Une autre vie
La dernière chose dont Bella se souvenait était d'avoir senti les dents de Carlisle sur sa gorge. La suite se noyait dans un océan sans fond de douleur. Chaque heure, chaque minute, chaque seconde était une torture effroyable. Elle se tordait sur son lit en hurlant, souhaitant mille fois la mort. Dans ses rares moments de conscience, elle sentait une personne lui tenir la main et l'encourager. Puis le feu brûlant de ses veines l'emportait.
Tous les Cullen se relayaient à son chevet. La transformation dura trois jours complets. Au milieu de la nuit, Carlisle constata qu'elle était presque achevée. Il réunit sa famille.
Le coeur de Bella battait de plus en plus vite, comme s'il savait que le dernier frémissement approchait.
La jeune fille s'arc-bouta une dernière fois, puis son coeur s'arrêta.
Il y eu deux secondes de silence.
Elle ouvrit de flamboyants yeux rouges.
Par pur réflexe, elle s'éjecta de son lit et recula dans un coin de la pièce. Elle voyait tout. Sa vision, son odorat, tous ses sens étaient amplifiés jusqu'à lui en faire mal. Elle prit une inspiration, se rendant compte qu'elle n'en avait pas besoin, et porta un regard terrifié sur les Cullen. Ces derniers se tenaient sur leurs gardes.
- Comment te sens-tu, Bella ? demanda doucement le médecin.
- Je...
Elle ne saurait dire si elle allait bien ou mal. Elle se sentait forte et invicible, mais il y avait cette brulûre persistante, dans sa gorge... Edward s'avança prudemment vers elle et leva les mains, signe qu'il ne lui voulait aucun mal. Ces précautions commençaient à l'agacer. Qu'est-ce qu'ils croyaient, tous ? Qu'elle allait leur sauter dessus et leur arracher les yeux ?
- Bella, mon amour, tu vas bien ?
Elle le fixa, ébahie. Il était... beau. Mais bien plus encore que dans ses souvenirs. Comme si on avait arraché un voile de ses yeux. sans réfléchir, elle lui sauta au cou. Jasper tressaillit, visiblement sur les nerfs.
- Je t'aime, dit-elle dans un murmure.
- Moi aussi, mais fait attention. Tu me fais mal, là.
Elle le relacha, désolée. Elle ne lui voulait pas lui faire mal. Et puis, d'habitude, c'était lui qui devait prendre garde de ne pas la blesser ! Inconscincement, elle porta une main à sa gorge. Edward la rassura aussitôt.
- C'est parce que tu as soif, dit-il très vite. On va t'emmener chasser.
Chasser ? Chasser ?! Mais... Elle ne savait pas faire ça ! Elle le fixa d'un air éberlué et il éclata de rire.
- C'est très facile, ma chérie, tu verras.
Bella fit un pas et croisa alors le regard de Jasper. elle en fut choquée. Il était recouvert de cicatrices. A combien de batailles avait-il participé ? Et il avait survécu. A toutes. Sentant son malaise, il utilisa son étrange don pour calmer la tension. Bella se détendit. Et elle vit son reflet dans le miroir.
A peine debout, à sept heures du matin, Jacob attrapa un sac et se mit à le remplir à toute vitesse, sous l'oeil à la fois effaré et agacé de son père.
- Qu'as-tu l'intention de faire, mon garçon ?
- Tu le sais très bien. Partir à la recherche de ma meilleure amie.
- Les Cullen peuvent se trouver n'importe où dans le monde ! Et nous ne savons pas si Bella est bel et bien avec eux.
- Je commencerais par l'Italie.
Billy blêmit considérablement.
- Tu es fou ? murmura-t-il d'une voix blanche. Ou alors tu veux te suicider ?! Souviens-toi de ce que cette Alice nous a dit des Volturi, Jacob ! Tu va y laisser ta peau. Et tu mettras toute la meute en danger.
- Je ne me ferais pas prendre, grinça-t-il en enfilant une veste. Au revoir, papa.
- Jacob, non !
Le garçon sortit et enfourcha sa moto. Sans un regard en arrière, il démarra en trombe. son esprit était en ébullition, échafaudant mille scénarios possibles. Il n'avait même pas conscience du danger vers lequel il fonçait. tout ce qui importait à ses yeux, c'était de découvrir ce qui était arrivé à Bella.
Billy réfléchissait à toute vitesse. Il avait déjà prévenu la meute mais ça ne suffirait pas. Il connaissait suffisemment bien son fils pour savoir qu'il n'écouterait personne. Que faire, que faire ? A cet instant, le père de Bella arriva en voiture. Il le rejoignit sur le porche, prêt à poser une question, mais ouvrit de grands yeux, en avisant l'air horrifié de Billy et ses mains qui tremblaient.
- Eh, qu'est-ce qui t'arrive ?
- N.. Non, rien. Rien du tout ! Juste la fatigue. Et... Et toi ? Des nouvelles de ta fille ?
Charlie se renfrogna.
- Rien. Le vide complet.
Ils rentrèrent. Charlie demanda s'il pouvait aller se rafraîchir un peu. Pendant son absence, Billy avisa, dans la poche du manteau, un petit carnet d'adresse. Une idée folle lui traversa l'esprit. Il prit le carnet et le feuilleta. Depuis que Bella sortait avec son fils, Charlie avait le numéro de portable du docteur Cullen. Et si... Il n'y avait qu'une chance sur mille... Il saisit son téléphone en tremblant et composa fébrilement le numéro, tout en surveillant le retour de Charlie. Il y eut plusieurs tonalités. Et, enfin, une voix méfiante répondit :
- Oui, allô.
- Docteur Cullen ! s'exclama Billy soulagé. Je suis Billy Black.
- Le père de Jacob ?
- Oui. Ecoutez, je n'ai que très peu de temps...
Il lui expliqua à mi-voix toute l'histoire. Carlisle poussa un juron.
- Chez les Volturi ?! Il est vraiment parti pour l'Italie ?
- Qu'est-ce que je peux faire ?
Il y eu un silence. Billy, au bord de la crise de nerfs, était prêt à exploser.
- Je vais voir ce qu'on peut faire, dit finalement le médecin. Restez chez vous, Billy.
Billy raccrochait quand Charlie revint, les yeux rouges et gonflés.
- Désolé, j'ai reçu un coup de fil.
- Oui... Je voulais te demander si Jake savait quelque chose à propos de Bella. Ils étaient proches l'un de l'autre.
"Trop proches" pensa Billy. "Si ça n'avait pas été le cas, il n'aurait pas risqué sa vie pour elle."
- Désolé, je lui ai déjà posé la question, il ne sait rien.
- Ha. Et où est-il ?
- Chez des amis.
Charlie faisait vraiment peine à voir, songea Billy. La perte de sa fille l'avait bouleversé. Il eut un pincement au coeur. Si Jake mourrait, il serait dans le même état.
Jacob arriva enfin à l'aéroport. Le coeur battant, il prit un aller simple pour l'Italie, n'ayant pas assez d'argent pour le voyage du retour. L'avion ne partait que le soir. Prenant son mal en patience, il s'assit sur une chaise en plastique inconfortable. Il somnolait lorsqu'au milieu de la matinée, une main ferme et glaciale lui tomba sur l'épaule. Il sursauta violemment et se retourna, croisant le regard furieux de Carlisle Cullen, flanqué d'Emmet et de Jasper. Il en resta bouche bé, s'attendant à tout sauf à ça.
- A quoi joues-tu ?!
Jake se dégagea sèchement, n'arrivant toujours pas à en croire ses yeux.
- Ton père m'a téléphoné, Jacob.
Hein ? Alors ça, c'était pas mal. Son père, appelant au secours les sangsues ?
- Il m'a dit que tu comptais partir pour l'Italie.
- Et alors ? répliqua Jacob, sur la défensive. Je fais ce que je veux.
- Non, justement. Tu mourras là-bas. Et ensuite, ils viendront exterminer le reste de la meute.
- Où est Bella ? l'interrompit hargneusement le Quileute.
- Avec nous.
- Vous voulez dire qu'elle est devenue une...
- Oui.
Jacon sentit son sang bouilloner dans ses veines. Il ne savait pas s'il fallait se réjouir ou non. Ils avaient mordus son amie ! Il tenta de l'imaginer avec la peau blafarde et les yeux rouges, mais n'y parvint pas.
- Et le traité ? cracha-t-il. On s'asseoit dessus ?
- Nous n'avions pas le choix.
- C'est ce que vous dites !
Il les bouscula et s'enfuit, oubliant totalement son avion. Les Cullen restèrent immobiles.
- ça va déclencher une guerre, dit tranquillement Jasper.
- Je préfère une guerre contre les Quileutes que contre les Volturi, répondit le docteur en amorçant un pas vers la sortie.
Au dehors, le temps était maussade et gris. Jasper et Emmet discutaient déjà de stratégie. Plus loin, un garçon filait comme le vent sur sa moto. Et préparait des projets de vengeance.