Petite Etincelle

Chapitre 36

11789 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 17/04/2023 10:43

CHAPITRE 36

POV Normal

La forte pluie attristait le paysage fait de métal.

Elle rendait les bâtiments mornes et l’atmosphère grisonnante, avec des notes de vert dues à l’acidité contenue dans les gouttes, le bruit de ces dernières ricochant sur la matière qui créait une étrange symphonie ensorcelante. Dans ce décor aux allures de dystopie, pas une âme n’errait. La plupart des robots fuyaient la pluie comme la peste Cybertronienne, pour la seule et unique raison qu’elle abîmait les armures, rongeant la carrosserie jusqu’à atteindre le fragile protoforme se trouvant en dessous s’ils restaient trop longtemps exposés à ce mélange chimique qui entraînait la corrosion. Avec le temps, les constructeurs avaient trouvé un enduit capable de faire résister les bâtiments plus longtemps, mais rien pour les armures bien plus fines et composées d’un autre alliage. Il n’y avait pas beaucoup d’intempéries sur Cybertron, du moins pas de ce côté-ci de la planète. Alors lorsqu’une pluie se déclarait, personne ne se risquait à sortir pour l’affronter.

Personne, sauf Moonlight.

La fembot marchait rapidement sur le trottoir, les bras croisés sur son châssis et la tête basse. Elle pressait le pas pour rejoindre le centre médical, mais sans la possibilité de se transformer en véhicule pour aller plus vite, elle était malencontreusement obligée d’y aller à pedes. Sous la pluie torrentielle. En vérité, ce n’était pas comme si cela la dérangeait, car son esprit était occupé par autre chose que cette pluie s’abattant impitoyablement sur elle. Elle repensait sans cesse à ce qu’elle avait vu dans le reflet de la vitre, à ces optiques rouges qui la fixaient intensément… Puis à ce sourire des plus effrayants. Retenant ses larmes de terreur, Moonlight resserra ses bras autour d’elle tandis qu’elle pressait le pas pour arriver au plus vite à destination. Si seulement elle avait reçu son nouveau T-Cog ! Elle y serait arrivée depuis bien longtemps, avant même la tombée de la nuit. Toutefois, elle se fichait pas mal de savoir que sa peinture serait abîmée par la pluie, tout autant que du risque que sa carrosserie ne prenne un méchant coup.

Elle était complètement absorbée par ses pensées, malmenée par sa paranoïa, le Spark accaparé par tout un tas d’émotions différentes. Au point de faire abstraction de tout ce qui l’entourait. La peur, le doute, l’inquiétude, la confusion et le désespoir… Tourmentée par sa vision d’horreur survenue dans ses quartiers, elle serra les dentas lorsqu’elle atteignit enfin le centre médical, pour s’apercevoir que son Opiluk n’était pas là. Il n’attendait pas en haut des marches comme à son habitude. Certainement que le grand robot rouge et bleu s’était abrité à l’intérieur pour échapper à cette pluie diluvienne. La façade à peine éclairée par les néons de la rue, Moonlight franchit les marches le plus vite possible en faisant tout de même attention à ne pas glisser, avant de rentrer précipitamment dans le bâtiment où il faisait plus chaud et surtout plus sec. Le claquement de ses talons sur le métal faisait écho dans le couloir vide alors qu’elle rejoignit rapidement l’infirmerie de Ratchet pour trouver le médecin dans son bureau vitré, accompagné d’Optimus Prime.

Tremblotante, elle s’arrêta dans ses pas lorsqu’elle vit leurs expressions graves. Hébétée par ces apparences inattendues, la fembot passa son regard confus d’un mecha à l’autre, jusqu’à ce qu’ils tournent lentement la tête dans sa direction en remarquant enfin sa présence. Quelque chose dans le regard de son Opiluk l’interpellait… Il était accusateur. Qu’avait bien pu dire Ratchet pour provoquer une telle réaction chez Optimus ? Décroisant lentement les bras de son châssis trempé, Moonlight attendit que les deux bots dans le bureau sortent pour leur demander ce qui clochait. Elle n’eut cependant pas la possibilité de dire quoi que ce soit, car le regard désapprobateur du médecin mêlé à celui contrarié de son Opiluk, la laissa sans voix au milieu de la salle d’attente. Son Spark se remit à courir d’appréhension. Les deux robots, qui avaient été dérangés dans une discussion a priori très importante, passèrent finalement la porte pour confronter la fembot qui attendait nerveusement dans la pièce d’à côté. Le silence était lourd, ce qui la motiva à le rompre.

«Il y a un problème ?» Finit-elle par demander, non sans une touche de nervosité dans sa voix. Ses optiques passaient d’un bot à l’autre, mais ce fut Optimus qui prit la parole en premier, son regard accablant la figeant sur place.

«Tu comptais me le dire quand ?» Réclama froidement ce dernier après avoir tendu un datapad affichant des courbes et des annotations inscrites par le médecin. Confusément, Moonlight attrapa les notes et vit qu’il s’agissait en réalité d’une courbe sur plusieurs cycles, exposant toutes ses recharges depuis son retour à Iacon. Et évidemment, les chiffres n’étaient pas bons du tout.

Moonlight ferma douloureusement les optiques. Elle allait passer un sale quart de groon.

«Est-ce que tu as la moindre idée du souci que je me fais ?» Optimus parlait lentement, mais cela signifiait généralement qu’il était hors de lui ou qu’il perdait sa maîtrise de soi. C’était un phénomène rare, plutôt synonyme d’ennuis.

«Je ne voulais pas t’inquiéter… Tu as déjà assez de problèmes pour en rajouter un autre à la liste.» Grommela Moonlight entre ses dentas tout en baissant honteusement les optiques vers le sol, cette rigidité dans le ton de sa voix la rendant encore plus mal qu’elle ne l’était déjà.

«Qui t’a permis d’en décider !» Gronda aussitôt Optimus.

«Personne ! Je sais ce que tu as enduré quand j’étais chez les Decepticons ! Oui, je suis au courant ! Je sais que tu as ressenti ma douleur ! Ma détresse ! Je ne voulais pas que tu souffres à nouveau à cause de moi… Je suis déjà un fardeau en temps normal, alors ce n’était tout simplement pas envisageable de t’infliger ça !» Se défendit rapidement Moonlight, au bord des larmes. Colère et tristesse ensemble ne faisaient jamais bon ménage.

«Tu n’es pas un fardeau ! Et ce n’est pas une raison pour me cacher ces informations, Moonlight. Pourquoi t’obstines-tu à ignorer mon aide ? Il a fallu que Ratchet m’en parle pour que j’apprenne que tout ne va pas si bien, comme tu le prétendais. Tu m’as menti. Je pensais que tu me faisais confiance. Que tu nous faisais confiance.» Corrigea le Prime en tendant la main vers Ratchet qui restait silencieux à ses côtés. Néanmoins, son expression assombrie parlait pour lui : il était entièrement d’accord avec son leader en effervescence.

«Mais je vous fais confiance !» Renchérit vite la fembot tout en jetant ses mains devant elle, offensée.

«Alors pourquoi tu ne m’as rien dit au sujet de tes cauchemars ? Pourquoi tu ne m’as pas dit qu’ils avaient repris et que leur violence s’amplifiait ? Ils sont en train de te détruire à petit feu ! Il fallait te confier à Ratchet pour ces problèmes. Il a le matériel nécessaire pour réparer ton CPU endommagé, pour te soulager de cette souffrance. Plus tu attends, plus les dégâts risquent d’être irréparables. C’est de l’inconscience à ce niveau-là !» S’inquiéta Optimus, laissant apparaître une brèche dans son masque d’impassibilité de chef alors qu’il était confronté à une situation qui le touchait tout particulièrement. Face au silence de sa fille réprimandée, il poursuivit avec impatience.

«Qu’est-ce que je dois faire pour que tu daignes me répondre ? Regarde-moi quand je te parle.» Blâma-t-il, les optiques rétrécies quand elle redressa enfin son regard intimidé pour le confronter.

«J-j’allais finir par vous en parler, c’est vrai… Mais je voulais d’abord faire un travail sur moi-même. Vous montrer que j’étais capable d’endurer ça toute seule, sans l’aide de personne. De repousser ces rêves ridicules par ma propre volonté !» Expliqua brièvement Moonlight en faisant de grands gestes désespérés, le Spark lourd de remords. La déception contenue dans le regard de son Opiluk lui était insupportable… Se faire gronder ainsi lui donnait l’impression de faire un bond de quinze vorns en arrière, lorsqu’elle était encore étincelant.

«Tu nous as surtout prouvé qu’on ne pouvait pas te faire confiance pour des choses aussi simples.» Furieux, le Prime secoua la tête dans le déni avant de détourner le regard avec peine. C’était surtout la peur qui le saisissait au réservoir, cette peur accablante de perdre sa fille à cause de cauchemars… Pour quelque chose qui était corrigible ! Mais aussitôt ces mots durs prononcés, il les regretta instantanément. Malheureusement, il était trop tard pour revenir en arrière car le mal était fait.

Le regard horrifié de Moonlight suffisait à montrer à quel point ces quelques paroles amères l’avaient profondément affectée.

«Moonlight…» Hésita Ratchet, mais la fembot l’ignora après avoir jeté le datapad et couru dans le couloir vers sa chambre assignée. Il trouvait que le commandant avait été un peu trop rude avec elle cette fois, cependant il avait raison sur un point : Moonlight aurait dû leur en parler bien avant que les choses ne commencent à empirer.

Optimus regarda sa fille s’éloigner d’une douleur sourde au Spark qu’il traduirait par du regret. Beaucoup de regrets… Il avait indéniablement échoué dans la communication. Il ressentait une part des émotions dévastatrices de Moonlight à travers leur lien, mais elle faisait de son mieux pour les étouffer en le réduisant au silence. Comme elle avait appris à le faire depuis son retour chez les Decepticons. Elle s’isolait. Sa fille ne percevait pas la gravité de la situation, pourtant cette tendance à se refermer sur elle-même n’était pas la solution pour sortir de cette spirale infernale. Au contraire, elle se coupait toujours plus des autres au lieu de demander de l’aide là où elle pourrait facilement en trouver. Optimus savait qu’il devrait aller la voir pour s’excuser d’avoir été aussi brutal, mais sa colère dépassait encore son entendement. Il décida donc de sortir de l’infirmerie pour laisser Ratchet retourner à son travail. Elle avait trahi sa confiance, ce n’était pas rien. Il lui fallait réfléchir et surtout reprendre le contrôle de ses émotions contradictoires, notamment cette peur irrationnelle de perdre sa création de façon aussi bête.

«Mets en place les séances pour le programme de restauration. Je reviendrai aux premières lueurs demain matin.» Dicta Optimus tout en jetant un coup d’optique à Ratchet qui avait récupéré le datapad jeté au sol. Le visage crispé dans un profond rictus, le grand leader déstabilisé s’éloigna du médecin sans attendre de réponse de sa part.

Encore une fois, la culpabilité le saisit tandis qu’il disparaissait dans le couloir en direction de la sortie.

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Un joor plus tard, après un cycle de nuit particulièrement calme et silencieux, Ratchet apporta un cube d’energon à Moonlight une fois sa courte stase terminée. Il voulait s’assurer qu’elle s’était remise des sermons de la nuit dernière et qu’elle ne broyait pas trop de noir non plus. La connaissant, ce n’était pas gagné… Il avait longuement réfléchi aux paroles de son Prime et, autant il avait raison sur tous les points évoqués, Ratchet ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait choisi la mauvaise approche. Il avait été beaucoup trop sévère avec elle car après tout, Moonlight ne pensait pas à mal. Elle voulait simplement le libérer d’un poids supplémentaire. Un bien pour un mal... Peut-être que c’était maladroit et quelque peu risqué, cependant elle était animée par de bonnes intentions, c’était une certitude que Ratchet était prêt à défendre.

«Comment tu te sens ?» Lui demanda-t-il en entrant dans l’espace réservé à sa recharge. La fembot bleu ciel était allongée sur sa couchette, les optiques tournés vers le plafond, les jambes repliées et les ailettes légèrement écartées dans son dos pour gagner en confort. Son visage gris affichait une expression soucieuse, pendant que ses doigts tapotaient machinalement le bord de sa couchette avec une régularité nerveuse. Elle grinça des dentas lorsque le cadre du médecin intercepta la lumière, projetant son ombre sur elle, ce qui la força à rompre le silence.

«Comment je me sens ? Comme si je venais de réduire en miettes la confiance de mon Opiluk et anéanti tous mes espoirs d’une vie enfin stable. Oh, et ai-je oublié de mentionner que je dois maintenant encaisser une avalanche de reproches pour un comportement jugé inapproprié ? Alors que tout ce que je voulais, c’était bien faire ! Ce que je me tue à faire depuis le début !» Rouspéta-t-elle avec amertume, levant les bras avant de les laisser retomber lourdement sur la couchette.

«Voilà une réplique bien digne de la fille d’un Prime.» Railla doucement Ratchet, un sourire en coin.

«Je ne suis pas irréprochable, j’en suis consciente, mais je ne pensais pas à mal… Vraiment, Ratchet. Je cherchais juste-» Tenta d’expliquer Moonlight, mais le médecin à ses côtés s’empressa de finir sa phrase à sa place.

«À le protéger. Mais le protéger de quoi, exactement ?» Il pencha la tête sur le côté puis quitta son écran du regard pour toiser la petite fembot en émoi. Effectivement, elle avait broyé du noir tout le cycle de nuit… C’était une évidence quand il voyait l’état catastrophique de ses batteries, sans parler de son regard épuisé qui lui faisait presque mal au Spark. Il reprit avec plus de fermeté ; «Tu es sa fille, et c’est dans le devoir d’un créateur de s’assurer que sa création se porte bien. C’est important pour lui, tu n’avais pas le droit de lui prendre son rôle ! Même si je comprends ton point de vue, il faut te rappeler qu’il se fait toujours du souci pour toi. Peu importe ton âge !»

«Pourquoi est-ce qu’il réagit comme ça, alors ? Je ne suis jamais assez bien pour lui !» Grommela Moonlight qui croisa les bras sur son châssis après s’être redressée contre le dossier de la couchette, les optiques plissées et les lèvres pincées.

«Tout simplement parce qu’il a peur. Cette émotion est compliquée à gérer pour un Prime, surtout un Prime avec une liaison créateur. Ce n’est pas parce que tu es adulte qu’il n’a plus le droit de s’inquiéter pour toi. Vous êtes liés, c’est pour la vie. Optimus a toujours fait en sorte de répondre présent, qu’importe la difficulté, alors c’est à ton tour de lui rendre la pareille en lui montrant que tu peux te confier à lui sur tes problèmes. La confiance est une denrée rare de nos cycles… Tu sais à quel point il y tient, c’est inscrit dans son code d’honneur.» Enseigna le mecha rouge et blanc qui faisait preuve de beaucoup d’altruisme, cherchant à croiser le regard attristé de la fembot au menton tombant. À son manque de réaction, il libéra son vocaliser derrière son poing.

«Même si, parfois, je le trouve un tantinet sévère !» Toussota-t-il alors qu’il revenait à l’écran de son ordinateur de contrôle pour constater les données récoltées durant la nuit, se rendant compte par la même occasion que le réservoir de Moonlight était bas.

«Et c’est toi qui dis ça ?» S’étonna-t-elle d’un haussement de crêtes optiques suivi d’un sourire enjoué. Fixant Ratchet avec incrédulité, elle vit avec amusement qu’il écarquillait les optiques sans s’être rendu compte qu’il venait de penser à voix haute. Son sourire narquois s’élargit lorsqu’il positionna ses poings sur ses hanches, puis il se tourna vers elle d’un regard sévère nuancé d’embarras.

«Moi, j’ai ce droit, car je suis le médecin ! Vous me devez respect et obéissance en échange des soins.» Rétorqua-t-il aussitôt en levant son index pour montrer qu’il ne plaisantait pas. En échange de quoi, le sourire de Moonlight s’élargit timidement avant qu’elle ne secoue la tête à son argument ridicule pour se défendre d’avoir osé critiquer le Prime en sa présence.

«Si tu le dis, je ne te jugerai pas. Après tout, c’est toi le chef.» Rassura-t-elle en levant les mains face au médecin qui plissa suspicieusement les optiques, percevant clairement le sarcasme dans sa voix.

«En tout cas une chose est sûre, ça me conforte dans l’idée que je ne voudrais jamais devenir créateur. Pour rien au monde ! C’est beaucoup trop épuisant et agaçant... Vous usez nos batteries bien avant la fin !» Déplora Ratchet en soupirant lourdement tandis que ses épaules s’affaissaient à cette pensée complètement absurde. Lui ? Créateur ? Pfff, jamais de la vie !

«Tu sais ce qu’on dit, ne jamais dire jamais…» Moonlight sourit à nouveau lorsque le mecha frissonnait de dégoût. Cette idée lui déplaisait manifestement, pourtant elle pouvait facilement l’imaginer à la charge d’un étincelant. Même s’il avait raison : les étincelants demandaient énormément de temps et d’énergie, et Ratchet n’en avait pas forcément assez pour répondre à leurs besoins… Mais derrière cette aversion se cachait peut-être un véritable mal-être ? Une perspective que Moonlight prenait en compte depuis qu’elle savait que Ratchet dissimulait la plupart de ses émotions derrière cette façade grincheuse, ce qui lui procurait de la peine si cette théorie s’avérait vraie.

Il sacrifiait sa vie au profit des autres.

«Ratchet, il y a quoi dans le centre médical ouest ?» Se retrouva à demander Moonlight avec les mains croisées sur son châssis, le regard pensif fixé au plafond de l’infirmerie.

«Quelque chose dont tu n’as pas besoin de te préoccuper. Laisse les grands gérer ça.» Objecta le médecin d’un regard oblique à sa patiente de la matinée. Cependant face à son expression indignée, il ne put s’empêcher de continuer avec plus de sérieux tout en optant pour la discrétion ; «Un endroit qui nécessite une attention particulière et beaucoup de main-d’œuvre. Tu le découvriras bien assez tôt.»

Il ne voyait pas l’utilité de lui en dévoiler davantage pour l’instant, d’autant plus qu’il n’avait pas reçu l’autorisation d’Optimus de lui révéler ce secret. Ce genre d’informations restait strictement confidentiel, soigneusement gardé aux optiques de la population de Iacon. Seule une poignée d’initiés, triés sur le volet, était au courant de l’existence de ce centre et de ce qu’il renfermait. Un lieu aux fonctions mystérieuses, dissimulé derrière un voile de silence que même les rumeurs peinaient à effleurer. D’ailleurs, comment avait-elle pu en entendre parler ? Jetant un regard suspicieux vers la fembot qui balançait paresseusement sa jambe d’avant en arrière, il en conclut qu’elle avait dû surprendre la conversation par hasard. C’était la théorie la plus plausible, même s’il restait sur ses gardes. Ce poids de la vérité, Ratchet le portait souvent seul, conscient que certains secrets pouvaient mettre en danger bien plus que des circuits ou des systèmes. Revenant à l’écran holographique de son ordinateur de bord, Ratchet étudia certaines données qui s’y affichaient avant de se souvenir de quelque chose qu’il était censé partager avec la fille de son Prime.

«Optimus a eu un empêchement. Il a été appelé en urgence pour faire une descente à la porte est. J’ignore de quoi il s’agit, mais si tu veux mon avis, ça ne me dit rien qui vaille.» Annonça-t-il ensuite, ce qui sortit Moonlight de ses pensées alors qu’il pianotait furieusement sur son clavier d’ordinateur.

«Il paraît qu’ils ont détecté un signal dans ce secteur…» Dit-elle sans conviction, son regard inquiet se déportant vers ses jambes désormais étendues.

«C’est possible. Mais en attendant son retour, j’ai reçu des ordres que je dois appliquer sans discuter.» Révéla le médecin en terminant d’écrire une ligne puis se tourna une fois de plus vers la fembot qui le regardait avec perplexité.

«Quels genres d’ordres ?» Demanda-t-elle, une boule se formant dans son réservoir face à l’expression très sérieuse de son interlocuteur rouge et blanc.

«Nous allons procéder à une restauration partielle de ton CPU, ce qui implique une liaison cortyco plus poussée pour accéder aux fichiers corrompus de ta mémoire, tout en te maintenant consciente pendant le long processus. C’est essentiel pour garantir l’efficacité de l’opération.» Expliqua-t-il en se baissant pour récupérer une boîte rectangulaire sous la couchette de Moonlight. Il en sortit un gros câble noir ainsi qu’une sorte de pince, sous les optiques anxieuses de la fembot qui n’était pas certaine de bien comprendre.

«Ça consiste en quoi ?» S’alarma-t-elle.

«Ça consiste à te soulager de tes cauchemars à répétition, à te libérer de tes traumatismes les plus profonds. C’est comme un filtre. Je vais trier ce qui est mauvais et ne garder que le bon, pour que tu puisses enfin recharger correctement sans être sous l’emprise de ces images horribles. J’ai déjà réalisé cette procédure lorsque tu n’étais qu’un étincelant… Tu ne t’en souviens probablement pas, car tu étais encore trop jeune à l’époque, mais cette intervention t’avait permis de te développer correctement.» Avoua-t-il avec une pointe de nervosité dans la voix qui malheureusement ne passa pas inaperçue auprès de la fembot sur ses gardes.

«Ratchet, je ne crois vraiment pas que ça soit nécessaire. Je vais très bien ! Je t’assure ! Ce ne sont que quelques petits cauchemars sans importance… Ils finiront par disparaître d’eux-mêmes, comme ils l’ont toujours fait !» Le Spark s’emballant derrière les plaques de son châssis, Moonlight secoua la tête en lâchant un rire nerveux pendant qu’elle observait le médecin brancher son câble à l’arrière de son ordinateur dans des gestes rapides et maîtrisés. En effet, il connaissait bien la procédure…

«Arrête de répéter que tu vas bien ! Ce n’est pas vrai. Nous ne sommes pas naïfs comme tu le crois, Moonlight, nous voyons que ton état s’aggrave de cycle en cycle. Sache que ça ne m’enchante pas de fouiller dans l’esprit des autres.» Ratchet perdit son calme après s’être redressé pour poser sa main sur son casque, ses nerfs mis à rude épreuve tandis qu’il fusillait du regard la fembot interpellée par sa perte de contrôle. Droite sur sa couchette, elle le fixait avec stupeur, l’obligeant à poursuivre.

«Ce n’est pas une partie de plaisir. Ni pour toi, ni pour moi. Ce traitement n’est pas anodin, je le sais. Mais nous n’avons plus le choix à présent. J’espérais que le problème se résorberait de lui-même, mais il ne fait que s’aggraver. Cela affecte non seulement ton comportement, mais aussi tes systèmes vitaux. Quand le CPU défaillit, c’est tout le protoforme qui en pâtit. Ce n’est pas à prendre à la légère. C’est pourquoi nous allons faire plusieurs séances rapprochées. Parce que si nous tardons, les conséquences pourraient être catastrophiques sur le long terme. Des fichiers corrompus entraînent des dysfonctionnements, voire, dans le pire des cas, la suppression totale de l’individu.» Analy­sa-t-il avec inquiétude une fois son matériel installé et prêt à l’emploi.

«Je pourrais donc disparaître… D’un cycle à l’autre ?» S’horrifia Moonlight qui commençait à saisir toute la gravité de la situation.

«Théoriquement, non. Du moins, pas d’un seul coup. Ce processus peut s’étaler sur plusieurs orns. C’est plutôt une succession d’étapes, une dégradation progressive. Mais ne t’inquiète pas, abrégeons. Je n’aurais jamais dû te laisser sortir de l’infirmerie sans cette intervention… Je reconnais que j’ai commis une erreur. J’avais simplement espéré ne jamais être obligé de te refaire subir ce traitement. Qui plus est, ces complications sont bien trop souvent stigmatisées par la société. Je suis désolé si tu as dû affronter des injustices.» Regretta le médecin rouge et blanc avec une douleur sincère, son regard coupable se posant un instant sur le sol avant de revenir avec détermination vers Moonlight pour reprendre.

«Je vais avoir besoin de ton aide pour me guider et me montrer ce qui te terrifie. Je ne supprimerai que ce qui est à l’origine de ton mal-être, et rien d’autre. Tu as ma parole de médecin.» Assura-t-il en activant le programme via l’interface de son ordinateur, dissimulant du mieux qu’il le pouvait son anxiété derrière un masque de professionnalisme. Il détestait avoir recours à ce type de procédure sur ses patients. Car non seulement c’était intrusif, mais cela représentait une véritable épreuve pour un sujet adulte, pleinement conscient de ce qui lui arrivait. Alors, de le refaire sur Moonlight… Relevait d’un combat émotionnel intérieur. Mais les ordres étaient les ordres… Et elle avait besoin de cette intervention pour espérer une véritable guérison.

«Sérieusement, je ne crois pas que ce soit une bonne idée…» Indiqua Moonlight qui entamait déjà sa descente de la couchette mais le médecin s’empressa de la gronder avant même que ses pedes ne touchent le sol.

«Ne t’avise pas de tester ma patience, car je n’en ai déjà plus à ce stade du cycle ! Tu vas sagement revenir sur ta couchette et faire exactement ce que je te dis, jeune fille ! Ne m’oblige pas à employer les grands moyens !» Tonna Ratchet en la repoussant fermement du regard, le doigt levé devant son visage et prêt à mettre ses menaces à exécution. Moonlight cligna rapidement des optiques face à la vive réaction du médecin mais finit par lui obéir sans objection, bien plus calme que lui.

«D’accord, Seigneur Ratchet. Vos désirs sont des ordres.» Ironisa-t-elle avec une pointe de sarcasme en revenant à une position allongée sur la couchette, se retenant de justesse de grogner d’exaspération face à cette situation qui commençait sérieusement à lui taper sur le système.

Ce cycle ne pouvait définitivement pas être pire... Après l’engueulade de son Opiluk, la voilà maintenant transformée en cobaye de Ratchet ? Génial.

«Il faut que tu te détendes. Laisse ton protoforme se relâcher, libère la tension de ton armure. Pour le bon déroulement de l’opération, reste immobile et concentre-toi sur les pulsations de ton Spark.» Précisa Ratchet à sa gauche tout en ajustant quelque chose sous la couchette.

«Mes pulsations me disent de foutre le camp d’ici avant que je me fasse exploser. Je vois déjà les gros titres : “Une fembot s’est fait désintégrer après une expérience qui aurait mal tourné.” Le coupable ? Ce bon vieux médecin qui se serait trompé de prise au moment du branchement.» Commenta Moonlight avec humour en le voyant brancher un autre câble, plus petit, à une prise contre le mur du fond. Elle obtint en retour un regard noir du robot concentré sur sa tâche.

«Une fois que je serai dans ta petite tête, je vais me faire un malin plaisir de supprimer le registre humour nul, vu que j’ai l’impression que tu l’affectionnes tout particulièrement ces derniers cycles.» Répliqua sournoisement Ratchet, un petit sourire victorieux aux lèvres tandis que la fembot levait les optiques.

Une fois calmés, les deux retombèrent dans le silence au moment où le médecin inspecta l’état général de Moonlight puis récupéra le câble avec l’étrange pince accrochée à son extrémité. Il l’examina sous toutes les coutures avant de prendre la dure décision de le brancher à l’arrière du casque de Moonlight, là où il avait préalablement retiré une pièce d’armure pour accéder au port spécifique à ce type d’intervention délicate. Le léger cliquetis du câble se connectant au port métallique résonna comme un signal annonçant le début d’un processus irréversible. Il s’assura qu’elle allait bien avant de retourner à l’écran de son ordinateur pour commencer la procédure, veillant avec précaution aux statistiques vitales affichées dans le coin gauche de l’écran. Son Spark battait un peu plus vite que la normale mais sinon, elle ne présentait aucun signe de stress ni de malaise. Tout paraissait complètement normal. Une fois que tout fut en place et qu’il ne manquait plus qu’à appuyer sur le bouton de lancement, Ratchet hésita.

Était-il prêt à lui infliger cela une nouvelle fois ? Était-elle prête à revivre cette épreuve ? Il se le demandait, mais il n’avait d’autre choix que de poursuivre. D’un dernier regard attendri dans la direction de la fembot immobile, il appuya sur le bouton.

«Ratchet, je ne veux pas oublier…» Chuchota Moonlight qui commençait à appréhender le déroulement du traitement, ses optiques terrifiées fixées au visage du médecin qui, malgré la situation, restait très professionnel.

«Tu n’oublieras qu’une toute petite partie, celle qui te pose problème. Mais c’est toi qui as le pouvoir de décision, tu l’auras toujours.» Répéta gentiment le mecha face à son ordinateur affichant la barre de chargement se remplissant rapidement.

La connexion se fit presque instantanément. Le câble au sol s’illumina d’un bleu pâle pendant que l’ordinateur établissait la liaison entre la machine et le casque de Moonlight, les vibrations de cette puissance remontant jusqu’aux jambes de Ratchet. Soucieux, il visualisa les premières données récoltées, mais alors qu’il ouvrait la ligne de code pour entrer dans le CPU manuellement, l’écran de son ordinateur grésilla, puis se figea totalement. La lumière du câble vacilla, de petites ondes électromagnétiques commencèrent à s’en échapper, de plus en plus vite… Elles partirent du casque de Moonlight jusqu’à la machine à laquelle il était raccordé par ce même câble. La fembot ne se rendait pas compte de ce qui se passait, mais alors qu’elle voulut tourner la tête pour demander à Ratchet ce qui clochait, il y eut un gros craquement, suivi par une extinction générale de toutes les lumières. Dans l’obscurité naissante, seuls quelques voyants d’urgence clignotaient faiblement, jetant des éclats sporadiques sur les murs métalliques. Ratchet, la mâchoire crispée, se prépara mentalement à gérer une crise dont il redoutait déjà les conséquences.

«Scrap…» Marmonna-t-il face à son écran devenu noir.

Dorénavant plongés dans l’obscurité la plus totale, les deux robots présents dans la pièce ne voyaient plus que le bleu lumineux de leurs optiques. Il ne fallut que quelques nano-kliks supplémentaires pour que les lumières rouges de secours s’activent aux quatre coins, permettant ainsi à Ratchet de distinguer à nouveau son environnement. Moonlight était toujours allongée sur la couchette, mais il pouvait sentir sa panique à la façon dont ses optiques sondait la pièce de gauche à droite. Il savait que la pauvre avait du mal avec l’obscurité… Mais que venait-il de se passer ? Désorienté, le mecha s’empressa d’appuyer sur les touches de son clavier cependant rien ne se produisit, l’écran demeurait inactif. Seul un petit point rouge clignotait en bas à droite, signal qui lui était inconnu mais qui devait sans doute indiquer un redémarrage du système central. Ses espoirs furent toutefois anéantis lorsque la voix robotique automatique du centre médical résonna dans le bâtiment privé de fonctionnalités.

Erreur système détectée, veuillez redémarrer.

Erreur système détectée, veuillez redémarrer.

Erreur système détectée, veuillez redémarrer.

«Ratchet ?» Appela Moonlight dans l’angoisse tandis que cette même phrase se répétait en boucle.

«Il a dû y avoir une surchauffe…» Répondit-il à la hâte en appuyant frénétiquement sur les touches pour ouvrir l’interface de commande, sans succès. Ce qui l’inquiétait le plus, c’était les patients dépendants de cette aide médicale pour maintenir leur Spark en vie.

Comme Bumblebee.

«Teletraan, redémarre le système.» Ordonna fermement Ratchet au superordinateur intelligent qui alimentait la quasi-totalité des bâtiments de Iacon. Il leva les optiques lorsqu’une voix grave, presque effrayante, lui répondit.

Veuillez vous identifier.

Erreur système détectée, veuillez vous identifier.

«Ratchet ?» Répéta Moonlight d’une voix fébrile alors qu’elle se redressait lentement en position assise, son Spark pulsant férocement dans son châssis. Le câble toujours raccordé à sa nuque était lourd et l’empêchait de faire des mouvements brusques. Serrant ses doigts au bord de la couchette, elle fixait ces lumières rouges qui dessinaient à peine les contours des meubles dans la pièce.

«Qu’est-ce que c’est que ça ? Depuis quand tu me demandes de m’identifier ?» S’impatienta le médecin d’un grognement tout en recommençant la combinaison de touches pour ouvrir la commande, alors que la voix de Teletraan résonnait en boucle dans les locaux plongés dans le noir.

Veuillez vous identifier, commande vocale nécessaire.

Erreur système détectée…

Erreur système détectée…

Le message se répéta inlassablement, pesant comme une menace silencieuse sur l’atmosphère déjà lourde.

«Teletraan ! Rallume les lumières ! C’est un ordre.» La colère avait remplacé son incrédulité. Ratchet fronça les crêtes optiques lorsque Teletraan lui réclama encore une fois de s’identifier vocalement. Pourquoi avait-il besoin d’une commande vocale ? Cette foutue machine mettait sa patience à rude épreuve... Mais s’il voulait retrouver toutes les fonctionnalités de son centre, il n’avait d’autre choix que d’obéir à cet ordinateur têtu. Penché sur le clavier pour évaluer ce point clignotant en bas de son écran, il répondit à Teletraan, les optiques intensément brillantes de Moonlight en arrière-plan tournées dans sa direction clignotèrent brièvement en rouge.

«Médecin major Ratchet, grade Alpha, immatriculé 78832-BX-9.» Énonça clairement Ratchet, ce qui eut pour effet d’interrompre brièvement la voix robotique avant qu’elle ne reprenne avec un ton plus convivial.

Bonjour Ratchet. Le système a redémarré avec succès.

Indiqua Teletraan juste après que les lumières rouges de secours se furent éteintes et que les néons bleus plongèrent à nouveau la pièce dans une lumière nettement plus chaleureuse. Très différente de l’atmosphère oppressante ressentie quelques kliks plus tôt. Un gros bruit sourd retentit dans le sol tandis que les puissants générateurs se réactivaient les uns après les autres, permettant ainsi au centre de retrouver toutes ses fonctions. Bientôt, l’écran holographique de son ordinateur s’illumina en affichant une multitude de données alors que des voix inquiètes et surprises s’élevaient dans les couloirs, ce qui rassura immédiatement le médecin. Personne n’avait été blessé, personne n’avait tiré la sonnette d’alarme. Dans la pièce d’à côté, les monitorings reprirent leur activité, signalant que Bumblebee était sain et sauf et qu’il n’avait pas souffert de ce court moment d’inactivité. Un véritable coup de chance, selon lui.

«Nous sommes entrés.» Dit soudainement Moonlight dans son dos.

«Qu’est-ce que tu dis ?» Ratchet se tourna vers la fembot redressée sur sa couchette, mais elle fixait le mur en face d’elle. Il n’y avait aucune émotion sur son visage. Cependant au bout d’un moment, elle cligna des optiques avant de regarder le médecin avec confusion.

«Quoi ?» Répondit-elle, hébétée.

À court de mots, Ratchet continua de l’observer longuement en même temps que les voix dans le couloir se faisaient de plus en plus fortes et que ses assistants se précipitaient dans les nombreuses salles pour s’assurer que personne n’était blessé. Qu’aucun patient ne nécessitait de soins urgents après cette panne inédite.

Il épiait la fembot sur la couchette avec un étrange sentiment flottant dans son Spark, l’impression que quelque chose clochait chez elle… Mais quoi ? Il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus, pourtant il sentait au fond de son réservoir qu’elle était à l’origine de cette panne exceptionnelle. Malgré elle. C’était la toute première fois qu’il assistait à un tel phénomène lié à une liaison cortico-psychique, la toute première fois qu’il était témoin de quelque chose d’aussi étrange. Encore sous l’emprise de l’adrénaline, le mecha rouge et blanc secoua la tête puis revint à l’écran de son ordinateur qui affichait les statistiques de Moonlight. Mais il n’y avait absolument rien d’anormal. Tout était en ordre. Elle était juste confuse, tout autant que lui. Il contacta rapidement le reste de son équipe par communication privée, sans jamais quitter du regard la fembot assise restée sagement immobile, le câble toujours accroché à son casque.

Évidemment, il ne fonctionnait plus étant donné qu’il avait grillé… Et c’était d’ailleurs un miracle que le reste de l’installation n’ait pas elle aussi grillé ! D’un regard plein de questions, il se hâta de débrancher Moonlight avant qu’un autre incident ne survienne.

Que Primus le garde, il n’avait absolument aucune idée de ce qui venait de se passer.

{==Rue de Iacon==}

POV Moonlight

J’en avais assez de ma solitude et de mes pensées négatives à longueur de cycle. Assez de me remettre en question en permanence, incapable de briser cette cage invisible que je m’étais forgée. Je n’étais pas à la merci de mon processeur, je n’étais pas sous l’emprise de ces visions qui ne reflétaient qu’un profond état de confusion. Je voyais des choses qui n’étaient pas réelles… Je m’imaginais être la cible de quelqu’un ou de quelque chose alors qu’il n’y avait rien d’autre que moi et ma propre imagination. Cette paranoïa était en train de me rendre dingue… Elle semait le doute au fond de moi. Tel un virus qui prenait le contrôle de mes circuits, cette peur irrationnelle me faisait croire que j’étais en train de perdre la tête là où je n’avais aucun problème. Si c’était le plan de Shockwave dès le début de me rendre paranoïaque et donc, méfiante envers tous, alors il avait fonctionné à merveille.

Mais dans quel but ? Je l’ignorais.

Toutefois, il était hors de question de me laisser influencer, car je n’étais pas totalement sous son joug. Je savais encore faire la différence entre le vrai et le faux… Ou du moins, je m’efforçais d’y croire. Je marchais à travers les rues de Iacon, le regard perdu dans les lumières lointaines dans l’espoir de chasser mes pensées sombres. Oublier, ne serait-ce qu’un instant. Oublier mes cauchemars.

Oublier mes peurs. Oublier ce sentiment étouffant de solitude qui s’accrochait à mon Spark comme une toxine. Je voulais juste… Profiter d’un moment de calme pour ressentir les vibrations tranquilles de la cité sous mes pas. Sauf que mes pensées revinrent à ce rêve, à celui avec mon cher ami Bumblebee. Était-ce simplement une illusion ? Ou bien avait-il une signification plus profonde ?

Je revoyais son visage, sa silhouette chancelante et blessée, alors qu’il affrontait les Decepticons avec une détermination féroce uniquement pour me retrouver. Il s’était battu pour me tendre la main, pour offrir à mon Opiluk une chance de me sortir des ténèbres dans lesquelles j’étais plongée. Cette vision m’avait marquée plus que je ne voulais l’admettre.

Sa guérison était lente, bien trop lente à mon goût… Mais je n’abandonnais pas. Je gardais toujours cette lueur d’espoir au fond de mon Spark, celle de pouvoir un cycle le retrouver vivant et fort comme il l’avait toujours été. Bien sûr, une multitude de souvenirs plus ou moins agréables m’envahirent peu à peu le processeur. Des souvenirs d’enfance où j’étais avec mon Opiluk, des pleurs, des blessures superficielles, un nouvel ami, une nouvelle peinture, des cris, des rires, des morceaux de conversation, d’autres visions étranges et inexplicables… Un tumulte d’images, sans réelle cohérence chronologique, se précipita à l’intérieur de mon casque jusqu’à ce que, naturellement, je revienne sur les événements les plus récents : le curieux problème informatique de Ratchet. Je ne savais pas ce que je ressentais exactement, si ce n’était beaucoup d’incompréhension non seulement sur mon propre cas, mais aussi sur cette faille inquiétante dans le système. Que signifiait-elle ? Me sentant vite effrayée par cette énigme, je préférai revenir à des souvenirs beaucoup plus agréables.

Notamment des moments joyeux partagés avec mes proches que je gardais précieusement en mémoire pour les faire ressurgir dans des instants comme celui-ci, où la solitude rimait inévitablement avec mélancolie. Accaparée par mes pensées tournées principalement vers Bumblebee, je faillis me faire renverser par quelqu’un qui me coupa brusquement la route pour traverser vers le trottoir opposé. Sur le point de le fustiger pour son manque de savoir-vivre, je fus cependant surprise de voir plusieurs robots marcher d’un pas rapide dans la même direction. Intriguée, je m’arrêtai au milieu de la rue pour observer cette agitation soudaine. Tous convergeaient vers la place centrale de Iacon, la plus vaste et la plus populaire de la ville. Pourquoi ce soudain mouvement de foule ? Mon esprit bascula immédiatement vers mon Opiluk, me remémorant les paroles de Ratchet durant l’expérience… Lui était-il arrivé quelque chose ? Était-il blessé ? Ou quelqu’un d’autre ? L’inquiétude me noua les circuits alors que je me mêlai à la foule, le Spark pulsant désormais à un rythme affolé.

Et si c’était Optimus ?

Cette question revenait sans cesse, accentuant le malaise dans mon réservoir. Je n’avais rien ressenti de particulier dans notre lien, il était resté silencieux depuis la nuit précédente lors de notre petite altercation. J’étais affolée à l’idée qu’il ait pu lui arriver malheur. Je n’osais l’imaginer tandis que mon vocaliser se serrait d’appréhension. Me faufilant aisément entre les habitants qui se précipitaient, j’atteignis la grande place située juste en face du Haut Conseil, ce lieu où la justice était rendue. Un nombre incalculable de robots étaient éparpillés un peu partout autour de cette vaste esplanade, là où étaient prononcés les plus grands discours, où les annonces majeures étaient partagées avec le peuple. Je commençais vraiment à avoir peur. Qu’avais-je donc manqué d’important durant le temps passé à l’infirmerie ? C’était impressionnant de voir autant de robots rassemblés en un seul lieu, devant l’imposant bâtiment du Haut Conseil de Iacon. Je me sentais si petite, si insignifiante, perdue au milieu de tous ces bots… Pratiquement tous plus grands, plus robustes et plus imposants que moi.

C’était étouffant… Je devenais soudainement très mal à l’aise, comme si je risquais de disparaître dans toute cette masse bruyante. Il fallait que je m’éloigne, et vite avant que mes systèmes ne surchauffent et ne me plongent en stase d’urgence. Je n’avais aucune envie de faire un malaise au milieu de ces robots que je ne connaissais même pas. Alors je m’éloignai vers l’arrière, cherchant un semblant de réconfort avec les bras serrant mon châssis. C’est là que mes audios captèrent des bribes de conversation.

«Il est revenu !»

«Si, je t’assure ! J’ai entendu dire qu’il avait été fait prisonnier par les Decepticons et qu’il aurait réussi à leur échapper…»

«C’est impossible…»

De qui parlent-ils ? Je m’interrogeai, dubitative. Faisant mine de m’intéresser à ce qui se passait devant moi, je m’approchai des trois robots qui parlaient à voix basse, visiblement excités.

«Il est de retour pour nous sauver, Sentinel est vivant !»

«Il va nous aider à faire face à la crise.»

Sentinel est de retour ? Je n’arrivais pas à croire ce que j’entendais, j’étais sans voix.

C’était donc ça, le mouvement de foule… Car Sentinel Prime était de retour parmi nous. Ce traître était parmi nous, me corrigeai-je, tandis que mon Spark faisait un violent bond dans mon châssis à l’idée de revoir ce robot ici. Le poids de son retour écrasait l’atmosphère, et chaque nanofil de mon être vibrait d’une rancune profonde que je peinais à contenir. La dernière fois que je l’avais aperçu, j’étais la captive des Decepticons… Sur le point de me faire lyncher, encore. C’était de sa faute si je m’étais retrouvée chez l’ennemi, c’était de sa faute si Bumblebee était dans cet état, c’était de sa faute si Optimus allait perdre son titre ! La colère grandissait en moi comme un feu prenant vie. Je gardais mes optiques livides rivées en haut des marches où venaient d’apparaître Skydive, Air Raid, suivis par Fireflight puis Slingshot, et enfin le chef des Aerialbots, Silverbolt. Ce dernier escortait le mecha à l’origine de toute cette haine que j’emmagasinais, Sentinel. Chaque nom qui défilait derrière lui n’apportait aucun réconfort, au contraire, ils semblaient tous complices de ce retour que je redoutais.

Mes pensées s’embrouillaient, oscillant entre la volonté de fuir et le besoin irrépressible de comprendre ce que cette réapparition signifiait vraiment.

Je remarquai tout de suite que l’ancien Prime n’était pas menotté, car il pouvait saluer à sa guise la foule agglutinée pour assister à son spectaculaire retour à Iacon. Alors comme ça, il s’était fait passer pour un prisonnier évadé ? Pour faire quoi, récolter de l’empathie et peut-être une rédemption ? Je plissai suspicieusement mes optiques vers le robot rouge barbu qui entraînait de vives réactions du peuple à chaque fois qu’il levait la main pour les encourager à l’acclamer. Tous ces applaudissements me donnaient le tournis… Ils me répugnaient. Étaient-ils tous aussi aveugles ? Ne voyaient-ils pas la malice dans son regard ? Je désespérais de voir tous ces robots heureux de retrouver Sentinel, le roi des traîtres. Ils idolâtraient un bot qui se faisait passer pour un sauveur alors qu’il avait failli être à l’origine d’un génocide si les Autobots n’avaient pas déjoué le plan de Megatron à temps. C’était un véritable crève-Spark de constater que tous ces robots se faisaient aussi facilement duper avec quelques bonnes paroles et des sourires faussement bienveillants.

Avait-il toujours été aussi doué pour charmer le peuple ?

«Bonjour, habitants de Iacon ! Vous m’avez tous terriblement manqué.» S’exclama Sentinel tout en saluant les robots en contrebas, ce simple geste déclenchant un torrent d’applaudissements.

Bien sûr, grognai-je intérieurement, furieuse de voir à quel point tout le monde était crédule et manipulable à sa guise.

«Je suis enfin de retour parmi vous. Ce fut une traversée ardue, un véritable défi de survivre en territoire ennemi, mais Primus nous teste tous pour mesurer notre valeur ! Et en ce cycle, il m’a accordé sa grâce pour que je puisse revenir auprès de vous.» Nous livra-t-il de sa voix respectable avec laquelle il nous avait tous bercés d’illusions. À sa gauche, Slingshot chassa les robots qui tentaient d’atteindre le haut des marches pour le rejoindre au-devant de la scène.

«C’est un signe du destin !» Exagéra-t-il en levant les mains vers nous, un sourire modéré se dessinant sur son visage marqué par l’âge.

J’avais envie d’hurler.

De faire connaître mon désaccord, de lui dire d’aller se faire voir chez Unicron là où était sa véritable place. De crier à tout le monde que ce n’était qu’un imposteur qui voulait juste s’attirer les faveurs pour échapper au jugement, usant de sa réputation et de son vécu pour atteindre son but. Il ne faisait ça que dans l’objectif de se sortir du pétrin, avec éventuellement l’intention de revenir au pouvoir étant donné qu’il avait toujours sa côte de popularité intacte. Un ramassis de mensonges… Sa manipulation était magistrale, je devais bien le reconnaître. Mais je voyais le monstre derrière cette facette d’ancien chef respecté de tous, aux idéologies novatrices, la parfaite figure de mentor aux optiques des habitants. Et pire encore, aux optiques de mon Opiluk aveuglé par sa confiance naïve en une figure qui semblait incarner l’espoir et la stabilité. Pourtant, je savais que cette confiance était dangereuse, qu’elle le rendait vulnérable aux machinations de celui qui n’était rien d’autre qu’un manipulateur habile prêt à tout pour reprendre le contrôle. Cet aveuglement me brisait le Spark. Je savais que son retour ne présageait rien de bon, que ses promesses n’étaient que des pièges savamment tissés pour mieux nous tromper, mais j’étais la seule.

Un Autobot admirable et digne de confiance ayant apporté des vorns de paix à notre civilisation… Qu’était-il donc arrivé ? Pourquoi ce changement radical de camp ? Qu’est-ce qui avait corrompu l’ancien Prime aux exploits incalculables ?

Sur le point de m’en aller tant ce spectacle abominable m’était insupportable, je me stoppai net dans mon mouvement quand Optimus arriva à son tour sur la scène. Il passa entre Silverbolt et Air Raid pour atteindre Sentinel, qui continuait de réclamer de l’attention à son public, pas le moins du monde intéressé par l’arrivée du Prime. Le commandant rouge et bleu n’avait d’optiques que pour lui, son expression frôlant l’irritation lorsqu’il lui tourna le dos pour se tourner vers les habitants en furie. Mon Opiluk ne semblait pas totalement à l’aise devant cette foule en adoration, hésitant sur sa prochaine action avant qu’il ne fasse signe au chef des Aerialbots pour qu’il sorte une paire de menottes. Aussitôt, mes optiques s’écarquillèrent de surprise. Consécutivement, les voix se turent tandis que les mechas ailés entourèrent l’ancien Prime feignant la confusion pour l’empêcher de prendre la fuite pendant qu’Optimus prenait la parole.

«Sentinel Prime, vous êtes soupçonné de trahison et de complots contre la cause Autobot, considérés comme des crimes de guerre. En accord avec les pouvoirs qui me sont conférés, je vous arrête.» Déclara-t-il solennellement tout en fermant les menottes autour des poignets de Sentinel pour l’empêcher de se transformer, ce qui provoqua les huées de la foule en désaccord. J’étais sous le choc. Je ne m’attendais pas à une telle réaction de la part de mon créateur, et encore moins à entendre les prochaines paroles de Silverbolt.

«Jusqu’à ce que nous rassemblions toutes les preuves vous inculpant, vous êtes placé en détention provisoire, en attendant un jugement qui se fera devant les membres du Haut Conseil ainsi que les chefs d’escouade. Vous avez le droit de garder le silence.» Poursuivit ce dernier après avoir tourné le mecha rouge, stupéfait par son arrestation, face aux habitants en délire. Cependant, il ne prit pas en compte la dernière indication de Silverbolt pour faire connaître sa désapprobation.

«C’est scandaleux ! Optimus, as-tu perdu la raison ?!» S’indigna Sentinel.

«Je suis parfaitement lucide, Sentinel. J’ai des raisons de croire que vous êtes impliqué dans les récents événements. Vous répondrez de vos actes devant la justice en temps voulu.» Répliqua sans attendre Optimus, les poings serrés à ses côtés pendant que les autres autour de moi recommençaient à huer mon créateur. J’étais impressionnée par son tempérament flegmatique en toutes circonstances, même les plus dramatiques.

«Quoi ?! Mais c’est ridicule ! Voyons Optimus, tu n’as pas les idées claires. Je suis ton mentor et je suis le protecteur de cette ville depuis des vorns. Pourquoi aurais-je fait une chose pareille ? Cela n’a aucun sens ! J’ai toujours veillé au bon fonctionnement de notre cité, je t’ai montré la voie de la sagesse, je t’ai tout appris des anciens… J’ai fait de toi un Prime !» Se défendit Sentinel dans un ton frôlant la condescendance puis il tenta de se défaire de ses menottes, mais Skydive l’attrapa par le bras pour l’empêcher de se débattre.

«Et en tant que tel, j’ai le devoir d’assurer la sécurité de notre ville. C’est le Conseil de Iacon qui reconnaîtra votre innocence ou votre culpabilité, mais jusque-là, je suis dans l’obligation d’agir dans l’intérêt de mon peuple.» La voix d’Optimus était ferme néanmoins teintée d’un soupçon de tristesse qui me fit mal au Spark, d’autant plus que son regard autoritaire vacillait à chaque nouveau cri d’indignation.

«Vous n’avez aucune preuve pour m’inculper de quoi que ce soit !» Rugit Sentinel, vraisemblablement hors de lui que son plan n’ait pas fonctionné comme il l’espérait. Il réussit à se dégager de l’emprise de Skydive pour se tourner vers le peuple, en quête de soutien, jusqu’à ce que ses optiques bleu clair ne tombent sur moi… La petite fembot à l’écart du groupe. Je me sentis foudroyée par son regard fielleux. Il débordait de haine, mais aussi de malveillance. Presque intimidée par lui, je remarquai cependant qu’un petit sourire calculateur étirait les coins de sa bouche tandis qu’il levait ses mains menottées dans ma direction, forçant les Autobots à tous se tourner vers moi.

«Vous me parlez de trahison alors que vous avez une espionne parmi vous ! C’est elle qui complote depuis le début, c’est elle qui est à l’origine de tout ça ! Ne voyez-vous donc rien ?» Commença-t-il, mais Optimus intervint rapidement.

«Sentinel ! Ça suffit !» Somma-t-il, ce qui n’empêcha pas pour autant son ancien mentor d’insister pour trouver le parfait bouc émissaire.

«Optimus, je t’en prie, tu es aveuglé par ton rôle de créateur ! Il altère ton jugement ! Tu ne veux pas voir la vérité en face car tu l’as élevée, mais c’est pourtant la réalité que tu ne veux pas admettre. C’est une évidence. Elle revient d’un long séjour chez l’ennemi, qui nous dit qu’elle n’a pas été trafiquée ? Qu’elle ne leur a pas prêté allégeance ? Qu’est-ce qui s’est véritablement passé à Kaon ? Nous avons le droit à des réponses ! C’est exactement ce qu’ils voulaient, qu’elle passe inaperçue pour infiltrer nos rangs. Et tu marches dans leur piège ! Vous ne la soupçonnez pas sous le prétexte qu’elle est sous ta protection ! Mais derrière ce regard faussement innocent se cache en réalité tout un complot. Optimus, tu peux me croire. Je suis ton mentor, je t’ai toujours aimé et soutenu dans tes choix, mais là tu commets une terrible erreur. C’est elle l’espionne !» Renchérit-il tout en faisant des gestes frénétiques dans ma direction, son regard méprisant me glaçant l’energon.

J’étais comme paralysée face à toutes ces optiques qui me jugeaient, me faisaient des reproches en silence. Des chuchotements s’élevèrent à la suite des paroles de Sentinel, alors que les robots autour de moi me fusillaient du regard à tour de rôle, leurs optiques accusatrices exprimant dégoût et peur. J’entendais des mots comme «traitresse» et «Decepticon» s’élever parmi les bots, mais j’étais tout bonnement incapable de me défendre, incapable de dire quoi que ce soit. Tétanisée par toute cette attention, je regardais entre les différents robots qui m’épiaient de haut en bas puis mes optiques revenaient à la scène plus loin, où Optimus me fixait d’une manière que je ne saurais décrire. Était-ce de l’incertitude, là, dans son regard ? Doutait-il de moi ? Longuement, il m’observait sans prononcer un seul mot pendant que Sentinel faisait des allers et retours entre mon Opiluk indiscernable et les Aerialbots gardant le silence.

«À peine suis-je rentré de ma captivité que l’on me soupçonne déjà de trahison ? Soyons honnêtes. C’est complètement absurde ! Jamais je ne trahirais ma famille. J’ai tout fait pour sortir cette ville de la misère, j’ai toujours fait preuve de diplomatie dans mes choix. Mais cette fembot… Elle n’est pas celle que vous croyez.» Affirma le mecha rouge sans état d’âme dans le but de provoquer un soulèvement, ce qui me sortit enfin de mon état de choc pour pouvoir me défendre.

«Ce n’est pas vrai ! Je sais ce que j’ai vu, ce cycle-là ! Sentinel est un traître, il a promis à Megatron de renverser la ville en échange d’un poste de commandement des armées-» Débutai-je férocement sauf qu’il me coupa la parole en avançant brusquement.

«Mensonges !» S’écria-t-il, mais je ne me décourageai pas. Je devais me battre ! Je devais faire éclater la vérité à la lumière de tous.

«Ce ne sont pas des mensonges ! C’est vous qui avez planifié mon enlèvement ! C’est vous qui avez retardé les secours, vous vouliez gagner du temps en délivrant de fausses informations aux Autobots pour que les Decepticons puissent mettre en place tout leur stratagème ! Vous avez menti à Optimus, vous avez menti à tout le monde ici présent. Tout ça par pur égoïsme, pour obtenir les faveurs de Megatron et jouer un rôle dans cette guerre ! Mais la vérité, c’est que vous n’aviez pas prévu que je vous croiserais dans la base, pas vrai ? Ça a compromis tous vos plans, c’est pour ça que vous avez inventé cette histoire d’enlèvement, pour gagner en crédibilité lorsque vous reviendrez.» Lançai-je sans hésitation tout en le pointant du doigt au milieu de la foule, les bots me laissant la place pour m’approcher des escaliers. J’étais hors de moi, incontrôlable. Je voulais le faire tomber.

Cette soudaine haine dans mon Spark était incommensurable.

«Qu’est-ce que c’est que ces accusations calomnieuses ?! Cette histoire est insensée, inventée de toutes pièces !» Sentinel fit mine d’être étonné, mais tout ce qui m’intéressait à présent c’était mon créateur demeurant silencieux à ses côtés depuis mon intervention. Je n’arrivais pas à interpréter son regard, je ne savais pas à quoi il pensait… Et le lien ne m’était pas non plus d’une grande aide, maintenant qu’il n’était plus qu’un épais nuage de confusion.

«Opi, c’est la vérité…» Dis-je d’une petite voix chargée de tristesse en voyant plus de doutes dans ses optiques bleues. Pensait-il que je mentais ? Après tout, je lui avais menti récemment, ce qui expliquait cette soudaine incertitude quant à mes propos. Cette simple idée me brisait le Spark... Il devait choisir entre moi et son mentor.

«Crois-moi… » Plaidai-je encore, au bord des larmes, la main posée sur mon châssis au-dessus de mon Spark douloureux. Je ne voulais pas paraître suppliante, mais ce regard dérouté était tout simplement accablant… Il était déchirant, je me déchirais de l’intérieur car mon créateur ne me croyait plus. Je n’avais jamais ressenti pareille sensation aussi dévastatrice depuis que j’étais un petit étincelant en quête d’affection. Nous nous regardâmes droit dans les optiques pendant plus d’un klik, ce qui me parut intensément long, jusqu’à ce qu’il m’hoche sciemment la tête puis qu’il retrouva son air implacable pour regarder Sentinel.

«Ma fille ne ment pas.» Certifia-t-il avec confiance avant de faire signe aux Aerialbots de l’emmener.

Mon soulagement fut instantané.

«C’est une conspiration ! Tu me déshonores, Optimus. Tu me fais honte, tu fais honte aux anciens ! Tu le regretteras !» Hurla Sentinel alors qu’il était entraîné de force par les bras pour quitter la scène, ses cris devenant bientôt un simple écho lointain alors qu’il était emmené vers la prison.

À cette décision risquée, les murmures reprirent de plus belle autour de moi mais je n’avais d’optiques que pour mon Opiluk, qui tentait de calmer la foule en effervescence avec quelques paroles bienveillantes. Il avait dû faire un terrible choix, un choix qui mettait en péril tout son honneur ainsi que son titre de Prime. J’avais terriblement peur pour la suite des événements… Peur qu’ils ne puissent pas rassembler assez de preuves avant le verdict final. L’idée que mon créateur perde tout ce pour quoi il s’était battu me remplissait d’effroi. J’étais inquiète pour lui. Je savais que les prochains cycles allaient être particulièrement difficiles à gérer, mais je serais là à ses côtés. Je ne sais pas combien de temps j’étais restée plantée là à repenser à ce qui venait de se passer, mais la foule commença bientôt à se disperser autour de moi, jusqu’à ce que je me retrouve pratiquement seule. J’entendais quelques bribes de conversation, des plaintes, mais aussi des doutes ou de la colère dans les voix. Cependant, la majorité de la population restait très confuse concernant ce choix considéré comme absurde.

Qui aurait pensé que le grand Sentinel Prime pourrait en réalité être un espion ? Personne n’aurait pu prévoir ça, pas même Optimus.

Mon Opiluk quitta la scène après quelques paroles échangées pour rejoindre les Aerialbots dans la partie souterraine de Iacon, là où étaient enfermés les pires crapules et les prisonniers de guerre dans des cachots hautement surveillés. La prison était un endroit lugubre que je n’avais pas spécialement envie de découvrir un cycle, ayant déjà vécu dans une cellule chez les Decepticons. J’étais marquée par un traumatisme lié à ces lieux sombres et exigus. Néanmoins, je sentais à travers notre lien à quel point cette décision le bouleversait. Partageant sa peine, je me détournai du bâtiment du Haut Conseil pour chercher un coin plus tranquille où je pourrais échapper à tous ces regards acérés, à tous ces robots qui développaient de la méfiance à mon égard. Pourrai-je leur donner tort ? Pas vraiment. Je m’immobilisai lorsque j’aperçus Hot Rod avec Isis parmi les derniers robots présents sur la place. Mes deux amis, ou plutôt anciens amis me regardaient fixement, ne s’étant a priori pas attendus à ce que je les remarque.

L’expression d’Hot Rod était indéchiffrable, celle d’Isis se rapprochait de la compassion, avec peut-être un soupçon de pitié. La fembot Seeker m’offrit un petit sourire timide, suivi d’une vague de sa main qu’Hot Rod s’empressa d’intercepter pour l’empêcher de me saluer. Le mecha orange, rouge et jaune me fusilla un bref instant du regard avant de lever le menton, puis d’entraîner Isis avec lui pour s’éloigner de moi. Cette réaction me dévasta. Même les communications privées, il les détournait. Je ne comprenais pas pourquoi ils réagissaient ainsi, pourquoi ils étaient si distants… Ni pourquoi ils ne voulaient plus me parler. Hot Rod n’avait pas assuré son rôle d’ami, tandis qu’Isis ne m’avait jamais donné sa version des faits. Mais connaissant la fembot au Spark rempli de bonté, j’avais dû dire des choses vraiment horribles pour qu’elle m’ignore de la sorte. Savoir que je n’avais pratiquement plus d’amis proches me remplissait d’une profonde tristesse. Je sentis les larmes d’energon me piquer les optiques, mais je m’interdis de les faire couler car c’était de ma faute si je me retrouvai seule.

Je n’avais juste pas été à la hauteur.

«On dirait que ça se corse ton histoire.» S’exprima tranquillement une voix en hauteur quelque part derrière moi. Je passai rapidement mes doigts sous mes optiques puis me tournai vers le mecha blanc et bleu perché sur une sculpture en métal.

«Qu’est-ce que tu fais là ?» J’interrogeai Smokescreen qui balançait sa jambe dans le vide avec insouciance.

«J’étais venu admirer le spectacle. Ce n’est pas tous les cycles qu’un Prime se fait arrêter pour trahison !» Me répondit-il avec légèreté, ce qui eut pour effet de me faire sourire malgré mon chagrin.

«Soupçonné de trahison.» Je le corrigeai.

«Ouais, si tu préfères. Il n’empêche qu’il n’a pas l’air très net. Peut-être qu’il a quelque chose à se reprocher finalement ? Je parierais qu’il a laissé des traces quelque part et qu’il a peur que quelqu’un tombe dessus par hasard ! Ou alors peut-être qu’il est vraiment innocent et que tout ceci n’est qu’une machination ? Une mise en scène ?» Déclara-t-il ensuite d’un doigt recourbé sous son menton pointu, les optiques rivées vers le ciel bleu dans la réflexion. Je me braquai aussitôt.

«Je ne suis pas folle ! Je sais ce que j’ai vu et entendu. Il n’est pas celui qu’il prétend être. Il joue un double jeu. Reste à savoir pourquoi il revient ici, alors que le risque de se faire attraper est énorme… Beaucoup trop grand s’il n’y avait pas une raison derrière tout ça. Pourquoi ne pas simplement s’exiler ?» Je réfléchissais à haute voix, adoptant exactement la même posture que le mecha sur son perchoir, les optiques plissées face aux théories qui germaient dans mon CPU. Après quelques nano-kliks, je m’éloignai vers une destination bien précise.

«Qu’est-ce que tu comptes faire ?» S’inquiéta Smokescreen qui avait sauté de la sculpture pour me rejoindre.

«Me battre !» Répliquai-je sans l’ombre d’un doute tandis qu’un large sourire conquis étirait les coins de mes lèvres. Je n’allais pas le laisser gagner, pas cette fois ! Il voulait la guerre ? Eh bien il l’aurait, mais à ma manière.

«Génial ! Tu as besoin d’aide ?» S’enchanta Smokescreen à ma droite alors qu’il croisait les bras derrière sa tête, imitant mon sourire qui ne cessait de grandir au rythme de mes pas.

«Viens avec moi.» Répondis-je spontanément en lui prenant le bras pour l’entraîner avec moi dans une rue.

J’étais déterminée à aider mon Opiluk à traverser cette nouvelle épreuve et à empêcher Sentinel de nous nuire encore une fois. Je trouverais la clé de tous ses secrets, puis je le renverserais. Je montrerais à tous sa véritable nature.

Tel était devenu mon plus profond désir.

À suivre…

VP


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