La Couronne de la Terre des Illusions (CTI)

Chapitre 34

Entre défaite et victoire

Le public arriva lentement, montant tranquillement dans les gradins. Par rapport aux combats précédents, celui-ci n’attirait guère les foules. Aucune des deux adversaires, autant Meira que Gengetsu, n’étaient véritablement connues dans la Terre des Illusions.

Olivier, Rika et l’Ermite prirent place et attendirent le début du combat. Tout était très calme sur la Colline sans Nom. Les Kappas étaient, pour une partie, en train de dormir à l’ombre des gradins ; alors que ceux-ci, même quelques minutes avant le début du combat, demeuraient toujours très vides. Le jeune homme, par ennui, vint à questionner l’homme masqué sur la nature de Gengetsu. Il inspira profondément, avant de lui répondre d’un ton à la fois sérieux et calme. Il voyait en elle une créature à la nature démoniaque mais particulièrement puissante au sein de son espèce. Ses propos inquiétèrent Olivier. Celui-ci répondit, en se basant sur ses connaissances sur les Démons, que ces êtres étaient ordinairement particulièrement puissants. Il continua, avec une pointe d’inquiétude dans la voix, que si elle était bien plus puissante que les Démons ordinaires, cela pourrait tourner au drame. Il regarda rapidement vers la tente sous laquelle se trouvait Meira. Ses yeux ne la quittèrent pas pendant de longs instants, avant que l’Ermite ne l’interroge sur la raison de ce regard soutenu. Il avoua qu’il avait rencontré Meira lors de sa recherche de l’Ermite vivant aux fins fonds de la Plaine de Sang. Cependant, il raconta qu’elle avait dit qu’elle viendrait le soutenir. Mais désormais, elle se battait au sein d’une équipe dont le but était le même que ceux des autres. L’Ermite posa sa main sur son épaule, lui annonçant qu’elle avait été probablement atteinte par Corruption, d’où son comportement actuel.

Soudain, une légère clameur s’élevait dans l’arène. La Yama arriva vers la balustrade de sa loge et regarda les gradins. Au même moment, les deux adversaires entrèrent sur le terrain. La onna-bugeisha aux longs cheveux violets marcha d’un pas déterminé et le regard légèrement tourné vers le sol, alors que la Démone blonde à la couleur angélique marchait d’un pas bien plus décontracté vers le centre de l’endroit. Elles s’arrêtèrent à quelques mètres l’une de l’autre et s’observèrent de longues secondes avant de se tourner vers la juge. Elles la saluèrent respectueusement avant de nouveau se faire face. Là, Eiki prit la parole.

« Le combat opposant Meira du clan Humain et Gengetsu du clan des Rêves va pouvoir commencer. Pour rappel, lors de ce combat, la règle des cartes de sorts est en vigueur ! Il est donc interdit de tuer son adversaire sous peine de disqualification immédiate ! »

Le rappel des règles et le ton prit par la Yama surprirent Olivier. Lors des combats précédents, celles-ci ne furent pas mentionnées. L’Ermite, comprenant ce qui intriguait le jeune homme, lui apporta une réponse.

– Ni Meira ni Gengetsu ne sont très familières avec cette règle. Il est donc nécessaire de leur rappeler celles-ci.

– Comment sais-tu qu’elles ignorent les règles des cartes de sorts ? D’ailleurs, d’où les connus-tu ? lui demanda Olivier, intrigué.

– Meira, je l’ai croisée à plusieurs reprises depuis qu’elle s’est installée dans la Plaine de Sang. On a régulièrement discuté. Quant à Gengetsu… Son aura… elle n’a rien à voir avec la Terre des Illusions. Je doute même qu’elle y vienne souvent. Quant à moi, c’est une histoire personnelle entre Yukari et moi.

– Vous la connaissez ?! s’étonna-t-il.

– Là où je vis ai une sorte de paradis pour elle. Un endroit où l’ensemble des lois des univers, où les « frontières » de toute chose ne sont plus qu’une dans un ensemble bien étrange.

L’Ermite porta son regard masqué vers le centre du terrain, alors que la Yama lança officiellement le combat.

Meira se projeta vers l’avant tout en dégainant son sabre. Celui-ci laissa derrière lui, une traînée suspendue dans les airs. La combattante arriva en un clignement d’œil sur son adversaire. L’image de celle-ci se brouilla juste avant que l’épéiste ne la frappe. Son coup traversa la silhouette déformée qui s’évapora. Meira tourna immédiatement la tête sur ses côtés avant de l’apercevoir : son adversaire lui faisait face à sa droite.

D’un geste, elle bondit vers elle, son sabre laissant encore une importante traînée derrière celui-ci. Une nouvelle fois, Gengetsu s’évapora au moment du coup de Meira. Encore une fois, elle chercha du regard son adversaire, qui réapparut dans son dos. À l’instant où elle la vit, la guerrière esquissa un léger sourire. La traînée de son sabre vola en éclats, produisant un certain nombre de projectiles allant dans toutes les directions. Dans le même temps, elle frappa devant elle avec son arme, produisant une gerbe de projectiles blancs en direction de Gengetsu. Toutefois, celle-ci ne s’inquiéta guère des attaques de son adversaire, qu’elle esquiva aisément, avant de légèrement prendre son envol, prenant Meira de haut. Se sachant incapable de voler, elle décida d’adopter une posture plus défensive.

Sous le regard intrigué de la Démone d’un monde de rêve irréel, la combattante rengaina son sabre et se mit à prier. Après quelques instants, durant lesquels la foule commença à perdre patience, Meira se mit à léviter légèrement au-dessus du sol puis se mit à se déplacer extrêmement rapidement. Elle tourna en cercle autour de son adversaire, de plus en plus vite. Soudain, elle lança une orbe rouge vers Gengetsu, suivit de quelques secondes plus tard, d’une autre, puis encore une autre. Au total, des dizaines d’orbes, rouges et violettes, rebondissaient entre le sol et les barrières magiques protégeant le public. À ces projectiles, Meira envoya de nombreuses volées de danmaku blancs extrêmement rapide.

Gengetsu se contenta d’esquiver lentement les attaques, n’exprimant guère d’émotions vis-à-vis de son opposante, jusqu’à qu’elle tende le bras droit vers le ciel. De celui-ci, un important flot de projectiles fut émis en direction du sol et de Meira. Celle-ci dut cesser ses attaques et se mettre à esquiver l’important déluge qui s’abattit sur le terrain désormais.

Malgré l’importance de l’assaut de la démone, la guerrière parvint à suivre le rythme et à éviter les orbes de son adversaire. Voyant cela, celle-ci cessa son attaque et sortit quelque chose de sa manche. À cet instant, l’Ermite se concentra afin de mieux voir quel était l’objet, jusqu’à que son corps se figea. Elle tendit bien haut son bras, dévoilant une carte de sort. Gengetsu regarda alors Meira d’un air amusé.

« Pour une simple humaine, tu t’en sors bien. Mais désormais, il est temps d’y mettre un terme, dit-elle avant d’annoncer le nom de sa carte de sort, Signe des Rêves « Déphaser ». »

À cet instant, tout dans l’arène de combat sembla se brouilla, tout comme Gengetsu l’avait fait elle-même. Lentement, des choses apparurent, d’autres disparurent, de façons anarchiques, et allant toujours croissant jusqu’à d’une imposante orbe jaune sortit de nulle part vienne percuter Meira, l’emportant avec elle, avant qu’une autre orbe n’apparaisse à son tour pour la percuter dans le sens inverse. L’impact entre les deux orbes déchira l’espace de l’arène et restaura son intégrité originelle.

Désormais, à quelques mètres du sol, en face de la démone, flottait une orbe, de la même couleur que les deux précédentes. À l’intérieur, le public pouvait voir Meira, effondrée au fond de l’objet. Celui-ci chuta alors brutalement et s’écrasa au sol en explosant. Le corps de la guerrière roula sur le côté avant de s’arrêter en percutant l’une des tribunes.

Ne donnant aucun signe de vie pendant plusieurs secondes, Eiki s’envola vers elle et l’ausculta rapidement. La tension resta palpable alors qu’elle observait le corps inerte. Finalement, elle se releva et désigna Gengetsu gagnante de cette manche.

À cet instant, des cris d’allégresses, comme de maudissement, s’élevèrent depuis les tribunes. Cependant, un certain nombre de personnes, impressionnées par la puissance et l’aisance par laquelle la démone avait vaincu son adversaire, commencèrent à en discuter. Parmi ceux-ci, Olivier était presque choqué par la violence par laquelle Meira avait été écrasée. Sachant qu’elles ne connaissaient qu’en partie les règles des cartes de sorts, il craignait qu’elles aillent trop loin. Cependant, il se sentit rassuré en sachant que la guerrière était encore en vie.

Là, l’Ermite lui demanda ce qu’il en avait tiré du combat. Olivier, un peu perplexe, lui répondit que la Démone était très puissante et qu’elle avait tendance à tordre la réalité. Pour unique réponse, l’homme au masque acquiesça de la tête. Rika prit alors la parole.

« On devrait peut-être y aller. Le prochain combat risque fortement d’ameuter bien plus de monde que celui-ci. »

Olivier fit un signe de la tête puis se leva, suivi de l’Ermite, de Rika et se dirigèrent vers le vaisseau de celle-ci. Après quelques efforts pour que tous les trois soient bien installés, Rika démarra le moteur de son étrange véhicule, mi-char mi-aéronef à la nature indéterminée. Après de très nombreuses minutes, ils arrivèrent en vue de la Montagne Yokai, théâtre du futur affrontement. Durant le trajet, Olivier interrogea son ami masqué.

– Crois-tu vraiment que l’on pourra gagner ? demanda le jeune homme avec une mine emplie d’inquiétude.

– Pour espérer l’emporter, il faut déjà le vouloir, Olivier, lui répondit-il avec solennité.

– Il y a tellement d’adversaires si puissantes face à nous. Comment peut-on espérer l’emporter ?

– Car tu as une super ingénieure qui peut te fabriquer un revolver aussi puissant qu’un canon de char Tigre, répondit avec fierté et malice la conductrice du véhicule.

– Je sais que je peux compter sur tes créations pour m’aider. Merci Rika.

– Tu n’es pas seul. Même sur le terrain, on sera là, avec toi, répondit l’Ermite.

– Nous y voilà ! Accrochez-vous bien, je sens que se poser ne va pas être une partie de plaisir, annonça-t-elle, permettant aux deux passagers de se préparer à un atterrissage qui se révéla difficile et douloureux, à cause d’un sol accidenté.

Il ne fallut guère longtemps avant que le groupe n’arrive aux gradins et puisse y accéder. Olivier remarqua l’inquiétude grandissante des Kappas qui allaient et venaient, inspectant sans cesse les installations. Quand Nitori arriva, armée d’une clé à molette dans une main et d’un plan dans l’autre, il vit s’amasser autour d’elle, une troupe de ces créatures mortes d’inquiétudes. Du haut des gradins, il ne pouvait pas les entendre mais le jeune homme se doutait bien que ce qui les préoccupait tant, c’était le combat à venir.

Dans les tribunes, il y avait foule. Cela n’étonnait guère l’Humain. Un combat opposant une Déva de la montagne contre l’Immortelle de feu était plus qu’excitant à imaginer. Cependant, en étant à quelques instants du début du combat, il se disait qu’il aurait fallu que ce combat ne reste que dans le cadre de l’imagination. Ses inquiétudes grandissantes ne furent pas ignorées par l’Ermite. Celui-ci se voulut rassurant. Il expliqua que si les installations kappa avaient pu résister à Utsuho, elles pourraient tenir pour ce combat. Cela ne rassura qu’à moitié l’Humain.

Là, ils virent les deux adversaires s’approcher l’une de l’autre. La tension dans l’air croissait à chaque pas des combattantes. Seules celles-ci et la juge, Eiki Shiki, restèrent calmes et concentrées. Elles s’arrêtèrent alors à quelques mètres l’une de l’autre, s’observant mutuellement, avant de se tourner vers la Yama et de la saluer respectueusement.

Une fois faites, elles se firent de nouveau face, ne se quittant pas des yeux. Puis, chacune recula de quelques pas. Mokou contracta ses poings avec une force inimaginable. Yuugi pencha sa tête sur le côté gauche puis le côté droit, faisant craquer sa nuque à chacun des mouvements. La Yama donna alors le début du combat.

L’Immortelle à la chevelure aussi blanche que les neiges du Fujiyama s’élança sur son adversaire, contractant son poing gauche vers l’arrière et l’enflammant d’un feu si intense qu’il paraissait plus aveuglant que l’éclat du Soleil lui-même. La Oni tendit ses bras vers l’avant et bloquèrent violemment le coup lui étant destiné, provoquant une puissante onde de choc qui fit vibrer le sol de la montagne. L’Humaine tenta de s’extirper de l’emprise de la Yokai. Cependant, la force de celle-ci la dépassait totalement. La créature souleva son adversaire au-dessus du sol et s’apprêtait à lui donner un terrifiant coup de tête. Malgré la situation, Mokou garda son calme et juste avant l’impact du front de la grande créature, elle déchaîna une tornade de feu si puissante que son adversaire dut lâcher prise, surprise par l’intensité de celle-ci. Cette occasion permit à la jeune femme d’enchaîner les coups de poings enflammés, le tout, dans une quasi chorégraphie autour de la créature, qui se retrouva rapidement dépassée et entourée par les flammes qui s’élevèrent telles un vortex dans le ciel désormais surchauffé de la Montagne Yokai.

Soudainement, Mokou s’échappa de ce brasier, fatiguée, une partie de sa chemise réduite en cendres par les flammes. Durant un temps qui sembla s’éterniser, tous regardèrent, avec intérêt, ou angoisse, la colonne incandescence dans laquelle la Oni s’y trouvait toujours. Cependant, en moins d’un instant, la tour de feu fut soufflée depuis l’intérieur. La bourrasque de feu fut d’une si grande intensité que l’Humaine ne put tenir sur place et fut projetée contre les barrières magiques des gradins. Tous découvrirent Yuugi, debout, le bras droit tendu et le poing fermé. Chacun put constater que malgré la puissance de l’attaque de Mokou, celle-ci n’avait presque eu aucun impact sur la Déva de la montagne.

Celle-ci marcha alors d’un pas lourd vers son adversaire au sol, qui récupérait de sa projection. Elle se mit alors à lui parler, comme si le combat n’avait pas tellement d’importance pour elle.

– Je ne suis pas guère impressionnée. C’est à quoi je m’attendais. Mais j’ai l’habitude des flammes des Enfers. Ton briquet ne me fait ni chaud ni froid, affirma la géante cornue sans l’ombre de compassion.

– Si tu crois que je suis uniquement capable de ça, tu fais une grave erreur ! s’insurgea son adversaire qui enflamma l’intégralité de ses bras, réduisant en cendre ses manches.

– Peut-être que là, cela sera plus intéressant. Mais de mon côté, dit-elle tout en sortant une carte de sort, « Tempête sur le Mont Ooe » !

À cet instant, un déluge de gigantesques orbes violettes s’abattit sur le terrain à un rythme effréné, obligeant Mokou à être sans cesse en mouvement afin de pouvoir survivre, sous le rire caverneux de la Oni. Malgré l’agilité de l’Humaine, elle se retrouva rapidement forcée à affronter ces orbes avec ses propres projectiles enflammés, mais avec leur efficace mesurée, ils ne lui permirent pas d’échapper à l’avantage de son adversaire.

Au niveau des tribunes, l’agitation était croissante. Les Kappas n’arrivèrent plus à supporter le stress et la crainte d’une défaillance de leur système de boucliers face aux assauts répétés de la carte de sort de Yuugi. Seule Nitori semblait garder son calme. Elle annonça que, pour le moment, avec ce type d’attaque, le système allait tenir. Cela réjouit pendant quelques secondes ses camarades avant que certains ne se rendent compte véritablement des paroles du concepteur du système.

Soudain, une puissante déflagration se produisit. L’Humaine parvint finalement à rejoindre son adversaire et commença à enchaîner les coups de poings, qui enflammés, provoquèrent de violentes explosions face aux coups de poings enchaînés de Yuugi. La vitesse des assauts réciproques ne cessa d’augmenter, au point qu’il fut difficile pour les spectateurs de réellement les discerner. Occupée par le combat au corps-à-corps avec son adversaire, le déluge de sa carte de sort cessa et un grand sourire s’afficha sur son visage alors que celui de son adversaire resta toujours aussi grave. Après un puissant coup qui fut renvoyé dans sa direction, la femme de feu s’éloigna de son adversaire afin de pouvoir donner un puissant coup de pied circulaire sur elle. Cependant, Yuugi intercepta la frappe. Elle écrasa alors son adversaire au sol avant de la jeter loin d’elle. Le corps meurtri de Mokou roula alors sur plusieurs mètres.

Alors qu’elle tenta difficilement de se relever, son opposante marchait déjà d’un pas lourd vers elle. Malgré les coups subis, elle refusait d’abandonner, contractant l’entièreté de son corps, celui-ci s’enflamma. De la gerbe de flammes, une forme ailée en émergea et avec une vitesse incroyable se retrouva dans les airs, surplombant la Oni. Sortant de son dos, deux gigantesques ailes de feu battirent à un rythme très lent. Le visage de celle-ci exprima une très profonde colère, qui se manifesta depuis sa main puis sa parole par une carte de sort : « Vol d’oiseau de feu : Phénix ».

Ses mains s’enflammèrent de nouveau. D’un geste du bras, elle projeta un oiseau de feu qui fusa droit vers son adversaire, celle-ci se prépara, prit appui au sol et bondit en direction de l’offensive. Elle donna un violent coup de poing dans la créature enflammée. Malgré la puissance de l’attaque de feu, elle parvint à la traverser de part en part, ne subissant que quelques brûlures superficielles avant de se retrouver dans la traînée de l’attaque, qui explosa à cet instant, projetant Yuugi vers le sol. Quand elle percuta la roche de la montagne, un violent tremblement se fit ressentir, faisant bouger jusqu’aux gradins eux-mêmes.

Voyant la position de la Oni, Mokou dirigea plusieurs autres volatiles enflammés vers le cratère nouvellement formé. Après une dizaine d’attaques qui explosèrent dans un torrent de flamme en percutant le fond du cratère, elle cessa son assaut et stoppa sa carte de sort, exténuée par les efforts qu’elle venait d’accomplir.

Du fond de la fosse, recouverte par une épaisse fumée, une ombre se releva et se saisit d’un rocher avant de le projeter vers Mokou. Celle-ci parvint à le désagréger par une boule de feu avant qu’il ne l’atteigne. Cependant, derrière celui-ci, Yuugi s’apprêtait à lui porter un terrible coup, qu’elle ne parvint qu’à contrer sans pouvoir l’arrêter. Entraînée par l’élan et la puissance de l’attaque physique qu’elle venait de subir, la femme immortelle fut violemment projetée à son tour vers le sol. L’impact fut si violent d’une brèche se forma sur le terrain.

Lentement, la Oni se dirigea vers le sol, mais voyant que quelque chose bougeait au fond de la percée, elle sortit une nouvelle carte de sort et incanta son nom dévastateur : « Hélix adamantin ».

Elle tendit sa main contenant sa carte de sort vers le ciel et commença à faire tourner son bras au-dessus de sa tête. Progressivement, la vitesse de rotation accéléra. Puis, un très puissant faisceau d’énergie comment à émerger de sa main, tournoyant de plus en plus vite, se propageant dans un mouvement de spiral. Alors que Mokou sortit enfin la tête de la faille, la Yokai abattit son véritable fouet sur elle avec une violence inouïe, faisant voler en éclats l’intégralité du sol du terrain de combat.

Dans les gradins, Olivier était en état de choc, il n’arrivait pas à croire ce qu’il venait de se passer, ni la puissance de la créature cornue sur le terrain. L’Ermite assit à côté de lui vit très bien que la puissance de la créature la dépassait complètement. Il esquissa alors un léger sourire avant de lui parler, pendant que la créature cherchait son adversaire.

– Il faut commencer par ne pas oublier qui est sur le terrain. Cette Oni n’est pas n’importe qui, Olivier.

– Comment vous savez ça ? s’étonna le jeune homme.

– Je l’ai déjà affrontée, il y a longtemps.

– Et vous avez gagné ?

– Oui, je l’ai même laissée pour morte. Mais c’était il y a très longtemps pour moi.

– Il est donc possible de la vaincre ? Si Mokou l’aurait su plus tôt, elle n’aurait pas…

– Tu crois que c’est terminé ?

– Mais oui ! Mokou est …

– Je l’ai dit, ce n’est pas n’importe qui sur le terrain. De chaque côté. Mokou est immortelle, non ?

– Oui mais… sa puissance… même sa force… elle n’est pas capable de vaincre Yuugi !

– Tu le penses ? Comment crois-tu que les Humains ont fait pour gagner sur les Onis ?

– Je ne …

– Par l’intelligence. Et Mokou est loin d’en être dépourvue. Normal, après tout. Elle en a vécu, cette petite-là.

– Mais…

Alors qu’Olivier s’apprêtait à de nouveau questionner l’Ermite, le sol se mit à trembler. Soudain, une colonne de feu déchira le ciel, s’élevant même jusqu’au Paradis. L’intensité fut telle que les boucliers magiques des tribunes se mirent à surchauffer, paniquant encore plus les Kappas qui ne surent plus quoi faire. Même Nitori resta bouche bée face à la tornade de feu qui se produisait devant elle.

Depuis la base de la colonne, une boursouflure s’éleva dans celle-ci jusqu’à se retrouver à la hauteur de Yuugi. Esquissant un sourire combattif, elle fit de nouveau tournoyer son fouet d’adamantine avant de frapper la tour de feu. Surprenant la créature, le fouet se brisa au point d’impact. Constatant cela, elle en déduisit que la chaleur de cette colonne était suffisante pour faire fondre du diamant. Puis, d’un seul coup, sans aucun signe précurseur, la colonne fut soufflée depuis l’intérieur, des braises ardentes virevoltant dans tous les sens. Tous purent voir Mokou, parée de deux gigantesques ailes de feu, encore plus grandes que les précédentes.

Amusée, la Oni fit de nouveau tourner son fouet au-dessus de sa tête avant de donner un puissant coup horizontal sur l’humaine immortelle. La fraction d’instant précédent l’impact, elle sortit une carte de sort qui s’activa. D’elle, de puissantes attaques furent émises sous la forme de projections légèrement tournoyantes rouges. Le fouet de Yuugi percuta violemment l’un des bras qui forma une sorte d’étoile autour de Mokou. Du choc, une puissante détonation eut lieu, vaporisant les deux attaques et brisant la carte de sort de la Oni. Alors que les attaques de l’Humaine ralentirent, elle s’adressa à son adversaire.

– Je vois bien que tu commences à être dépassée. Dans un combat au corps-à-corps, il est certain que j’ai aucune chance. Mais là, cela sera bien différent.

– Il faudra bien plus que des étoiles de feu pour me vaincre.

– Peut-être. Mais je pense que « le conseil de St-Germains » me permettra de prendre l’avantage, dit-elle alors que son attaque se réactiva, déployant toujours plus de bras de feu autour d’elle qui se détachèrent d’elle avant de lentement s’embraser.

– Je vois. Tu as donc décidé d’employer ce type de méthode, lui répondit la Oni en ayant légèrement baissé la tête sur le côté et en ayant fermé un œil.

Mokou déchaîna la puissance de sa carte de sort contre la créature qui esquiva autant que possible mais face à l’attaque de son adversaire, survivre face à ce déluge de feu fut d’une très grande difficulté, alors qu’elle ne cessa d’augmenter jusqu’au moment où elle ne put esquiver un bras enflammé, puis un autre, suivit d’un troisième. Malgré sa résistance hors du commun, elle n’en sortie pas indemne de ces trois attaques. La puissante oni fut projetée contre l’un des gradins. Le choc contre la barrière de protection fut si violent que les aiguilles des capteurs ne purent résister. La créature tomba alors lourdement au sol, pendant que la Phénix immortelle continuait de déferler sa puissance sur le terrain.

La foule pensait que le combat était fini. Yuugi était à terre, prête à être vaincue. Cependant, l’ouïe fine de la créature infernale lui permit d’entendre ces pronostics dans les gradins. Elle se releva et tourna la tête vers la foule, tout en affichant un grand sourire moqueur.

« Vous m’enterrez peut-être un peu trop vite, vous ne pensez pas ? Vous devriez attendre de voir de quoi je suis capable ! hurla-t-elle tout en frappant le sol avec son pied. »

L’arène se mit alors à vibrer pendant quelques secondes suite à l’énergie déployée par la créature. L’intensité du choc surprit Olivier qui ne s’attendait pas à cela de la part de la Oni. L’Ermite lui répondit que c’était l’une des créatures les plus puissantes qui puissent exister. Il continua en ajoutant qu’une Oni déva de la montagne avait un différentiel de puissant aussi élevé entre elle et les autres Onis qu’entre un Oni et un Humain. Presque effrayé par cette annonce, le jeune homme lui demanda comment Mokou pouvait la battre. Il ne répondit pas.

« Hé, l’Humaine ! Je me suis bien amusée aujourd’hui mais il est temps de mettre fin à ce combat. Tu vas désormais avoir une raison d’avoir peur le soir. « Rugissement anéantissant » ! »

La créature des Enfers poussa un terrifiant cri qui se fit entendre bien au-delà de la Montagne Yokai. Une peur ancestrale ressurgit du cœur de nombreux être présents. Olivier comme Rika se figèrent sur place, incapable de bouger, leur corps refusant de leur obéir.

Mokou résista tant bien que mal à ce cri de terreur mais la concentration que cela demanda dépassa ses capacités et elle fut obligée de stopper sa carte de sort pour pouvoir se concentrer sur cette nouvelle menace. L’Immortelle à la chevelure d’argent se posa au sol, face à la créature de cauchemar qui la regardait d’un air particulièrement inquiétant, tout en affichant un sourire effrayant, dévoilant ses imposantes dents qui semblaient prêtes à la dévorer. Cependant, la Oni poussa un nouveau cri. Mais, si son intensité fut moindre, ce fut la projection à toute vitesse d’un grand nombre d’orbes et de lasers dans toutes les directions qui stupéfia l’ensemble des personnes présentes. La vitesse des projectiles dépassait de loin ceux qu’elle avait jusque-là déployés. La jeune femme n’eut pas le temps d’esquiver. Elle fut violemment frappée au niveau de la taille et emportée contre le bouclier magique protégeant les gradins. L’intensité de l’attaque de la créature dépassa ce que les boucliers pouvaient encaisser. À plusieurs endroits sur les projecteurs de boucliers, comme dans les installations magiques et techniques, plusieurs éléments se firent à surchauffer, menaçant sans cesse d’explosion ou de dysfonctionner, voire, de s’arrêter définitivement. Chaque Kappa tenta autant que possible de refroidir l’ensemble du système. Cependant, lors d’une nouvelle rafale, l’une des quatre parois du bouclier cessa un bref instant de fonctionner. Les gradins furent fortement secoués et plusieurs spectateurs perdirent connaissance. La panique s’empara alors de la foule, dont une partie quitta les lieux aussi vite que possibles.

Dans ce chaos, Mokou se releva. Ses vêtements n’étaient plus que des lambeaux et de nombreuses blessures furent visible sur l’ensemble de son corps. En voyant la résistance de celle-ci, la Oni s’en amusa avant de relancer une nouvelle rafale.

Soudain, alors que personne ne s’y attendait, la jeune femme aux cheveux d’argent se rapprocha de Yuugi à une vitesse digne d’un Tengu. Esquivant avec une grande agilité les projectiles, elle arriva au niveau de son adversaire. À ce moment-là, elle donna un puissant coup de pied dans le ventre de la créature. La violence du coup fut si intense que celle-ci recula d’un pas. Suite à cela, Mokou projeta un coup de poing d’une rare violence, puis un autre, puis encore un autre avant que les coups ne se mettent à pleuvoir plus fort que les pluies de la mousson. La créature infernale résista de moins en moins bien face aux assauts répétés et de plus en plus soutenus de l’Humaine qui elle-même arrivait aux limites de ses propres capacités.

Progressivement, la Oni parvint à bloquer de plus en plus de coups alors que son adversaire faiblissait. La terrible créature des Enfers finit par répondre aux multiples assauts qu’elle recevait par un puissant crocher du droit. Si Mokou parvint à l’éviter, le souffle d’air provoqué par l’attaque la fit reculer. Là, elle faisait face à la Yokai. Celle-ci, décidée à en finir, se précipita sur elle. À cet instant, la femme à la chevelure argentée sortit une carte de soir et s’écria le nom de celle-ci : Coup de pied « Vent du sud, ciel dégagé ».

Au moment où la créature arriva sur elle, le pied droit de l’Humaine s’éleva très rapidement vers le ciel, frappant le menton de la Oni si puissamment que celle-ci tituba en arrière sur quelques pas. Dans le même temps, Mokou s’éleva dans le ciel. Soudain, son pied s’illumina d’une lueur presque aveuglante alors qu’elle fusa droit sur sa cible. Le pied incandescent emporta la créature avec elle, la plaquant violemment au sol, l’enfonçant toujours plus dans la roche de la montagne. Le cratère formé s’enfonça et s’élargit à chaque seconde, à chaque impulsion que l’Humain immortelle gagnait. Finalement, dans une ultime secousse, une colonne de flamme d’une taille titanesque jaillit du cratère au fond duquel se trouvait la terrifiante créature.

Mokou se reposa à quelques mètres de là, essoufflée. Le torrent de feu fut le plus impressionnant que tous pourraient voir. Le feu s’éleva jusqu’au ciel, embrassant celui-ci, donnant une couleur bien sombre aux nuages. La chaleur fut si intense que malgré les protections magiques, la foule put ressentir une fraction de sa puissance et déjà particulièrement forte. La gerbe de flammes dura de nombreuses secondes avant qu’elle ne finisse par décroître puis s’arrêter.

À cet instant, tous attendirent une réaction de la créature infernale.

Les secondes passèrent, chacune semblant plus longue de la précédente. Alors que la fumée finit de s’échapper du gouffre creusé par la combattante, une silhouette s’en dessina, reposant au fond de celui-ci, immobile. Voyant cela, la Yama s’envola jusqu’au trou et l’observa attentivement. La créature au fond de celui-ci n’était pas si immobile que cela. Cependant, ces quelques tremblements ne lui permettaient plus de combattre. Du cratère, une voix fatiguée s’en éleva, annonçant sa défaite. À ces moments, la juge déclara Mokou gagnante de cette manche.

La foule entra en délire, comme à son habitude, entre les parieurs gagnants et les perdants. Dans la foule, Olivier fut rassuré de voir la jeune femme victorieuse. Ce fut alors que l’Ermite lui demanda s’il avait compris pourquoi elle avait gagné. Il ne sut répondre à cette question.

– Cette Oni pouvait pratiquement tout supporter, autant en termes de coups que de températures. Cependant, même si ces créatures ont des capacités surhumaines, elles demeurent comme le reste des créatures de leur état.

– Que voulez-vous dire ? Je sais bien ça ! Mais je ne comprends pas comment elle a gagné. Peut-être la fatigue ?

– Non, elle avait encore pleinement de quoi continuer des heures, et non Mokou.

– Mais qu’est-ce alors ?!

– Perdue au fond d’un cratère, d’où en émerge une colonne de flamme. Quelque chose de vital avait disparu, vital, même pour elle : l’air.

– Quoi ?!

– Les Onis, comme toi, respirent de l’oxygène. Et même s’ils peuvent retenir bien plus longtemps leur souffle, ils ne demeurent pas insensibles à son manque.

– Mais ce feu n’a pas duré assez longtemps.

– La question-là n’était pas le temps mais sa puissance. Le feu a été d’une rare puissance, si puissant que même elle ne put retenir l’air dans ses poumons, aspirer hors d’elle par l’appel d’air provoqué par le torrent de feu. En un instant, tout l’oxygène contenu dans son trou et dans ses poumons a été pompé vers les flammes. Il a suffi de quelques secondes pour la faire s’effondrer.

Alors qu’Olivier écoutait les explications de son mentor, il vit Mokou commençant à s’éloigner des lieux. Le jeune homme le coupa et se précipita vers l’endroit où l’Humaine allait bientôt se retrouver, prétextant à Rika qu’il devait lui parler. Après quelques instants de courses dans les gradins puis en dehors du stade improvisé, il arriva au niveau de la femme. Celle-ci se retourna, le dévisageant de son regard au rouge que des rubis.

Il la remercia de s’être finalement inscrite afin de les aider à remporter ce prix et de détruire cet objet qui provoquait tant de mal en ces lieux. Elle ne répondit tout en le fixant du regard. Alors qu’il s’avança encore un peu, ses sourcils se froncèrent, lui donnant une attitude plus inquiétante. Elle affirma alors qu’elle était venue pour ses raisons propres et que si son objectif et le sien étaient les mêmes, cela ne serait que du fait d’un grand hasard. Suite à ces mots, elle s’en alla, laissant le jeune homme pantois quant à ce que venait de dire la jeune femme.