La fille aux yeux rouges
Quelque chose de chaud était blotti contre moi. Je redressais la tête. Bo, la langue pendante, me regardait d’un air joyeux.
_ « Bo ! » m’écriais-je en prenant le petit chien dans mes bras.
Ce dernier, visiblement ravi, se mit à me lécher le visage avec frénésie ce qui me fit partir dans un grand éclat de rire.
Après un regard autour de moi, je reconnus immédiatement l’endroit où je me trouvais. J’étais assise dans la prairie qui se situait juste en face de la ferme où Josh et moi avions grandi. Le soleil couchant caressait ma peau avec douceur. J’étais bien, apaisée.
Je n’arrivais plus à me souvenir ce qui m’avait amené ici même si je savais que la situation n’avait rien de normal.
Je me relevais doucement. Bo me tournait autour en remuant la queue joyeusement.
_ « Qu’est ce que je fais là, Bo ? » lui demandais-je sans attendre de réponse.
Le chien aboya une fois et partit à toute vitesse vers la maison.
Je le suivis. Bo revenait sans cesse vers moi, aboyait puis repartait vers la maison à tout allure. Il avait l’air de trouver que je n’avançais pas assez vite.
_ «Doucement, doucement, je suis blessée moi ! » m’écriais-je en lui souriant tendrement.
Blessée. Oui c’était ça. J’avais eu un accident. J’avais été percuté par un camion et après… je ne me souvenais plus très bien. Tout était flou.
Un grincement familier attira mon attention. Sur le parvis de notre maison, Grand père se balançait sur son rocking chair habituel.
_ « Te revoilà enfin » bougonna-t-il tendrement en m’apercevant.
_ « Papy ! » m’exclamais-je.
J’allais me précipiter pour l’embrasser mais il m’arrêta d’un geste.
_ « Pas encore, ma fille, pas encore. » me dit-il gentiment.
Je me figeais, refroidie par cette rebuffade. J’avais tellement envie d’aller vers lui.
_ « Mais quand alors papy, quand ? » demandais-je sans vraiment comprendre de quoi je parlais réellement.
_ « Je ne sais pas, ma petite chérie. » me dit-il avec un air désolé.
_ « Où est Joshua ? » lui demandais-je soudain, inquiète de l’absence de mon frère.
_ « Il est là, regardes » me répondit Papy tout en me désignant un endroit derrière moi.
De suite, je me retournais. La prairie avait totalement disparu. Un paysage enneigé l’avait remplacé. Devant une petite maison, Josh s’amusait avec une jeune fille autour d’un bonhomme de neige. Mon regard fut aussitôt attiré par la fille car elle était étrange. Alors que Josh était emmitouflé sous des couches de vêtements, la jeune fille était vêtue d’un simple tee-shirt laissant apparaître des bras aussi blancs que la neige. Elle riait elle aussi et sa voix claire et joyeuse tintait comme un carillon. Elle était vraiment très jolie et je ressentis une pointe de jalousie à voir mon frère aussi proche d’une autre fille que moi.
_ « Eh ! » fis-je pour signaler ma présence.
Josh ne m’entendit pas et continua à amasser de la neige pour le bonhomme. Mais la jeune fille, elle, se retourna. Deux prunelles d’un rouge flamboyant se posèrent sur moi. Je lâchais un cri de surprise.
La jeune fille ne bougeait pas, elle se tenait immobile telle une statue de marbre et me contemplait calmement.
_ « Qui es-tu ? » lui lançais-je bravache.
La bouche de la fille s’étira dans un sourire moqueur, puis elle me désigna de son bras maigre. Je m’inspectais pour voir ce qui était si drôle. Rien ne clochait, je semblais avoir la même apparence que d’habitude. Mais mon attention fut attirée par l’apparence de mes bras. Quoique de peau beaucoup plus mate, mes bras étaient aussi fin que ceux de la jeune fille. Je la regardais à nouveau. Ses cheveux bouclés retombaient sur ses frêles épaules comme une cascade tumultueuse. J’attrapais une des mes boucles de ma main et l’inspectais minutieusement.
Mon regard se reporta à nouveau sur la jeune fille étrange. Les points communs commençaient à affluer. Et soudain, dans un flash, je compris. Nous étions la même à quelques détails près.
Voyant probablement ma compréhension, la jeune fille s’approcha de moi d’un pas décidé. Choquée par la terrible vérité qui se révélait à moi, je restais figée lorsque la jeune fille se fondit littéralement en moi. Instantanément, tout autour de moi devint plus clair. Je regardais à nouveau mes bras. La couleur mate de ma peau s’effaçait pour laisser place à la blancheur diaphane qui trahissait ma triste condition. Mon environnement fut envahi par un vacarme qui ne correspondait pas avec le paysage qu’il y avait autour de moi.
J’entendais des conversations étranges, des mots chuchotés, des respirations, des craquements. Mais par dessus tout, il y avait ce battement régulier qui résonnait à mes oreilles comme une cloche de cathédrale. Je me sentais irrémédiablement attirée par ce signal.
Le paysage enneigé s’estompa et les contours d’une pièce se dessinèrent autour de moi.
_ « Lucy ! » m’appela une petite voix cassée que je reconnus sans peine.
Je tournais les yeux vers la voix familière. Josh était là, la mine défaite, une barbe d’au moins une semaine recouvrant son visage.
Je lui souris néanmoins, trop heureuse de retrouver un Josh qui puisse me voir.
_ « Bonjour. » lui dis-je doucement.
Un grand sourire se dessina sur son visage et bientôt de grosses larmes se mirent à couler sur ses joues. Avant même que je comprenne, il me serrait fort dans ses bras.
_ « Oh Lucy ! Ne me refais jamais plus un truc pareil ! » balbutia-t-il.
Sa chaleur et son odeur me firent tourner la tête.
_ « Quoi ? Non, je… Josh ! Arrêtes s’il te plaît ! » le repoussais-je gentiment.
Il me lâcha visiblement à contre-cœur.
_ « Désolé » bougonna-t-il tandis qu’il s’essuyait les yeux.
_ « C’est que j’ai un peu faim … » m’excusais-je encore un peu groggy.
_ « Oh, bien sûr, Carlisle m’avait prévenu. Tiens bois ça. » me dit il tout en allant me chercher une sorte de thermos.
_ « Carlisle ? » fis-je perplexe.
C’était la deuxième fois que j’entendais ce nom. Néanmoins, je m’emparais du thermos. J’avalais une bonne gorgée du contenu. Le sang était un peu froid mais il avait un goût délicieux. Je vidais le thermos d’un trait.
_ « Mmmh, c’est délicieux. D’où provient ce sang ? » demandais-je.
Je me sentais vraiment mieux, d’une vitalité toute nouvelle.
_ « Euh, c’est du sang humain. » m’avoua Josh dans une grimace.
Immédiatement, je lâchais le thermos comme s’il m’avait brûlé les doigts.
_ « Désolé mais tu avais besoin de quelque chose de plus costaud que le sang de vache pour te remettre. » m’expliqua-t-il.
Je regardais autour de moi. La pièce était assez petite mais meublé avec goût. Josh était assis sur l’un des deux fauteuils installés près du lit où j’étais assise.
_ « Qu’est ce qui se passe ? et où sommes nous ? »
_ « On est dans la maison des Cullens » Il s’arrêta un instant puis précisa. « La famille de Jasper »
_ « Quoi ? » m’étranglais-je. « Mais Josh, tu es fou ? Ce sont des vampires ! ! C’est dangereux ! »
_ « Calmes-toi. Ca fait 2 semaines que je suis là et aucun d’entre eux ne m’a attaqué. Au contraire, c’est grâce à eux que tu es encore en vie. »
_ « 2 semaines ? Mais… mais ne me dis pas que tu as raté les cours ? » m’inquiétais-je.
Il rigola.
_ « T’inquiètes ! C’était les vacances scolaires de toute façon. » dit-il en levant les yeux au ciel.
Mes souvenirs revenaient petit à petit. La fête, l’odeur, Desmond et, finalement, le parking.
_ « Mon dieu ! Tu n’as rien ? »
_ « Non, mais toi, tu étais dans un sale état. J’ai cru que tu étais morte. »
Je commençais à comprendre pourquoi mon frère se trouvait dans un tel état. Un élan de culpabilité m’étouffa. Je m’en voulais tant pour tout ce que je lui faisais subir. En seulement 6 mois, il avait cru me perdre par deux fois.
_ « Oh excuses moi. Je suis tellement désolée. »
_ « C’est pas ta faute, voyons. C’est cet idiot de Jasper ! C’est à cause de lui que tout s’est déclenché ! »
_ « Quoi ? Non… c’est pas … »
Nous fûmes interrompus par un raclement provenant de la porte de la chambre. Un homme blond, vraisemblablement vampire, entra. Il m’adressa un sourire chaleureux.
_ « Bonjour, je m’appelle Carlisle Cullen. Je suis ravi de voir que tu vas beaucoup mieux. » me dit-il d’une voix pleine de douceur.
Il était aussi beau qu’un dieu. Tant de beauté, de classe et d’élégance ne pouvait que dépendre de l’ordre du divin. Je le regardais bouche bée, oubliant qu’il attendait probablement une réponse.
_ « Bonjour. » finis-je par articuler. « Mon frère m’a dit ce que vous aviez fait pour nous. Merci.» ajoutais-je.
Encore une fois, Carlisle Cullen me sourit chaleureusement. Au-delà de sa beauté absurde, il paraissait d’une bonté et d’une honnêteté sans faille.
_ « Te rappelles tu ce qu’il t’est arrivé ? » enchaîna-t-il en s’asseyant près de Josh.
Je baissais les yeux pour me concentrer sur ma réponse. J’essayais de rassembler mes souvenirs.
_ « Il y avait cette odeur. Elle couvrait toutes les autres odeurs humaines. Je me suis sentie aussitôt menacée, comme si ma vie était en danger. J’avais peur. J’ai voulu sortir de la maison mais Desmond m’a attrapé par le bras. Ca m’a mis dans une rage folle et ça a tout déclenché. J’ai senti la température de mon corps augmenter de manière exponentielle. Et ensuite, j’ai tenté de retenir le feu en moi parce que j’avais peur de vous blesser, toi et Jasper. Mais c’était trop douloureux, je crois que j’ai fini par perdre conscience.»
Carlisle et Josh était captivé par mon récit.
_ « Tu as perdu connaissance et instantanément toutes les voitures autour de toi ont pris feu. Jasper a plongé dans les flammes pour aller te récupérer au milieu du brasier. » me précisa mon frère.
_ « Nom d’un chien ! Comment va-t-il ? » m’inquiétais-je.
_ « Il était pas très beau à voir. Mais, en quelques heures, il avait retrouvé sa frimousse de beau gosse.»
Je soupirais de soulagement .
_ « Comment était cette odeur ? » demanda Carlisle.
_ « Forte. Très forte et euh… bestial. » tentais-je.
_ « Sais-tu d’où venait cette odeur ? » m’interrogea mon frère.
Je le regardais droit dans les yeux.
_ « Oui. Ca venait de Desmond Harris. »
Il y eut un moment de flottement. Le temps que mes deux interlocuteurs digèrent l’information.
_ « Mais comment se fait-il que ni Jasper, ni Alice n’est rien senti ? » s’interrogea Carlisle.
_ « Je ne sais pas. Mais en tout cas, je peux vous dire que ce type-là, Desmond, n’est pas clair du tout. Il avait une force surhumaine. Quand il m’a attrapé, je n’arrivais pas à me dégager de sa poigne. J’ai dû le frapper de toutes mes forces pour le faire lâcher prise. » expliquais-je.
_ « Mais le jour où toi et Jasper l’avait sauvé, tu n’as rien senti d’anormal ? »
_ « Euh non. »
Inutile de préciser que Desmond devait la vie à Jasper.
_ « Desmond a été mordu à la jambe par un ours cette nuit-là.» murmura Carlisle, troublé.
_ « Vous êtes sûr que c’était un ours ? » lui demanda mon frère.
_ « Plus maintenant. »
Un silence de plomb s’abattit dans la pièce. C’est à ce moment que mon estomac décida de gargouiller.
Carlisle sourit avec tendresse et Josh pouffa, moqueur.
_ « Désolée. » fis-je gênée.
_ « Ne t’inquiètes pas, c’est tout à fait normal. Viens, je vais te présenter au reste de la famille et ensuite, nous irons chasser. »
J’acquiesçais. La chasse ne m’emballait guère. J’aurais préféré un autre thermos de sang humain. Toutefois, devant tant de gentillesse, je pouvais difficilement refuser l’invitation.
Mais la chasse était le cadet de mes soucis. J’allais être présentée au reste de la famille.