La fille aux yeux rouges

Chapitre 30 : SACRIFICE

Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/11/2009 16:47

A chaque fois que je pensais que la douleur était devenue intolérable, elle montait encore d’un cran.

Dans le milieu de l’après midi, je n’étais même plus en mesure d’ouvrir la bouche sans laisser échapper un gémissement. Les renforts n’étaient toujours pas arrivés et je commençais à penser qu’ils n’arriveraient peut-être pas à temps.

Je pensais à Bella et Jasper, prisonnier d’Aro. Quel sort leur réserverait-il ?

Je pensais à mon frère et à tout ce que je lui avais fait subir. Si je mourrais, il serait anéanti.

Je pensais à Desmond. J’essayais de réfléchir à un plan pour qu’il puisse s’échapper. Mais l’emprise de l’Alpha sur son esprit l’empêcherait sans doute d’aller bien loin.

_ « Lucy ? » m’appela Desmond.

J’ouvrais un œil. Il parut rassurer. Avec ma pâleur naturelle et mon immobilité morbide, je devais ressembler à un cadavre quand je fermais les yeux.

_ « Tiens bon. Encore quelques heures avant le coucher du soleil. »

Encore quelques heures avant la promesse du rouquin, songeais-je. La tombée de la nuit signifiait la mort pour moi. Mais pour Desmond, cela signifiait probablement qu’il pourrait enfin se défendre.

_ « Laisses le me tuer et fuis » lui murmurais-je.

_ « Je ne ferais jamais ça. » s’insurgea-t-il.

_ « Je t’en prie. Je vais mourir de toute façon. » le suppliais-je.

_ « Ne dis pas ça. Ecoutes, une fois transformé, je vais le tuer. Puis, je te prendrais sur mon dos et je te ramènerais aux tiens qui te soigneront. »

_ « Marcheras pas. »

_ « Accroches-toi. C’est tout ce que je te demande. » dit-il d’un ton buté.

Je n’ajoutais rien. Je n’en avais plus la force.

Lorsque je rouvrais les yeux, le ciel commençait déjà à s’obscurcir. Je n’avais pas vu passer le temps. Desmond était toujours là, l’air inquiet. Il tenta de me parler, je l’entendais à peine. Je me sentais partir. 

La mort m’envahissait. C’était tout à fait différent de ma première mort.  J’avais alors senti la vie s’échapper de mon corps. Pour cette seconde mort, je sentais mon esprit se dissoudre dans le néant. C’était une sensation étrange. Tout ce qui me constituait en tant que personne disparaissait petit à petit. Cette fois, il n’y avait pas de long tunnel au bout duquel une lumière chaleureuse m’attendait. Tout n’était qu’obscurité.

Chaque souvenir, chaque sentiment était un grain de sable que le vent balayait et dispersait. Mon esprit se désagrégeait, je finis par ne plus trop savoir qui j’étais ni ce que je faisais là. Les souvenirs s’étaient envolés, il ne demeurait en moi qu’un semblant de conscience.

_ « Il fait noir. » murmurais-je sans savoir si je parlais de la nuit qui tombait ou de l’obscurité dans laquelle je m’enfonçais.

Soudain, un liquide chaud et visqueux coula dans ma bouche. Mon esprit totalement vidée se concentra sur cette étrange sensation. Le liquide se répandit au fond de ma gorge puis s’écoula lentement le long de mon œsophage. Mon corps l’absorba avec avidité. Je connaissais ce goût, je l’aimais. Mon esprit cherchait confusément son nom. Je savais qu’il était important pour moi, voir vital. Puis, enfin, ça me revint. Ou plutôt tout me revint… d’un bloc. Tout ce qui s’était dissipé dans le néant se reformait pour faire un tout. Mon esprit.

J’ouvris les yeux. Des yeux probablement hallucinés. Je vis Desmond penché sur moi. Son avant-bras était entaillé sur toute la longueur et son sang se déversait dans ma bouche.

_ « Empêchez-le » s’écria une voix furibonde.

Soudain, Desmond disparut de mon champ de vision et le sang s’arrêta de couler dans ma bouche. J’entendis des bruits de bagarre puis un cri inhumain s’éleva. A travers les branches d’arbres, je pus distinguer le miroitement brillant d’un disque blanc. La pleine lune s’était levée.

Je percevais les claquements des os qui se brisaient et se déformaient, les gémissements et les grognements étouffés des loups garous en pleine transformation.

Enfin une longue plainte s’éleva dans les airs, signe que la transformation s’était achevé.

Cela me fit l’effet d’un électrochoc. Ce cri était effroyable, il glaça l’atmosphère autour de moi.

Le sang que j’avais ingurgité m’avait redonné un semblant de force et il me semblait que j’avais retrouvé un peu la sensibilité de mes membres. J’arrivais à bouger. Ou plutôt devrais-je dire à gigoter. J’entendais des bruits de lutte près de moi. Cela m’inquiétait. Où étais Desmond ? Je me mis à me trémousser dans tous les sens pour pouvoir basculer sur le côté et voir ce qui se passait autour de moi. 

Et ce que je vis me pétrifia.

Desmond, maintenant sous sa forme nocturne, se tenait entre moi et la meute. Il était couvert de morsures sanguinolentes et d’entailles profondes. Les  autres loups garous  l’encerclaient et l’attaquaient à tour de rôle. Desmond essayait de les repousser mais ils étaient trop nombreux.

 _ « Desmond  non !!! » hurlais-je.

Il se retourna vers moi aussitôt tout en baissant sa garde. La sanction se fit immédiate. Un loup l’attaqua et planta ses crocs dans son cou. Nos regards eurent quand même le temps de se croiser.

Toutes ses blessures l’avaient affaibli. Des mares de sang se formaient autour de lui.

_ « Je t’en prie, va t’en ! » le suppliais-je.

Mais Desmond n’avait pas l’intention de m’abandonner. A mon grand désespoir, il lança un long hurlement vers la pleine lune.

Cela déplut à l’Alpha qui lui sauta immédiatement à la gorge pour le faire taire. Desmond tenta de l’esquiver mais ses mouvements étaient considérablement ralentis par ses blessures. Ils roulèrent au sol. Au bout de quelques instants, seul le loup au pelage roux se releva. Desmond gisait à terre. Son cœur battait encore mais très faiblement.

_ « Non ! » criais-je.

Affolée, je concentrais toutes mes forces dans mes bras pour me relever. Je me redressais à moitié. C’est alors que la chaleur rassurante de mon pouvoir monta en moi. Ma rage et ma colère était les carburants de la fureur qui se déchaînait en moi. L’Alpha allait payer pour ce qu’il avait fait. Je n’avais plus peur, je n’avais plus mal. Les choses n’avaient jamais été aussi claires. Je n’avais jamais été aussi déterminée qu’en cet instant. J’avais la pouvoir, j’avais la puissance.

_ « Syla ! » appelais-je.

L’Alpha se tourna et fit un pas vers moi. Mais je fus plus rapide que lui.  

Je déversais mon feu sur la meute. Je ne me concentrais pas sur un seul individu comme j’avais pu le faire auparavant. Je la déversais sur un ensemble. Je balayais la meute de mon regard brûlant. A peine je posais les yeux sur un individu qu’il se tordait immédiatement de douleur au sol. Je m’attaquais d’abord à ceux qui se trouvaient le plus près de moi laissant délibérément Syla en vie pour qu’ils puissent voir la fin de sa meute. Les arbres autour de nous s’embrasèrent ajoutant à la panique naissante. L’air s’emplit d’une odeur de chair brûlée répugnante.

Dans une tentative désespérée de sauver ce qu’il restait de sa meute, Syla tenta de se jeter sur moi. Mais je lui balançais un regard qui le carbonisa presque instantanément. Lorsqu’il retomba sur le sol, mort, le peu d’organisation qui régnait encore parmi les loups garous survivants se dissipa instantanément.

Ceux qui n’avaient pas encore succombé tentèrent de s’enfuir vers les bois.  Je balançais le reste de mon énergie sur les fuyards qui n’eurent même pas le temps d’atteindre la lisière des bois.

Enfin, le feu se tarit. Comme à chaque fois, j’étais vidée de toute énergie, la gorge tiraillée par la soif. Le plateau rocailleux était livré aux flammes. La meute avait péri dans son ensemble.  Pas un seul ne m’avait échappé. J’en avais compté une quinzaine.

_ « Desmond ? » appelais-je d’une voix rendue pâteuse par la soif.

Il était étendu sur le sol. J’avais réussi à éviter de le blesser.

J’entrepris de franchir les mètres qui nous séparaient en rampant. Sa langue pendait sur le côté de sa bouche. Il avait les yeux ouverts et me regardaient.

_ « Je suis là. Tu m’as sauvé. » Le rassurais-je.

Il était dans un sale état. Il lâcha un glapissement faible. Je ne savais pas quoi faire. Il saignait de partout.

_ « Accroches-toi, s’il te plaît.»

Son cœur battait faiblement. Je réalisais que si je ne faisais pas quelque chose très rapidement, Desmond allait probablement mourir.

_ « Ne me laisse pas, je t’en prie » le suppliais-je.

Je me couchais contre lui.  Je n’avais plus de forces. Desmond était en train de partir et je ne pouvais rien faire. J’avais beau le supplier et lui parler doucement, il s’en allait inexorablement.

Je sentis quelque chose d’humide sur mon bras. La neige se mettait à tomber. Les battements du cœur de Desmond se faisaient de plus en plus faibles. Mes yeux me piquaient atrocement. S’il mourrait, je n’y survivrais.

Soudain, je perçus un bruit venant de la forêt.

_ « Par ici ! Aidez nous » appelais-je.

Il m’importait peu que ce soit des loups garous ou des vampires. Je n’avais plus qu’un souhait : que Desmond vive. J’aurais pactisé avec le diable s’il avait fallu.

Je scrutais la forêt. Deux énormes loups en sortirent. L’un d’eux semblait porter quelque chose sur son dos. Ils n’étaient pas comme Desmond ni comme ceux que je venais d’affronter. C’étaient véritablement des loups sauf que leur taille était totalement ahurissante.

_ « S’il vous plaît, il est en train de mourir ! » leur dis-je d’un ton plaintif.

J’avais vu ce que la salive des loups-garous pouvait faire sur les blessures. L’espoir renaquit en moi.

Ce que j’avais distingué sur le dos d’un des loups bougea et descendit à terre. C’était une jeune fille. Elle s’approcha à grande enjambée de nous. Elle avait de longs cheveux cuivrés et un visage en forme de cœur. La ressemblance avec ses parents étaient frappantes.

_ « Renesmée ? »

Elle me jeta un regard étonnée.

_ « Qui es-tu ? »

_ « Lucy, je connais tes parents. »

Les deux loups la rejoignirent.

_ « Que se passe-t-il ici ? » demanda-t-elle troublée.

_ « Nous avons été attaqués par une meute de loup garou. Il a voulu me protéger. Je vous en prie, faites quelque chose. » suppliais-je.

_ « Ok, calmes-toi. » me dis Renesmée d’un ton apaisant.

Elle se pencha vers moi et me dégagea du pelage de Desmond. Les deux loups s’approchèrent de lui et lui léchèrent ses blessures.

_ « Maintenant, racontes moi ce qui se passe. Pourquoi est-ce que tout brûle ici ? »

J’essayais de rassembler mes idées et d’être le plus succincte possible.

Je retraçais rapidement ma rencontre avec Jasper puis avec tout le clan des Cullens. Je lui parlais de la menace des loups garous et de notre recours aux Volturis.

_ « Les Volturis ? ! » s’étrangla Renesmée.

_ « Ecoutes, je ne sais pas comment vous avez fait pour nous retrouver. Mais si vous avez réussi, il est probable qu’eux aussi vont bientôt débarquer.  Il ne faut pas qu’ils vous trouvent ici. Vous devez partir et emmener Desmond avec vous.»

_ « J’avais bien sentie que quelque chose n’allait pas au téléphone. Papa était si étrange et Maman qui ne me rappelle pas…» remarqua Renesmée.

Pendant une seconde, j’hésitais à lui dire la vérité. Mais ils devaient partir au plus vite et faire paniquer Renesmée n’était pas le meilleur moyen pour cela.

Un des deux loups s’approcha et se frotta contre elle dans un geste compatissant. J’en concluais qu’il s’agissait de Jacob. Il avait un pelage brun – roux qui me rappelait de manière dérangeante l’Alpha qui nous avait attaqué Desmond et moi. Je frissonnais.

Les blessures de Desmond étaient déjà en train de cicatriser. Il était toujours KO mais j’entendais son cœur battre avec plus de conviction. L’autre loup était toujours à ses côtés.

_ « Où sont les loups garous qui vous ont attaqué ? » demanda Renesmée.

Au moment où elle posait sa question, le loup Jacob s’intéressait, à quelques mètres de là, aux restes carbonisés et encore fumants d’un des loups garous que j’avais tué.  Il les sentit puis fit un bond en arrière en lâchant un glapissement. L’autre loup le rejoignit et renifla les cendres. Ils se tournèrent vers moi en grognant.

_ « Qu’est-ce que … ? »  s’exclama Renesmée, étonnée par la réaction des deux loups.

Elle n’avait pas encore compris. Mais les loups, eux, savaient. Je m’adressais directement à eux.

_ « J’ai fait ça. » leur confirmais-je. « J’ai un pouvoir, très puissant et dévastateur. Je m’en suis servi pour nous protéger. Je … je n’ai pas pu faire autrement. » soupirais-je.

La bouche de Renesmée s’arrondit sous l’effet de la surprise.

Soudain, j’entendis un bruit venant de la vallée. Les loups l’avaient perçu aussi car leurs oreilles se dressèrent immédiatement. 

_ « Ils arrivent » chuchotais-je. « Partez, vite ! » m’alarmais-je.

Les deux loups se précipitèrent sur Desmond et le remirent sur ses pattes à mon grand soulagement. Il était chancelant mais tenait sur ses pattes. Ils encadrèrent Desmond pour le faire avancer.

Renesmée s’approcha de moi et me prit la main.

 _ « Transmets ça à mes parents » me dit-elle.

Je la regardais sans comprendre lorsqu’un flot de visions m’assaillirent. Je compris rapidement que cela émanait de Renesmée.

Je la vis raccrocher un combiné de téléphone. Quelque chose n’allait pas, elle le sentait jusqu’au plus profond de sa chair. Dans ses rêves, elle voyait sa mère en grave danger. Elle se réveillait tremblante et en proie à la panique au beau milieu de la nuit. Jacob tentait de la réconforter mais rien n’y faisait. Elle avait cette sensation au fond d’elle, ce signal d’alarme. Elle finit par le convaincre de rentrer à la maison. Seth, leur ami de toujours, avait proposé de les accompagner. Ils avaient alors entrepris ce long voyage. Quand ils étaient arrivés, la nuit dernière, il avaient trouvé un manoir déserté. Jacob et Seth avaient détecté les odeurs de vampires inconnus. Aussitôt, les pires craintes de Renesmée se réalisaient. Ils avaient décidé de suivre les traces mais ils avaient vite senti les odeurs de loups-garous.  Malgré leur perplexité, ils avaient continué à remonter les traces toute la nuit et le jour suivant.  A la nuit tombée, ils entendirent une longue plainte. Ils se dirigèrent vers le son et nous découvrirent, Desmond et moi, blottis l’un conte l’autre au milieu d’une clairière en proie aux flammes.

Renesmée me relâcha. Je vacillais sous l’afflux d’information. Lorsque je relevais la tête, elle s’éloignait déjà vers Jacob.

_ « Je… je leur transmettrais. » lui lançais-je.

_ « Nous rentrons à La Push. Nous attendrons de vos nouvelles là-bas. »

_ « Merci… Vraiment. »

Elle se retourna vivement et monta sur le dos de Jacob. Il n’y avait plus une minute à perdre. Desmond me lança un dernier regard. Je lui fis un petit signe puis ils disparurent tous les quatre dans la forêt.

 

 

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