La Couronne de la Terre des Illusions (CTI)

Chapitre 36 : Les vents de la Montagne Yokai

6495 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/11/2025 22:31

Chapitre 36

Les vents de la Montagne Yokai

 

Le public s’installa tranquillement dans les gradins de la Colline sans nom en attendant que le combat ne commence. Olivier, Rika et l’Ermite prirent place tout aussi tranquillement que leur voyage s’était passé, malgré quelques alertes qui avaient inquiété le jeune homme, alors que sa petite amie tentait de le rassurer en lui affirmant que c’était uniquement des dysfonctionnements des alertes sonores et lumineuses. En attendant le début de l’affrontement, Olivier observa les alentours. Les fleurs, magnifiques, fleurissaient partout. Il connaissait la sinistre réputation des lieux mais ne craignait guère cet endroit. Malgré quelques Fées ou Fantômes, il n’avait jamais rencontré de véritables menaces, même s’il connaissait l’existence des habitantes de ces lieux, Medecine Melancoly.

 

Cependant, il fut arraché à ses pensées quand la foule, bien plus nombreuse, se mit à acclamer la juge qui venait d’arriver dans sa tribune. Chacun savait que désormais, le combat allait pouvoir commencer. Elle invita les deux adversaires à s’approcher. De chaque côté de l’arène, elles sortirent de leur tente respective, marchant l’une vers l’autre. La tension monta à chaque pas. Dans le public, de plus en plus de murmures purent se faire entendre. Nombreux furent ceux débattant de la puissance de la Yokai des fleurs. Même les Kappas, toujours prêts pour gérer les conditions les plus dures afin de s’assurer que le bouclier tienne bon, s’inquiétaient du combat qui allait très prochainement débuter.

Alors que les adversaires se firent face, elles se tournèrent vers la juge et la saluèrent respectueusement. Suite à cela, surprenant de nombreuses personnes, Eiki Shiki rappela les règles en vigueur dans ce tournoi, rappelant qu’il s’agissait des mêmes que lors des affrontements avec les cartes de sorts. Ils purent voir que son regard se posait lourdement en coin vers la Yokai aux carreaux rouges et aux cheveux verts. Celle-ci soupira d’un air légèrement espiègle. Suite à cette petite provocation de sa part, les deux combattantes se firent de nouveau face avant de se saluer avant le combat. Là, sans prévenir, elle s’adressa à la prêtresse vêtue de bleu.

 

– Chère prêtresse, je suis ravie de pouvoir vous affronter dans le cadre de ce tournoi, affirma la Yokai au regard aussi étincelant que des rubis.

– Je ne m’attendais pas à cela de la part d’une Yokai, répondit la prêtresse, prise au dépourvue, avant de s’excuser.

– Ce n’est rien. J’ai eu à faire à bien pire que cela, avec une autre prêtresse, dit-elle alors qu’elle regardait du coin de l’œil la tribune du clan Hakurei.

– Dans ce cas, que la meilleure gagne.

– C’est une phrase de perdante ça, non ?

– Quoi ?!

 

La Yama déclara les hostilités ouvertes. Yuuka tendit son ombrelle refermée vers son adversaire. À cet instant, de gigantesques tiges de tournesols jaillirent du sol. Sanae prit alors son envol mais fut violemment attaquée par celles-ci. Déployant des nombreux sceaux de protections en forme de pentacles, elle parvint à se protéger des tiges menaçantes tout en s’éloignant du sol, de celles-ci et de son adversaire. Quand elle jeta son regard vers la créature, elle put voir Yuuka afficher un très inquiétant sourire en coin alors qu’elle tendit de nouveau son ombrelle dans sa direction. Là, à l’extrémité des deux tiges titanesques, d’imposants tournesols se formèrent, dont les fleurs furent dirigées vers la prêtresse. Celle-ci, tournant de nouveau la tête vers le Yokai, la vit, lentement, lever l’autre bras, les doigts prêts à claquer. Se doutant que quelque chose allait se produire, elle forma des dizaines de barrières en forme de pentacles. Quand la puissante entité des fleurs finit par claquer des doigts, deux puissants faisceaux de magie furent émis du cœur des tournesols en direction de Sanae. Malgré le grand nombre de barrières et leur efficacité, elle comprit qu’elle devait se dégager de là. Elle parvint à s’extirper juste à temps avant que les lasers n’annihilent celles-ci.

Respirant avec force, elle se tourna vers son adversaire qui se mit à lentement s’élever jusqu’à sa hauteur avant de se poser sur l’une des feuilles de ses tournesols, puis de s’adresser à elle.

 

– Tu crains ma puissance, n’est-ce pas ? Je m’attendais plus de la part d’une prêtresse, affirma la créature sur un ton moqueur et provocateur.

– C’est vrai que cela m’a surpris. Mais… j’adore te combattre !

– Hmmm… tu le prends donc comme ça, répondit-elle avec un sourire amusé. Je te laisse trois secondes pour te préparer à subir bien davantage.

– Il m’en faudra moins pour te vaincre, dit-elle tout en sortant une carte de sort, « Jour où la mer se fendit » !

 

Depuis le sol fleuris, deux murs d’eau s’élevèrent en l’espace d’un instant. Par la puissance de ceux-ci, les imposantes fleurs de la Yokai furent pulvérisées. Alors qu’elle allait diriger la pointe de son ombrelle contre elle, elle dut se mettre à esquiver les parois aqueuses qui se mirent alors à onduler, pendant que la créatrice de ce miracle projetait de nombreux projectiles contre elle. À cause de sa faible vitesse, Yuuka eut du mal à éviter les projectiles qu’elle put neutraliser grâce à sa fleur qui ne fanait jamais qui lui servait autant de parasol que d’ombrelle. Malgré cette protection, elle dut accorder toute son attention au mouvement imprévisible des deux murs d’eau qui lentement, se rapprochèrent l’un de l’autre.

Grâce à sa fleur, elle put se protéger des projectiles de la miko tout en esquiver les imposantes murailles d’eau. Cependant, celle-ci voyant que sa stratégie ne fonctionnait pas, fusa droit sur son adversaire avant de la dépasser, la prenant à revers. Celle-ci se retourna vers son opposant qui commença à lui projeter un déluge de projectiles. Cependant, ayant perdu sa concentration quelques instants, elle percuta l’une des murailles d’eau. Se retrouvant propulser au-dessus du champ de bataille, Sanae crut que la violence du choc l’avait sonnée. Mais à sa grande surprise, son adversaire esquissa un nouveau sourire. Désormais, elle n’était plus prisonnière de cette cage aqueuse et elle était en position dominante par rapport à la prêtresse.

 

Elle pointa une nouvelle fois son ombrelle dans sa direction. Dès lors, des dizaines de sigils se formèrent autour d’elle avant de propager une pluie de d’orbes à des vitesses incroyables, traversant de part en part les épaisses murailles d’eau. Face à ce déchaînement de puissance magique, la prêtresse cessa son sort afin de pouvoir éviter les nombreux projectiles et préparer une contre-attaque.

Alors qu’elle parvint grâce à sa plus grande vitesse, à se retrouver hors du champ de tir de son ennemie en l’espace de quelques instants, elle commença à réaliser des dizaines de pentacles verts flottants dans les airs qui lui permettraient de résister quelques secondes de plus au déluge de Yuuka. Quand celle-ci lui fit de nouveau face, elle ne put s’empêcher de se moquer de la jeune humaine qui déployait des défenses dérisoires afin de se protéger. La Yokai de la nature fit cesser son tir, à la surprise générale.

 

Dans un silence de mort, elle tendit son ombrelle qui s’ouvrit lentement comme une fleur vers la prêtresse. Dès lors, tous dans le public et dans les Kappas purent ressentir une décharge d’énergie. Olivier fut secoué par cet événement qu’il ne comprit pas. Cependant, l’Ermite s’inquiéta soudainement. Il se releva d’un coup et prit appui sur la balustrade afin de mieux observer le combat. Alors que le jeune homme s’alarma de cette réaction, il jeta un regard furtif vers la base des tribunes, là où les Kappas géraient les boucliers. Il les vit en état de panique. Même Nitori était en état de choc. Seule la nouvelle de la direction possible de la future attaque put la rassurer. Cependant, elle exigea à tous les autres de se tenir prêts à un puissant choc. Dans le public, des dizaines de personnes et de Yokais s’enfuirent.

Dans les airs, Sanae sentit très bien cette énergie, bien plus puissante que la majorité des créatures vivantes ici, plus puissante même que celle de divinités. Par instinct de survie, elle se laissa chuter dans le vide.

En une fraction de seconde, une lumière éblouissante envahit l’espace suivi immédiatement d’un vrombissement qui fut absolument impossible à supporter, accompagné d’un effet de souffle si violent que certains Yokais, bien trop légers et impréparés à subir le choc, furent emportés. Cela ne dura que quelques secondes, mais pour tous les êtres présents, cela sembla durer une éternité avant que tout aussi soudainement, l’intense lueur, l’insupportable bruit et le souffle dévastateur ne cesse. Yuuka tenait toujours son ombrelle tendue vers sa cible qui désormais était posée au sol, en état de choc. Tout en se frottant les paupières, Olivier demanda ce qu’il s’était passé.

 

– Nous venons d’être témoins de la puissance la plus parfaite de Yuuka. L’attaque qui fut maintes fois copiée, mais jamais égalé. Que dis-je, qui n’a jamais atteint ne serait-ce que la moitié de l’original, affirma l’Ermite avec un ton intimidant.

– Cela ressemblait au… master Spark… répondit Olivier avec beaucoup d’hésitation.

– C’est même plus que cela, c’est le Spark originel.

– Mais, on n’avait pas entendu le nom de la carte de sort !

– Car cette attaque n’en était pas une.

– Quoi ?!

 

Soudain, un violent sermon se fit entendre de la part de la loge de la juge. Personne ne s’attendait à que Eiki Shiki intervienne de la sorte au cours d’un combat. Beaucoup s’inquiétèrent des répercussions à la fois de l’acte de Yuuka et du sermon de la juge sur celle-ci.

 

– Yuuka ! Dois-je te rappeler que dans le cadre de ce tournoi, les participants se doivent de respecter la règle des cartes de sort et qu’il est interdit, sous peine de disqualification immédiate et d’une sentence appropriée, de mortellement blesser un autre participant ?

– Chère juge des Enfers, vous m’envoyez navrée de cela. Cependant, je respecte les règles. Cette dernière attaque n’avait rien de mortel, il n’y a aucune victime à déplorer et mon intention n’était pas de tuer la prêtresse du Sanctuaire Moriya. Si celle-ci n’a pas les capacités pour supporter un combat d’un tel niveau, je ne peux en être tenue responsable, et elle devrait abandonner, dit-elle avant de jeter un regard particulièrement inquiétant accompagné de son fameux sourire vers Sanae.

– Yuuka Kazami, je tiens à vous prévenir que je ne supporterai plus d’incartades de votre part.

 

Sur ces paroles, le combat put reprendre. Le temps qui s’était écoulé durant l’échange permit à la miko de regarder vers la tribune où ses maîtresses l’observaient et de reprendre ses esprits. Elle était prête à affronter ce véritable monstre qui n’allait certainement pas arrêter de lui lancer des attaques à la limite de ce qui pouvaient être autorisés. Elle se mit en garde, prête à l’affronter.

La Yokai tendit soudainement son ombrelle vers elle. Dès lors, un déluge de projectile fut envoyé contre la prêtresse. Celle-ci s’envola et commença à incantant des prières tout en les esquivant. Progressivement, Sanae s’illumina d’une éblouissante lumière. Alors que nombreux étaient les spectateurs encore présents à se demander ce qu’il était en train de se produire, y compris Olivier et Rika, l’Ermite se mit légèrement à rire, surprenant une nouvelle fois son apprenti.

 

– Pourquoi tu t’amuses comme ça ?! s’emporta le jeune humain, exaspéré par le comportement de cet étrange individu.

– C’est elle, Sanae.

– Que veux-tu dire ?

– C’est une Arahitogami. On peut ressentir sa puissance divine jusqu’ici. Elle a décidé de l’employer. Sa magie change de nature pour n’être que divine désormais. Ce combat sera féroce.

– Quelle peut être sa puissance ?

– Seule la foi que les gens ont en elle nous permettra de le savoir.

– Mais les Humains se sont ralliés à Miko !

– Il ne s’agit pas seulement d’Humains, dit-il en montrant du doigt les Kappas.

 

Le jeune homme jeta son regard en contrebas et vit ces paisibles créatures prier. Il comprit que ces êtres de la Montagne Yokais accordaient leur foi pour Sanae qui virevoltait entre les projectiles, sans cesse plus nombreux.

Celle-ci décida de passer à l’offensive en se ruant vers son adversaire à une vitesse qu’elle n’avait jusque-là jamais atteinte. Sur les côtés, les Tengus priaient également pour leur championne qui se battait en ce moment même.

Surprise par la puissance et la vitesse de son adversaire, Yuuka ne put l’empêcher de l’approcher. Elle cessa son tir de barrage et bloqua le puissant coup de son gohei de Sanae avec son bras gauche. Malgré toute l’énergie divine déployée dans cette attaque, son adversaire lui esquissa un sourire inquiétant avant de lancer son ombrelle dans le ciel. Suite à cela, elle commença à enchaîner les coups de poings d’une rare puissance contre son adversaire. Heureusement pour celle-ci, son opposante s’avéra relativement lente. Mais chaque coup fendait l’air avec une telle force que les ondes de choc percutèrent les parois des barrières magiques, alors que les Kappas s’alternèrent entre les prières et la vérification de l’ensemble des systèmes afin de savoir si ceux-ci tenaient le coup. Par moments, grâce à son esquive et à sa vitesse, la prêtresse put porter de violents coups contre Yuuka. Cependant, ceux-ci ne déstabilisèrent guère son adversaire.

Voyant qu’attaquer la Yokai au corps-à-corps était peine perdue, elle s’envola vers l’arrière et prit rapidement de la hauteur. En réaction, surprenant l’ensemble des personnes présentes, la créature à la chevelure verte se stoppa et ne bougea plus, se contentant de regarder son adversaire. Reprenant son souffle, Sanae sortit une carte de sort, espérant qu’elle pourrait parvenir à la vaincre. Elle incanta alors le nom de celle-ci : « Rituel oublié ».

 

Dès lors, son corps irradia les alentours d’une nouvelle et intense lumière alors qu’elle forma autour d’elles des dizaines de pentacles bleu et rouge qui se déplacèrent lentement dans le ciel en direction de son adversaire avant de se vaporiser en une pluie de projectiles extrêmement rapide contre elle, s’abattant au sol avec une violence inouïe pour des danmakus. Alors que le déluge faisait rage autour d’elle, Yuuka s’avança lentement vers son opposante, l’ombrelle légèrement vers l’avant la protégeant des orbes lui fonçant dessus. Mètre après mètre, elle remonta le flux ininterrompu de projectiles émanant de la prêtresse.

Celle-ci ne pouvait pas se dégager sans devoir arrêter son attaque. Elle décida donc d’intensifier celle-ci. Les orbes, toujours plus nombreuses, s’abattirent sur le champ de bataille avec une puissance croissante. Les Kappas, inquiets, regardèrent leurs différents instruments afin de connaître l’état des boucliers protégeant le public. Mètre après mètre, la Yokai des fleurs remonta l’avalanche de projectiles, tout en affichant toujours son inquiétant sourire. Alors qu’elle n’était plus qu’à une poignée de mètres de la prêtresse, celle-ci se résigna à devoir stopper son attaque. Cependant, dès l’instant, où celle-ci faiblit, la créature au regard rougeoyant la saisit par le cou. Le public fut stupéfait par cette action et Olivier commença à craindre le pire pour la prêtresse. Celle-ci se débattit avec toute sa force physique pour se défaire de son emprise. Hélas pour elle, cela fut loin d’être suffisant.

Alors qu’elle allait utiliser son gohei contre elle, Yuuka le lui fit perdre des mains par un coup de son ombrelle qu’elle avait refermée. Alors qu’elle serra toujours plus son emprise autour de son cou, Komachi s’apprêta à l’empêcher de tuer son adversaire. Cependant, la juge la retint, se rapprochant de rebord de sa tribune et jetant un regard noir vers la Yokai. Même si celle-ci était de dos, elle pouvait ressentir l’intense regard médisant de la Yama. Comme unique réponse, Yuuka s’adressa à l’ensemble des personnes présentes.

 

– Je ne compte pas tuer cette prêtresse, quoique vous en pensiez. Je m’attendais juste à un adversaire qui serait davantage capable de me résister. Prêtresse, je te donne le choix. Soit tu abandonnes, soit tu me montres de quoi tu es capable. Fait le bon choix, dit-elle tout en serrant légèrement plus la gorge de sa prise, comme pour la forcer à abandonner.

– Je… je dois faire honneur à dame Kanako… et à dame Suwako…

– Leur faire honneur ? Tu n’es qu’un échec. Incapable de vaincre qui que ce soit.

– C’est faux… j’ai vaincu pleins de monde… j’ai résolu des… incidents !

– Cela ne fait pas de toi une héroïne ! lui répondit-elle en plongeant son intense regard dans le sien.

 

Lentement, Sanae cessa de se débattre. Progressivement, Yuuka relâcha son emprise sur elle. Une fois que la prêtresse put retrouver l’entièreté de ses mouvements, la Yokai lui donna une puissante claque sur le visage, la projetant à vive allure vers le sol. L’ensemble des personnes présentes fut sous le choc face à la violence que la créature venait de donner alors que son adversaire semblait avoir abandonné. Avec douceur, elle se posa au sol, proche du cratère creusé par l’impact. Au fond de celui-ci, d’une profondeur d’un mètre, la prêtresse, encore consciente mais incapable de bouger murmura qu’elle voulait abandonner. Yuuka le répéta à haute voix afin que tous puissent l’entendre.

 

Immédiatement, Eiki s’envola vers le cratère et la personne logée au fond. Elle se pencha sur elle et lui demanda si elle voulait vraiment abandonner. Noyée par quelques larmes, elle répondit que c’était ce qu’elle voulait. Dès lors, elle sortit du trou creusé par les combats et déclara Yuuka Kazami gagnante de cette manche.

 

Si comme à son habitude, l’annonce de la victoire de l’une des deux combattants provoquaient les mêmes genres de réactions dans la foule, entre joie et dégoût d’avoir gagné ou perdu un pari. Mais cette fois-ci, une certaine peur s’était emparée des spectateurs, face à la violence que la Yokai était prête à déployer, à la limite constante de ce qui pouvait être autorisée par les règles des cartes de sorts.

 

Alors que le public quittait lentement les gradins, sous l’annonce de la Yama pour déclarer le prochain combat qui opposera Momiji et Aya Shameimaru sur la Montagne Yokai, les deux déesses du Sanctuaire Moriya aidèrent leur prêtresse à se relever et à sortir du cratère. Celle-ci, en larmes, ne cessait de s’excuser d’avoir été incapable de vaincre Yuuka.

Dans les gradins, Olivier regarda cela de loin, encore abasourdit par la violence déployée par Yuuka. À côté de lui, l’Ermite ne semblait guère impressionné, le haut du visage dissimulé derrière son masque de pierres précieuses. Il affirma que face à un adversaire plus puissant que Sanae, elle aurait été capable d’être encore plus violente et que pour ce combat, elle s’était retenue. Impressionné, et presque terrifié, Olivier lui demanda comment il pouvait savoir cela. Il lui répondit qu’il le voyait bien, dans sa façon de se battre, qu’elle se bridait, afin d’éviter de risquer de tuer son adversaire.

Ce fut alors que Rika s’adressa à eux, les invitant à la rejoindre dans son étrange engin pour se rendre sur le prochain combat afin d’obtenir de meilleures places que cette fois-ci. Les deux acceptèrent alors de la suivre afin de se rendre sur l’arène de la Montagne Yokai. Cependant, Olivier resta très inquiet. Les participants à ce tournoi étaient d’une puissance prodigieuse, il ignorait s’il allait être capable de les vaincre et de remporter l’objet afin de le détruire.

 

Il ne fallut guère longtemps pour que le vaisseau de Rika arrive près des gradins. Il se posa, sans presque trop d’encombre, manquant cependant de stabilité sur le sol craquelé de la Montagne Yokai. Olivier remarqua que les précédentes confrontations s’étant déroulées ici même avaient profondément marqué la montagne. Il espéra que les prochains combats n’allaient pas provoquer l’effondrement de celle-ci.

Quand ils s’installèrent dans les gradins, ils virent que pratiquement l’ensemble des spectateurs n’étaient constitués que de Tengus. Cependant, il n’était même pas étonné de cela. Le combat qui allait avoir lieu opposait deux des leurs. Par contre, Olivier ne parvenait toujours pas à comprendre pourquoi la louve-blanche avait décidé de se battre pour lui et non pour son clan, au côté d’Aya, ni comment elle avait fait pour ne pas avoir été corrompue. Il remarqua que son mentor masqué semblait impatient que ce combat ne commence. Intrigué par ce comportement, il lui en demanda les raisons. Sans hésiter, il répondit qu’un combat entre deux Tengus allait être forcément un affrontement qui combinera force et vitesse. À ces mots, Olivier se souvint des capacités d’Aya et de sa rapidité pratiquement légendaire. Cependant, pour beaucoup venant d’elle-même, il se méfia légèrement de ces dires.

 

La foule entra en délire quand la juge arriva dans sa loge. Tous savaient que le combat allait enfin pouvoir commencer. Les deux adversaires quittèrent leurs tentes respectives et s’avancèrent l’une vers l’autre. La Tengu louve-blanche marcha d’un pas certain, le regard foudroyant celui de son adversaire. Celle-ci, guère impressionnée par l’agressivité de l’une des gardiennes de la montagne, se montra particulièrement désobligeante à son égard. Elles s’approchèrent jusqu’à m’être plus qu’à une poignée de mètres l’une de l’autre. La longue queue canine de Momiji commença à s’agiter avec force alors que son intense regard rouge fixa son adversaire tengu. La journaliste voyant que sa rivale était particulièrement mécontente de la voir aujourd’hui, profita de l’énervement de celle-ci pour la provoquer.

 

– Cela faisait longtemps que je ne t’avais plus vu. Tu deviens quoi depuis tout ce temps ? D’ailleurs, où étais-tu ? Ce n’est pas bien de déserter son poste pour disparaître comme ça.

– J’ai fait ce qu’il fallait pour pouvoir faire ce qui doit être fait, répondit-elle en serrant les dents.

– Depuis ton départ, le Tenma a mis ta tête à prix. Même si peu de Tengus ont quitté la montagne, je suis sûre que tu as dû recevoir la visite de certains de tes anciens compagnons.

– Nul n’échappe à mon regard. Jamais on ne m’a trouvé alors que je préparais cet instant. Je suis désolé que tu te sois laissé manipuler par cette puissance maléfique.

– Il n’y a pas de puissances maléfiques. Tout le monde le sait, grâce à moi, dit-elle avec une fierté éhontée.

– Cette chose t’a lavé le cerveau, comme à tous les autres !

– Si c’était le cas, je comprends pourquoi cela n’a pas marché sur toi, affirma Aya tout en se moquant de son ancienne ennemie.

 

Sans répondre, la louve tendit son large cimeterre vers la Tengu journaliste, prête à l’affronter. Cependant, elle s’arrêta nette, sentant le regard désapprobateur de la Yama posé sur elle. Tout en se calmant, elle se tourna vers celle-ci et s’inclina respectueusement, imitée par Aya, avant de ne se faire face de nouveau. La gardienne, recula de quelques pas. La journaliste resta sur place, le bras tendu vers le sol, portant son large éventail ayant la forme d’une feuille d’érable cramoisie.

La juge du tournoi lança le début des hostilités. En un instant, Aya disparut. Une seconde après, une puissante bourrasque de vent frappa la louve blanche et traversa l’ensemble du terrain, ne se faisant pas arrêter par la barrière magique, et soufflant avec force sur une partie du public tengu. Dans le même temps, la gardienne s’était retournée et avait bloqué le coup de pied d’Aya avec son bouclier blanc à fleur d’érable rouge. Momiji repoussa la geta tengu posée appuyé sur sa défense tout en sautant vers l’arrière, se mettant à une certaine distance de son adversaire. L’observant des pieds à la tête, Aya ne put contenir un léger sourire amusé.

 

– Je me demandais si durant ta désertion, ta vigilance s’était relâchée. Il faut croire que ce n’est pas le cas.

– Je connais aussi très bien tous tes petits tours, rétorqua son adversaire avec force.

– J’en attendais pas moins d’un combat contre toi. On va bien voir si tu arrives à suivre la cadence.

– Ne compte pas trop sur ta vitesse pour t’en sortir constamment, elle te monte vite à la tête…

 

Avant même d’avoir pu terminer sa phrase, Momiji bloqua une attaque constituée d’une bourrasque de vent et de danmakus. Ses réflexes lui permirent de compenser la vitesse vertigineuse de son ennemie. Celle-ci apparut dans le ciel, au-dessus d’elle. Méfiante et prête à réagir, la louve blanche se tint sur ses gardes.

Soudain, un imposant sceau se forma derrière la journaliste en blanc et noir. Des centaines d’orbes et de projectiles de multiples couleurs fusèrent à une vitesse incroyable vers la gardienne. Celle-ci sauta sur les côtés, usant de ses capacités canines, afin d’esquiver les centaines de tirs de danmakus que lui lançait Aya. Elle ne s’attendait pas à ce type de stratégie venant de la part d’une adversaire misant sur sa vitesse.

Momiji s’envola à son tour et arriva au même niveau que son adversaire. Celle-ci ne lâcha pas la pression et continua de bombarder la Tengu d’une pluie de projectiles qui frappèrent violemment les boucliers protégeant les tribunes. Constatant que sa cible était immobile dans le ciel, elle décida de profiter de cet avantage pour fondre sur elle, esquivant chaque orbes jusqu’à arriver sur elle. Levant bien haut son arme, prête à l’abattre sur Aya, elle n’eut pas le temps de comprendre qu’elle venait de tomber dans un piège. La Corbeau des Tempêtes tenait dans sa main une carte de sort. Elle esquissa un léger sourire avant d’incanter le sort : « Vent du sentier du tengu »

 

La créature aérienne donna un violent coup vers Momiji avec son éventail. Une puissante tornade se forma et se propulsa la gardienne qui une nouvelle fois ne dut son salut que grâce à ses réflexes et à son bouclier. Cependant, elle fut emportée jusqu’à que le souffle, dirigé par Aya, ne l’écrase sur le sol rocheux de la montagne. Observant la louve blanche au sol, la Tengu se ventila avec sa feuille d’érable tout en arborant une certaine joie alors qu’elle sortit son appareil photo, prête à obtenir la une de son journal pour le lendemain. Alors que son doigt s’apprêta à cliquer sur le déclencheur, elle vit son adversaire se révéler tout en poussant un hurlement de loup qui put se faire entendre à travers toute la Montagne Yokai.

D’un bond, celle-ci s’envola à toute vitesse vers son adversaire, prête à porter un puissant coup avec son cimeterre. Alors qu’elle trancha devant elle, Aya s’était déjà considérablement éloignée et lui projetait des centaines de projectiles dans sa direction. Elle esquiva l’ensemble des danmakus de son adversaire et remonta le flot à une vitesse qui surprit celle-ci. Alors que Momiji donna un nouveau coup avec sa large épée, la Tengu esquiva de nouveau sans aucune difficulté, la laissant s’élever dans les airs.

Cependant, elle se rendit alors compte que la Tengu louve-blanche tenait dans sa main droite, en plus de son arme, une carte de sort. Celle-ci fusilla du regard la journaliste avec mépris alors qu’elle incanta le nom de sa carte de sort : Signe de la louve-tengu « Les cascades des neuf paradis ».

 

Telles des gouttes d’eau, des centaines d’orbes bleues tombèrent du ciel vers Aya. Celle-ci esquiva le déluge provoqué par son adversaire sans difficulté. Toutefois, une nouvelle cascade de projectiles se forma au-dessus de la Tengu. Si elle parvint encore une fois à éviter les projectiles, elle se rendit compte qu’une troisième chute de projectiles était déjà en train de se former au-dessus d’elle. La journaliste comprit qu’elle allait devoir esquiver des attaques de plus en plus nombreuses et rapides. En esquissant un léger sourire de satisfaction, elle s’écria qu’elle ne s’attendait pas à un combat de cette envergure mais qu’elle aimait cela. Usant de la totalité de sa vitesse, elle éluda avec succès l’ensemble des neuf cascades de projectiles magiques qui magnifièrent l’espace situé au-dessus de l’arène de combat. Se retrouvant dans le dos de son adversaire, Aya fusa sur elle, s’apprêtant à lui porter un terrible coup de pied avec l’unique et longue dent de sa geta tengu. Grâce à ses extraordinaires réflexes, Momiji put compenser la rapidité de son ennemie. Elle bloqua au dernier moment le coup de pied avec son imposant bouclier rond. L’onde de choc fut extrêmement violente, allant jusqu’à provoquer une puissante bourrasque de vent que la journaliste usa pour se dégager de sa position et éviter un coup de l’arme de la gardienne de la montagne. Cependant, celle-ci la rejoignit dans le tourbillon en formation. Chacune des deux êtres du vent accéléra les masses d’air, cherchant à les utiliser à son avantage. Enfermées dans une masse devenant de plus en plus sombre, les deux Tengus s’affrontèrent au corps-à-corps. La vitesse de chaque coup était extraordinaire et chaque attaque qui ne fut pas déviée ou bloquée et atteignant sa cible fut si puissante qu’un coup de tonnerre se fit entendre.

 

Soudain, la louve-blanche fut projetée hors du nuage noir qui commençait dès lors à lentement s’évanouir. Elle se réceptionna aussi bien que possible sur le sol rocheux de la montagne. Son bouclier, particulièrement abîmé, se planta dans le sol à quelques mètres d’elle. Alors qu’elle s’apprêtait à aller le récupérer, elle vit, comme le reste du public, Aya, une carte de sort dans sa main gauche, tendue au-dessus de sa tête. Elle fixa son adversaire au sol avec mépris et haine.

 

– Momiji ! Espèce de sale chienne ! C’est la dernière fois que tu m’empêcheras d’obtenir ce que je veux ! s’écria-t-elle.

– À part raconter des bobards dans ton torchon tu ne fais pas grand-chose, lui répondit son adversaire alors qu’elle se releva.

– Je vais te … sale clébard ! Domination illusoire !

 

À cet instant, le corps d’Aya s’illumina d’une étrange lueur rouge. Les pupilles de la Tengu s’illuminèrent d’un éclat aussi intense que celui d’un rubis face au feu de l’Enfer. Elle se mit en position, prête à courir. Soudain, elle traversa les cieux à une allure si vive que plus personne ne put la voir, seule une traînée restant derrière elle l’espace d’un instant permettait à tous de savoir où elle était passée. La Tengu fonça droit sur Momiji. Malgré ses réflexes hors du commun, elle ne put combattre la vitesse supersonique de son adversaire. Celle-ci la percuta à plusieurs reprises, la faisant à chaque fois toujours plus l’élever dans le ciel.

Après une quinzaine de secondes qui semblaient s’être éternisée, et des centaines de coups pour la gardienne tengu, Aya se stoppa devant elle après une énième frappe. Le corps endolori de la créature commença lentement à retomber vers le sol quand son adversaire lui prévint qu’elle n’allait pas s’en sortir aussi facilement. Reprenant sa vitesse extraordinaire, elle frappa une nouvelle centaine de fois son adversaire en moins d’une seconde, faisant accroître encore davantage sa vitesse tout en réduisant au minimum ses trajets d’allers et retours sur sa cible. Alors qu’elle allait perdre conscience suite aux attaques incessantes d’Aya, Momiji parvint à sortir une carte de sort, parvenant à la maintenir dans sa main malgré les charges de son ennemie et à prononcer le nom de son incantation : Signe des Loups « Esprit de meute ».

 

À cet instant, Aya fut violemment repoussée de sa cible, stoppant net sa carte de sort. Face à elle, elle voyait une meute de loups fantomatiques de couleur noire. Ces êtres étaient vaporeux et il était difficile de déterminer leur composition. Lentement, Momiji se posa au sol, aidée par ces créatures étranges. Elle posa un genou à terre, plantant la pointe de son arme dans le sol pour l’aider à ne pas s’effondrer. Doucement, sa tête se releva, alors qu’elle haletait avec force. Aya s’en moquait bien de cette carte de sort, se sentant bien plus puissante qu’elle, elle ne prenait pas la nouvelle incantation de la louve blanche au sérieux.

Cependant, quand elle croisa le regard de la gardienne de la montagne, elle comprit que quelque chose clochait. Les esprits de la meute se dispersèrent, se mettant à entourer la Tengu. Comprenant que son adversaire préparait quelque chose, elle allait utiliser une nouvelle fois sa vitesse pour s’en sortir. Mais elle n’eut pas le temps. Usant de sa vue perçante, Momiji put anticiper les déplacements d’Aya. En un instant, les esprits s’élancèrent sur leur proie, la frappant tout aussi violemment que celle-ci avait frappé leur maîtresse. La Tengu tenta de résister aux innombrables assauts de la meute mais rapidement, elle ne put tenir face aux déluges de coups et de danmakus en tout genre. Cependant, l’instant d’une fraction de seconde, elle vit, se joindre à la meute, la cheffe de celle-ci. Momiji, le sabre en l’air trancha. Une violente rafale de vent se produisit, projetant son adversaire vers le sol. Dans un fracas assourdissant, elle s’écrasa, formant un imposant cratère.

 

Lentement, les esprits de la meute s’évanouirent alors que leur maîtresse descendit lentement vers le sol, tombant alors à genoux, le regard dirigé vers le sol. Dans le public, tous attendirent. La louve blanche n’était plus capable de poursuivre le combat et Aya venait de subir une violente attaque. Dans les gradins, les cris d’encouragement pour l’une et l’autre se firent entendre, chacun ayant parié attendant la réaction de la journaliste. Tous savaient que si elle se relevait, le combat serait terminé. Les secondes défilèrent, trop lentement pour tant de personnes.

La juge s’éleva de sa tribune avant de se poser sur le terrain, dévastée. Elle marcha d’un pas normal en direction des deux combattantes. Elle passa devant la louve blanche. Celle-ci dévia légèrement la tête afin d’observer la personne qui la regardait depuis le côté. Eiki continua alors sa marche vers le cratère dont la poussière commençait enfin à retomber. Elle descendit dans celui-ci, observant le corps de la Tengu. Elle ne bougeait plus. Elle avait perdu connaissance. Quand la Yama sortit du trou, elle proclama Momiji victorieuse de cette manche.

À cette annonce, la foule entra en délire. Rares étaient ceux ayant misé sur sa victoire mais leur joie ne fut que plus grande. Olivier resta bouche bée face à cet affrontement et à la combativité de la louve-blanche. Il était ravi qu’elle se batte dans leur camp mais se demandait la raison de ceux-ci.

 

Il ne fallut pas très longtemps pour que le groupe du jeune humain aille retrouver la Tengu louve-blanche, allongée sur un brancard, dans la tente d’où elle en était sortie avant le combat. Olivier la complimenta vivement sur son combat, avant de lui demander pourquoi elle avait décidé de l’aider et de désobéir à son peuple en n’aidant pas Aya. Face à cette réponse, son visage se ferma. Elle affirma qu’elle avait ses raisons propres et qu’elle le devait à une personne qui lui était cher pour elle. Suite à cela, elle demanda à tous de bien vouloir la laisser se reposer un peu, avant de s’assoupir.

Il savait que les seizièmes de finale venaient de se terminer et que la moitié des compétiteurs avaient été éliminés. Désormais, chaque adversaire qui s’affronterait le ferait avec encore plus de détermination afin de parvenir à l’étape suivante. Il le savait bien et en avait peur.


Laisser un commentaire ?