Recueil d'un vampire

Chapitre 7 : Liens

Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 06:13

Nous arpentions les boyaux déserts en silence, enfin dans un silence tout relatif-je me faisais l’effet d’un éléphant parmi les gazelles. Au détour d’un couloir alors que j’allais questionner Corin, je distinguais un homme à la tunique noire identique à celle portée par Aro et Marcus. A la différence des deux immortels, ses cheveux mi-longs étaient blonds presque blancs. En revanche, ses yeux et la texture de sa peau étaient semblables. Il ne s’approcha pas, se contentant de nous laisser venir à lui. Attitude tout à fait arrogante d’après moi. Après tout je ne connaissais pas les règles de la hiérarchie en vigueur chez les vampires. Le personnage me déplut instantanément il n’était pas charismatique et autoritaire comme Aro, ni effacé et silencieux comme Marcus, mais sombre, froid et hargneux.

Je m’étais arrêtée en même temps que Corin devant le vampire dont les yeux étaient rivés aux miens. Je ne pouvais me détacher de ses prunelles cramoisies. Essayait-il de m’hypnotiser ? Je commençais à m’agiter mal à l’aise quand un phénomène tout à fait étrange, au vu de la réaction incrédule de Corin à mes côtés se produisit. Les traits sévères et tendus de Caïus se détendirent doucement et une ébauche de sourire apparut sur ses lèvres. De fines ridules se dessinèrent autour de ses yeux. Avant que le sourire s’épanouisse tout à fait, il fronça les sourcils, grogna et disparut brusquement. Je restais là, incertaine de se qui venait de se produire. Certes Caïus ne donnait pas l’impression de quelqu’un qui souriait pour un rien, mais cela devait bien lui arriver tout de même ! 

Je me tournais vers Corin qui m’examinait comme s’il cherchait quelque chose au fond de mes iris.

- Quoi ? Demandais-je.

- Rien. Finit-il par dire.

- Tu peux m’expliquer ce qui vient de se passer ? Lui demandais-je.

- Tu viens de rencontrer Caïus.

- Oui ça je le sais bien, mais ne me dis pas que sa réaction est normale.

- Je ne te le dirais pas, en deux cents cinquante ans je n’ai jamais vu Caïus sourire. Apparemment il a été aussi surpris que moi et ça ne lui a pas plut du tout. Il est en quelque sorte le ministre chargé de la guerre, cette tâche lui va comme un gant.

Je notais au passage, avec étonnement l’âge du jeune homme.

- Et toi ? Le questionnais-je revenant à mes intentions premières. Quelle est ta place ici ?

- Je fais partie de la garde d’Aro. Dit-il. Ainsi il était un soldat, cela cadrait avec son physique athlétique. Une idée me traversa l’esprit.

- Tu as un pouvoir. Ce n’était pas une question, mais une affirmation. Aro m’avait fait part de son penchant pour les dons et la plupart de ses gardes en détenaient un, je ne le voyais pas du tout dans le rôle du guerrier jouant de ses muscles.

- En effet j’en possède un. Dit-il. Il semblait réticent, mais pourquoi ?

- Qui est ? Insistais-je. A présent il ne me regardait plus et marchait un peu plus vite. C’était si horrible que ça ?

- Ce n’est pas un grand pouvoir, commença-t-il, je préfère te montrer.

- Heu je ne sais pas si c’est une bonne idée. Dis-je, pas bien rassurée.

- Je ne te ferais aucun mal n’aie pas peur, me dit-il un sourire qui se voulait rassurant aux lèvres.

J’acquiesçais finalement de la tête. Du bout de ses doigts, il effleura mon bras et une sensation de chaleur parcourut celui-ci. Pourtant, je percevais bien le contact froid de sa peau contre la mienne, puis la chaleur se transforma en fraîcheur me donnant la chair de poule. Progressivement les deux sensations se combinèrent sans se mélanger toutefois. De petits courants froids et chauds parcouraient ma peau. C’était vraiment étrange.

- Tu vois, rien d’extraordinaire. Dit-il, rompant le contact.

- Moi je trouve ça…Je ne trouvais pas le mot adéquat. Sensationnel. Je suppose que tu m’as montré la version light de ton don.

-Oui, je ne peux pas glacer une personne sur place comme dans les films, mais je peux lui donner l’impression d’avoir froid au point de ne plus bouger inversement je peux lui donner l’impression d’avoir si chaud qu’elle croit se consumer. Je contrôle les sensations. Bien évidemment ce n’est pas un don physique. La plupart des pouvoirs agissent sur le mental.

- Tu peux reproduire toutes les sensations ? Moi je trouve ça fascinant, murmurais-je.

Je trouvais les pouvoirs fascinants, mais je n’oubliais pas que ces gens étaient des vampires dangereux et utilisaient leurs pouvoirs comme des armes.

- On arrive dans la grande salle. Me prévint Corin. Nous nous y réunissons quand nous ne sommes pas dans nos appartements.

Je me demandais à quoi pouvait bien ressembler son appartement ? Y avait-il un cercueil dans un coin et des chauves-souris pendues aux poutres ou logeait-il dans une chambre comme la mienne avec tout le confort ?

Je fus éberluée par la pièce dans laquelle nous pénétrâmes tous deux. Elle était immense et très claire. Le soleil entrait par le plafond entièrement fait de verre, inondant la salle de ses rayons.  Ceux-ci se reflétaient sur la peau des vampires présents. J’avais beau avoir vécu le phénomène en songe de nombreuses fois, je n’en restais pas moins pétrifiée sur le seuil. C’était magnifique et terrifiant. J’avais envie de toucher leurs peaux et de fuir à toutes jambes dans le même temps.

- N’aie pas peur Olivia, personne ne te fera de mal ici, tenta de me rassurer Corin.

Tous les vampires présents s’étaient tus et tous m’observaient immobiles. J’en avais la chair de poule. La désagréable impression de me trouver dans un grand magasin de vêtements, seule au milieu de mannequins de cire ne me quittait pas.

- Viens ! Corin me tendit la main. Je ne la pris pas, tout ça c’était trop pour moi. Je me contentais de le suivre écoutant les noms des vampires qu’il me présentait n’oubliant pas de me préciser le pouvoir de chacun.

Ils étaient bien trop nombreux et aussitôt après les avoir quittés j’oubliais leurs noms. Ils étaient tous très beaux et se ressemblaient par leurs peaux blanches et leurs yeux rouges. Je notais toutefois, la différence de ton et en demandais la raison à Corin qui m’expliqua aimablement que plus leurs pupilles étaient foncées, plus cela signifiait qu’ils avaient soif. Après cette précision je décidais de ne plus approcher de trop près les protagonistes. Toutefois, ils furent tous charmants ce qui me surprit grandement.

Aucun ne montra d’agressivité ou de convoitise « alimentaire » à mon encontre alors que nous évoluions de groupe en groupe.

Certains regardaient un film sur l’écran plat géant accroché au mur, d’autres lisaient de gros ouvrages, d’autres encore se contentaient de converser doucement.

J’étais déroutée. Je m’étais attendue à toute autre chose, d’autant que quelques immortels détenaient des pouvoirs plutôt terrifiants. Notamment deux jeunes gens qu’on aurait pu croire jumeaux. Un regard de Jane et vous vous retrouviez sur le sol vous tordant de douleur. Quant à son homologue, il aliénait toutes sensations, empêchant la fuite ou la défense.

J’avais une drôle de sensation. Ces vampires ne se comportaient pas comme ils auraient dû. Je devais probablement me faire des films trop imprégnés de préjugés.

Corin ne me lâchait pas d’une semelle. Il avait l’air mal à l’aise, sur ses gardes sans que j’en comprenne la cause.

Il me fit quand même faire le tour, voir les salles d’entraînement où je faillis avoir une attaque. Les combats entre vampires n’étaient pas pour les âmes sensibles et si j’avais oublié en chemin que j’étais en danger, ils se chargèrent de me rafraîchir la mémoire.

Encore plus déstabilisée, je me fis raccompagner par un Corin silencieux et songeur jusqu’à mes appartements.

- Je reviens un peu plus tard, me dit-il d’une voix distraite. Je dois voir Aro ajouta-t-il en me regardant enfin.

- Quelque chose ne va pas ? Demandais-je. Je regardais ses pupilles m’assurant qu’il n’avait pas soif, après tout ma présence à ses côtés était peut-être tentante.

- Je suis trop près de toi c’est ça ? Je te donne soif ? M’inquiétais-je. Je m’étonnais tout de même d’aborder ce genre de question avec lui.

Il garda le silence quelques secondes.

- Etonnamment tu ne me donnes pas soif. Et il disparut dans un courant d’air.

J’allais m’affaler sur le lit. Cette visite avait été riche en découverte et je me sentais lasse tout d’un coup. Je mis mon bras sur mes yeux et me laissais emporter par Morphée.

Je rêvais. J’étais sur la place de Volterra, le vampire toujours sous le porche, ma peau éclairée par une aura blanche. Etrangement rien n’avait changé, sauf ma perspective des choses rendant le songe diffèrent. Je n’étais plus perdue, tremblante de terreur, oppressée, mais au contraire tout à fait à l’aise et souriante. Je ne me retournais pas pour échapper au vampire, mais pour lui faire face un sourire aux lèvres. Nouveauté cependant, il me tendait sa main que mon aura faisait scintiller et je la saisissais en levant la tête vers son visage lui souriant en retour. Je me réveillais en sursaut. Ce n’était pas un sursaut de terreur comme toujours, mais un sursaut de surprise.

- Tu as fait un mauvais rêve ?

Je sursautais une fois encore portant ma main à mon cœur battant et m’écriais :

- Non mais ça va pas ! Tu veux que je meure d’une crise cardiaque ? Et puis qu’est-ce que tu fais dans ma chambre, on ne frappe pas aux portes chez les vampires ?

Le vampire de mon rêve se tenait debout dos à la fenêtre et me contemplait.

- Non on ne frappe pas, nous nous entendons arriver.

- Ce n’est pas mon cas, je te rappelle que je suis humaine donc sourde comme un pot.

Cela le fit sourire. Je faillis en tomber du lit.

- Désolé de t’avoir surprise, je frapperais à l’avenir. Promit-il portant la main à son cœur.

- Merci !

Mon estomac se mit à gronder furieusement. Je devins rouge pivoine n’osant le regarder. Je ne me souvenais même pas de mon dernier repas et mon estomac me rappelait bruyamment à l’ordre.

- Je t’ai apporté à manger. Me dit Corin en me désignant de la tête le plateau sur la table de nuit. Je ne sais pas ce que tu aimes alors j’ai mis un peu de tout.

En effet sur le plateau il y avait des céréales un pichet de lait, des toasts à côté d’un pot de confiture et d’une assiette de bacon et d’œufs brouillés. J’en avais l’eau à la bouche.

Je pris le plateau sur mes genoux et commençais à dévorer sous l’œil attentif du jeune homme.

Il patienta se contentant de m’observer. Je me faisais l’effet d’une bête de foire. Quand le plateau fut vide je m’adossais contre les coussins, repue.

- Olivia ?

- Oui ?

Il avança vers moi à vitesse humaine ce dont je lui fus reconnaissante et s’assit sur le lit à mes pieds.

- Que penses-tu de moi et des vampires que tu as rencontrés ce matin ? Me questionna-t-il.

-Heu…Tout le monde a été charmant et correct. Je ne dirais pas que je me suis sentie en sécurité, mais en tout cas pas menacée. J’évitais de lui dire ce que je pensais de lui seul. Je ne pensais pas que les qualificatifs tel que : Beau, sexy, envoûtant, désirable soient appropriés en réponse à sa question.

- Je vois. En règle générale je suis quelqu’un de solitaire de taciturne, je parle peu et ne me mélange au reste des Volturri qu’en cas de rassemblement uniquement. C’est d’ailleurs le comportement le plus répandu chez mes semblables.

Je ne voyais pas où il voulait en venir. Pourquoi me raconter cela ? Puis je me souvins des mots qu’Aro avait eu pour ceux de sa race et je compris où Corin voulait en venir.

Les vampires n’étaient pas charmants gentils et serviables encore moins avec un repas potentiel, ce dont j’étais. J’avais raison de m’interroger dans la grande salle, ces immortels ne se comportaient pas comme ils devaient.

- Après t’avoir raccompagné, je suis retourné dans la grande salle et je les ai trouvés comme à leurs habitudes, arrogants, prétentieux et froids.

- Comment est-ce possible ?

- Je suis allé voir Aro, Marcus et Caïus. Ils souhaitent que tu les rejoignes dans la tour. Dit-il sans répondre à ma question.

J’avais le pressentiment que je l’apprendrai bien assez tôt.

- Maintenant ?

- Oui.

Je me levais en soupirant. Il ne servait à rien de renâcler, j’étais ici pour un temps indéfini et je n’étais pas là pour leur servir de dessert ce qui me suffisait pour le moment.

Je rentrais dans la salle pour la première fois depuis mon arrivée ravivant le souvenir des meurtres de mes compagnons, je repoussais ces pensées morbides et me concentrais sur les trois Volturri qui me faisaient face, assis sur leurs trônes.

Tous les immortels étaient entassés contre les murs arrondis. Le silence était pesant. Personne ne parlait, tous se contentaient de m’observer. Sauf Caïus qui m’évitait.

Je remarquais qu’Aro et Marcus étaient en contact. Je commençais à me sentir franchement mal à l’aise plantée ainsi devant tous ces vampires, quand Aro prit enfin la parole.

- Merci chers amis.

Surprise je me retrouvais seule devant les chefs volturri.

- Jeune Olivia tu es proprement fascinante, reprit-il en se levant. Vois-tu Marcus détecte les liens qui lient les personnes entre elles. Au moment où tu as franchi le seuil tous les vampires présents se sont liés à toi sans en être pleinement conscients, nous y compris. M’apprit-il. Si seulement je pouvais faire la lumière sur le mystère que tu représentes. Soupira-t-il. Je n’aie rencontré qu’une seule humaine dans mon existence qui avait un pouvoir. Il semblerait que nous soyons en présence de la seconde, très chers frères, rit-il.

- Aro nous ne pouvons pas la laisser perturber ainsi nos soldas. Qu’arrivera-t-il quand nous devrons guerroyer avec une garde affaiblie par l’étrange pouvoir d’une humaine ? Demanda Caïus.

Il aurait pu cracher le dernier mot.

- Allons Caïus ne laissons pas l’amertume diriger une affaire aussi délicate, tempéra Aro.

Une voix que je n’avais jamais entendue jusque là s’éleva soudain.

- Les liens qu’elle crée avec les vampires, s’exprima-t-elle grave et enrouée, ne les affaiblis pas. Ce sont des liens de respect envers cette jeune humaine, nous développons un instinct de protection solide à son encontre. Elle n’a aucune conscience de ce qu’elle provoque. Marcus retourna à son mutisme coutumier.

- Peut-être, mais c’est une humaine, la loi est claire elle doit être transformée ou mourir. S’exclama Caïus de moins en moins hargneux cependant, comme s’il émettait simplement un fait.

- La question mérite d’être mûrement examinée mon frère.

 Quand son grognement de frustration arriva à mes oreilles Caïus avait déjà quitté la salle.

- Il n’apprécie pas le sentiment de protection que tu éveilles en lui quand il se trouve trop longtemps en ta présence. Excuses-le, me dit Aro.

Je n’étais de toute façon plus en mesure de m’offusquer. J’étais abasourdie par ma bêtise. Je n’avais même pas envisagé qu’ils pouvaient me transformer en immortelle. Ils m’avaient tous donné l’impression d’être si charmants que j’en avais oublié qu’ils étaient des êtres sanguinaires. Je ne voulais pas être comme eux, je ne voulais pas tuer d’innocentes personnes, je voulais renter chez moi revoir Susan et mes amis, aller à l’université, avoir une licence d’histoire et fonder une famille avec un gentil mari.

 La panique me submergea, menaçant de me faire perdre connaissance. Je suffoquais quand deux bras froids m’enlacèrent. Corin passa sa main sur mon visage le baignant de la fraîcheur de son don, apaisée je fermais les yeux. Il passa un bras sous mes genoux pour me soulever et partit en direction de ma chambre. Le vent sur mon visage m’indiqua que le chemin ne serait pas long.

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