La fille aux yeux rouges

Chapitre 2 : EVEIL

Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 17:20

Je restai immobile, attendant que quelque chose se passe. Mais les minutes passèrent et rien ne se passa. La douleur avait totalement disparu. C’était presque étrange de ne plus avoir mal.

J’entendais le bruissement de la forêt autour de moi très distinctement. Il me semblait d’ailleurs que j’entendais les bruits de la forêt avec une acuité nouvelle.

J’ouvris les yeux. Il faisait nuit. Malgré ça, je voyais les détails de la forêt comme en plein jour, voir même mieux après réflexion. J’étais donc vivante.

Je me relevais doucement.

Qu’est ce qui se passait ? Je n’étais plus comme avant. Et puis comment pouvais-je vivre sans que mon cœur batte.

J’avais du mal à me concentrer sur cette question.

Des senteurs nouvelles avaient assaillies mes narines. J’essayais de les identifier une à une.

Ca faisait trop. Instinctivement, je retins ma respiration. Il fallait que j’essaie de déterminer ce qui m’arrivait. Je m’inspectais. J’étais habillée comme au moment de l’accident. D’ailleurs mon jean était déchiré. J’étouffais un juron : c’était mon jean préféré. Mon sac à dos était posé à côté de moi.

Je n’avais pas de blessures apparentes même si j’avais un peu de sang sur mes vêtements. Je fis un pas. Tout semblait fonctionner correctement.

Je me touchais le visage et les cheveux. J’avais la peau très froide et très dure. A part cela, rien d’extraordinaire.

Tout d’un coup, je me rendis compte que je n’avais pas repris mon souffle et que, fait extrêmement étrange, je ne m’étouffais pas pour autant. J’expirais et inspirais. Les odeurs de la forêt me transpercèrent à nouveau. Je bloquais encore ma respiration. Rien.  C’était comme si je n’avais plus besoin de respirer.

Est-ce que j’étais morte ? Pourtant j’étais là. Je réfléchissais, je voyais, entendais et sentais. Une idée atroce me traversa l’esprit. Se pouvait-t-il que je sois  morte-vivante ? Après tout, je revenais de l’enfer.

Je regardais mes mains. Elles étaient très blanches alors que ma peau avait toujours été mate. Je sentis une boule dans mon ventre se former. Tout ça n’était vraiment pas bon. Plus de pouls, plus de respiration, la peau froide et blanche. Ca faisait vraiment beaucoup de points communs.  Ou alors j’étais un fantôme. J’essayais de toucher un tronc d’arbre pour voir si ma main était solide ou si elle passerait à travers. Mes doigts caressèrent le tronc et je pus sentir sa rugosité. La première hypothèse semblait la bonne. J’étais une morte vivante.

Je me souvenais que les morts vivants étaient vraiment repoussants. Il étaient souvent dans un état de putréfaction avancé.  Je me touchais à nouveau le visage. Ma peau était très dure mais il ne me semblait pas que j’avais un œil qui pendait ou une oreille manquante. Tout semblait en ordre mais il allait falloir que je me regarde dans un miroir pour en avoir le cœur net.

Je regardais autour de moi. Je me demandais où je pouvais bien me trouver. Les bois environnants ne me donnaient aucune indication sur une direction à suivre. Je décidai d’aller là où la forêt me semblait moins dense. Je tomberais bien sur une route au bout d’un moment, me dis-je. Je ferais de l’auto-stop et je pourrais rentrer à la maison. Joshua devait être mort d’inquiétude.

Je me mis à respirer à nouveau. Ca me semblait plus naturel.

Je marchais tout en détaillant la forêt autour de moi. Mon esprit était captivé par ce qu’il voyait, entendait et sentait.

Au bout d’un moment, je me rendis compte que ma gorge me tiraillait très douloureusement. Toutes les sensations que je ressentais avaient occultées cette douleur mais lorsque je l’identifiais, la sècheresse de ma gorge devint presque insupportable.

J’entendis des grenouilles au loin. Il devait donc avoir un point d’eau pas loin. Je m’y dirigeais. Mais le point d’eau était beaucoup plus loin que je ne le pensais. J’avais entendu le chant des grenouilles à des centaines de mètres.

Quand j’y arrivais, l’odeur fétide de l’eau stagnante me repoussa. Je ne pouvais vraiment pas boire ça. Je n’avais pas soif d’eau. Il me fallait autre chose. Mon estomac se tordait dans mon ventre sous l’effet de la faim. Je n’arrivais pas à déterminer ce dont j’avais besoin. Avais-je soif ou faim ? Les deux probablement. Je n’avais jamais ressenti ces sensations avec autant de force. Pour autant, je ne me sentais pas faible comme j’aurais pu l’être dans un tel état d’inanition.

Je continuai ma route.

Au bout d’un moment, une douce odeur attira mon attention. Je la reniflais avec avidité. Un flot de salive envahit ma bouche et ma gorge me tirailla encore plus douloureusement. Mon estomac se mit à me torturer. C’était de ça dont j’avais faim.

En une fraction de seconde, je perdis le contrôle de moi même. Cette odeur m’enivrait, il fallait que je m’en empare, peu importait la manière. J’avais tant souffert, je méritais une récompense et cette fragrance sentait si bon.

Je me lançais à toute vitesse sur la piste. Je ne m’étonnais même pas de la vitesse que j’avais atteint. Tout ce qui comptait c’était l’odeur qui se faisait de plus en plus forte tandis que je remontais sa trace.

Je n’étais plus. Quelque chose d’autre avait pris possession de moi. Un être assoiffé, bestial et sauvage.

Une excitation nouvelle m’envahit quand j’entendis des aboiements au loin. L’odeur délicieuse ne venait pas d’eux. J’avais déjà une vague idée de ce qui m’attirait. Celle de leur maître.

Loin de me consterner,  cette constatation m’excita encore plus.

Mon appétit était tel que je ne veillais même pas à me placer dans le sens du vent. J’avais ralenti et je m’approchais sous le couvert des arbres.

Les chiens m’avaient reniflé et aboyaient de plus belle. Leur maître devait sentir le danger car son cœur s’affolait.

_ « Qui va là ? » fit une voix mal assurée.

Je le désirais plus que tout. Son odeur et sa peur était la tentation la plus forte auxquelles j’avais eu à faire au cours de ma courte existence.

Je me voyais déjà plonger mes crocs dans sa carotide et sentir son sang chaud couler le long de ma gorge. J’en frémis d’aise.

D’un bond, je comblais la distance qui nous séparait. J’étais à peine à 5 mètres de lui. Il était inutile d’attendre. Il était là devant moi me regardant avec effroi. La pleine lune nous éclairait et je pus voir l’étonnement et la frayeur se dessiner sur son visage lorsqu’il me découvrit. Je n’avais plus qu’à le tuer.

_ « Lucy ? » demanda-t-il interloqué « c’est toi ? »

Un éclair traversa mon esprit. Je me figeai. C’était un souvenir, l’image d’un petit garçon. De nouvelles images confuses et cependant très nettes me parvenaient de l’enfant. Je le voyais à des stades différents de sa croissance.  Il jouait au base-ball. Il me faisait des signes depuis sa base au lieu de regarder ce qui se passait sur le terrain. Il était devenu un beau jeune homme qui m’arrosait avec un tuyau d’arrosage.

La chose qui me possédait se tordait et se déchainait contre ces souvenirs. Mais elle se faisait repousser inexorablement par ce beau garçon qui me souriait affectueusement.

Dans une dernière contre attaque, elle lança un assaut furieux. Je vacillais. Les chiens continuaient à aboyer après moi. Ne pouvant plus me retenir, je me jetais sur eux.

Les 3 chiens furent dévorés en quelques instants. Leur sang permit de calmer la bête qui m’avait possédée. Je retrouvais mes esprits.

Mon frère, Joshua, se trouvait là. Il me regardait avec un air horrifié. Ses yeux lui sortaient presque de la tête et sa bouche était ouverte sur un cri silencieux.

L’envie de le tuer avait disparu. Je respirais son odeur douceâtre. Ma gorge était toujours douloureuse mais son odeur ne déclencha pas en moi une nouvelle envie de meurtre. C’était comme si, en le reconnaissant, il était sorti de mon régime alimentaire.

J’étais dévastée. J’avais totalement perdu le contrôle de moi-même. Je me souvenais de tout et je me rendis compte avec horreur que j’avais failli tuer mon propre frère.

_ « Josh »fis-je en faisant un pas vers lui.

Il recula aussitôt. Cela me fit mal. Je le comprenais trop bien néanmoins. Je venais de tuer ses chiens sous ses yeux. Je venais de boire leur sang devant lui. Comment aurait-il pu réagir autrement ?

Et surtout, qu’est ce qui m’avait pris de faire un truc aussi répugnant ? Qu’est ce qui m’arrivait ?

_ « Je crois que ça ne va pas du tout » dis-je en secouant la tête.

_ «  Qu’est … qu’est ce qui t’es arrivée ? » réussit-il à articuler.

_ « Je me suis réveillée dans les bois. C’était étrange. Tout était différent. Et puis, j’ai eu soif. C’était horrible, une vraie torture. J’ai totalement perdu le contrôle. Oh, pardonnes moi, Josh. Je ne comprends pas ce qui cloche. »

Il avala sa salive difficilement. Son cœur battait rapidement. Il fit un pas vers moi. Il s’éclaircit la gorge.

_ « Est-ce que je peux approcher ? Tu es calmée ? »

_ « Oui… oui je crois »

Il avança vers moi prudemment. A chaque pas qui le rapprochait de moi, son cœur avait un raté. Comme si, plus il se rapprochait, plus il découvrait les détails effroyables de ma transformation.

_ « Laisses moi examiner ton bras » dit il lorsqu’il se fut suffisamment rapproché.

Je tendis mon bras droit vers lui. Il me saisit au poignet. Il tressaillit aussitôt.

_ « Quoi ? » ne pus je m’empêcher de demander.

Il ne répondit pas de suite. Son contact était étrangement chaud. Il attendait les oreilles aux aguets. Je ne compris pas tout de suite ce qu’il faisait. Mon esprit trop embrouillé avait oublié l’excellent instinct de mon frère.

_ « Il ne bat pas » constatais-je amèrement.

Il me lâcha le poignet. Il regardait le sol évitant mon regard. Je devinais qu’il voulait m’empêcher de voir l’horreur sur son visage.

Il releva lentement la tête. Il m’adressa un sourire triste.

_ « Je suis un monstre » diagnostiquai-je sombrement.

Il me regarda alors droit dans les yeux.

_ « C’est possible. Mais je suis si heureux de t’avoir retrouvé ! » dit-il tendrement.

_ « Oh, Josh » fis-je en me jetant dans ses bras.

Mes yeux me piquaient. Comme je l’aimais. Il me caressait doucement les cheveux.

Au bout de quelques instants, je le lâchais. Ses yeux brillaient.

_ « Qu’est ce qui m’arrive ? »

_ « Je ne sais pas. Mais je te promet qu’on va trouver . »

J’acquiesçai. Josh était tellement plus malin que moi. Je lui souris.

_ « On rentre ? » fit-il.

A nouveau, je hochais la tête en signe d’acquiescement. .

_ « Nous sommes au moins à 4 heures de marche de la maison. Nous ferions mieux de nous mettre en route immédiatement. » dit-il.

Il regarda sa montre à plusieurs reprises alors que nous nous mettions en route. Il fronçait les sourcils avec un air soucieux. Il se mit à marcher avec hâte trébuchant à de nombreuses reprises.

Je le suivais d’un pas léger intrigué par son comportement. Pour ma part, je ne trébuchais pas. Mon corps s’adaptait instinctivement aux infractuosités du terrain et mon équilibre demeurait impeccable. J’aurais pu aller beaucoup plus vite. J’en étais tout à fait consciente.

_ « Pourquoi te presses-tu autant ? » finis-je par demander.

Il ne me répondit pas tout de suite. Il continuait à marcher à vive allure.

_ « Le soleil va se lever dans environ 3 heures, Lucy . » répondit-il d’un air sombre.

Je ne réfléchis pas trop à sa réponse. Une odeur avait attiré mon attention. Pas très alléchante mais suffisamment pour réveiller ma faim.

Je m’arrêtais.

_ « Mmmh »

_ « Quoi ? Ne t’arrêtes pas, il faut que nous avancions ».

_ « Vas-tu me dire ce qui te tracasse ? » m’agacais-je.

Je voulais suivre l’autre direction. Celle qui allait vers les bonnes odeurs. J’en avais besoin. Mon corps me le réclamait et je lui devais bien ça.

_ « Tu ne comprends donc pas. Il faut qu’on te mette à l’abri avant que le soleil ne se lève ! ! »

Je haussais les épaules. L’odeur devait provenir d’un troupeau de vaches. Il y en avait pas mal dans le coin. Instinctivement, j’avais dévié ma trajectoire vers l’odeur.

_ « Très bien. Tu n’as qu’à partir devant. Je vais faire un petit détour et je te rejoindrais. » fis-je d’un ton détaché.

_ « Mais qu’est ce qui te prends ? Tu es devenue folle ! » Il était presque hystérique.

Je me retournais vers lui brusquement.

_ « Il y a un troupeau de vache là-bas et j’ai encore très faim. » lâchai-je d’une voix dure.

Il tourna la tête vers la direction que j’indiquais. Il hocha la tête, l’air perplexe.

_ « Mais… et les chiens ? »

_ « Ca n’a pas suffi. J’ai faim et tout à l’heure ça m’a rendu folle. Je sens que c’est de ça dont j’ai besoin. Je trouve ça répugnant mais il faut que je le fasse. Sinon, j’ai peur d’être dangereuse. J’ai déjà failli … »

Je ne finissais pas ma phrase. Il savait pertinement ce que j’avais failli faire ce soir. Il avait lu dans mes yeux l’envie de meurtre qui m’avait saisi quand je m’étais approché de lui.

_ « OK. Alors, dans ce cas, je t’attends ici. »

_ « Je reviens vite ! » lui lancai-je en m’élançant sur la trace de l’odeur.

_ « T’as intérêt ! » l’entendis-je murmurer .

Je courrais à travers les bois avec une telle aisance et une telle rapidité que je parcourus la distance qui me séparait de la prairie où se trouvaient les vaches en quelques secondes. Il y en avait une dizaine. Ca ferait largement l’affaire. Je me jetais sur la plus proche. Elle n’eut même pas le temps de lâcher un beuglement. J’avalais goulûment le sang de l’animal bien qu’il eut une odeur de pelouse coupée.

Je me sentais mieux après ça. J’avais l’impression que mon corps était gorgé du sang de la bête.

Toutefois, j’étais dégoûtée par ce que je venais de faire. Je ne valais pas mieux qu’une bête. Je me nourrissais de sang ! C’était immonde et, malgré ça, j’en éprouvais un certain plaisir. Une sorte d’excitation sordide. J’étais consternée.

Je retournais auprès de mon frère. J’avais honte de moi. Je l’avais laissé seul dans la forêt sombre pour satisfaire mon appétit.

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