva le bras dans sa direction. Olivier se stoppa net, ignorant s’il l’avait fait volontairement ou si c’était de la volonté de cette personne. Il attendit quelques secondes avant que l’homme masqué ne s’adressât à lui.
– Pour quelle raison es-tu venu jusqu’ici ?
Face à cette voix à la tonalité forte étrange, Olivier balbutia.
– Je suis venu… je suis venu trouver un ermite…
Il fallut quelques secondes avant que son interlocuteur ne réponde à la déclaration du jeune homme.
– Eh bien, tu as trouvé un ermite.
– Est-ce que l’on peut alors discuter tranquillement ? demanda l’humain d’un ton toujours aussi hésitant.
– Ici, il n’y a personne qui pourra nous déranger, répondit-il en écartant les bras.
N’appréciant guère le ton légèrement moqueur de l’ermite qu’il venait de prendre, Olivier décida qu’il allait répliquer. Il s’avança d’un pas supplémentaire, et emplit de force, s’exprima envers la personne en face de lui.
– Je suis venu chercher votre aide ! Vous devez participer à un tournoi, et le gagner, le gagner à tout prix ! Obtenir la victoire nous permettra de remporter le prix, un artefact maudit qui est en train de détruire notre terre. Il faut gagner afin de pouvoir l’anéantir pour de sauver Gensokyo !
Alors qu’Olivier, essoufflé, respira avec force, son interlocuteur se gratta longuement le menton imberbe. Finalement, il cessa soudainement. Il lui tourna le dos puis se dirigea vers une sorte de balcon qui surplombait le cosmos et qu’Olivier ne se souvenait pas d’avoir vu en arrivant au sommet de la tour. Après quelques pas, l’ermite s’arrêta, leva le bras et d’un geste, lui fit comprendre qu’il devait le suivre. Sans répondre, Olivier marcha d’un pas rapide et le rejoignit. Ils se retrouvèrent alors sur une sorte de balcon dont la matière semblait indéterminée et soutenue par rien. Il surplombait les cieux, offrant un vaste panorama de ce qui pouvait ressembler à un univers étriqué. Après avoir été hypnotisé par le spectacle céleste, il regarda la danse terrestre. En bas, il pouvait voir le désert à perte de vue en constant changement, aussi agile que les eaux des océans, dégageant par moment des ruines enterrées avant de les recouvrir à nouveau. Ce spectacle fut interrompu quand l’ermite lui parla, redressant alors son regard vers cet homme.
– C’est un endroit bien étrange, n’est-ce pas ? Un lieu où les lieux perdus et oubliés se retrouvent, à la jonction du passé, du présent et du futur, ainsi que de l’espace et du temps, comme s’ils savaient où étaient leur place après leur vie. Regarde cette tour sur laquelle on se trouve. Tu as dû la trouver particulièrement mystérieuse. La réalité l’est bien plus. Cette tour est bien plus grande que tu ne le penses. Moins d’un neuvième de la tour dépasse du sol, et pourtant, elle monte jusque dans les cieux, pour descendre au plus profond des Enfers. Du moins, quand elle se trouvait encore sur notre plan d’existence. Cette tour a été créée par les dieux, afin de soutenir les cieux, de tenir les Enfers et de stabiliser le monde. Mais cela fait bien longtemps que son usage a été perdu. Cette structure a inspiré les mythes et légendes, toutes inspirées de réalités. Ainsi, cette tour est l’inspiration de celle de Babel. Tu vois, ce lieu, il est idéal pour moi. Je suis comme cette tour, usé par mon existence. J’ignore depuis combien de temps je vis mais j’ai servi les dieux mais comme cette tour, quand ils n’ont eu plus besoin de moi, ils se sont débarrassés de nous. Je suppose que tu vois le trou noir au fond de l’espace. On peut dire qu’il s’agit de la porte menant au Néant, un univers de destruction des autres univers. Ici, nous sommes entre les univers, là où l’espace, le temps, la logique, les lois fondamentales, la magie, n’ont plus cours.
– Je ne comprends pas où vous voulez en venir. Mais je ne compte pas repartir sans vous ! répliqua Olivier, n’ayant aucune appétence pour les mystères métaphysiques.
– Je ne compte pas t’accompagner.
– Vous n’êtes qu’un lâche ! lâcha Olivier, en colère contre l’ermite.
Ce cri de délivrance sembla presque figer le temps autour d’eux. L’ermite se retourna lentement vers lui puis baissa la tête, décontenançant celui-ci.
– J’ai une question à te poser, jeune homme. Tu ne crois pas que le vrai lâche n’est pas plutôt toi ? Toi qui es venu chercher quelqu’un pour te battre à ta place ? Toi qui refuses d’affronter tes adversaires et sauver par toi-même la Terre des Illusions ? questionna-t-il avec un ton de plus en plus pesant et inquisiteur alors que le timbre de sa voix restait sensiblement la même.
– Si j’étais assez fort, je ne serais pas venu jusqu’ici me perdre pour vous trouver ! Vous êtes un ermite, vous devez faire de bonnes actions et sauver Gensokyo en est une ! répliqua Olivier qui ne comptait pas se laisser impressionner, lui qui, malgré sa puissance réduite, avait affronté de nombreux et puissants adversaires.
– Je ne suis pas un bon ermite. Je suis un être maudit. Conçu mortel par les dieux pour être leur pantin et réaliser leurs désirs sur Terre. Mais une fois mes missions accomplies, ils m’ont abandonné ici, me faisant bien comprendre que je les avais déçus et que je devrais attendre ici à jamais.
– Il faut me suivre. En gagnant contre le mal en Gensokyo, vous retrouvez grâce aux yeux des dieux. Ils sont en partis responsables de l’existence de ce monde et vous voir le sauver ne pourra que vous donniez du crédit à leurs yeux !
– Et si tu ne penses pas pouvoir vaincre ce qui menace ton monde, comment peux-tu espérer me convaincre de te suivre pour les affronter ?
– C’est quoi ce raisonnement ?! Je viens vous chercher car je ne peux les affronter ! répondit le jeune homme à la chevelure blond, alors que sa patience commençait à le lâcher.
– Dans ce cas… tu ne pourras me convaincre. Cependant, tu peux essayer toujours de me vaincre pour que je te suive. Je te propose un marché. Si tu parviens à me toucher, avec une attaque ou un coup, un seul coup suffira, je te suivrai. Marché conclu ?
– Je suppose que je n’ai pas le choix… répondit Olivier en se méfiant de cette offre, se doutant qu’une phrase comme cela signifiait que l’ermite devait être puissant, comme on lui avait renseigné.
Sans prévenir, et afin de prendre le moins de risque possible, il dégaina son revolver à la vitesse de l’éclair, attachant au même moment une carte de sort sur le canon, s’écriant le nom de celle-ci, Signe du Revolver « Duel », et pressa la gâchette. Cependant, l’attaque fut un échec à cet instant même. Au moment d’ouvrir le feu, il n’y avait plus personne devant lui. Surpris par la disparition soudaine de l’ermite, il ne le sentit pas lui parler dans le dos.
– Ce n’est pas par la vitesse qu’on gagne un combat.
Olivier relâcha la gâchette de l’arme et un puissant projectile s’envola dans le cosmos. Il se retourna, abasourdit par le déplacement incroyablement rapide de l’ermite.
– Tu n’es pas encore prêt pour te battre contre moi. Tu dois d’abord comprendre comment gagner contre moi. Une fois cela assimilé, tu pourras essayer de me vaincre. Et si tu parviens à me toucher, je te suivrai.
L’ermite se retourna et marcha lentement vers l’escalier de la tour. Fou de rage, il pointa son revolver vers l’homme s’éloignant et tira dessus à plusieurs reprises. La cible bascula légèrement le regard vers lui. Alors que le premier projectile allait l’atteindre, il se déplaça si rapidement qu’Olivier eut l’impression qu’il s’était téléporté. Il entendit alors comme un léger bang sonique.
Cependant, Olivier, redoublant sa colère, tira encore à plusieurs reprises contre l’ermite qui semblait se téléporter à chaque esquive, se rapprochant à chaque fois du jeune homme. Soudain, celui-ci se rendit compte qu’il n’avait plus son arme en main. Face à lui, il y avait l’ermite, l’arme à feu en main et le canon de celle-ci contre le front d’Olivier. Sans hésiter, le jeune humain impétueux donna un puissant et rapide coup de poing au niveau des côtes de son adversaire. Mais juste avant que le coup n’atteigne sa cible, l’ermite s’était téléporté dans son dos. Il retenta un nouveau coup avec son coude de l’autre bras. Juste avant l’impact, il se téléporta de nouveau. En s’attendant à cette esquive, il frappa devant lui. Son coup ne toucha personne et il manqua de trébucher. Une fois solidement ancré sur ses deux pieds, il se prit un puissant coup dans le flanc droit. Une onde de choc lui traversa le corps jusqu’au flanc gauche et l’énergie restant se dégageant avec force dans les airs, provoquant un puissant souffle. Il s’effondra à genoux, le visage crispé par la douleur. Malgré ses yeux grands ouverts, il ne pouvait plus rien voir. Malgré sa concentration, il ne pouvait plus rien entendre. Il eut comme l’impression de basculer en arrière.
Après quelques instants d’un état de paralysie total, il reprit le contrôle de son corps. Il était allongé sur le sol du toit de la tour, voyant l’ermite s’éloigner vers les marches. Olivier se releva difficilement et put voir son arme devant lui. Il s’empressa de la récupérer et la rangea dans son holster avant de se rallonger au sol, respirant avec difficulté et en détendant son corps endolorit. Il voyait bien que pour toucher cet ermite, il faudrait qu’il s’entraîne et qu’il prouve la parade à sa puissance extraordinaire.