Recueil d'un vampire
Je faisais les cents pas dans ma chambre. Je n’allais pas tarder à creuser une tranchée au milieu de la pièce si je ne cessais pas bientôt. Je me sentais agitée.
Etrangement le départ de Corin marquait le début de mon anxiété. A présent loin de lui, je me sentais prisonnière, en danger et menacée. En bref, ce que j’aurais dû ressentir depuis le début, mais la présence du jeune homme avait le don de m’apaiser.
A bien y réfléchir, il n’y avait pas que la présence de Corin, j’avais beau savoir qu’Aro était dangereux, je ne me sentais jamais menacée, pour autant. Comme si, par instinct, je savais que personne ici ne pouvaient me faire de mal. Ma pauvre Livie tu n’as pas d’instinct!
Je commençais à paniquer comme à mon arrivée. J’essuyais mes mains moites sur le jeans que je portais depuis mon arrivée. Mes valises étaient restées à la pension et la question de ma garde-robe allait bientôt se poser. Vu la qualité des vêtements que les immortels portaient, cela ne devait pas être un problème.
Je n’en pouvais plus de rester dans ma chambre si, comme me l’avait dit Aro, je faisais partie des leurs, alors je devais pouvoir aller et venir librement. J’actionnais la poignée de porte, elle n’était pas verrouillée. Je jetais un coup d’œil dans le couloir, personne. J’en profitais pour me rendre dans le grand salon où m’avais été présenté les habitants de Volterra, avec l’espoir de trouver une occupation, un livre de préférence.
J’hésitais une seconde sur le seuil, vide, la pièce était impressionnante. Les tapis de laine et les fauteuils la rendaient confortable et chaleureuse. J’en fis le tour, mais ne trouvait pas de livre. En revanche, il y avait des jeux vidéo par centaines, ce qui me fit rire, une collection de DVD digne d’un vidéo club. Décidément, je ne me serais jamais attendue à ça !
Sur une table basse, trônait une pile de journaux et de magasines. J’en pris un et m’enfonçais dans un coin du canapé qui lui faisait face, ramenant mes jambes sous moi. Je commençais à feuilleter le magasine de mode. Je me demandais bien ce qu’une immortelle pouvait trouver d’intéressant dans ces torchons. Sur les pages de papiers glacées posaient des tops modèles anorexiques aux tenues derniers cris et aux maquillages extravagants. Les pauvres faisaient pâles figures à côtés des êtres parfaits que j’avais rencontrés aujourd’hui.
Il n’y avait pas un bruit dans la tour. Seul le bruit des pages, que je tournais, raisonnait dans le silence.
Soudain un bruit de clochette retenti brisant la quiétude. Je levais la tête brusquement du magasine posé sur mes genoux. Jane se tenait devant le canapé. Le bruit de clochette n’était autre que son rire.
Elle n’était pas seule, une flopée de vampires avait investie la pièce. Ils donnaient l’impression d’avoir toujours été là, occupés à regarder un film, à feuilleter une revue ou finir une partie de jeux vidéo.
Ils avaient été aussi silencieux que des ombres.
- Je peux ? Demanda-t-elle en désignant la partie libre du canapé.
J’acquiesçais de la tête, je ne savais pas encore comment me comporter avec eux. Je n’apercevais pas Corin, où pouvait-il être ? Aro avait dû avoir besoin de lui.
- Il n’est pas là, dit Jane de sa voix cristalline.
- Qui ? Lui demandais-je innocemment.
- Corin répondit-elle en m’examinant attentivement.
Je dû rougir car, son sourire s’intensifia.
- Je ne le cherchais pas, me défendis-je, qu’elle se mêle de ses affaires !
- Ne le prend pas mal Olivia, je ne voulais pas te mettre mal à l’aise, il n’y a pas de secret ici tu sais.
Je l’avais bien compris, entre les dons de chacun et leurs sens ultra développés, difficile en effet de garder quoi que ce soit secret.
- C’est étrange, murmura-t-elle.
- Quoi ?
- Toi. Enfin plutôt cet étrange pouvoir que tu détiens sur nous.
Cela devait être déroutant en effet, mais je ne comprenais pas bien en quoi. Je ne savais pas exactement comment ma présence influençait leurs comportements.
- Que ressens-tu ? Lui demandais-je curieuse en posant le magasine que je tenais toujours.
Elle ne me lâchait pas des yeux, une moue curieuse sur son visage poupin.
- Rien, enfin rien de négatif, je te trouve sympathique, tu sens bon, mais tu ne me donne pas soif. C’est là tout le problème.
Je ne voyais pas où elle voulait en venir. Elle expliqua :
- J’ai été transformée par Aro à l’âge de quinze ans, humaine j’étais déjà très capricieuse et méchante, un tantinet sadique, ajouta-t-elle un doux sourire aux lèvres.
Je n’en revenais pas, elle était là assise à côté de moi une expression enfantine charmante sur le visage, mais débitait des horreurs d’une voix chantante.
- Il y avait parmi les Volturri un vampire qui détecte les pouvoirs, expliqua-t-elle. C’était très utile lors d’une bataille, ça nous permettait de connaître les forces du clan adverse. Chez les humains il entre-aperçoit leurs dons latents. Eléazar a rejoint une autre famille à présent, précisa-t-elle avec une moue de dégoût. Il nous a trouvés Alec et moi en même temps. Nous ne sommes pas frère et sœur, mais nous étions très proches humains. Nos caractères…difficiles se sont accentués une fois transformé.
En entendant son nom prononcé par Jane, Alec nous rejoignit. Il s’était posté derrière le canapé où nous étions installées et avait posé une main sur l’épaule de Jane.
Mon dieu j’étais en présence de Chucky et sa fiancée. Le pire dans l’histoire c’est que cela ne me terrifiais pas du tout, j’étais confiante. Tous ces paradoxes me déroutaient.
Jane m’observait toujours et Alec me gratifia d’un sourire.
- Oui c’est déroutant, dit-il.
- Tu connais mon pouvoir, reprit Jane. J’hochais la tête, je l’ai essayée sur tout le monde, y compris Aro, c’est lui qui me l’a demandé toutefois, précisa-t-elle. Toi en revanche, je n’arrive même pas à imaginer te faire du mal, c’est vraiment très étrange murmura-t-elle.
J’hochais la tête ne sachant pas quoi dire, oui en effet c’était étrange, Jane était une personne foncièrement méchante, mais ne semblait pas pouvoir me nuire.
Corin arriva de façon inopinée, pour me sauver.
- Olivia, est-ce qu’une ballade te plairait ?
Je n’en croyais pas mes oreilles, Aro allait vraiment me laissé sortir.
- Dehors ? Demandais-je prudente, je ne voulais pas me faire de fausses joies.
- C’est en principe là qu’on se promène sourit-il. Tu n’es pas prisonnière tu sais, précisa-t-il.
- Ca me ferait vraiment plaisir.
- Je vais nous chercher un piquenique et je reviens.
J’espérais qu’il n’allait pas se ramener avec son piquenique marchant au bout d’une laisse et que les sandwichs seraient d’actualités. Il revint moins d’une minute plus tard un sac sur le dos.
- On y va ?
Je le suivis dans le dédale de couloir, mais au lieu de nous diriger vers les souterrains comme à mon arrivée, il nous fit monter dans un ascenseur. Quand les portes s’ouvrirent je découvris une salle d’attente. Il y avait des fauteuils moelleux et des tables basses disposés un peu partout sur la moquette grise. En face, derrière un comptoir en acajou, une jeune femme brune tapait doucement sur un clavier d’ordinateur de ses ongles manucurés.
- Bonjour, nous salua-t-elle, un sourire professionnel aux lèvres.
- Bonjour Gianna, la salua Corin en retour.
- Bonjour, répondis-je à mon tour perturbée.
Je me tournais vers Corin et murmurais :
- Elle est humaine ?
- Oui, dit-il en me souriant, cela te surprend ?
- Plutôt ! Elle est au courant de…Je fis un geste l’englobant.
- Oui ,elle est au courant sourit-il, elle espère surement faire partie des notre un jour précisa-t-il.
- Ha !
- Tu as tant de mal que cela à concevoir qu’une personne puisse vouloir devenir comme nous ?
- Pas vraiment, mais jusqu'à maintenant ce genre de personnes restaient pour moi des illuminées qui se rendent chez le dentiste pour ce faire limer les dents afin de pouvoir prétendre être un vampire, pas de jolies hôtesses d’accueil.
- Si tu voyais le nombre de site internet qui fleurissent chaque semaine, crée par ces illuminés, comme tu dis. Nous n’avons pas de mal à trouver du personnel comme Gianna.
- Que deviennent-ils quand vous n’avez plus besoin d’eux ?
Je me doutais bien de la réponse.
- Parfois les chefs leurs accordes ce qu’ils demandent…Parfois non, dit-il simplement.
Il était inutile de se mettre la tête dans le sable, je savais que tous consommaient du sang humain y comprit Corin. C’était la seule chose avec laquelle je n’arrivais pas à composer.
Je notais la couleur des iris du jeune homme, elles étaient noires cela signifiait qu’il avait soif.
Il allait devoir se nourrir bientôt et cela me mettait franchement mal à l’aise.
- Nous allons devoir nous éloigner de la ville pour ne pas être vu par quelqu’un que tu aurais pu rencontrer en ville, cela te dérange-t-il si je te porte ? Se sera bien plus rapide, ajouta-t-il.
Nous venions d’apparaître à l’air libre et j’en respirais une goulée, yeux fermés. Il faisait nuit et frais. C’était vivifiant, j’avais l’impression d’avoir été enfermée pendant des mois et non deux jours. Deux jours vraiment intenses, toutefois.
Je me tournais vers Corin qui attendait toujours une réponse. Il avait les yeux mi-clos et m’observait entre ses cils baissés. Il était magnifique, j’étais subjuguée par lui, par son sourire, par ce que je lisais en ce moment dans ses yeux noirs : de la tendresse. Elle reflétait la mienne, j’étais en train de tomber amoureuse d’un vampire, cette brusque constatation me fit sourire.
- Qui a-t-il ? Demanda Corin.
Je secouais la tête. J’étais simplement heureuse d’être dehors en sa compagnie.
Il me prit finalement dans ses bras comme si je ne pesais pas plus lourd qu’une plume.
- Prête ? Demanda-t-il.
- Heu…oui.
Et il s’élança à travers les rues de Volterra. Je ne voyais rien, le décor défilait à toute allure comme si je m’étais trouvée dans un train roulant à grande vitesse. J’avais un peu de mal à respirer, étouffée par l’air qui s’engouffrait en trop grande quantité dans mes poumons. Je cachais mon visage contre son tors pour respirer un peu mieux, l’air frais fut remplacé par l’odeur de sa peau de marbre, sucrée et fraîche. Les battements de mon cœur se firent désordonnés et j’étais persuadée que Corin les entendait. Au bout de quelques minutes il ralentit et s’arrêta tout à fait.
- Ca va ? S’inquiéta-t-il.
J’allais plus que bien blottie dans ses bras, imprégnée de son odeur.
- Oui très bien, c’était…Grisant.
La sensation de vitesse, le vent sur ma peau, lui, tout était grisant.
Il me déposa à terre et je tournais la tête vers le paysage magnifique. Nous étions sur une aspérité rocheuse qui surplombait la vallée, toute petite au loin nous apercevions Volterra au bout de la route qui serpentait.
- c’est magnifique, dis-je subjuguée.
- Je ne dirais pas cela. Je me tournais vers lui, il me contemplait comme je contemplais la vallée une seconde plus tôt.
Je me détournais prise d’une timidité soudaine.
- Tu as faim ? Demanda-t-il de sa voix profonde.
- Pas autant que toi, dis-je en revenant vers lui.
- Nous allons partager un repas toi et moi, annonça-t-il en souriant.
Je le regardais intriguée, la seule chose comestible pour lui ici c’était moi. Il sorti du sac, du pain, du fromage, des fruits et une tablette de chocolat.
- Et le meilleur pour la fin ! S’exclama-t-il en brandissant fièrement une poche de sang comme on en voyait dans les hôpitaux.
Je me mis à rire, bien sûr ! Je n’avais pas pensée à cela.
- Tu as ponctionné un pauvre malheureux, plaisantais-je.
Il huma le bouchon de la poche et me dit sérieusement :
- Une pauvre malheureuse.
- Tu arrives à connaitre le sexe de la personne juste à l’odeur de son sang ? Lui demandais-je en m’asseyant sur une pierre plate, j’attrapais de quoi me faire un sandwich au fromage.
- On peut savoir beaucoup de choses sur une personne à l’odeur et au gout de son sang. Son sexe, son âge approximatif, si elle est en bonne santé et beaucoup d’autres choses.
- Que peux-tu me dire de la personne qui a donné ce sang ? Lui demandais-je amusée et fascinée en désignant la poche qu’il tenait toujours.
Il en dévissa le bouchon et aspira une gorgée. Il fit claquer sa langue contre son palet comme s’il goutait un grand vin.
- Elle est jeune entre vingt et trente ans, elle est brune, les yeux verts, plus il parlait et plus son sourire s’épanouissait et…elle travaille comme hôtesse d’accueil.
Nous éclatâmes de rire ensemble, je m’étais fait avoir comme une gourde.
-Tu as demandé à Gianna ! M’exclamais-je tentant de reprendre mon souffle, les larmes aux yeux.
- Oui, avoua-t-il. Le sang des hôpitaux a un gout chimique, il n’est pas pur ajouta-t-il en fronçant le nez et il est froid, beurk !
Je pris conscience a ce moment-là du grand tournant qu’avait prit ma vie. Je discutais, plaisantais avec ce grand et beau vampire, de sujet tel que le goût du sang.
Je n’étais plus la même. J’avais changé. Je ne concevais plus le monde sans Corin à présent et même si la notion de chasse à l’homme me dérangeait encore, j’arrivais à composer avec son régime.
Le reste du repas se fit dans un silence songeur. Je voyais bien que quelque chose le tracassait, de temps en temps il fronçait légèrement les sourcils. Alors qu’il finissait sa deuxième poche je pris le parti de l’interroger :
- Tu es soucieux, c’est à cause de l’assemblée de cet après-midi ?
Il poussa un profond soupire.
- Comme tu t’en doutes la question de ta transformation a été posée. Les chefs sont partagés, expliqua-t-il. Aro n’est pas sur, ce qui n’est pas dans ses habitudes, Caïus s’y oppose totalement, il pense que les pouvoirs que tu détiens déjà en tant qu’humaine son assez gênants et qu’une fois immortelle tu pourrais tous nous asservir.
- Jamais de la vie ! M’insurgeais-je.
- Tu ne peux pas savoir ce que tu feras une fois transformé Olivia, argua-t-il justement. Les chefs ne laisseront rien au hasard. Dernièrement notre communauté a été secouée par une découverte fascinante, mais qui soulève beaucoup de questions. Aro en a été quelque peu affecté.
- Que c’est-il passé ? Demandais-je curieuse.
- C’est une longue histoire et il est temps de rentrer pour que tu dormes.
Je n’insistais pas et le laissais me soulever dans ses bras.