La fille aux yeux rouges

 

La fin de la chasse s’était bien déroulée. La nuit était tombée et nous rentrions vers le Manoir. Emmett était bougon car nous n’avions trouvé aucun ours. Ils étaient tous probablement profondément endormis, cachés dans des grottes.

L’ambiance était plus détendue. Carlisle me montrait des techniques pour approcher les proies en douce et pour reconnaître les traces des animaux. Emmett et Jasper ne cessait de se chamailler.

Emmett était un vrai bagarreur. Il provoquait sans arrêt Jasper pour le pousser à l’attaquer. Mais, ce dernier n’était visiblement pas d’humeur belliqueuse. Il esquivait avec une incroyable agilité les coups qu’Emmett tentait de lui asséner en douce.

Je les observais discrètement. La frustration d’Emmett face à la passivité de Jasper m’amusait réellement. On aurait dit un petit garçon privé de dessert injustement. Emmett finit par remarquer que je les regardais.

_ « Ca te fait marrer orchette ? » me lança-t-il.

_ « Non, non » mentis-je.

Emmett étant une montagne de muscle, je ne souhaitais pas le vexer.

Il se planta devant moi.

_ « Tiens, frappes moi un coup, qu’on voit ce que tu as dans le ventre ! »

Je regardais Carlisle, embarrassée et ne sachant trop que faire. Mais lui et Jasper regardait la scène d’un air amusé.

_ « Non, je ne préfère pas. » déclinais-je.

_ « Allez ! Fais pas ta timide ! C’est pas comme si tu pouvais me blesser ! » se moqua Emmett.

Son dernier argument finit par me convaincre. Vu sa stature, je ne risquais pas de lui faire grand mal. Ca serait comme une piqûre de moustique pour lui. Je lui balançais donc  un coup de poing dans le ventre. J’y mettais toutes mes forces car je ne voulais pas non plus être trop ridicule. Un bruit grave retentit au moment où mon poing entra en contact avec son estomac. Emmett, surpris, n’eut pas le temps d’esquiver le coup et décolla du sol pour s’étaler de tout son long sur une couche de glace à une bonne dizaine de mètres de là. Un craquement sonore retentit et la glace céda sous son poids. Emmett disparut un instant sous la glace puis réapparut, trempé. Il avait dû tomber dans une petite mare peu profonde.

_ « Oh mon dieu ! ! Je suis désolée ! » m’écriais-je horrifiée en me précipitant vers Emmett qui commençait déjà à s’extraire de l’eau glacé.

_ « Est-ce que je t’ai fait mal ?» demandais-je paniquée.

_ « Non, non. Mais t’aurais pu prévenir » me répondit-il l’air agacé. « Bon on rentre maintenant ? Faut que je me change … » lança-t-il par dessus mon épaule.

Je me retournais vers Carlisle et Jasper. Ils se tenaient à 5 mètres de là, hilares. Ils acquiescèrent à la demande d’Emmett tout en continuant de se tenir les côtes. Le colosse grommela quelque chose et nous nous remîmes en route.

J’étais très embarrassée. Jusque là, Emmett m’avait montré de la sympathie à sa façon. J’avais peur qu’il me déteste à présent. Je me portais à hauteur de Carlisle et de Jasper qui continuaient de pouffer.

_ « Arrêtez maintenant ! Ce n’est pas drôle ! »

Ils gloussèrent de plus belle. Visiblement, ils avaient du mal à s’arrêter. Je lançais un coup d’œil inquiet à Emmett qui courrait devant. Je l’avais ridiculisé et les rires et autres gloussements de Carlisle et de Jasper ne faisaient qu’amplifier les choses.

_ « Je crois que je n’avais pas ri comme ça depuis un siècle ! » réussit à dire Jasper.

Et ils repartirent de plus belle. Je levais les yeux au ciel.

Enfin, nous atteignîmes une crête d’où nous pouvions apercevoir le manoir. Malgré la nuit, je pouvais admirer la bâtisse comme en plein jour. Un détail me frappa.

_ « Pourquoi est-ce que la voiture de mon frère est encore là ? » m’inquiétais-je.

Je m’élançais vers le manoir, consciente que quelque chose clochait. Il me fallut quelques minutes pour l’atteindre. Les autres m’avaient suivi. Les rires s’étaient tu ce qui montrait que mon trouble était partagé.

Je me précipitais à l’intérieur du manoir et m’arrêtait dans l’entrée. Son odeur était là.

_ « Josh ? » appelais-je.

Alice apparut en haut de l’escalier.

_ « Dans le salon. » me dit-elle simplement.

Je m’y précipitais. Josh était bien là. Il était allongé sous une épaisse couverture sur un des canapés du salon. Bella était assise près de lui. A mon entrée, elle se leva. Son compagnon, Edward se tenait près de la porte. Il m’arrêta net.

_ « Ne t’inquiètes pas, il dort. » me chuchota-t-il.

_ « Mais que fait-il ici ? » lui demandais-je sur le même ton.

_ « Allons parler de ça dans la pièce à côté. » dit-il sur un ton qui ne souffrait pas la discussion.

J’acquiesçais. Mais malgré ça, je m’approchais de mon frère pour vérifier qu’il allait bien. Il dormait paisiblement comme sa respiration profonde et régulière le démontrait. Je remontais la couverture qu’on avait posé sur lui. Il faisait froid dans le manoir. Les vampires n’avaient pas besoin de chauffage.

_ « Merci pour la couverture. » murmurais-je à Bella près de moi.

Cette petite attention ne pouvait venir que d’elle ou d’Esmé. Elle eut un petit hochement de tête et me sourit gentiment.

Je me dirigeais enfin vers la pièce qu’Edward m’avait indiquée. C’était une grande salle à manger au milieu de laquelle trônait une immense table en chêne rectangulaire. Les vampires étaient déjà tous assis autour. Il ne restait plus que Bella et moi. Elle alla s’installer près d’Edward, je la suivis.  Je remarquais qu’Emmett avait revêtu des vêtements secs.

C’est Edward qui prit la parole en premier.

_ « Joshua est revenu une heure après votre départ. Votre maison a été totalement dévastée. » m’annonça-t-il.

_ « Quoi ! »m’exclamais-je totalement interloqué.

_ « Alice et moi sommes allé sur place. » reprit-il à l’attention de tout le monde. « Les portes étaient arrachées de leur gonds, des pans de murs écroulés et tout le mobilier saccagé. »

Un lourd silence s’abattit sur l’assemblée. J’étais abasourdie par la nouvelle. Mais plus que tout, j’étais terrifiée. Pour moi, ça ne faisait aucun doute : d’une manière ou d’une autre, les Volturis avaient découverts que j’avais tué l’un des leurs. Ils revenaient le venger.

Comme je ne réagissais pas, Carlisle prit la parole.

_ « Avez-vous pu déterminer qui a fait ça ? »

Alice se baissa et ramassa une planche en bois qui était déposée à ses pieds.

_ « Nous en avons une vague idée en effet. » répondit-elle de façon théâtrale.

Elle retourna la planche en bois. Je pus me rendre compte qu’il s’agissait d’une lame de parquet. Mais ce qui attirait le regard, c’était l’énorme empreinte de patte laissée sur le bout de bois. Elle devait faire deux fois les mains d’Emmett.

_ « C’est quoi comme animal, ça ? » demandais-je bêtement.

_ « Un loup garou. » me répondit Carlisle, l’air lugubre.

_ « Parce que les loups garous existent ? » m’exclamais-je.

On venait de franchir un nouveau palier dans mon horreur personnel.

_ « Desmond ! Nom de dieu ! » m’exclamais-je comprenant soudain. « Desmond est un loup garou. La nuit où on l’a trouvé il avait été mordu par un animal et ensuite, à la soirée, il avait cette drôle d’odeur et cette force incroyable. »

J’avais parlé à toute vitesse et j’avais besoin de reprendre de l’air. Je me rendais compte que personne n’avait l’air réellement surpris parce que je venais de dire. Ils l’avaient probablement déjà tous compris depuis un petit moment. Edward affichait un petit sourire en coin qui me faisait sentir à tel point j’avais été lente sur ce coup-là.

Je m’enfonçais dans mon siège, déterminé à ne plus rien dire.

_ « Nous devrions appeler Jacob … » fit une petite voix que je ne connaissais pas.

C’était Bella.

_ « Ce loup-garou n’est pas de la même espèce. » la coupa Jasper.

Je me penchais vers Bella.

_ « Tu connais un loup garou ? » lui murmurais-je.

Elle me sourit.

_ « Oui. Il est marié avec ma fille. »

Je la regardais, interdite. Pendant ce temps-là, la conversation continuait.

_ « Je pense que Jasper a raison. Desmond est un vrai loup garou, de ceux qui ne se transforment qu’à la Pleine Lune. Ils sont radicalement différent des Quileutes. Et puis nous ne voudrions pas déranger Jacob et Renesmée pendant leur lune de miel. » reprit Carlisle.

Pour moi, la conversation était totalement surréaliste.  Des vampires, des loups garous. Des enfants de vampires mariés avec des loups garous.

_ « Je pensais que leur race était éteinte. » gémit Rosalie, boudeuse.

_ « Apparemment, il reste encore un peu de boulot, bébé. » lui glissa Emmett, ragaillardi par la perspective d’une bonne bagarre.

_ « On sait qu’ils sont au moins deux. Desmond et celui qui l’a mordu. Il faudrait arriver à démasquer ce dernier.» complotait Jasper.

_ « Et nous devrons le trouver rapidement. » s’exprima Edward « Desmond connaît l’odeur de Lucy, ça l’a mené jusqu’à sa maison. A la prochaine pleine lune, son odeur pourrait le mener ici, lui et son petit copain. »

_ « Je vous avais dit que c’était une mauvaise idée de l’amener ici. » se plaignit Rosalie.

_ « De toute façon, si une meute de loup garou est en train de se former dans le coin, nous aurions fini par y être confronté. La guerre entre loup garou et vampire durent depuis des siècles. » la contra Carlisle.

_ « Lorsqu’ils sont humains, les loup garous n’ont aucune odeur. Ils sont alors quasi indétectables pour nous, ce qui constitue pour eux la meilleure des défenses au moment où ils sont le plus fragile. » expliqua Jasper.

_ « Lucy peut les sentir. Elle a senti en Desmond quelque chose de spécial » intervint Esmée.

_ « Je pense que la meilleure solution serait de le suivre. Il doit forcément avoir des contacts avec celui qui l’a mordu, voir avec d’autres membres de son clan. Lucy pourrait alors les détecter. »

_ « Est-ce que quelqu’un se rend compte que si mon frère avait été présent le soir de l’attaque, il serait mort, voir pire, loup garou ! » m’énervais-je. « Pendant la pleine lune ce sont peut-être de féroces animaux mais  en dehors de cela ce ne sont que de misérables petits humains ! On n’a qu’à choper Desmond et on le fait parler ! »

Je m’étais levée, trop énervée pour rester assise.

_ « Ouais ! ! Torchette a raison ! »  m’acclama Emmett.

Ce fut le seul.

_ «  Desmond demeure puissant sous sa forme humaine. Tu as pu en juger  par toi-même, Lucy. » tenta Carlisle.

_ « Je l’assommerais ! J’ai bien mis la pâté à Emmett tout à l’heure. » répliquais-je.

J’étais trop en colère pour prendre des pincettes mais je vis quand même des sourires sur certains visages.

Rosalie lança un regard mauvais à Emmett.

_ « Elle m’a pris par surprise, bébé. » tempéra-t-il.

_ « En plus du fait que nous allons trahir notre présence sur le campus, ce que tu proposes est une véritable déclaration de guerre envers son clan.» reprit Carlisle d’un ton calme.

_ « Mais c’est lui qui a commencé !! Il a attaqué sa maison et l’a détruite.» s’opposa Emmett.

_ « Nous ne savons pratiquement rien des loups-garous. Il n’a peut-être pas agi consciemment. Il a pu simplement agir sous l’impulsion d’un instinct en sentant son odeur. Peut-être ne se souvient-il de rien aujourd’hui. Il ne faut pas agir sous le coup de la colère. Nous ne savons pas qui ils sont, combien ils sont, ni ce qu’ils sont capables de faire. Nous devons agir avec prudence sinon nous nous mettrons tous en danger.»

_ «Ah ! Prenez une décision ! Je n’arrive pas à voir quoique ce soit ! » s’agaça Alice.

Jusqu’à présent elle était restée muette, les yeux dans le vague.

Tout le monde hocha la tête en signe d’acquiescement.

_ « Je pense que nous devrions en apprendre le plus possible sur eux avant de décider quoique ce soit. » dit Esmée. Son ton était doux mais je percevais des relents d’inquiétude.

Les loups garous leur faisaient peur.

_ « Ces sales cabots se sont attaqués à Torchette en premier parce qu’ils pensent qu’elle est isolée. Bientôt, ils nous attaqueront. C’est dans leur nature. » déclara Emmett.

_ « Il faut qu’on les neutralise avant qu’ils ne soient trop nombreux. » renchérit Rosalie.

_ « Je ne veux pas d’une nouvelle guerre. » soupira Bella.

Ma colère retombait déjà comme un soufflet.  Je ne voulais pas les entraîner dans une guerre. Ils avaient été si gentils avec moi, me soignant, prenant soin de Josh, m’acceptant malgré la crainte que je leur inspirais.

_ « Non. Carlisle a raison. Je ne veux pas vous entraîner dans une guerre. Les choses me dépassent de toute façon. Il y a 5 minutes, je ne savais même pas que les loups garous existent. Je ferais ce que vous décidez mais je voudrais juste que mon frère soit en sécurité.» me ravisais-je.

Sans le voir, je pus sentir la déception d’Emmett et de Rosalie. Je me dégonflais, j’en avais consciente. Mais en même temps, je savais que les autres éprouvaient un profond soulagement à mon revirement.

 

_ «L’un de nous sera toujours auprès de lui. » me rassura Carlisle.

J’acquiesçais. La tension se relâcha quelques peu dans la pièce.

_ « La prochaine pleine lune aura lieu dans 16 jours. » dit Jasper.

 

_ « Ca va être dur de trouver les autres loups garous dans un temps si  court » objectais-je.

_ « Pas forcément. Tu n’es pas la seule à avoir quelques talents. » me glissa Edward, moqueur.

Je le regardais, étonnée.

_ « Je peux lire les pensées des gens » asséna-t-il, amusé de l’effet que cette nouvelle aurait sur moi.

Immédiatement, le souvenir furtif du vampire de la forêt traversa mon esprit. Pouvait-il découvrir mon secret ? Edward plissa les yeux subrepticement comme s’il avait capté quelque chose puis reprit son attitude décontracté et amusé.

_ « Tu peux lire mes pensées ? » demandais-je essayant de cacher ma crainte.

_ « Eh bien, pas vraiment. Il y a comme un écran de fumée autour de toi et je ne parviens à capter que des brides de ce que tu penses, des mots, des sensations. »

_ « Ah bon et c’est normal ? » demandais-je rassurée tout de même que mon esprit soit fermé à son inspection.

_ « Non. Mais j’ai déjà rencontré ça par le passé » dit-il en se retournant vers Bella, le sourire aux lèvres.

_ « Nous devrons surveiller Desmond deux par deux. Et puisque seuls Edward et Lucy peuvent détecter la présence d’éventuels autres loups garous, l’un des deux au moins devra être présent à chaque tour.» expliqua Jasper.

Tous acquiescèrent. La réunion était finie.

Je jetais un coup d’œil inquiet à Edward. Son aptitude me rendait mal à l’aise. Mais il ne paraissait pas troublé. Peut-être n’avait-il rien vu ?

Tout le monde se dispersa. Je retournais près de mon frère qui continuait paisiblement sa nuit. En m’asseyant près de lui, je remarquais qu’il avait un sourire béat sur le visage. Un rêve agréable probablement.

Esmée et Carlisle se rapprochèrent de moi.

_ « Tu peux rester ici le temps que tu veux. » me dit Esmée.

 

J’acquiesçais dans un sourire. Carlisle et Esmée me souhaitèrent bon courage et se retirèrent Mon regard se posa sur Josh. Moi, je pouvais rester,  mais pas lui. Il n’avait pas sa place dans un clan de vampires. Bientôt, il sortirait de son joli rêve. Mais, en attendant, je lui laissais un peu de répit. L’aube viendrait bien assez tôt.