A Full Moon
Chapitre 3 : Entraînements
Que venait-il de se passer ? Avais-je survécu à cette nuit ? Cette maladie m'inquiétait, ce n'était pas normal de ne plus être maître de son corps… Je devais voir Carlisle pour qu'il me fasse part de ses recherches.
Je refusais d'ouvrir les yeux de peur de me retrouver au paradis ou en enfer. La seule chose que je savais, c'était que mon cœur battait toujours, je pouvais le sentir et l'entendre, tout comme les oiseaux dans la forêt. C'était bon signe, j'avais survécu à cette nuit.
Je me réveillais dans la chambre d'Emmett et Rosalie, comme le matin précédent. C'était agréable de se réveiller dans un endroit familier. J'adorais sentir la douceur de la housse de couette, voir les couleurs chaleureuses de la pièce…
« Debout fainéante ! On a du pain sur la planche ! »
Un visage familier était derrière la fenêtre… Je préférais encore lorsqu'il me comparait à la belle aux bois dormant.
« Bonjour Emmett… »
« Dépêche-toi, j'ai un exercice pour nous ! »
Puis il fila aussi vite qu'il était venu. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il m'intriguait. À en juger par l'état de mes vêtements, si on pouvait encore les qualifier comme ça, j'avais dû rencontrer ce loup et nous avions sûrement eu un sacré combat mais ma présence dans ce lit prouvait que j'avais eu raison de lui.
Je m'empressai de rejoindre Emmett avant qu'il ne vienne me chercher par la force. Je n'avais pas l'impression d'avoir dormi mais j'étais prête à affronter une nouvelle journée et à en finir avec la gestion de la super force.
J'avançais vers la villa espérant voir mon vampire préféré le plus vite possible, je redoutais le moment où je sentirais les pouvoirs de tout le monde, mais rien ne vint, ils n'étaient pas là. Je m'arrêtai net devant l'immense demeure, elle était loin d'être commune. Le principal matériau utilisé devait être le verre, tout était vitré, transparent. Le reste était du bois et du métal. Je ne m'attendais pas à voir une maison comme celle-là, très claire, très lumineuse. Elle avait deux étages spacieux, liés par des marches en bois comme suspendues dans les airs.
L'intérieur épuré et moderne apportait un calme relaxant à la villa, surtout qu'elle était complètement vide, la famille Cullen n'était pas là…
« J'ai cru que tu n'allais jamais venir ! »
C'était Emmett, il m'attendait devant des centaines d’œufs.
« Où sont-ils passés ? » demandai-je, curieuse.
« Ils sont partis sur les traces du loup blanc. » répondit-il sans aucune inquiétude.
« Tu n'es pas allé avec eux ? Ta force pourrait être utile, non ? »
Il se mit à rire jaune. Je ne comprenais pas vraiment sa réaction.
« Parlons-en justement… » rétorqua-t-il. « Je ne sais pas ce que tu as fait mais c'est un cauchemar ! Je ne contrôle plus rien. J'ai tout détruit, tout ce qui se trouvait sur mon passage. »
Ce n'était pas très gentil mais sa détresse me faisait rire.
« Bienvenu dans mon monde », lui dis-je avant de m'installer à côté de lui. « Alors, quel est le programme ? »
« Attraper un œuf, sans le casser… Comme tu peux voir, j'essaie depuis ce matin… »
En effet, des centaines de coquilles brisées gisaient sur le sol, tout comme leur contenu visqueux.
J'étais ravie d'une chose, son don ne me faisait plus souffrir. Je me sentais plus forte sans ressentir aucune douleur. Ça ne signifiait qu'une chose, je l'avais assimilé et j'allais réussir cet exercice à vitesse grand V.
Je vis la brute se concentrer sur un œuf, le regarder sous toutes les coutures avec un air de défi.
« Je vais t'avoir ! » lui lança-t-il.
Je voulais lui faire remarquer qu'il s'adressait à de la nourriture mais sa concentration était telle que j'aurais fini dans les bois si je l'avais interrompu.
Je me prêtais au jeu. Je fermais les yeux pour sentir son pouvoir couler dans mes veines. Les dons étaient tous différents et une fois que je les connaissais, je pouvais savoir à qui ils appartenaient, même si je ne voyais pas leur propriétaire. C'était comme un sixième sens, je les distinguais grâce à leur identité propre, leur couleur, leur odeur, leur empreinte particulière.
J'étais prête à en découdre avec cet exercice. Alors qu'Emmett avait écrasé ses trois dernières proies, je m'approchais de la mienne avec le plus de délicatesse possible. Je sentais la fragilité de sa coquille et la force de mes doigts. Devant les yeux ébahis du vampire, je parvenais à le soulever de son emballage sans qu'il ne se fissure.
Cependant un élément imprévu intervint, une douleur intense me frappa et je resserrai mon étreinte un peu trop violemment. Je captai une nouvelle force en moi, quelqu'un s'était approché.
« Tu ne croyais pas y arriver du premier coup tout de même » me lança Emmett, jaloux.
« J'espérais », répondis-je, honnête.
Je regardais la coupable qui nous observait à travers la fenêtre, c'était Renesmée, Esmé la surveillait ainsi que Jacob.
« Quel genre de pouvoirs a Renesmée ? » demandai-je.
« Elle peut communiquer en te touchant. Pourquoi ? »
Il ne l'avait même pas remarqué.
« Nous avons des spectateurs. »
Elle communiquait en nous touchant. C'était sûrement la raison pour laquelle je ressentais plus son don dans mes mains.
« Tu l'as sentie ? »
J'acquiesçai.
« Pourquoi crois-tu que j'ai cassé l’œuf ? »
« Parce que mon don est extraordinaire. » se vanta-t-il.
« Crois-moi, j'ai vu bien pire. »
Alors qu'Emmett ne s'était pas arrêté et avait continué à casser une dizaine d’œufs, je me remettais à l'exercice, mais la présence d'un nouveau pouvoir dans mes mains rendait la tâche beaucoup moins aisée. J'essayais de prendre nos fragiles proies mais je n'y parvenais pas, je ne comprenais pas la nouvelle force en moi.
« Tu penses que je peux demander à Renesmée de venir ? J'ai besoin de comprendre comment fonctionne son don. »
« Oui, je pense qu'elle adorerait. » répondit la brute qui cassa un œuf au moment où j'ouvrais la bouche. « Nessie, tu peux venir s'il te plaît ».
« Nessie ? »
« Son surnom. Surtout, ne l'appelle pas comme ça en présence de Bella ou Rosalie. »
Le conseil était noté.
La petite semblait ravie, Jacob beaucoup moins. Je représentais clairement une menace pour lui. Cependant elle ne lui demanda pas son avis, elle s'avança vers moi une main tendue vers mon visage et je pus voir l'étendu de son don.
Elle me fit voir de merveilleuses choses de sa courte enfance. Les jeux auxquels elle jouait avec sa famille, les transformations en loup de Jacob et ses deux amis Seth et Leah.
Jacob ressemblait comme deux gouttes d'eau à Luvia, il avait un pelage roux flamboyant. La fille, qui sous forme humaine était grande avec des cheveux bruns lisses et une peau hâlée se transformait en louve grise et son frère, qui était plus petit et plus svelte, avait une couleur qui tendait vers le caramel. Leah avait une sainte horreur des vampires, mais pas Seth, ce qui était étrange vu que les loups étaient fait pour nous détruire. Ils faisaient tous deux partis de la meute de Jacob, il était leur chef, le mâle Alpha. Grâce à ce privilège, il était capable de contrôler ses subordonnés en cas de conflits et il détestait ça !
C'était incroyable, je pouvais ressentir le vent dans ses cheveux lorsqu'elle courait sur le dos de Jacob.
« Merci. » lui dis-je lorsqu'elle eut fini.
J'étais touchée qu'elle me fasse suffisamment confiance pour me montrer son enfance joyeuse.
« Tu peux me montrer ? » demanda-t-elle d'une voix douce et enfantine.
« Tu veux que je te montre mon enfance ? »
« Oui, tout jusqu'à maintenant. »
Je ne pouvais refuser sa requête, elle avait un sourire angélique. Je me demandais quels éléments de ma vie je pourrais lui montrer. J'en trouvais quelques uns cependant, je n'avais plus qu'à lui montrer. Néanmoins il me restait une crainte, je ne voulais pas lui infliger les dégâts que j'avais fait aux œufs.
Je tendais ma main vers son visage me concentrant un maximum pour ne pas la blesser. Elle me facilita la tâche, c'est elle qui posa sa tête sur ma main.
Je me remémorais les courses dans les bois que je faisais avec les enfants du village et la fois où ma vitesse s'était considérablement accélérée en rejoignant Matthew, le frère jumeau de Maéva, ce qui me fit foncer droit dans un arbre. Tout le monde riait, même Luvia.
Ça me rappelait les danses euphoriques que nous faisions. On me faisait des blagues également, Maéva m'avait une fois emmené jusqu'en Angleterre à force de me téléporter. Bien sûr je n'avais pas eu le droit de faire le chemin inverse avec elle… Il y eut également une fois où j'avais congelé le vampire qui était propriétaire de ce don, j'avais dû l'emmener voir mon père pour surveiller son réchauffement… Mon père, je ne pouvais m'empêcher de repenser à la vision que j'avais eu, celle de sa mort…
L'instant d'après la fillette était de nouveau devant moi, les larmes aux yeux. Elle avait détaché son visage de ma main. J'avais compris qu'elle avait vu tout ce que je pensais.
« Je suis désolée. » m'excusai-je.
« Elles sont comme ça les visions de tante Alice ? » demanda-t-elle, curieuse.
« Oui… » lui avouai-je.
« Tu peux me montrer lorsque tu as arrêté de grandir ? »
« Tu ne penses pas que c'est suffisant pour aujourd'hui ? »
Jacob avait peur et il avait probablement raison, je ne voulais pas la faire pleurer à nouveau.
« Tu entends mon cœur ? Il bat moins vite que le tien, mais un jour il sera comme le mien. Tu te souviens de la première image que tu m'as montrée, il battait déjà plus vite que maintenant et tu n'as probablement rien senti. »
Elle acquiesça. Je voyais qu'elle était déjà rassurée, pour mon plus grand plaisir.
« Je peux te voir prendre un œuf ? Je suis sûre que tu y arriveras avant tonton Emmett. »
« Quoi ?! »
L'intéressé s'était réveillé.
« Tu ne me soutiens même pas ?! »
Je dirais qu'il plaisantait mais je n'en étais pas sûre.
« Ça ne fait aucun doute ! »
Jacob pensait la même chose.
« Tu veux parier ? » défia la brute.
« D'accord, si elle gagne, tu… porteras les vêtements de Leah pendant une journée. »
Le loup semblait ravi de sa trouvaille.
« Quoi ?! »
« Trouillard. »
« D'accord, mais alors tu mettras ceux de Rosalie si je gagne. »
« Tenu ! »
Les deux hommes se serrèrent la main mais Emmett n'avait toujours pas géré sa force. Il écrasa la main de Jacob. Heureusement que les loups étaient dotés d'une guérison accélérée.
« Et encore tu ferais mieux de prier que je gagne sinon Leah te fera dix fois pire. »
Il voulait hurler sa douleur mais il se retenait pour Nessie. Esmé lui apporta immédiatement un sac de glace qu'il appliqua sur sa main blessée. Mais il ne flancha pas, je dirais plutôt que ça lui avait donné une motivation supplémentaire pour gagner, pour que je batte Emmett. Pas de pression…
« Bat-le ! » m'ordonna-t-il.
Comme j'avais dit, pas de pression…
Cependant il avait de la chance, je connaissais un peu mieux le don de Nessie, et celui d'Emmett.
Alors que le vampire avait déjà repris vivement l'exercice, je me concentrais de nouveau sur les pouvoirs qui coulaient dans mes veines.
« Laisse m'en un peu tout de même, quoi que je m'en contenterais d'un seul. »
« C'est ça, frime autant que tu veux mais c'est pas toi qui aura à porter des fringues qui puent ! »
« Je ne trouve pas que les loups sentent si mauvais que ça… »
Ils me regardèrent tous comme si j'étais folle, même Esmé. J'avais l'habitude, j'étais la seule à penser ça.
« C'est un peu comme l'essence, il y a des personnes qui aiment cette odeur, d'autre non. »
« Moi aussi j'aime bien l'odeur de Jacob. »
Je savais que je pouvais compter sur une autre hybride pour me soutenir. J'adorais cette fille.
« Vous voyez, je ne suis pas la seule ! » dis-je fièrement.
« Il est imprégné d'elle et il la porte depuis qu'elle est née, elle est habituée à son odeur. » répliqua-t-il.
« Il est quoi ? » demandai-je.
« Il est imprégné, je pensais que tu connaissais les loups. »
« Je le pensais aussi… »
« L'imprégnation pour un loup c'est un état supérieur à l'amour. Elle est ce qui me maintient en vie, mon centre de gravité. Mais ça n'arrive pas toujours, tous les loups n'ont pas cette chance. »
Je ne le savais pas… Même si j'avais passé de longs moments avec elle, j'imagine que Luvia n'avait probablement pas le droit de me raconter tous leurs secrets…
Il était temps pour moi d'en finir avec ce pari. J'étais maître de mon corps et je pris sans trop de difficulté un œuf dans ma main. Emmett gobait les mouches, Jacob jubilait et les filles me félicitaient.
« C'est pas juste, tu pouvais le faire dès le début ! »
« Non, mais j'apprends vite. »
« Je suis persuadé que ton pouvoir n'est que temporaire, tu ne l'as pas tout le temps, tu n'as pas ma super force. »
« Tu veux parier ? »
Tout le monde riait aux éclats, ce verbe ne devait plus faire parti du vocabulaire d'Emmett, au moins pour la journée.
Ma joie s'arrêta net, le beau temps était revenu et la famille Cullen avec. Leur peau aussi dure que des diamants scintillaient au soleil, ils devaient donc rester à l'écart des humains. J'avais senti le pouvoir de Jasper et je ne tardais pas à ressentir comme des dizaines de dagues qui s'enfonçaient dans mon corps. Je n'attendais pas plus longtemps pour fuir.
Ils ne semblaient pas si surpris de me voir détaller comme une voleuse, ils avaient sûrement entendu la famille arriver. Emmett jugea judicieux de m'envoyer un œuf qui s'éclata contre mon crâne, m'offrant au passage un magnifique shampoing. J'étais assez loin pour ne pas m'évanouir alors je m'arrêtai, juste à temps pour renvoyer le second projectile que le vampire m'avait destiner et ce coup-ci le shampoing était pour lui. J'étais ravie pour lui, il parvenait enfin à contrôler sa force.
Je me dirigeai tranquillement vers la villa, il fallait que je me trouve une occupation pour le reste de la journée, mais c'est elle qui me trouva. Quelqu'un me suivait, je le sentais, je voyais son don mais ce n'était pas possible. C'était celui de Matthew.
J'étais en France l'instant d'après et je revivais la mort de mon père mais cette fois-ci je voyais la personne qui le tuait. Celle qui avait été ma meilleure amie pendant des années mettait fin à sa vie. Le pouvoir que j'avais senti n'était pas celui de Matthew, mais celui de sa sœur, Maéva…
Je m'étais déjà jurée que je serais celle qui la tuerait, pour venger la mort de Luvia, mais cette vision me donnait encore plus de rage et de motivation pour le faire. Même si j'allais tout faire pour que ça ne se réalise pas, je lui ferais payer le simple fait d'avoir envisager de tuer mon père.
Je retrouvais les arbres devant moi, ainsi qu'une vive douleur mais elle n'était rien comparée à ma colère. Il n'y avait pas de doutes, Alice n'était pas loin, du tout. Son visage souriant n'était pas à un mètre du mien.
« Bonjour! » dit-elle avec un enthousiasme contagieux. « Oh, tu as eu une vision triste, désolée. »
« Tu n'y es pour rien, tu es née comme ça… Enfin, façon de parler… » rectifiai-je.
« Tu n'as probablement pas tout à fait tort, Bella pouvait bloquer les pouvoirs des vampires alors qu'elle était toujours humaine. Je pouvais peut-être voir l'avenir aussi. »
« Peut-être ? Tu ne t'en souviens pas ? Je pensais que les vampires se souvenaient de leur vie avant leur transformation. »
« En général, oui. Mais pas moi… »
Son visage se referma l'espace de quelques secondes. Je la comprenais, pour une personne qui voyait l'avenir, ça devait être frustrant de ne pas connaître son passé…
« Mais n'en parlons plus » continua-t-elle, « cette après-midi tu viens avec moi. Nous allons faire du shopping. Comme ça tu pourras travailler sur mon pouvoir en chemin. »
Elle exaltait de joie, elle en devenait presque effrayante.
« J'ai le choix ? » demandai-je pour la taquiner.
« Non ! »
« J'adorerais venir avec toi. » finis-je par répondre.
Je voulais vraiment y aller, cela me permettait de voir un peu de paysage. En parlant de ça, une chose se distinguait particulièrement des arbres que j'avais en face de moi, c'était une Ferrari jaune. J'étais persuadée qu'elle allait être notre moyen de transport à mon plus grand désespoir…
Je comprenais le besoin de prendre la voiture pour nous déplacer, c'était plus adapté pour se mélanger parmi les hommes malgré la lenteur du véhicule. En revanche je ne comprenais pas cette couleur, il y avait plus discret… La plupart des vampires, surtout lorsqu'ils étaient âgés avait un goût pour l'excentricité et le sens du spectacle assez prononcé. Le moins qu'on puisse dire c'est que je ne le partageais pas du tout.
Je prenais place à l'intérieur de la voiture et nous partîmes. Je compris très vite qu'elle n'était pas décidée à respecter les limitations de vitesse.
« Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer. » ma rassura-t-elle, « nous serons encore en vie demain. »
« Je ne suis pas inquiète. »
« Tu mens. » répliqua-t-elle sèchement.
« Et tu as vu ça dans une vision ? » dis-je ironiquement.
« Pas besoin, ton cœur bat plus vite. »
C'était à peine perceptible pour le commun des mortels mais pas pour un vampire.
« Je ne suis pas à l'aise en voiture en général, encore moins lorsque je souffre et que je suis susceptible de me transformer en monstre à chaque instant. »
« Tout ira bien, tu peux le voir toi aussi, si tu te concentre sur nous. »
Pourquoi pas, je pouvais toujours essayer.
Comme pour le don d'Emmett, je me concentrais sur la force qui circulait dans mes veines. Je n'eus pas à attendre pour avoir une vision mais c'était celle que je redoutais, mon père se faisant tuer encore et encore.
« Comment fais-tu pour garder ton sourire ? » demandai-je. « Je n'en peux plus de voir mon père mourir…
« Je me dis que ce n'est qu'une possibilité, tout peut encore changer. Je prends conscience du temps qu'il me reste avec les personnes et de la chance que j'ai de pouvoir les protéger. Ton père est au courant, il pourra se défendre. »
« J'imagine que tu as raison. » répondis-je dubitative.
Elle me sourit, compatissante, puis son sourire disparut, ainsi que son regard sur la route. Nous déviâmes dangereusement de notre route ce qui, je l'avoue, accéléra mon rythme cardiaque.
« Ne refait plus jamais ça ! » m'exclamai-je lorsqu'elle revint à elle.
Elle ne m'avait pas écouté et semblait soudainement concentrée sur la route, trop concentrée.
« Qu'as-tu vu ? » lui demandai-je, inquiète.
« Rien d'important. » m'annonça-t-elle en retrouvant sa gaieté légendaire. « Alors tu nous as vu saines et sauves demain ? »
« Non » répondis-je honnêtement, « je n'ai vu que mon père… »
« Alors il faut que tu te concentre davantage ! Je ne veux plus t'entendre jusqu'à ce que tu aies eu une autre vision. »
Oui, chef ! Je m'exécutais, sentant à nouveau la force en moi tout en me demandant ce qu'Alice avait pu voir. Ce n'était probablement pas la meilleure manière de fonctionner mais c'était efficace. Je me retrouvais dans une maison que je ne connaissais pas, le décor différait de la forêt de Forks, tout était blanc, couvert de neige. Mais j'étais bien chez les Cullen, je reconnaissais leur style architecturale très claire et en transparence. Je ne trouvais pas les mots pour décrire la splendeur de cette demeure, surtout qu'elle avait été aménagée pour une occasion spéciale. Je m'avançais le long de l'allée blanche couverte de voiles et de fleurs qui menait à une arche décorée de la même manière. La moitié de la population de vampires était présente, j'en reconnaissais la plupart. Je craignais de m'évanouir sous leur force mais je ne sentais rien, j'étais dans un état de plénitude.
Une petite fille déjà très grande me sortit de mes pensées, c'était Nessie. Elle semblait proche de la maturité et avait hérité de toute la beauté de sa famille. Elle lançait des pétales de fleurs blanches sous les rires amusés d'Emmett. Jasper la suivait avec Esmé à son bras. Il portait le costume traditionnel blanc et elle, une splendide robe violette foncée. Ils ne firent pas attention à moi et me passèrent devant comme si j'étais un vulgaire fantôme.
Une chose me frappa, il n'avait plus les cicatrices qu'il avait gagné pendant les premières années de son existence de vampire. Je me demandais bien comment ce coup de magie avait été possible.
Il lâcha le bras de sa mère et se plaça sous l'arche attendant patiemment la déesse qui passait sous mes yeux. C'était Alice, la plus belle des mariées qu'il m'était donné de voir, elle portait une robe blanche absolument somptueuse, parfaitement harmonisée entre dentelles et diamants. Ce chef d’œuvre aurait fait peur à n'importe qui mais pas à la voyante qui se mouvait avec la grâce d'une ballerine comme à son habitude.
J'avais hâte de voir la cérémonie mais l'instant d'après, mes yeux retrouvèrent la route.
« Je ne savais pas que tu pouvais être aussi classique » rigolai-je.
« Parfait timing ! » répondit-elle, enjouée.
Elle ne m'avait pas écouté, à nouveau. Elle semblait également concentrée sur la route et respectait presque les limitations de vitesses, pour une fois. Que lui arrivait-elle, avait-elle eu une nouvelle vision ?
« Parfait timing pour quoi ? » demandai-je, intriguée.
En guise de réponse, elle fixa son rétroviseur intérieur. Je regardai derrière moi et vit deux voitures qui nous suivaient et une stationnait sur le bas-côté. Elle était blanche et bleue… C'était la police ! Alice s'était faite arrêter, nous nous étions faites arrêter.
« Avant de t'énerver » dit-elle alors que j'allais l'incendier, « laisse-moi t'expliquer. »
Je fermai la bouche, croisai les bras et attendis furieusement ses explications.
« Tu as eu une vision, on aurait dit que tu était inconsciente, je te jure ! » commença-t-elle en se retenant difficilement de rire. « Enfin eux l'ont cru ! Vu ton état je devais t'emmener à l'hôpital de toute urgence » dit-elle comme une évidence. « Tu étais mon alibi, mais tu les aurais vu, ils étaient paniqués. Ils ont même voulu prendre ton pouls. Heureusement que ton cœur bat encore, ils auraient pu m'arrêter pour meurtre ! »
Alice ne pouvait s'empêcher de rire. Quant à moi, j'imaginais la scène, deux policiers, l'un grand fin et musclé et l'autre petit, moustachu et un peu plus enveloppé à force de manger des donuts, cherchant mon pouls. J'avouais que la situation pouvait être comique.
« J'ai été obligée de les calmer et de leur dire que je devais partir ou ils seraient responsables de ta mort. Ils voulaient m'escorter mais ils s'excusent, ils n'ont pas pu se libérer ! »
Elle riait aux éclats et je ne pus m'empêcher de l'accompagner.
Après un long virage, je sentis la Ferrari accélérer de nouveau, j'en conclus que les agents de police étaient hors de portée. Seattle se profilait à l'horizon, j'espérais que c'était notre destination finale.
« De quoi parlais-tu en disant que j'étais classique ? »
Elle m'avait écouté et je réalisais que ça allait être un calvaire de lui cacher ! Elle voulait absolument savoir et j'adorais la taquiner. Je voyais qu'elle se concentrait pour avoir une vision de ma réponse.
« Ne cherche pas Alice, je ne te dirais rien ! »
La suite du trajet fut un enfer, heureusement que nous étions presque arrivées.
Alice savait parfaitement où nous allions, elle nous emmena dans une petite ruelle sombre. Elle s'arrêta et nous entrâmes dans ce qui semblait être la réserve d'un magasin dont l'entrée se situait de l'autre côté du quartier, je pouvais entendre des humains derrière le mur.
Lorsqu'elle m'invita à faire du shopping, je pensais que nous allions acheter des vêtements, mais non, nous étions dans un magasin de meubles.
« Pourquoi sommes-nous ici ? » demandai-je.
« Emmett a détruit une bonne partie de la maison et il faut décorer ta dépendance en Alaska. »
« Ma quoi ? » lui fis-je répéter, j'avais cru mal comprendre.
« Ta maison. Nous partons dans deux jours. Carlisle ne voulait pas te brusquer en t'apprenant la nouvelle. Il paraît beaucoup plus jeune qu'il ne devrait et les habitants se posent des questions. Nous devions partir avant mais tu es arrivée et le loup aussi. »
C'était une somme d'informations trop importantes pour moi à digérer. Je devais partir avec eux en Alaska où il m'avait fait une maison… C'était trop.
« Vous avez construit une maison pour moi et vous voulez que je vous suive ? »
« Carlisle ne partirait jamais sans découvrir ce que tu as, ça pourrait arriver à Nessie. »
Cette réponse était plus logique, ils me supportaient pour protéger l'une des leurs.
La cession shopping fut pour le moins intéressante. Alice achetait des dizaines d'articles en une vitesse record. Je compris très vite que même si je l'accompagnais, je n'aurais pas mon mot à dire sur la décoration de ma maison… C'était très étrange comme idée, ma maison… Tout avait été acheté en l'espace d'une heure et j'aimais ce qu'elle avait en tête pour la dépendance. Elle demanda le même temps de livraison que d'habitude, elle connaissait la personne qui nous avait servie.
Pas très loin de là, nous nous entrèrent dans un magasin de vêtements. Je voulais en profiter pour refaire mon stock de débardeurs et de shorts mais nous n'étions pas dans un endroit ordinaire, nous avions uniquement devant nous des pièces de mode. Le style de la voyante s'affirma à nouveau très rapidement. Je pris des pièces que je considérais comme les plus basiques, d'autant plus que si je continuais à me changer en monstre, elles ne dureraient pas longtemps.
Nos cartes bancaires flambèrent, heureusement que l'immortalité et la non nécessité d'acheter de la nourriture nous faisaient économiser énormément d'argent.
Je profitais d'un instant pour partir dans un magasin non loin de là. Le soleil ne me dérangeait pas, et je savais qu'Alice ne pourrait pas me suivre. Je ne mis qu'une demi-heure pour refaire mon stock et retrouver la voyante qui donnait son avis sur chacun des deux cents vêtements comme si elle était la créatrice de mode.
Après une autre très longue heure, nous partîmes enfin de Seattle. Ce début d'après-midi avait été épuisant entre la séance shopping que j'avais apprécié mais qui commençait à durer et la quasi constante douleur que je ressentais en étant en présence de la voyante. Je n'avais eu que très peu de visions dans la journée, et elles concernaient toutes des choix vestimentaires d'Alice. Ce don était assez particulier, on pouvait voir des décisions très importantes et d'autres beaucoup plus anodines. Cependant, une vision plus cruciale m'apparût. Maéva était à Forks et avait décimé la famille Cullen.
Avait-elle décidé cela après avoir vu que mon père n'était plus à Chambord ? Comment savait-elle que j'étais à Forks ? Et surtout quand allait-elle venir ?
J'en fis part à Alice qui m'avoua que c'était ce qu'elle avait vu à notre départ. Je l'admirais, elle avait une telle joie de vivre alors qu'il lui arrivait de voir des choses absolument horribles.
« Nous devons partir le plus vite possible mais Carlisle pense que ça ne sera possible que lorsque tu auras gérer tous nos pouvoirs. » me confia-t-elle.
« Alors je vais travailler sans relâche. » décidai-je, « je connais les pouvoirs d'Emmett, de Nessie, de Jasper et les tiens. Je ne garanties pas que je tiendrais le coup avec Bella et Edward mais je pense que je serais prête demain. »