Jusqu'à ce que la mort nous sépare

Chapitre 3 : Baignée de lumière

1965 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/02/2014 21:17

Une tête passa par le battant, souriante, maline.Une jeune femme aux cheveux châtains poussa la porte avec son pied, les mains encombrées par quelque chose qu’au départ, je ne distinguais pas. Lorsque je vis ce qu’elle portait, mes yeux s’ouvrirent davantage.

C’était un plateau garni de toutes sortes d’aliments, certains m’étant même inconnus. La jeune femme ferma la porte, et posa le plateau sur la table de nuit, à côté du lit.A la vue de toute cette nourriture, mon ventre gronda bruyamment.Je baissais la tête, rouge de honte.La femme n’en eut cure, et me souri gentiment. Elle avait si douce, si agréable que je me méfiais aussitôt. 

- Je m’appelle Esmée, dit-elle d’une voix sucrée. Tu dois avoir faim.

Son italien était presque parfait, mais je distinguais dans sa voix un accent étranger. Comment connaissait-elle ma langue maternelle ?Me parlait-elle en italien pour me mettre en confiance, ou pour m’amadouer ?Je restais silencieuse, et elle me jeta un regard rassurant.

- Ne t’en fais pas, je ne vais pas te faire de mal.

Je me contentais, de nouveau, de garder le silence, et repliais mes genoux contre ma poitrine.Je la suivi des yeux lorsqu’elle prit élégamment place sur la lit, en face de moi. Ses yeux étaient dorés, comme du miel coulant au soleil.Esmée s’empara doucement d’une de mes mains, et je me raidis aussitôt. Me mordant la joue, j’attendis. Elle planta ses yeux dans les miens, et m’offrit le sourire le plus apaisant que j’ai jamais vu. Quoique, personne ne m’avait  jamais vraiment mit en confiance comme ça.  J’aurais juré distinguer des fossettes aux coins de ses lèvres souriantes. Ses mains étaient glacées, et bien que les miennes le soient aussi, leur froideur était propre à celle des vampires.

Elle me tendit, en premier, un mug fumant contenant un liquide marron clair. Méfiante, je reniflais. Une odeur sucrée me parvint, et j’esquissais un sourire.

- C’est du capuccino, me dit-elle. Tu connais ?

Je secouais négativement la tête.Je plongeais mes lèvres dans l’étrange boisson, et le liquide sucré et chaud coula délicieusement dans ma gorge.

Je vidais la tasse lentement, en prenant le temps de sentir la chaleur envahir mon organisme.Esmée m’observait toujours, tandis que je reposais la tasse et que j’examinais un tas de petites crêpes fumantes et à l’air savoureux.

Elles me faisaient envie, et l’odeur chaude qui s’en émanait me donnait encore plus l’eau à la bouche. Mais, contrairement au « cappucino », ces bouchées de plaisir me paraissaient suspectes. L’empoisonnement ne me tuerait pas, mais, ayant vécu cette expérience, je savais que ça en serait pas agréable.

- Nous ne mangeons pas, murmura la vampire avec un sourire timide. Ce sont des pancakes. On m’en fait des louanges.  

Timidement, à mon tour, je m’emparais d’une crêpe, et mordais délicatement dedans. Sa saveur me fit moins plaisir que la boisson, mais je savourais, et j’avais faim, alors autant profiter de la nourriture qui m’était si gentiment offerte.  Esmée se leva, lissa les plis de son haut de soie, et me sourit encore. Pour la première fois, je lui rendis son sourire.J’étais totalement charmée.

- Je te laisse terminer.

Elle se dirigea vers la porte, et pivota sur elle-même, pour m’observer de son regard de miel.

- Quand tu seras prête, tu pourras descendre.

Et elle s’en alla. Mon cœur se glaça. Qu’allais-je trouver en bas ? Qui allais-je rencontrer ? Mes deux sauveurs s’y trouvaient-ils ?Je finissais lentement le plateau rempli, engloutissant des choses inconnues, mais délicieuses. Mon repas terminé, je me laissais tomber dans les draps, caressant d’une main mon ventre arrondit de nourriture. Puis, je me redressais en tailleur, et scrutais avec curiosité mon reflet sombre dans le miroir. Mes cheveux d’ébène avaient poussés, mes hanches étaient gonflées de formes féminines, mon visage était plus fin, moins grossier.

J’avais grandi. Encore. Mon dernier reflet représentait une gamine de quatorze ans, j’en paraissais désormais dix-sept, peut-être plus. Sans que je m’en rende compte, ma main s’était posée sur la glace froide du miroir. C’est à peine si je me reconnaissais. Je rencontrais mon regard, couleur cannelle, presque doré. Les bleus sur mes joues avaient presque disparus. Je me laissais glisser sur le plancher tiède, et enfin, je m’autorisais à pleurer.

Mes larmes exprimaient le cri de terreur que je n’avais jamais eu le courage de pousser, et les sanglots qui se bloquaient dans ma gorge laissaient échapper tout mon soulagement. Enfin ! Enfin, j’en étais sortie. Toute mon enfance, et ma vie de terreur, étaient derrière moi – je l’espérais.

- Laisse la pleurer, Nessie. Elle en a besoin.

La voix de l’homme de tout à l’heure retentit dans mes oreilles. Ils étaient tout près.

- Mais, je…

Une autre voix. Fluette, féminine, hésitante, pareille à un carillon subtile de clochette. Je posais ma tête sur le lit, attendant que mes pleurs se calment. Enfin, je respirais profondément, et essuyais d’un revers de poignet mes quelques larmes restantes. 

Tu es forte, Jynn.

Oui, je l’étais, et j’avais réussi à m’échapper. Pour de bon.

Prudemment, je me levais, et saisi le plateau. Je poussais la porte, et laissais une mer de lumière baigner mon visage.Le premier étage était composé d’une immense pièce baignée de lumière, car les murs donnant du l’extérieur étaient entièrement recouverts de fenêtres. Du verre, partout. La salle en question était une grande pièce, où logeait chaleureusement un petit salon. Mais il n’y avait personne.

Soucieuse, je posais le plateau sur la table basse – en verre, elle aussi. J’entendais des voix, des rires, à l’étage du dessous, mais je n’osais descendre. S’ils savaient qui j’étais, de qui mes cheveux d’ébènes provenaient…Ils me chasseraient, me tueraient juste en ayant conscience de qui j’étais…

Une main sur mon épaule me fit sursauter. Je pivotais en hâte sur moi-même pour me retrouver nez à nez avec une frimousse joyeuse. C’était une jeune fille d’environs dix-sept ans – mon âge physique, possédant une magnifique crinière rousse et de pétillants yeux chocolats. Je fus frappée par sa beauté unique, et son odeur sucrée.Ce n’était pas un vampire. Ni un humain. Elle était quelque chose d’autre.

- Bonjour ! lança-t-elle d’un ton joyeux.

Je clignais des yeux, surprise d’une approche si directe. Les battements de mon cœur s’accélérèrent. Et pourtant, malgré ma tension évidente, cette fille respirait la joie de vivre.

- Bonjour…

Mon ton était méfiant, prudent. Je ne pouvais espérer qu’on me laisse enfin tranquille. En bas, un nouveau rire me parvint.

- Dix dollars qu’elle lui saute à la gorge, lança une voix rauque et joueuse à l'étage du dessous.

- Tenu.

Un grondement anxieux accompagna leurs paroles. La jeune fille leva les yeux au ciel, et me serra doucement le poignet.

- Ne les écoute pas, ce sont des grands enfants. Je m’appelle Renesmée.

Elle planta ses yeux dans les miens, et je vis son regard défaillir.

- Comme tu es belle !

Je ne pus m’empêcher de rire.

- Je t’assure que c’est la première fois qu’on me le dit !

Oui. Car j’avais grandi tellement vite. Je lui pris la main, et la serrais fermement.

- Je suis Jynn.

Son visage s’éclaira, et je sentis, grâce à cette poignée de main, que si j’avais la possibilité de la connaître mieux, nous pouvions devenir amies.Malheureusement, je n’avais pas cette opportunité.

Je m’approchais de l’une des fenêtres et observais, au dehors, la forêt enneigée. Je posais ma paume sur la vitre, et aussitôt, celle-ci se couvrit de givre. Je retirais ma main, et pivotais sur mes talons.

- Je vais aller remercier ta famille, et je vais m’en aller.

Je me dirigeais vers l’escalier, et Renesmée m’attrapa le bras. Un peu trop fort. Je sentis soudain mon sang battre dans mes tempes.Calme-toi. Calme-toi…

- Mais…pourquoi ?

Je pris une grande inspiration, histoire de calmer un peu mes nerfs à vif.

- Tu dois comprendre, que si je reste ici, je vous mets tous en danger.

Ma voix avait tremblé. Je sentis mes mains me picoter, et mon don refaire surface. Je sentis le sol à mes pieds commencer à geler.Oh, non, non, non !

Pourquoi la glace, et pourquoi maintenant ? Je ne pouvais absolument rien contrôler.Je serrais les poings, et tentais de me concentrer, pour donner une réponse à Renesmée, et ne pas laisser échapper mes éléments.Garde-les sous contrôle.

- Je…Je ne peux pas rester.

Là, j’étais réellement paniquée. Je sentais la glace s’étendre à mes pieds, et Renesmée ne remarquait rien. Bientôt, elle atteindrait ses jolies ballerines en cuir blanc.Je m’apprêtais à me laisser aller lorsqu’on me pressa l’épaule, et qu’on me serra dans ses bras. Un geste réconfortant, doux, qui atténua ma tension. La glace fondit, sans même laisser une trace d’eau derrière son passage.

- Tout va bien. 

Laisser un commentaire ?