La fille aux yeux rouges

J’étais très mal. Je suivais Carlisle le long d’un couloir qui menait je ne sais où. Josh dut sentir mon angoisse car il se porta à ma hauteur et me prit la main.

_ « Tout va bien se passer » me murmura-t-il.

Au delà de tous les nouveaux vampires que j’étais sur le point de rencontrer, il y en avait un que je n’avais pas vraiment envie de revoir. Jasper avait dû leur raconter que je m’étais enfuie après l’avoir surpris avec une autre. Et ils en avaient tous conclu que c’était mon dépit qui avait déclenché ce qui m’était arrivé. Je ne pensais pas que la déception et  la tristesse pouvait provoquer ce genre de manifestation. Quoiqu’il en soit ils devaient tous me prendre pour une dingue avec des réactions disproportionnées.

Carlisle ouvrit une grande porte et s’engouffra vers la lumière. J’eus un moment d’hésitation, puis je sentis que mon frère me poussait doucement. Je pris une grande inspiration. Je flairais qu’ils étaient tous là à m’attendre derrière la porte.

Je rentrais dans un grand salon où plusieurs canapés de style moderne se faisaient face. Les vampires étaient là, certains assis, d’autres debout. Je les regardais un par un. Je fus accablée. Ils étaient tous plus magnifiques les uns que les autres.

Carlisle se dirigea vers une petite femme séduisante.

_ « Lucy, laisses moi te présenter Esmée, ma femme. » m’introduisit Carlisle.

La jeune femme se dirigea vers moi avec un sourire ravi.

_ « Bienvenue parmi nous » me dit-elle en me serrant dans ses bras.

_ « Merci » hoquetais-je de surprise devant tant de gentillesse.

Carlisle se déplaça à travers la pièce et se rapprocha du couple le plus proche.

_ « Voici Rosalie et Emmett »

Rosalie était une espèce de nymphe blonde au corps sculptural. Elle me gratifia d’un sourire contrit. Emmett, quant à lui, était un colosse brun au sourire taquin. Il me fit un petit signe de la main.

_ « Voici Bella et Edward. » continua-t-il.

En voila une qui méritait bien son prénom. Elle me fit un petit sourire timide. Le dénommé Edward, sublime, se contenta de me regarder en coin. Il n’avait pas l’air d’apprécier ma présence. Lui et Carlisle échangèrent un regard, puis il me regarda à nouveau avec, cette fois, une franche curiosité.

_ « Et voici Alice et Jasper, que tu connais déjà. » finit Carlisle.

Alice me lança un regard de glace, tandis que Jasper me saluait d’un hochement de tête.

Ils étaient tous là, beau comme des dieux, à me regarder comme un insecte étrange.

Moi aussi j’étais un vampire. Alors pourquoi est-ce que je ne leur ressemblais pas ? J’avais l’impression d’être le  vilain petit canard entouré de magnifiques cygnes blancs.

Malgré moi, je soupirais.

Esmée remarqua mon accablement.

_ « Viens t’asseoir, chérie, tu dois être fatiguée. » me dit-elle gentiment se méprenant sur l’origine de mon soupir.

_ « Lucy doit encore se nourrir. Je vais l’accompagner à la chasse. » intervint Carlisle.

Il se retourna vers l’assemblée. 

_ « Qui veut nous accompagner ? »

Jasper se leva du canapé et s’avança vers nous.

_ « J’ai bien envie de voir ça. » plaisanta-t-il en passant près de moi.

Emmett se leva à son tour mais Rosalie le retint.

_ « Non Emmett ! » lui fit-elle suppliante.

_ « Ne t’inquiètes pas ! » la rassura-t-il « s’il y avait un risque Alice ne laisserait jamais partir Jasper. »

Emmett jeta un coup d’œil à Alice, qui acquiesça à ses propos. Elle n’en demeurait pas moins froide et figée comme une statue.

_ « De toute façon, Jasper et moi on a une petite revanche à prendre ! » s’exclama-t-il en le rejoignant près de la porte.

Il me sembla que Bella souhaitait venir mais un échange de regard avec Edward la fit se raviser.

_ « Oh ! » compris-je enfin « Vous avez peur de moi. »

Ma voix se fit plus triste que je n’aurais voulu.

_ « Et comment voudrais-tu qu’il en soit autrement ? Avec ton pouvoir tu pourrais tuer n’importe lequel d’entre nous en quelques secondes ! »

Je sentis la main de Joshua se raidir dans la mienne.

_ « Je n’ai l’intention de tuer personne. » répondis-je fébrilement.

Cette furie blonde m’impressionnait vraiment.

_ « Peu importe tes intentions. Tu ne maîtrises pas ton pouvoir. Tu es dangereuse. » répliqua-t-elle sèchement.

_ « Rosalie, ça suffit ! » la rabroua Carlisle. « Allons-y » fit-il à mon attention.

_ « Josh ? Tu viens ? » fis-je suppliante.

Je ne voulais pas le laisser avec Rosalie. Cette folle me filait les jetons.

_ « Josh ne peut pas venir avec nous. Ca serait trop dangereux pour lui. » intervint doucement Carlisle.

_ « Mais je ne lui ferais jamais de mal ! » m’entêtais-je.

_ « Je ne parlais pas de toi. La chasse nous pousse à utiliser nos instincts les plus primaires. Il serait en danger avec nous. Nous pourrions perdre la tête et l’attaquer. »

_ « T’inquiètes pas. De toute façon, je vais rentrer, je suis mort de fatigue » fit Josh avant même que je n’ai eu le temps de protester.

Il extirpa sa main de ma poigne. Je ne voulais pas le laisser partir.

_ « Attrapes un ours pour moi. » rigola-t-il.

Il me sourit puis se retourna vers Esmée.

_ « Merci, Esmée. A bientôt. » lui fit-il en se dirigeant vers la sortie.

Je le regardais partir, pantoise. Il m’abandonnait dans un nid de vampire hostile. Seuls Carlisle et Esmée m’avait manifesté de la sympathie.

_ « Tu n’auras qu’à le rejoindre après. » intervint Jasper.

Je ne dis rien. Mais ma détresse était palpable.

Jasper et Emmett sortirent de la pièce sous les yeux furibonds de Rosalie. Dans un geste, Carlisle m’invita à les suivre. Nous empruntâmes à nouveau le couloir puis nous débouchâmes sur une grande entrée d’où partait un escalier en bois qui menait aux étages. Nous passâmes devant l’escalier puis sortîmes par la grande porte.

Une fois dehors, je pus contempler la bâtisse dans laquelle nous nous trouvions un peu plus tôt. En fait de bâtisse, il s’agissait plutôt d’un manoir, perdu en plein milieu de la forêt enneigée. Je restais coite. Et en plus, ils sont riches songeais-je

Emmett passa près de moi et me  glissa un mot dans l’oreille.

_ « J’ai hâte de voir ce que tu vaux, Torchette ! »

Je ne savais pas trop à quoi il s’attendait mais j’étais presque sûre que je le décevrais.

La voiture de mon frère était garée devant le manoir. Josh me fit un petit signe depuis le siège conducteur puis mit le contact.

_ « Restes près de moi, je te montrerais comment faire. » me dit Carlisle.

Il s’élança vers les bois. Après un dernier regard pour la voiture de mon frère qui s’éloignait, je le suivais.

Il allait vite mais je n’eus aucun mal à le suivre. La forêt était clairsemée, l’hiver avait fait le ménage. Si ce n’est les conifères, plus aucun arbre n’avait de feuilles ce qui permettait une meilleure visibilité. Je pouvais distinguer chacun des mes compagnons qui courraient auprès de moi. La neige recouvrait tout mais je ne m’enfonçais pas dedans. Mes pieds ne laissaient même pas de traces.

Au bout de quelques minutes de courses effrénées, Carlisle s’arrêta.

_ « Qu’y a-t-il ? »

_ « Tu ne sens pas ? »

Je respirais un grand coup. En effet, une odeur animale flottait dans les airs.

_ « Qu’est ce que c’est ? »

_ « Un troupeau de cerfs. Deux mâles et quatre biches. »

_ « T’arrives à deviner tout ça rien qu’en les flairant ? »

Il sourit face à mon étonnement.

_ « Pourrais-tu suivre leur trace ? » me demanda-t-il

Je flairais les alentours. Il me semblait que l’odeur était plus forte vers le nord est, je m’y dirigeais. J’avais eu raison, à mesure où nous avancions, l’odeur se faisait plus forte.

Nous leur tombâmes dessus alors qu’ils étaient en train de s’abreuver dans un ruisseau.

J’attrapais une biche et Carlisle, un cerf.

Je bus son sang rapidement, tâchant mes habits. Une fois le repas terminé, je repoussais le cadavre loin de moi, quelque peu dégoûtée. Carlisle vint s’asseoir près de moi.

_ « Tu t’es très bien débrouillée. » me félicita-t-il.

_ « Merci. »

De la conversation de tout à l’heure, j’avais compris que Carlisle était respecté par les autres vampires. J’en concluais qu’il devait être le plus vieux d’entre eux. Vu qu’il ne m’avait témoigné que de la gentillesse, je me décidais à lui poser la question qui me tracassait.

_ « Carlisle ? »

_ « Oui ? »

_ « Est-ce que je peux te poser une question ? »

_ « Bien sûr »

_ « Pourquoi est-ce que je ne suis pas comme vous ? »

_ « Qu’entends-tu par là ? »

_ « Eh bien, vous êtes tous magnifique, envoûtant. Et moi, eh bien, il semble que je n’ai pas hérité de ces caractéristiques. »

Il médita sa réponse.

_ « Aux yeux de tous, tu es comme nous, Lucy. » me dit-il doucement.

J’allais tenter d’avoir une réponse plus claire lorsqu’Emmett sortit des buissons.

_ « Alors, pas de feu de forêt ? » s’exclama-t-il quelques peu déçu.

Jasper le suivait à quelques pas de là.

_ « Belle prise ! » apprécia-t-il en contemplant le cadavre de biche qui gisait près de lui.

_ « Son frère a dit qu’elle devait tuer un ours ! Allez viens, Torchette, on va s’en faire un. » m’encouragea-t-il.

Il semblait vouloir se tenir au surnom qu’il m’avait trouvé.

_ « Non, ça va. Je n’ai plus faim. Et puis, en cette saison, ils hibernent. » » rigolais-je.

_ « Finalement, t’es pas si drôle que ça. » se plaignit-il.

_ « Veux-tu rentrer ? » m’interrogea Carlisle.

_ « Non » répondis-je trop précipitamment. Je n’avais pas du tout envie d’affronter à nouveau Rosalie.

Emmett émit un gloussement.

_ « A propos de tout à l’heure… » commença Carlisle comprenant la raison de mon refus.

_ « Ce n’est rien » le coupais-je « Après tout, c’est la vérité. Je suis dangereuse. » dis-je lugubre.

_ « Peut-être. Mais, malgré tout, je voudrais que tu restes auprès de nous. » m’assura Carlisle.

_ « Pourquoi ? Je pourrais mettre votre famille en péril. »

Carlisle regarda Emmett d’un air sombre.

_ « Lucy, je veux que tu saches qu’à mes yeux, ce qui fait de toi un être exceptionnel c’est ton parcours et non tes capacités. Le fait que, seule, sans aucun soutien ni guide, tu aies pu conserver ton humanité, que tu aies réussi à vaincre tes instincts.»

_ « Je n’étais pas seule, il y avait mon frère. » objectais-je, flattée malgré tout du compliment.

_ « Les premières victimes des jeunes vampires sont souvent leurs propres familles. » intervint Jasper.

_ « Et il n’y a pas que ça, Torchette. Avec le pouvoir que tu te trimballes, on ne préférerait pas que tu rejoignes un autre clan. » fit à son tour Emmett en se penchant vers moi.

Je le regardais sans vraiment comprendre.

_ « Les autres clans ne sont pas tous aussi pacifiques que nous. Si certains avaient connaissance de ton pouvoir, ils pourraient vouloir s’en servir pour régner sur les autres. » m’expliqua Jasper.

_ « Quoi ? Mais je n’accepterais jamais de … de … » suffoquais-je.

_ « Nous savons, nous savons. C’est à toi de décider, de toute façon.  » me rassura Carlisle.

J’avais été loin d’imaginer de telles implications. Je me sentais totalement dépassée par les événements.

Les autres clans. J’essayais de me les figurer. Mais le visage du premier vampire que j’avais rencontré flottait devant mes yeux. Devais-je leur dire ce que je lui avais fait ?

_ « Est-ce que les Volturis font partis de ces clans ? » demandais-je mal à l’aise.

_ « A vrai dire, c’est le clan le plus dangereux. » me répondit Carlisle.

_ « Mais tu n’as rien à craindre d’eux. Tant qu’ils ne connaissent pas ton existence, tu ne risques rien. » affirma Jasper.

J’acquiesçais.

 _ « Peut-être … peut-être » commençais-je.

Les trois hommes me regardaient de leurs prunelles dorées. Comment leur avouer ?

_ « Peut-être qu’on devrait aller tuer cet ours finalement. » lâchais-je.

_ « Ouais ! » s’écria Emmett ravi.

Emmett se dirigea vers la forêt et y disparut. Carlisle le suivit de près, me laissant seul avec Jasper.

Je me levais doucement. Jasper me regardait hésitant.

_ « J’aimerais que tu me pardonnes » commença-t-il.

_ « Je n’ai rien à pardonner. Tu ne m’as rien promis. » le rassurais-je.

_ « Alors nous sommes toujours amis ? » me fit-il avec un petit sourire.

Tant de beauté et de sensualité était un crime.

_ « Bien sûr. »

Il me fit un petit signe de tête et se détourna vers la forêt.

_ « Jasper ! » le rappelais-je.

Il se retourna.

_ « Merci d’être venu me chercher dans les flammes.»

Il me sourit puis suivit les autres.

Je revoyais le visage magnifique d’Alice. Clairement, je ne faisais pas le poids.

Il n’y avait rien à dire de plus. Je m’élançais à la suite de Carlisle et d’Emmett.