La Couronne de la Terre des Illusions (CTI)

Chapitre 23 : Philomagie

2428 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/10/2025 22:00

Chapitre 23

Philomagie

 

Après de trop nombreuses heures, de ce qui pouvait correspondre à une « journée », la « nuit » lui succéda. Après un repos bien mérité, il se retrouva le lendemain matin au sommet de la tour, sur cet espace où le sol de pierre se mêlait au cosmos lui-même. Au rebord de ce qui constituait l’univers, il s’était assis en tailleur, les yeux fermés et méditait. Chaque fibre de son être inspirait à ressentir l’intégralité de la magie qui le constituait et qui l’entourait. Il essaya de comprendre la manière dont l’ermite avait réussi à absorber le projectile qu’il lui avait projeté. Dans le même temps, il pensait à l’entièreté des phrases que celui-ci avait pu lui dire jusqu’ici. Il sentait bien que l’ermite voulait l’aider mais qu’il ne pouvait pas. Il pensa aux vagues moments où celui-ci avait parlé de son passé. Le méditant se demandait si l’habitant de ces terres désolées avait aussi peur de la fureur des dieux s’il venait à quitter les lieux de son bannissement. Malgré sa méditation, son esprit resta encombré par des pensées bien trop nombreuses, et par son agitation naturelle, lui parasitant sa vision de la magie.

Soudain, il entendit un bruit, puis une voix, des paroles, celles de l’ermite. Sans ouvrir les yeux et en bronchant à peine, il lui répondit.

 

– Je suis en train de méditer, comme vous le faites habituellement ici, afin de mieux comprendre ce que vous me dites depuis le début.

– Et alors ? Tu comprends mieux la nature de la magie ?

– Non. Je pense à trop de choses. J’ai trop de questions en tête pour parvenir à me vider entièrement la tête…

 

Sans l’avoir entendu venir, il sentit la main de celui-ci se poser sur son épaule. Il affichait un sourire satisfait en regardant le jeune homme si concentré sur sa méditation, et ce, malgré sa difficulté pour pénétrer plus en profondeur dans celle-ci.

 

– Olivier, décrit-moi la magie.

– Quoi ? répondit-il l’air interloqué en tournant légèrement le buste vers l’ermite sans rouvrir les yeux.

– Juste, décrit ce qu’est la magie, demanda-t-il, laissant le jeune homme réfléchir quelques instants.

– La magie est une énergie, une puissance, une force qui existe à travers chaque être vivant, du plus petit des insectes aux plus grands des arbres, pouvant même pénétrer l’inanimé, lui donnant des pouvoirs, voire, la vie. Il s’agit d’une force fondamentale.

– C’est ce qu’est la magie. Je te demande de me la décrire, de la décrire comment tu la vois.

– Sa forme la plus visible, c’est celle qu’on utilise, comme par exemple, pour les danmakus.

– Il s’agit d’un usage de la magie qui prend forme et qui est altérée pour un usage. Je te parle de la magie pure, celle qui est présente dans les êtres et dans le monde nous entourant.

– Je… je ne sais pas comment la décrire…

– Dans ce cas, dessine-moi la magie, demanda-t-il, interloquant le jeune homme à l’allure vaguement d’aventurier.

– Je ne comprends pas ce que cela veut dire. Comment je pourrais dessiner la magie alors que je ne peux même pas décrire comment elle est.

– On ne connaît pas quelque chose en la démontrant ou en l’expliquant. Il s’agit d’avoir accès à la vision de cette chose.

– Mais qu’est-ce que cela veut dire ?

– N’explique pas ce qu’est la magie, vois-la tout simplement.

 

Après quelques secondes d’hésitation, Olivier se repositionna le mieux possible en tailleur puis inspira lentement, pendant de nombreuses secondes. Il bloqua alors sa respiration puis tendit le bras droit. Il expira encore plus lentement encore alors qu’il se concentrait davantage. Il ouvrit délicatement sa main, la paume en direction de l’infini. Il inspira toujours plus lentement. Ses pensées entières furent tournées vers l’intérieur de lui, vers la magie en lui. Son expiration fut inlassablement plus lente. Il sentit un léger picotement dans les doigts mais garda son calme et inspira avec encore plus de pesanteur. Sa paume forma alors, très lentement, une orbe qui enfla graduellement, à chaque inspiration. L’objet était d’une couleur étrange, semblant à la fois être bleu et blanc. Elle ressemblait à une orbe liquide semi-transparente, sa surface ondulante à la moindre vibration. L’ermite sentit très bien la grande puissance magique émanée de cette sphère. Il comprit qu’il s’agissait exactement de ce qu’il avait demandé à Olivier. Inspiration après inspiration, l’objet finit par avoir la taille d’un ballon de hand-ball. L’ermite le félicita sans pour autant le distraire de sa concentration avant de lui demander de décrire l’objet qu’il tenait dans la paume de sa main.

 

– C’est difficile… c’est informe, c’est mouvant.

– Tu vois mal la magie car tu es trop brutal. Ton caractère, ton tempérament violent et brutal t’empêchent de bien voir sa véritable nature. Ne te concentre pas sur ta vue. On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.

 

Il se détendit, relâcha ses muscles les uns après les autres avant que ne suive à son tour son attention. Progressivement, l’objet lui parut de plus en plus net dans son esprit. Il voyait la forme de l’objet mais plus encore, il y voyait sa puissance, une puissance qui semblait même être supérieure à celle de l’univers entier. Impressionné par ce qu’il ressentait, il le dit à l’ermite. Celui-ci posa alors sa main sur l’épaule d’Olivier, le faisant revenir à lui. Il ouvrit les yeux. Se faisant, l’orbe disparut dans laisser la moindre trace.

 

– Tu as fait un grand un pas, un pas supplémentaire pour devenir bien meilleur, meilleur même que les Yokais puissants ou les magiciens. Tu as vu le cœur même de la magie, son essence. La magie circule dans chaque être, comme tu le sais déjà. Cependant, elle s’écoule à travers l’essence de chaque être. Il s’agit presque de canaux par lesquels la magie circule. L’essence d’une créature fonctionne ordinairement avec le type de magie qu’il utilise habituellement ou qu’il côtoie le plus et ses canaux s’y creusent pour laisser passer cette magie en particulier le mieux possible. Cependant, chaque être peut, par lui-même, adapter ces canaux dans son être. Il peut ainsi conduire la magie à passer autrement dans son être, voire, à utiliser plusieurs types de magie via différents canaux. Ces magies peuvent même être opposées entre elles sans pour autant faire subir des dégâts à l’intérieur de son être. En parvenant à conduire plusieurs réseaux de magies différents en même temps, tu seras capable d’utiliser ces magies mais également de maximiser l’efficacité de chacune d’elles.

– Mais, les différents types de magie, comme celle des éléments ou d’autres, elles viennent de nous, non ?

– Effectivement. Dans chaque être, la magie pure circule. Cependant, chez les êtres dotés de capacités magiques, autant innées, comme chez les Yokais, qu’acquis, chez les Humains, l’essence transforme la magie, la polarisant et change ce qu’elle est. Ainsi, en passant dans le corps d’une créature dotée d’une faculté magique de feu, la magie pure se polarise en magie de feu. Cependant, quand elle quitte ce corps, elle retrouve son état initial.

– Et ce changement de polarité magique s’effectue dans les canaux de l’essence d’un être sensible à la magie ?

– C’est bien ça. De plus, les canaux, comme je te l’ai dit, peuvent être manipulés par l’être. C’est extrêmement difficile d’y parvenir mais c’est loin d’être impossible. En contrôlant intégralement ton être, tu peux modifier ton essence, et au cœur de ton essence, les canaux par lesquels la magie circule en toi. Tu peux changer la nature même de la polarité de la magie, faisant devenir magie de feu en magie de foudre, rediriger les canaux pour créer de nouveaux effets et même, comme je te l’ai dit, dédier des types de magies différentes à travers différents canaux et cela dans une seule et même essence.

– C’est extrêmement compliqué tout ça. C’est même très théorique et je ne vois pas comment cela pourra m’aider à progresser, rétorqua Olivier, un peu perdu et perplexe face à ces explications.

– En connaissant le mécanisme du fonctionnement de la magie, tu peux mieux l’appréhender dans ta pratique. Avant que tu ne saches cela, tu n’aurais jamais pu essayer de transformer ton essence afin de l’utiliser autrement ou même de le perfectionner davantage.

– Effectivement.

 

Le silence se posa de nouveau sur le sommet de la tour où l’intense échange avait eu lieu. L’ermite marcha vers le cosmos et s’arrêta sur l’espace où le sol et les cieux se mêlèrent. Il regarda l’univers. Olivier se leva et s’avança, hésitant vers lui. Pas après pas, il acquit confiance et marcha progressivement d’un pas de plus en plus certain jusqu’à arriver juste derrière cet homme qui faisait sensiblement la même taille que lui. Il regarda le dos de celui-ci, vit un très léger vent faire légèrement bouger sa cape marron sur laquelle se trouvait une tête de loup blanc. Depuis qu’il l’avait rencontré, il s’était toujours demandé la signification de ce motif sur sa pèlerine, ainsi que de la raison pour laquelle il cachait son visage. L’ermite sentit la soudaine perplexité d’Olivier et tourna légèrement la tête et le vit du coin de l’œil avant de lui parler.

 

« Tu ne trouves pas cela étrange qu’il ait du vent alors qu’on est dans le cosmos ? »

 

Cette question aussi étrange surprit le jeune homme qui bafouilla en essayant de trouver une raison logique.

 

– Donne une hypothèse au moins.

– On est dans le cosmos. Il n’y a pas de vent ici.

– C’est exact. Alors ?

– Si tu me poses cette question, c’est que cela a rapport avec la magie.

– C’est exact.

– Tu peux préciser ?

– Nous sommes à la frontière de Tout. Et plus on se rapproche de ce centre, plus Tout converge. La magie forme alors un flux, et cela peut donner l’impression qu’il ait du vent ici. C’est une remarquable manifestation physique de la magie.

– D’ailleurs, en parlant de vent. Votre cape…

– La tête de loup blanc ? C’est pour cela que tu es perplexe ?

– Oui.

– C’est un symbole, fort important pour moi. Une louve-blanche m’a un jour sauvé. C’était juste avant que je ne doive m’exiler ici même. En souvenir d’elle, j’ai réalisé ce motif.

– Et je voulais aussi savoir… pour le masque.

– Tu poses beaucoup de questions sur moi. Tu sais bien que je ne parle pas de moi. Sache juste qu’en étant exilé ici, j’ai perdu mon identité. C’est la raison pour laquelle je porte ce masque. Je ne suis que l’objet entre les mains des dieux et non un être humain. De ce fait, je n’ai pas besoin d’identité. Je ne suis, n’ai été, qu’une fonction.

– Vous auriez dû vous révolter contre ça ! s’emporta Olivier.

 

L’ermite ne sembla guère surpris par la réaction du jeune homme. Il se retourna et vit un sourire exprimant à la fois l’incompréhension et la colère. Après ces quelques secondes de silence et voyant le peu de réaction de l’homme sans identité, Olivier leva encore la voix.

 

– Vous n’étiez qu’un simple objet pour les dieux mais ils ne vous définissaient pas ! C’était à vous de vous définir comme Humain ! Je ne peux comprendre pourquoi vous vous êtes soumis comme ça.

– J’ai été créé par leur volonté. J’avais une mission. Je l’ai réalisée. Le peu de temps que j’ai passé sur Terre a été pour moi un grand bonheur. J’avais tout ce qu’un homme pouvait vouloir. Mais ma place n’était pas auprès des Hommes. Ma place était ici. En attendant qu’un jour, les dieux aient de nouveau besoin de moi.

– Je crois que les dieux vous ont oublié. Alors, oubliez-les et quittez ce lieu !

– C’est une nouvelle manière de me convaincre de t’accompagner, n’est-ce pas ?

– Je n’y avais pas pensé…

– Ne t’inquiète pas. Quand tu auras réussi à me toucher, je t’accompagnerai.

– Je ne connais toujours pas ton nom. J’aimerais bien le savoir.

– Je te l’ai dit, je n’ai pas d’identité. Appelle-moi comme tu voudras, cela m’importera peu.

– D’accord. Je voudrais te demander quand je pourrais t’affronter dans un combat loyal ?

– Ah ? Je ne m’attendais pas à cette demande. Tu as décidé d’arrêter de m’attaquer en traître ?

– Je sais maintenant que ce n’est pas de cette manière que je vais vous atteindre. Alors, je me dis que je dois vous affronter de face. Je pense m’être assez entraîné pour au moins ne pas être trop à la ramasse par rapport à vous.

– Ah oui ? Et combien de temps tu t’es entraîné ?

– Je l’ignore pour tout dire… le temps est si bizarre ici.

– Tu t’es entraîné durant des jours et des jours, alors qu’en Terre des Illusions, justes quelques heures se sont écoulés depuis ton arrivé ici.

– Je me sens prêt quand même à essayer !

– Quelle assurance. Dans ce cas, Olivier, repose-toi bien. Demain, on pourra s’affronter. Si tu me touches juste une seule fois, je t’accompagnerai pour Gensokyo.


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