Recueil d'un vampire
L’aube pointait à l’horizon quand le plan fut adopté par notre récalcitrant acolyte. A force d’argument et de patience, nous nous étions plus ou moins mis d’accord pour un plan d’action. Je comprenais qu’il était difficile pour Capac de nous faire confiance et j’avoue que ni moi et encore moins Corin lui faisions une confiance aveugle.
Je préférais me réserver sur ce point, après tout il avait été envoyé par Caïus pour nous supprimer. Certes sous la menace, mais rien ne nous prouvait que l’histoire de Capac fût bien réelle. Il aurait tout aussi bien put inventer l’histoire pour nous attirer dans un traquenard à la sauce Caïus.
Après un dernier regard plein de méfiance, nous nous étions séparés en nous donnant rendez-vous au promontoire, au crépuscule, le jour suivant.
Tandis que Corin et moi courrions pour rejoindre Volterra, la soif revint au-devant de la scène. Je m’efforçais de l’ignorer, de penser à autre chose, mais invariablement mes pensées revenaient vers ma gorge en feu et au creux gênant de mon estomac.
Corin conscient de la direction de mes pensées, me serra doucement les doigts. Il n’était point besoin de mots, cette soif dévorante faisait partie de notre existence et nous faisions avec le rythme qu’elle nous imposait. Nous, parce que Corin tenait à me soutenir, à tout moment, dans ma lutte pour le contrôle du sang. Cela ne me dérangeait pas outre mesure, nous partagions tout et jouer les martyres ne servait à rien.
Je souhaitais voir les bébés et Gianna, tendis que Corin serait allé chercher de quoi nous nourrir, mais celui-ci m’en dissuada en me conduisant à notre chambre, arguant que les bébés étaient un peu trop chauds et leurs petits cœurs battants risquaient de représenter une trop grande tentation pour moi.
Il n’avait pas tort, je ne me croyais toujours pas dangereuse malgré l’épisode de ce soir, finalement la remarque de Corin à Capac n’était pas dénué de sens, je me conduisais comme si j’avais encore été humaine.
Quand mon cerveau allait-il comprendre que désormais, j’étais une menace ambulante ? Tout le problème était que je ne me sentais pas si dangereuse.
Haussant les épaules avec fatalité, je me dirigeais vers la salle de bain pour prendre une douche salvatrice. Je réglais le jet à fond pour sentir un tant soi peu la pression de l’eau sur ma peau adamantine.
Je réfléchissais à la collaboration inattendue de Capac, puis je fus saisie d’un étrange malaise. Il me fallut une seconde pour me rendre compte que j’avais la nausée. La nausée ! Pas une nausée virtuelle, non, mais l’impression que mon estomac allait me sortir par la bouche. Je sortie de la douche en trombe, attrapais un peignoir et l’enfilais sans m’arrêter et fis irruption dans la chambre.
J’en fis le tour, mais rien ne retint mon attention. Puis je me rendis compte en fronçant les sourcils que mon regard n’arrivait pas à s’attarder sur le lit, j’avais beau essayer de me concentrer sur le lit, invariablement mon regard l’évitait.
Que ce passait-il encore ? La nausée me quitta quelque peu, sans toutefois disparaitre. Il y avait quelqu’un dans la pièce j’en aurais mis ma main au feu, enfin peut-être pas, mais le lien que je partageais avec les vampires s’intensifiait quand je rentrais en contact avec l’un deux. Bizarrement je savais que je n’avais jamais rencontrée celui-là, son « aura » son « essence », ne m’était pas familière.
- A qui aie-je l’honneur ? Demandais-je nonchalamment.
Un éclat de rire me répondit. Je tournais la tête vers le lit, que je pus fixer ce coup-là. Un vampire blond, plutôt massif et très beau, me regardait, mi-amusé, mi-impressionné.
- Comment m’as-tu repéré ? Je jurerais que tu ne m’as pas vu.
- Non en effet, mais je t’aie sentis.
- C’est donc vrai, murmura-t-il, tu es vraiment lumineusa.
Sa remarque m’arracha un haussement d’épaules.
- Il parait. Il y a une raison à ton intrusion ?
Jusque là il ne m’avait pas quitté des yeux, mais ma question lui fit baisser les yeux.
- Tu vois mon âme ? Me demanda-t-il avec des traces d’anxiété dans la voix, comme s’il en doutait.
Je pris le temps d’observer ses yeux qu’il avait relevés vers moi. Oui je voyais son âme, reflet vert pâle qui mangeait la totalité du centre de ses yeux, ne laissant apparaitre que le blanc autour.
- Elle prend pas mal de place, acquiesçais-je.
Il paru soulagé par ma remarque. Il devait surement faire partie de ses vampires qui se croient damné.
- Tu ne me connais pas, je m’appelle Fred, j’ai toujours été là, mais tu ne me voyais pas, car je ne le voulais pas.
- C’est en cela que consiste ton pouvoir, te rendre invisible ?
- Je ne suis pas invisible, ricana-t-il.
- A bon. Dis-je piquée au vif.
- Ne te vexe pas. Je provoque la répulsion chez les autres, au point que leur regard ne m’atteint pas, je me rends invisible en vous interdisant de me regarder, plus vous essayez plus vous avez la nausée, c’est dans votre tête, conclut-il.
- Hum…j’avais presque oubliée ce que cela faisait, grimaçais-je.
- Désolé, laissa-t-il tomber amèrement.
- Vous n’êtes pas venu me déranger dans ma douche pour vous présenter n’est-ce pas ?
Il eut une grimasse contrite.
- Non en effet, désolé pour avoir fait irruption dans ta chambre, de façons si cavalière, mais te parler relève presque du miracle, tu as été très occupée par ton amie et puis tu as disparu avec Corin jusqu'à maintenant.
Je n’aimais pas spécialement qu’un autre vampire connaisse mes fais et gestes.
- En effet je n’aie pas était très disponible ces temps-ci, bref alors maintenant que tu as réussi à m’épingler, que puis-je pour toi ? Et fait court parce que je ne suis pas sûr que Corin apprécie de te trouver dans notre chambre alors que je ne suis vêtu que d’un peignoir.
Il hésita un instant semblant peser le pour et le contre, pourtant, je voyais à son expression que la décision, quelle qu’elle soit, avait été prise.
- Court alors, je n’aie jamais voulu être un vampire, je déteste ça, dit-il en s’englobant d’un geste, il parait que tu peux nous… laver en quelque sorte de notre noirceur, je voudrais que tu le fasses pour moi, voilà.
Je restais interdit une seconde, il me regardait maintenant confiant.
Ce que je redoutais était en train de se produire, les vampires non contents de leurs sorts allaient défiler devant moi pour recevoir l’absolution, beurk !
Devant mon expression, il se raidit.
- Je ne sais pas trop, c’est...délicat.
- Je ne vois pas où est le problème.
- Réfléchit ! Dis-je agacée en faisant les cents pas, manipuler une âme n’est pas anodin, je ne connais pas l’étendue de mes pouvoirs, je ne sais pas ce que je pourrais te faire, peut-être que tu te retrouveras vide après mon passage, ou pire.
- Tu as peur de ton pouvoir, devina-t-il en écarquillant les yeux. Tu ne devrais pas, de toute façon, il est un prolongement de toi et tu n’y peux rien. De plus, il ne s’endormira jamais, au contraire il s’amplifiera avec le temps. Si tu n’apprends pas à le contrôler, il te contrôlera au moment ou tu ne t’y attendras le moins, il t’échappera dans une situation ou une autre, ce qui peut être très délicat, mieux vaut que tu le maîtrises entièrement et que tu saches de quoi tu es capable tout de suite.
Je savais qu’il avait raison Aro avait déjà essayé de m’en convaincre et mon ange déchut aussi, mais je devais me l’avouer j’avais peur, comme j’avais peur de perdre le contrôle de ma soif, j’avais peur de perdre le contrôle de mon pouvoir. Il fallait que j’apprenne à me faire confiance, il fallait que j’utilise mon pouvoir ne serait-ce que pour ne plus en avoir peur. Je faisais bien trop de cas du contrôle, il régentait toute ma nouvelle vie, il fallait que je lâche du leste et mes nouvelles résolutions allaient commencer par ce vampire en quête de rédemption, qui détestait être un vampire.
- Il a raison, approuva mon apollon, en passant le pas de la porte, avec dans les mains, quatre verres de sang version XXL.
Il me tendit un verre son regard brillant plein d’une confiance que je n’arrivais pas à ressentir.
- Je sais, soupirais-je.
Corin me tendit un verre et je m’empressais d’en absorber tout le sang. Heureusement la paille était assez grosse pour me permettre d’aspirer à gros traits, le sang chaud et délectable, j’avais attendu trop longtemps et mourrais de soif.
Corin me tendit le second, avant d’attaquer son premier, je pris le temps de siroter celui-ci en observant la réaction de Fred.
- Vous vous nourrissez d’une bien étrange façon, fit-il remarquer dubitatif.
- Je refuse de tuer des humains j’en aie été une et je n’arrive pas à les considérer comme des paquets de viandes sous cellophane.
- Hum…tu es aussi étrange que tout le monde le dit.
Je soupirais, il ne servait à rien de m’offusquer, je savais que même chez les vampires je passais pour une dingue.
- quand voulais-tu tenter l’expérience ? Parce que je te préviens, tu me serviras de cobaye.
- Je suis près à en courir le risque. Si ça ne te dérange pas, tout de suite avant que tu ne disparaisses à nouveau.
J’aurais voulu lui dire que c’était bien trop tôt, mais en effet Corin et moi allions devoir disparaitre encore et pour un temps encore indéfini.
- Ok, ok, va pour tout de suite, mais je refuse de le faire dans le plus simple appareil, alors je te conseille de me laisse le temps de m’habiller.
- Je vous laisse une petite demi-heure, souri Fred.
Il disparu et je poussais un soupire, Corin vient m’enlacer pour me donner du courage.
- Tout ira bien mon amour, me rassura-t-il, aie confiance en toi comme moi j’ai confiance en toi et tout ira bien.
- Comment fais-tu ? Lui demandais-je agacée, comment peux-tu avoir une foi aveugle en moi ?
- C’est la foi que confère l’amour véritable mon amour, il m’embrassa tendrement. Et une pointe de ta magie personnelle, ajouta-t-il.
- Je vais m’efforcer d’avoir foi en mon pouvoir pour ne pas transformer ce pauvre Fred en coquille vide.
Je partis m’habiller, mais j’étais si distraite que je ne fis pas attention à ce que j’enfilais.
- Humm…il a dit qu’il revenait dans une demi-heure, cela nous laisse encore vingt bonnes minutes, s’amusa Corin.
Je baissais les yeux sur ma tenue et éclatais de rire, j’avais enfilé un déshabillé que m’avait achetée Heidi. Il était rouge sang avec de la fourrure rubis sur le décolleté et le bas. Elle était tellement petite et transparente, qu’elle ne laissait que peu de place à l’imagination.
Je repartie me changer, d’un jean délavé et d’un pull à colle v et d’une paire de converse grise.
Assise sur le lit, les yeux fermés, je tentais de vider ma tête de toutes pensées. Fred était installé en face de moi, je sentais peser sur moi son regard perplexe.
- Allons y, dis-je en lui tendant ma main paume vers le ciel.
Il s’en saisit sans hésiter. Je sentais confusément émaner de lui, de la confiance et de l’espoir. Je plongeais mon regard dans le sien priant pour ne pas le décevoir et me sentis basculer vers la lumière d’un vert mordoré.
Je ne sursautais pas comme les fois précédentes, mais me laissais guider par mon instinct. Je me laissais habiter par l’essence de Fred, acceptant sa chaleur et le torrent d’émotion qui allait de paire.
La frustration et la peine prédominaient dans ce maestro de ressenti, mais je n’arrivais pas à en définir l’origine. Je ne devais pas être suffisamment détendue ni suffisamment confiante. J’inspirais et expirais bruyamment et me détendis tout à fait.
Des volutes de lumières vertes claires, s’enroulaient caressantes autour de moi m’arrachant un petit rire cristallin. Puis comme un taureau fonçant sur un drap rouge, des tourbillons de lumière mordorée, s’enroulèrent furieusement autour de mes mains incandescentes.
Brusquement, je sentie ma gorge se serrer douloureusement quand je compris la nature des sentiments que je n’arrivais pas à identifier un peu plus tôt. Le vampire dont je touchais l’âme avait tenté d’en finir, il exécrait ce qu’il était devenu à un point tel qu’il avait tenté de mettre fin à ses jours. Son âme était tourmentée par des sentiments destructeurs.
Ma gorge se serra un peu plus et je lâchais un sanglot sec, déchiré par le mal qu’il s’était infligé intentionnellement. Quelque chose se brisa en moi, je me sentis inexplicablement trahis, comme une mère qui se rend compte que son enfant, lui a caché un grand mal être.
Je caressais de mes mains cette âme tourmentée, ne pouvant empêcher mes lèvres de marmonner silencieusement :
- Tout ira bien, tout ira bien.
A mon contact, l’essence furieuse s’apaisa lentement, se contant d’effleurer à présent la lumière de mes mains. Je la repoussais doucement, à contrecœur, pour me concentrer sur le noyau sombre qu’elle avait quitté pour venir à ma rencontre.
Il était à la fois semblable et différent à celui de Corin. Celui de mon ange avait plus ressemblé à un nuage de fumé sombre, qu’à une boule de mercure retenue par une membrane transparente, comme c’était le cas de celui de Fred. Il semblait liquide et sens cesse en mouvement. J’en approchais la main et effleurais la sphère grouillante.
Tout cela ne me disait rien qui vaille. Cela ne collait pas avec le scénario habituel et pour cause au lieu de s’enfoncer dans un noyau lumineux, mes mains percèrent la fragile membrane et c’est la substance visqueuse, que renfermait la sphère, qui se déversa sur ma peau en en étouffant la luminescence. Un instant j’eus envie de reculer prise d’une soudaine panique. Puis petit à petit, la lumière sans cesse grandissante, avala la noirceur collée à mes mains.
La sphère sombre avait disparu, mais choses inédite, elle avait laissé place à un petit globe transparent et brillant comme un diamant sous le soleil. Il semblait également liquide et renfermait en son centre une perle carmin. Des flots d’espoir s’en échappaient de façon ininterrompue. Attirée malgré moi, je l’effleurais sans réfléchir.
Ce qui se produisit alors me consterna. La perle incarnate se contracta violemment ébranlant toute la sphère comme si, elle avait été entourée de gélatine, déformant la membrane protectrice. Dans le même temps, un bruit de tambour assourdissent martela mes tempes les enserrant dans un étau douloureux.
Ma vue devint floue un instant, puis je me retrouvais dans les bras de Corin qui m’appelait, depuis un moment me semblait-il.
- Olivia, ça va ? Cria-t-il.
Je hochais la tête incapable de parler pour le moment, même si je sentais que la douleur refluait doucement, ma tête me faisait encore souffrir. Je gardais les yeux fermés un moment encore, puis les ouvrit en entendant la respiration laborieuse de Fred près de moi.
Il était couché sur le lit en chien de fusil, le teint blafard et se balançait doucement la respiration sifflante. Complètement remise je m’extirpais des bras de Corin et m’approchais de Fred.
- Que c’est-il passé ? Demandais-je nerveusement.
J’avais le sentiment que l’expérience avait tourné au fiasco.
- Tu…as…je ne…
Je me tournais vers Corin les yeux écarquillés, il me fixait comme s’il me voyait pour la première fois et n’arrivait pas à aligner deux mots, maintenant bien paniqué face à sa réaction, je reformulais :
- Qu’est-ce que je lui aie fait ?
Corin secoua la tête puis soupira pour retrouver son calme.
- Je ne sais pas exactement.
Je voyais bien qu’il avait sa petite idée, mais qu’il ne voulait pas m’effrayer.
- Dis-moi, le suppliais-je.
Il ouvrit la bouche, mais c’est Fred qui me dit d’une voix hachée :
- Tu as…fais…battre mon cœur…
Je le regardais abasourdi parce qu’il venait de dire, c’était tout bonnement impossible, il se trompait forcement, il avait entendu un bruit de tambour comme moi et l’avait interprété de la mauvaise façon, cela ne pouvait être autre chose.
- Non c’est impossible, murmurais-je.
Corin ne m’avait pas quitté des yeux, me voir paniquée, l’aida à se reprendre.
- Olivia, j’ai entendu son cœur battre un instant, m’annonça-t-il gravement.
Je restais planté devant les deux hommes, pétrifiée comme une statue de pierre. Que c’était-il passé ?
Je me repassais la scène, ma lumière avait engloutie la sphère noire, puis j’avais frôlé du bout des doigts le globe transparent, la perle carmin c’était contracté subitement à mon contact. Ce pourrait-il que le martèlement que j’avais entendu, soit en réalité un cœur battant ? Mon dieu que m’arrivait-il ? Etait-il possible que mes pouvoirs aient évolués ?
Fred se redressa le souffle redevenu régulier. Il arborait une expression choquée avec un petit quelque chose que je n’identifiais pas. Il ne s’éloigna pas de moi comme je m’y attendais, au contraire il se rapprocha de moi comme s’il ne pouvait pas s’en empêcher. Corin attrapa mon bras pour m’éloigner de lui, cela me rassura, pour lui aussi le comportement du vampire n’était pas normal.
- Je ne lui ferais pas de mal, se défendit Fred.
Le regard de Corin resta circonspect, le vampire semblait ne pas pouvoir me quitter des yeux ce qui me mettait particulièrement mal à l’aise.
- Tu as fait battre mon cœur lumineusa, te rends tu seulement compte de ce que cela implique ? Me demanda-t-il.
Non je n’arrivais pas à en comprendre toutes les implications et je ne voulais pas en discuter pour le moment, je ne voulais qu’une chose, qu’il parte.
- Je vais voir les bébés, lâchais-je brutalement.
Et je disparus aussi vite que mon statu de vampire me le permettait. Je ne voulais pas réfléchir pour le moment à ce qui venait de se passer dans ma chambre et c’est la tête vide que je frappais à la porte de mon ancienne chambre.
Je fus surprise de voir Aro en personne ouvrir le battant de bois.
- Lumineusa, tu tombes plutôt bien, ton amie et de nouveau permit nous, m’apprit-il l’air de s’amuser comme un fou.
Je le contournais prudemment, je ne tenais pas à le mettre au courant des récents évènements. Ni de la duperie de Caïus, ni de la découverte de nouveaux pouvoirs, si c’était bien de nouveau pouvoir dont il s’agissait.
J’embrassais la pièce du regard et mon cerveau évalua la situation. Les jumeaux gisaient sur le lit où avait été allongé Gianna la dernière fois que je m’étais rendu à son chevet.
Félix me tournait le dos, il n’avait même pas tourné la tête vers moi, trop absorbé par une chose à ses pieds que son corps massif cachait à ma vue.
Je gardais l’œil sur Aro qui s’était approché silencieusement de moi. L’air de rien je fis un pas de côté. Il sembla s’en amuser.
- Ma chérie, murmura Félix, tout va bien.
Un sifflement tenu lui répondit suivi d’un gémissement de douleur.
J’interrogeais Aro des yeux.
- Notre hôtesse, ne s’est pas encore nourrie.
- Quelqu’un a appelé Heidi ? Demandais-je.
- Nous n’en avons pas eu le temps, répliqua Félix en se tournant légèrement me laissant apercevoir Gianna tapis contre le mur de la chambre, dans une position défensive, accroupie, les lèvres retroussées sur des dents incroyablement blanches. Elle grognait et crachait comme un animal furieux.
Mon cœur se serra de la voir ainsi, j’attrapais mon téléphone portable et appelait Heidi, trois secondes après la jeune femme passait la porte, elle prit le temps de s’incliner devant Aro puis se plaça à mes côtés.
- Hum, ça va pas être jolie, jolie, dit-elle en secouant la tête.
- Que veux-tu dire ?
Elle soupira et échangea un regard entendu avec Aro.
- Tu ne veux pas croire que tu es exceptionnel, mais tu en a la preuve devant toi, voilà comment tu aurais dû te retrouver, aussi incontrôlable qu’un animal, comme ce fut le cas de nous tous.
Hélas je commençais à prendre conscience de mon extraordinaire potentiel, vu les évènements de l’heure passée.
Je m’approchais de Gianna tout doucement, alors que je tentais de la rejoindre sans me faire arracher un bras je notais son extraordinaire beauté, je la trouvais déjà très belle humaine, mais l’immortalité l’avait doté d’une perfection que, ni moi, ni Heidi n’éteignions.
Ses beaux cheveux aux boucles brunes accrochaient la lumière, pourtant pâlotte, de l’ampoule pendu au plafond, son visage aux traits fins, arborait pour le moment un masque de souffrance et de peur, ce qui n’enlevait rien à son extrême beauté. Même ainsi tapis contre le mur on voyait ses membres déliés et fin, bouger avec une grâce surnaturelle. Ses yeux qui devaient être carmin pour tous, se révélèrent aigue marine pour moi et brillait d’un feu intense au point de recouvrir la totalité de ses globes oculaires, certainement à cause des effets de la soif.
- Gianna, je sais que la soif te fait souffrir, mais il faut que tu te calmes, dis-je tentant de l’apaiser.
Elle gémie encore et cacha son visage entre ses mains.
- Nous ne la calmerons pas tant qu’elle ne se sera pas nourrie, me prévint Félix.
- Alors qu’attendez-vous.
- Je n’aie pas envie de me faire démembrer, lança Heidi en me tendant les verres que Gianna suivi avidement des yeux.
Félix les lui pris des mains.
- C’est à moi de le faire, une cicatrice de plus ou de moins.
A bon. Les choses étaient vraiment sur le point de tourner à la bagarre ? Je ne comprenais pas, apparemment je ne me rendais vraiment pas compte de ce qu’était un nouveau né classique.
Félix se tourna vers le nouveau vampire et celle-ci grogna un avertissement, mais se mit aussitôt à gémir, comme si quelque part elle était consciente de se conduire sauvagement envers l’homme qu’elle aimait, mais ne pouvait se refreiner.
- Ce n’est pas grave mon amour, la rassura Félix.
Il continua d’approcher, puis lui tendis le verre quand il fut assai près. Elle reniflât profondément et perdit les pédales au moment ou l’odeur du sang s’imprima dans son cerveau pour la première fois.
Elle bondit à la gorge de Félix en un éclair, (elle était vraiment rapide) qui la repoussa sans lui faire de mal, mais fermement. Dans la cohue, le verre s’était rependu sur le sol. Félix la ceintura alors que Gianna se retournait vers le gobelet renversé. Il la fit tomber au sol, les bras coincé dans l’étau de ses mains derrières le dos, la jeune femme ainsi maintenu, se retrouva le nez à quelques centimètres de la flaque de sang qui s’étendait doucement.
Je détournais les yeux du spectacle qu’offrait mon amie à lécher frénétiquement le liquide précieux en grognant férocement histoire de nous tenir à distance de son butin.
Je m’approchais des enfants qui s’étaient réveillés en entendant les grognements de leur mère. Heureusement quelqu’un avait eu la bonne idée de les coucher face au mur opposé à la scène.
- Comment vont les merveilles ? Leur demandais-je.
Bien sûr, je n’attendais pas de réponse. J’avisais les changements qu’avaient subis les jumeaux en une journée. Leur cheveux avaient pris quelques centimètres, leurs membres étaient plus longs et les traits de leurs visages moins rond.
Le garçon me fixait gravement comme s’il mesurait la gravité de ce qui se passait dans son dos et la petite fille se cachait le visage dans l’épaule de son frère.
- Ils sont fascinant, n’est-ce-pas ? Me demanda Aro content de son effet quand il me vit tressaillir légèrement, équivalent vampirique d’un bond d’un mètre humain, je ne l’avais pas entendu approcher.
- Oui, ils sont extraordinaires.
- Tu n’imagines pas à quel point, murmura-t-il comme s’il savait quelque chose que j’ignorais.
Ce qui devait être le cas, les avaient-ils touchés ? Avait-il découvert quelque chose les concernant ?
- Oui, je les aie touchés.
Je m’écartais de lui, l’air de ne pas y toucher. Cette façon de répondre à mes questions comme s’ils les avaient lus dans ma tête, alors même qu’il ne me touchait aucunement, me mettais mal à l’aise. Je n’osais même pas imaginer ce qui se passerait, si Aro avait connaissance de ce qui s’était passé dans ma chambre avec Fred.
- Tu ne veux pas savoir ce qui les rend encore plus spéciaux que leur nature hybride, lumineusa ?
- Si, bien sûr.
- As-tu remarqué que la petite fille ne semble pas vraiment te fixer du regard et comme son frère, ne semble pas incommodé comme la petite du grabuge qui règne dans la chambre.
Il avait raison j’avais déjà noté qu’ils ne réagissaient pas de la même façon aux sons et la petite fille me regardait quand je me penchais au-dessus du petit lit, mais son regard me transperçait. Étrange.
- Tout cela a un sens, annonça Aro, ménageant son effet.
- Lequel ? Demandais-je.
- La demoiselle ne voit pas, le jeune garçon n’entend pas, l’achat-il abruptement.
Je le regardais horrifiée. Ce n’était pas possible, ces deux petits êtres ne pouvaient pas être handicapés. Ils étaient à moitiés vampire et aucun vampire de ma connaissance n’avait de handicap, j’étais même sûr que le venin réparait les anomalies du corps, peu importe leurs natures, mais ses bébés étaient aussi à moitié humain pensais-je tristement.
- Comment est-ce possible, soufflais-je.
- Ils sont à moitié humain, confirma Aro en haussant les épaules, mais ce qui en fait des êtres d’exceptions, c’est que leur nature de vampire à palliée à cette…tare.
- Comment cela ?
- Je n’aie pas tout de suite compris, les images et les sons étaient rigoureusement identiques, que je touche l’un ou l’autre, mais comme ils n’ont pas été séparés une seconde depuis leur venu au monde cela ne m’a pas tout de suite interpellé. L’angle des images ne différait jamais, comme si elles avaient été vues par les mêmes yeux, ce qui est le cas.
Je ne comprenais pas où il voulait en venir. Le petit garçon me sourit et sa sœur en fit de même, mais avec une fraction de retard, ce qu’un humain n’aurait surement pas remarqué.
- Il voit pour sa sœur ?
- Oui, confirma Aro, je ne peux expliquer comment, mais tout ce que voit le petit garçon est transmit à l’identique à la petite fille. Et tout ce qu’entend la petite, son frère l’entend également, mais pas avec son ouï, dans sa tête comme une pensée, c’est fascinant d’assister à tout cela. Il forme un seul être, conclut-il.
Cette explication me permit de mettre le doigt sur ce qui me paraissait si étrange chez les jumeaux, ils arboraient toujours la même expression. Même deux personnes vivant la même situation ne pouvaient produire la même expression, au même moment, les jumeaux si.
- Cela explique certaines choses, dis-je.
- On voit tout de suite qu’ils sont particuliers, acquiesça Aro.
Il paraissait se retenir de se frotter les mains. Envisageai-t-il déjà le potentiel qu’offrait de tels dons ? Je trouvais gênant qu’Aro nous envisage tous comme des jouets particulièrement rares, à ajouter à sa collection pourtant déjà bien fourni.
Le tohubohu qui régnait jusque là s’interrompit soudainement. Félix retenait toujours les poignets de mon amie, mais celle-ci avait cessé de se débattre. Le jeune homme la lâcha lentement et Gianna ne fit pas un geste pour ramener ses mains devant elle. Elle resta allongée sur le sol les épaules tendues, la joue posée où le sang avait formé une tache rosâtre.
Le jeune homme se tenait à genoux à côté d’elle, il posa une main entre ses omoplates et la caressa doucement.
- Mon amour ? L’appela-t-il dans un chuchotement, sans interrompre ses mouvements réguliers.
- J’ai si mal, pépia-t-elle.
Même sa voix était un enchantement pour les oreilles. Je vis stupéfaite tous les vampires dans la pièce, Aro comprit, se statufier immédiatement, le regard vide comme hypnotisés. Leurs âmes reculèrent au fond de leurs pupilles me laissant apercevoir le cramoisie de leurs iris.
Perplexe, je m’approchais d’Heidi et passais ma main devant ses yeux, on l’aurait dit aux abonnés absents.
- Félix ? Appela doucement Gianna.
- Oui.
Le vampire répondit d’une voix vide. Je croyais savoir ce qu’il se passait, je m’emparais d’un des gobelets de sang et m’approchais de Gianna.
- Gianna ? Peux-tu t’asseoir ? Lui demandais-je.
- Olivia ? Sa voix fit courir un étrange courant éclectique sur ma peau, mais je ne me changeais pas en statue hébété comme les autres.
Puis je me souviens de la relative protection dont je bénéficiais auprès de mes semblables et m’approchais de Gianna sans crainte.
- Je vais te donner à boire, assieds toi
Tout aussi gracieusement qu’elle s’était tapie, elle se releva et me regarda troublée.
- Tiens, je lui tendis le verre qu’elle se força à prendre doucement.
Elle aspira avidement le liquide en gémissant, je lui en tendis un autre. Son visage se détendait au fil des gorgés qu’elle absorbait goulument.
- Ca me brule encore.
Elle avait avalé quatre rations, mais je savais que seul le temps lui ferait oublier la brulure qui ne disparaissait jamais vraiment.
- Je sais, comment te sens-tu ?
- honteuse et déstabilisée.
- N’ai pas honte personne ne te reprocheras ton comportement.
Elle jeta un regard affolé autour d’elle.
- Qu’ont-ils ? Demanda-t-elle.
- Appelles-les.
Elle me regarda perplexe, mais obéie
- Félix ?
Le jeune homme revint à lui instantanément.
- Gianna, que s’est-il passé ?
- Je ne sais pas, Heidi ? Maître ?
Au fur et à mesure quelles les appelaient, les vampires sortaient de leur transe.
Aro se saisit aussitôt de la main de Félix et fronça les sourcilles.
- Eh bien ! Il semblerait que ta compagne nous ait enchantés, dit-il à Félix en riant.
Tous le fixaient perplexe, sauf moi, il avait raison, mais eux n’avaient surement aucun souvenir des quelques minutes écoulées.
- Et toi lumineusa ?
- Je n’aie ressentie qu’une sorte de courant électrique.
Gianna ouvrit la bouche pour protester, mais Félix l’en empêcha en posant sa main sur ses lèvres pulpeuses.
- Désolé ma chérie, mais je ne tiens pas à réitérer l’expérience. Il s’adressa à Aro. Dès qu’elle va ouvrir la bouche, nous allons nous comporter comme des moutons devant un berger ?
Une exclamation étouffée sortie de la bouche de Gianna manifestement indignée par l’image qu’il avait employée.
- Je n’en sais rien mon jeune ami, le meilleur moyen de le savoir et d’essayer.
Je n’avais pas quittée des yeux Gianna qui roulait des yeux indignés, puis une plainte retentie, la figeant sur place, c’était sa petite fille.
Félix la ceintura, alors qu’elle tentait de s’échapper de son étreinte, la main toujours posé sur sa bouche.
- Gianna calme toi, lui intimais-je, Félix va t’emmener près d’eux.
Elle se calma instantanément, Félix me regarda peu rassuré et je lui fis les gros yeux.
- Elle doit les voir, insistais-je.
Il acquiesça, libera ses lèvres et lui prit la main. Elle, n’avait d’yeux que pour les petits enlacés sur le lit.
- Mes bébés, chuchota Gianna, émue.
- Ils vont bien mon amour, viens les voir.
Je les laissais à leurs retrouvailles et retournais dans ma chambre où Corin et Fred discutait toujours à bâtons rompus.
- Comment va Gianna ? Me demanda mon amour.
- Par où commencer ? Elle est réveillée, assoiffée, ha ! Et elle enchante son entourage au sens littéraire du mot s’entend.
- Ho !
- Comme tu dis, elle est d’une beauté fracassante et a une voix de sirène. Aro était présent.
- Je suppose qu’il venait voir les jumeaux.
Je lui fis un rapport des dernières découvertes les concernant, il en fut à la fois fasciné et désolé.
Je fronçais les sourcils, que faisait Fred encore là, je l’avais débarrassé de sa noirceur, alors que voulait-il encore ?
- Fred, encore là.
- Oui, je voudrais comprendre ce qu’il s’est passé tout à l’heure.
- Il ne c’est rien passé, m’obstinais-je boudeuse.
Je ne voulais pas creuser cette histoire de cœur battant, surtout je ne voulais pas que quelqu’un apprenne que j’avais fait redémarrer le cœur mort, d’un vampire. Rien que de le penser ça me terrifiait.
- Mon amour tu ne peux pas te mettre la tête dans le sable, dis Corin en m’enlaçant, je reconnais que c’est plutôt terrifiant comme découverte, mais peut-être devrions nous chercher à savoir jusqu’où cela peu nous mener.
Je levais brutalement la tête de son torse où j’avais niché mon nez.
- Tu n’es quand même pas en train de suggérer que je pourrais retransformer en humain un vampire ?
Mon dieu cette seule idée me faisait reculer de panique. Je n’étais pas dieu à la fin ! Tout le monde me croyaient doter de super pouvoirs, à commencer par Aro et puis Caïus qui pensait que j’étais une menace, si grande qu’il fallait m’éradiquer de la planète. Mais s’il s’avérait vraiment, que j’avais en ma possédions, le pouvoir de ramener à la vie les immortelles, alors ses craintes étaient fondées. Je représentais bel et bien, pour lui et l’espèce entière, une gigantesque menace et autant de convoitise. Le monde des vampires en serait bouleversé, transformé à jamais, cela impliquait bien trop de choses. Cela serait cataclysmique !
- Je ne veux pas que quiconque l’apprenne, nous n’en sommes même pas sûrs !
- Raison de plus pour tenter le coup, lâcha Fred.
- Mais tu entends ce que tu dis ? Criais-je.
- Parfaitement, Olivia, soupira-t-il, je n’ai jamais voulu être un vampire je déteste ça à un point que tu n’imagines même pas, certes je me sens libéré d’un poids considérable, j’ai l’impression de respirer plus librement, mais ma nature, elle, n’a pas changé et je me déteste toujours autant.
- Je sais, chuchotais-je.
- Tu sais ? Demanda-t-il douloureusement.
J’esquissais gravement pour lui faire comprendre que je connaissais tous ses secrets.
- Alors, tu devrais comprendre que s’il existait une infime chance pour que je redevienne humain, je la saisirais sans hésiter. Tu m’as fait entrevoir qu’un bout d’humanité subsistait en moi, en faisant battre mon cœur tu l’as réveillés. Je t’en pris essaye, si cela se trouve tu ne peux pas et tout cela n’a été qu’une hallucination collective, je ne te demande qu’une chose essaye.
Il ne se rendait pas compte de ce qu’il me demandait, il ne voyait que sa douleur d’être quelque chose qu’il détestait par-dessus tout, je ne pouvais pas prendre une telle décision à la légère, j’avais besoin d’y réfléchir longuement et seule, parce que je voyais naitre dans les yeux de mon apollon une sorte d’adoration qui ne me disait rien qui vaille.
- J’ai besoin de réfléchir, seul, ajoutais-je quand Corin fit mine de me suivre et je m’engouffrais pour la seconde fois dans le couloir, mais cette fois je courrais comme si j’avais le diable aux trousses.