Pour le bien de l'humanité

Chapitre 3 : Le reste d'entre eux

1884 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/09/2020 14:30

Sans l'avait prédit : la nuit fut cauchemardesque. En soirée, de fortes rafales de vent soufflaient déjà sur la petite forêt, mais celles-ci ne tardèrent pas à se transformer en véritable tempête de neige. Papyrus serré contre lui, il avait pourtant repris la route tant bien que mal. Le blizzard l'empêchait de voir correctement et il n'était pas certain de se diriger dans la bonne direction. Il ne trouvait plus la montagne, perdue dans un océan blanc opaque.


"On ne peut pas continuer comme ça, murmura l'aîné. On va y rester. Ne t'inquiète pas, Pap', on va trouver un abri."


Son petit frère ne répondit pas. Il avait perdu connaissance deux fois avant le coucher du soleil et ne s'était plus réveillé depuis. Sans vérifia une nouvelle fois le petit appareil trouvé dans le sac.


PAPYRUS : 09/35 HP


La situation devenait urgente. Il perdait ses points de vie de plus en plus rapidement. Sa perte d'inattention le conduit à se prendre les pieds dans les racines d'un arbre. Il bascula en avant et se rattrapa de justesse avant de faire mal à son frère. Couché sur le dos, la neige transperça son manteau et un froid glacial s'abattit sur ses os. Il se redressa maladroitement et regarda autour de lui, l'air désespéré.


Ce fut là qu'il entendit les pas. Paniqué, il fit un tour sur lui-même à la recherche du bruit dans le blizzard. Si des humains les trouvaient, ils étaient morts tous les deux. Papyrus était vulnérable et Sans trop fatigué pour se battre et protéger son frère en même temps. Il courut se mettre à l'abri derrière un arbre au tronc épais, avant de sortir légèrement la tête pour observer l'intrus.


La forme était humanoïde et portait une armure sombre. Elle tenait fermement une lance bleutée, clairement magique, dont Sans pouvait apercevoir les contours. Cependant, il était incertain. Humains et monstres utilisaient la magie désormais. Seuls les symboles gravés sur les armures les différenciaient. La créature s'accroupit et analysa les empreintes de pas qui menaient droit vers l'arbre. Sans glapit lorsqu'elle tourna la tête dans leur direction. Il tendit la main devant lui et son œil droit se mit à luire d'une lumière bleutée. Plusieurs os translucides de la même couleur sortirent du sol, prêts à les défendre en cas de besoin.


Il sortit la tête de nouveau, deux bottes d'acier se trouvaient juste devant lui, ainsi que le bout d'une lance, placé sur son cou. Cependant, celle-ci se retira rapidement et l'armure vivante souleva rapidement sa visière. C'était une femme-poisson aux écailles bleues. Monstre, pas humain. Sans poussa un soupir de soulagement en apercevant l'insigne de la garde royale qui ornait son plastron. Ils étaient sauvés. Ils retrouveraient bientôt leur père.


"Ravi de vous voir, les garçons, leur dit-elle, souriante. Je m'appelle Toryne, je suis une garde royale. Vous venez de la ville ?"


Sans hocha timidement la tête.


"Très bien, très bien, répondit-elle d'une voix douce. Vous avez parcouru un long chemin tous les deux. J'ai eu du mal à suivre vos traces, j'ai même cru que vous étiez des petits humains abandonnés. Mais tout va bien désormais, je vais vous ramener au camp, et nous allons essayer de retrouver votre famille. Quel est ton prénom ?

— Sans... Et c'est Papyrus, mon petit frère. Il s'est blessé à la tête et il a besoin d'aide, supplia le petit squelette.

— D'accord, Sans, ne t'inquiète pas. Je vais prendre ton sac et ton frère. Tu vas pouvoir me suivre ?

— Oui, je crois."


Elle hocha la tête et lui prit le petit squelette des bras. Elle examina brièvement sa blessure avant de serrer les dents. C'était grave, Sans le savait parfaitement. La guerrière commença à avancer à un rythme soutenu et le jeune squelette la suivit du mieux qu'il put à travers les bois. Elle lui lançait des regards à intervalles réguliers pour s'assurer qu'il la suivait toujours.


Après deux heures de marche, ils débouchèrent sur une clairière partiellement abritée sous un rocher de grande taille. Plusieurs tentes y étaient installées et des monstres se reposaient autour d'un grand feu de camp. Sans remarqua immédiatement que la plupart d'entre eux n'étaient pas en bon état. Plusieurs avaient été amputés d'un bras ou d'une jambe, d'autres somnolaient, couverts de bandages à divers endroits. Quelques enfants discutaient entre eux près des flammes, dont une petite fille bleue qui ressemblait à la garde royale en petit format.


Sans voulut suivre Toryne dans la tente vers laquelle elle se dirigeait, mais elle le repoussa gentiment. La petite fille-poisson accourut dans sa direction pour prendre le relais. Elle n'était habillée que d'un léger T-shirt, supportant de toute évidence parfaitement le froid. Un de ses bras était bandé sans que cela ne la dérange vraiment. Elle lui offrit un grand sourire et lui tendit la main.


"Je m'appelle Undyne, Undyne l'Increvable ! Maman s'occupe de celui qui est arrivé avec toi, alors c'est moi qui vais m'occuper de toi. Suis-moi, on va te trouver une place à côté du feu !"


Elle lui prit le bras et le tira sans lui laisser le temps de protester. Sans détourna le regard de la tente à contre-coeur et s'installa à côté de son hôte miniature. Undyne était plus jeune que lui, mais un peu plus vieille que Papyrus. Elle déballa un bol qu'elle remplit à ras bord de soupe et lui tendit, avec une cuillère. Tout le temps que dura son repas, elle resta là, à quelques centimètres de son visage, à le dévisager de ses deux grands yeux noirs malicieux. A peine eut-il terminé qu'elle lui arracha le bol des mains pour courir le laver avec de la neige. 


Sans profita de ce court temps de répit pour analyser les survivants de l'attaque. La ville était grande et tous les monstres ne se côtoyaient pas vraiment. Il ne reconnut aucun visage familier parmi les créatures qui l'entouraient. Les adultes ne faisaient pas attention à lui, ils discutaient entre eux à voix basse. En tendant le crâne, Sans put réaliser l'ampleur des dégâts. Trois groupes de monstres avaient été vus en train de fuir la ville. L'un d'eux avait été retrouvé quelques heures plus tôt : tous les monstres avaient été massacrés, enfants compris. Ils craignaient que leur tour ne vienne bientôt, et cette crainte, Sans la partageait également.


Undyne ne tarda pas à réapparaître, cette fois-ci avec une couverture. Elle l'enroula de force autour de son corps frêle, puis recula d'un pas pour contempler son œuvre, satisfaite. Elle s'assit ensuite en tailleur en face de lui et l'observa avec ce grand sourire carnassier figé sur les lèvres. Et elle resta simplement là, à le regarder, sans même cligner des yeux. Sans jeta rapidement des coups d'œil nerveux vers les adultes dans l'espoir que l'un d'eux lui vienne en aide, mais personne ne faisait attention à lui. Il n'était rien d'autre qu'un survivant ici. Être le fils du scientifique royal n'y changerait plus rien. Où étaient-ils, d'ailleurs, le roi et la reine ? 


"Je veux voir mon petit frère, demanda Sans d'une petite voix. 

— Non, répondit simplement Undyne."


Un silence gêné s'installa entre les deux enfants. Sans attendit qu'elle explique sa négation, mais elle ne le fit pas. Elle continua à le dévisager comme s'il n'avait absolument rien demandé.


"Mais, c'est mon frère, insista Sans. Il est très malade.

— Il est dans la tente du chaman, personne n'a le droit de rentrer dans la tente du chaman. Et certainement pas toi et tes microbes de la ville.

— Mais, Toryne...

— Toryne, c'est une maman, c'est différent. Tu veux du thé ? Je sais trop bien faire le thé !"


Sans l'ignora, se releva et se dirigea vers la tente où on avait emporté son petit frère. Il l'atteignait lorsque, soudainement, il ne put plus bouger. Une aura verte l'encerclait. Il tourna difficilement la tête. Undyne avait la main tendue vers lui, l'œil brillant de ce même vert émeraude qui émanait de ses mains. Elle venait de le paralyser de force. 


"Lâche-moi, grogna le squelette, menaçant.

— Tu n'as pas le droit d'y aller, maman l'a interdit. C'est dangereux. A cause des maladies des autres monstres, finit-elle par avouer. Retourne t'asseoir devant le feu. S'il te plaît."


Elle le relâcha. Sans resta un moment devant l'entrée de la toile avant de pousser un soupir et faire demi-tour à contre-coeur. S'en prendre aux personnes de son propre peuple ne servait à rien. Il était bien trop faible pour ça. Il se laissa tomber près du feu, et Undyne revint lui tenir compagnie. Elle s'efforça de détourner le sujet jusqu'à qu'il soit suffisamment fatigué pour aller se coucher. 


La petite le conduit dans une grande tente où plusieurs sacs de couchage avaient été disposés sur le sol. Il se glissa dans l'un d'entre eux et s'endormit presque immédiatement, épuisé par le voyage.


***********


Le fracas des armes. Les corps qui tombent et glissent dans la neige. Les cris de terreur. Il devait sauver Papyrus.


Sans se réveilla brutalement au milieu de la nuit, les bras et les jambes tremblantes. Autour de lui, tout était silencieux. Il mit quelques secondes à comprendre où il se trouvait. Sous les différents sacs de couchage, les monstres dormaient paisiblement. Toryne se trouvait à côté de lui, elle serrait sa fille dans un bras et son épée de l'autre. Tout allait bien. C'était ce que son père ne cessait de lui répéter après chaque cauchemar. Où était-ce des cauchemars ? 


Parfois, ces derniers se réalisaient, parfois, il parvenait à changer les choses avant qu'il ne soit trop tard. Mais ce soir, il était trop fatigué pour ça. Il avait besoin de parler à son frère. Sans n'aimait pas être séparé trop longtemps de son cadet. Il avait promis à son père de veiller sur lui.


Il se leva, légèrement fiévreux, et tituba vers la sortie, sa couverture derrière lui. Il se dirigea d'un pas décidé vers la tente du chaman et rentra sans demander la permission à quiconque. L'abri était semblable au sien : grand, couvert de couchettes. La seule différence était les gémissements qui s'échappaient de ces dernières. Sans parcourut chacune d'elle des yeux avant de repérer Papyrus.


Le petit squelette était recroquevillé dans des draps trop grands pour lui. Sans pouvait l'entendre pleurer. Son cœur se brisa et il courut dans sa direction. Papyrus releva de grands yeux effrayés vers lui, avant de le reconnaître et de se jeter dans ses bras.


"Je suis là, Pap', je suis là. Je ne pars plus, je te le promets."


Il se glissa dans le sac de couchage et les deux squelettes se rendormirent dans les bras l'un de l'autre.


Laisser un commentaire ?