Une dernière promesse

Chapitre 6 : Journée à la plage

4192 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/09/2020 14:28

La plage était bondée en ce mardi après-midi ensoleillée. Papyrus dépliait soigneusement sa serviette et calculait à voix haute l'exact emplacement où ses os pourraient profiter le plus des rayons de la boule incandescente dans le ciel. Moins ordonnés, Toriel et Frisk étaient déjà installés depuis dix minutes. L'adolescent se tartinait les bras de crème solaire, problème que n'avait pas sa maman poilue, déjà en train de bronzer dans son maillot de bain fushia, celui que Sans lui avait offert l'année passée. Elle portait beaucoup de cadeaux de Sans ces derniers temps, si bien que le jeune humain commençait à suspecter qu'elle cherchait à attirer son attention.


A côté de lui, le squelette se laissa enfin tomber en arrière, bras et jambes écartés en étoile. Il poussa un soupir d'aise avant de river des yeux rêveurs vers le ciel. La luminosité était aveuglante, mais cela n'avait pas l'air de lui poser de problème particulier. Peut-être parce qu'il n'avait pas vraiment d'yeux ? Les subtilités de certains monstres échappaient encore à l'adolescent ; par exemple la manière dont Sans mangeait sans ouvrir la bouche, ou encore comment Onion San se déplaçait de surfaces d'eau en surfaces d'eau sans jamais toucher la terre, y compris dans des lacs. L'imposant poulpe était visible dans l'eau à l'horizon, occupé à tourner sur lui-même, ses tentacules levés comme s'il passait le meilleur moment de sa vie.


Frisk se retourna à l'entente de son prénom quelque part derrière lui. Une paire de jeunes adolescentes-lapins gloussèrent avant de détourner le regard. L'enfant balaya la plage des yeux. Partout, des regards curieux, admiratifs, fanatiques presque étaient braqués sur eux. Il essaya de les ignorer, mais recouvrit bientôt son corps avec sa serviette, mal à l'aise. A chaque fois, c'était la même chose. Il ne pouvait pas faire deux pas dehors sans être reconnu. Il y avait les jours où ça ne le dérangeait pas plus que ça et où il se prêtait volontiers au jeu des photos et autographes, et d'autres comme aujourd'hui où cette popularité l'oppressait. Avec tout ce qui se passait en ce moment, il n'avait pas la tête à ce genre de sottises. Il voulait passer un peu de temps loin du stress et de la pression qui accompagnaient la condition de Sans et son discours d'ambassadeur le lendemain.


"Tu devrais aller te baigner un peu, l'encouragea Toriel, comme lisant dans ses pensées. Tu auras un peu la paix.

— Bonne idée, approuva l'adolescent. Papyrus, tu viens ?"


Le squelette se redressa comme un piquet. Il sortit deux brassards de son sac, déjà gonflés, et les enfila jusqu'en haut de ses os. Mère et fils Dreemur retinrent un pouffement de surprise devant la customisation des bouées roses, où la tête de Sans était dessinée à côté de canards et chiens enfantins. Les dessins étaient vieux. Frisk les avait faits avec Sans peu de temps avant de s'installer à la surface. Papyrus l'avait jeté dehors parce qu'il ne voulait pas y mettre du sien pour faire les cartons, et le squelette s'était retrouvé désigné baby-sitter d'office pour tous les enfants de Snowdin. En vengeance, il leur avait donné divers objets de Papyrus à décorer : lampes, T-shirts, et ces fameux brassards. Quelque part, il était touché que le squelette les ait encore et les porte avec autant de fierté. Ils étaient vraiment hideux et décolorés.


L'adolescent, le coeur léger, partit d'un coup en courant vers la mer. Il entendit Papyrus pousser un cri outré avant que ses pas bien plus grands et rapides ne le poursuivent. Le squelette le rattrapa en quelques enjambées, nullement dérangé par le sable, ce qui n'était pas le cas de Frisk qui s'enfonçait dedans en grognant. Son ami le dépassa en bombant le torse avant de se jeter à l'eau avec la grâce d'une boule de glace trop liquide tombant de son cornet. Il éclaboussa au passage les rares humains qui s'aventuraient sur la plage des monstres avant de pousser un cri victorieux. Frisk, bon joueur, l'applaudit volontiers.


"Nyeh eh eh, merci humain Frisk. Il est vrai que personne ne peut rivaliser avec la grandeur du grand Pap..."


Une grande vague le coupa dans son élan et le submergea entièrement, le faisant tomber à la renverse. Frisk éclata de rire et le rejoignit prudemment dans l'eau pour venir à son secours. Les squelettes ne pouvaient techniquement pas se noyer, mais le corps avait bien trop de trous pour rester à la surface. Ils avaient déjà perdu Papyrus dans une piscine comme ça. Le squelette avait plongé et n'était jamais remonté. Personne ne s'en était aperçu avant une bonne heure. Undyne l'avait repêché, assis au fond du bassin, légèrement contrarié. Le squelette se releva maladroitement, une méduse accrochée sur la tête. Il la retira du bout des doigts avant de serrer le poing et de se tourner vers l'océan.


"Ce n'est pas très gentil, madame nature ! se plaignit-il, en colère."


Frisk se moqua gentiment avant de s'accrocher à sa colonne vertébrale pour essayer de le remettre à l'eau. Papyrus leva la main vers son âme et la fit virer au bleu, avant de le lancer un peu plus loin dans l'eau. L'enfant plongea les pieds en avant en riant, mais au moment de remonter à la surface, il sentit une tension au niveau de sa cheville. Un rocher l'empêchait de remonter. Il essaya de rester calme et de se décoincer, mais très vite, la panique prit le dessus.


Tout était flou. Trop flou. Sa gorge se serra, appelant désespérément de l'air. Dans un réflexe idiot, il ouvrit la bouche, et ce fut encore pire. L'eau rentra dans sa gorge, le brûlant, et il commença à se sentir partir.


"Eh, tu as été bien occupé, hein ?"


L'enfant se retourna vivement, pétrifié par la voix implacable. Quelque part dans l'obscurité, une lumière bleue brillait. La voix provenait de partout et de nulle part à la fois. Que se passait-il ?


"J'ai une question pour toi. Est-ce que tu penses que même la pire personne peut changer ? Que tout le monde peut devenir une bonne personne s'il se donne une chance ?"


Frisk paniqua. Non, il ne pouvait pas être de retour ici. Il avait changé ! Il avait abandonné et tout recommencé ! Sans lui avait pardonné. Lui avait-il vraiment pardonné ou le disait-il simplement pour rassurer son égo ? Il n'était pas quelqu'un de bien. Il était égoïste et froid, calculateur, menteur, manipulateur. Il avait trahi tout le monde, le jour où il avait levé la main sur Toriel.


La lumière bleue devint plus forte, plus inquiétante. Mais Sans n'avait pas terminé son discours. L'attaquait-il déjà ? Non, il ne pouvait pas...


"Humain Frisk ! Frisk, réveille-toi ! Allez !"


Une lumière blanche, plus forte, vint agresser l'arrière de ses paupières. Il ouvrit brutalement les yeux et prit une grande inspiration. Il toussa de toutes ses forces pour retirer l'eau de ses poumons. Papyrus, complètement affolé, lui donnait des tapes un peu trop fortes dans le dos. Frisk le repoussa doucement et prit quelques secondes pour calmer sa respiration et reprendre ses esprits. Il était de nouveau sur la plage, couché sur le flanc, entouré par une foule beaucoup trop importante qui l'oppressait.


Frigorifié, il se mit à claquer des dents, sous le choc. Toriel perça l'attroupement, une serviette à la main, et se jeta auprès de lui pour le couvrir. Elle serra l'adolescent contre elle de toutes ses forces. Elle aussi tremblait. D'un regard autoritaire, elle ordonna aux curieux de se mêler de leurs affaires. Ils obéirent plus ou moins rapidement, leur laissant enfin un peu d'intimité.


"Je suis désolé, je suis désolé, répéta le squelette, au bord des larmes. Je suis désolé, je suis désolé, c'est de ma faute, je...

— Je vais bien, grogna Frisk, les yeux mi-clos."


C'était faux, mais il n'aimait pas voir Papyrus dans cet état là. Les secours ne tardèrent pas à arriver avec une civière. Une créature étrange entre la souris et le koala lui prit ses constantes avant de faire signe à son comparse, un ours humanoïde, que tout allait bien. Ils emmenèrent malgré tout l'adolescent dans la cabine des secouristes le temps qu'il reprenne ses esprits et bandèrent sa cheville, salement amochée par un rocher. Ils donnèrent également un sucre à Papyrus pour essayer de le calmer, le squelette étant au bord de la crise de panique. Toriel ne lui en tint pas rigueur, au grand soulagement de Frisk. Elle se contentait de lui tenir la main et de l'encourager gentiment avec des mots doux.


L'adolescent en profita pour somnoler quelques minutes, épuisé par l'effort physique. Il avait connu pire, assurément, mais il n'avait pas spécialement prévu de passer si près de la mort ce jour-là. Bien plus que la noyade, il avait été affecté par les démons de son propre esprit. Il pensait les avoir profondément enterré, mais de toute évidence, ce n'était pas entièrement le cas. Sans lui faisait encore peur, quand bien même leurs relations s'étaient apaisées. Ou peut-être était-ce les restes de leur dernière dispute ? Depuis qu'il avait avoué au squelette avoir envie de parler de tout ça à Papyrus, Sans se montrait froid et distant avec lui. Papyrus l'avait remarqué, bien sûr, mais n'avait pour l'instant pas trouvé le temps d'en discuter avec l'adolescent.


Quand il ouvrit les yeux, il se trouvait dans la voiture d'Asgore, enroulé dans la longue écharpe de Papyrus qui le tenait contre lui. Il n'avait même pas réalisé qu'on l'avait déplacé. Undyne était là, elle aussi. Frisk avait la tête sur le squelette et les jambes sur la femme-poisson dans sa tenue d'officier.


"Le blanc te va mieux que l'armure noire, sortit faiblement Frisk dans une tentative de montrer qu'il était éveillé.

— Tu trouves ? entra-t-elle dans son jeu. Alphys préfère l'armure, elle dit que ça me donne plus l'air d'une princesse d'anime. Et c'est plus drôle le soir à retirer.

— Oh mon dieu, souffla Papyrus. Je ne veux rien entendre de vos rendez-vous nocturnes."


L'adolescent pouffa légèrement, le cœur plus léger. Toriel, à l'avant, tourna la tête vers lui pour lui adresser un sourire timide. Le roi, trop occupé à conduire, n'osa pas faire de remarque. Frisk se redressa difficilement et se laissa tomber sur l'épaule de Papyrus, désigné coussin d'office.


"Tu nous as fait sacrément peur, gamin, reprit l'officière d'un ton plus sérieux. Ne refais plus ça, Papyrus a pleuré comme un bébé jusqu'à ce qu'Asgore arrive. T'as même réussi à faire sortir Sans de sa grotte pour venir le chercher.

— Sans ? s'inquiéta immédiatement Frisk.

— Yo."


L'adolescent sursauta et fit volte-face vers la voix derrière lui. Confortablement installé sur les sacs de plage, Sans s'était étalé dans le coffre, penché sur son téléphone. Papyrus croisa les bras, légèrement vexé par la remarque d'Undyne.


"Je n'ai pas pleuré comme un bébé ! Je m'inquiétais vraiment pour la santé de l'humain Frisk !

— C'est rien, Pap', le rassura Frisk. C'est pas de ta faute. On pouvait pas prévoir qu'il y aurait un rocher là...

— Et puis le gamin a survécu à la fin du monde, rappela Sans. Ce n'est pas un peu d'eau qui va en venir à bout."


Le ton exagérément doux du squelette fit lever un sourcil à l'adolescent. Essayait-il de renouer le lien en se montrant gentil avec lui alors qu'il s'était comporté comme un goujat depuis la veille ? Ou faisait-il encore une fois bonne figure pour ne pas trop inquiéter Papyrus ? Il n'en était pas certain, et cet éternel flou l'angoissait. S'il était venu, il s'était certainement fait du souci pour lui, non ? Il ne savait plus sur quel pied danser. Dès que l'on pensait réussir à cerner Sans, il trouvait toujours un moyen pour montrer que ce n'était pas entièrement le cas.


Par ailleurs, Frisk n'eut pas le temps de valider sa théorie : Sans ne dit rien de plus de tout le trajet puisqu'il s'endormit, comme en témoignèrent les ronflements très sonores qui envahirent le véhicule.


"Il a l'air fatigué, ces derniers temps, dit Toriel à voix basse. Je me demande s'il ne couve pas quelque chose."


Le sang de Frisk se glaça devant la perspicacité de sa mère et il glissa un oeil discret vers Papyrus, en pleine réflexion. Le squelette lança un regard à son frère avant de pousser un soupir et reserrer sa prise sur Frisk.


"Je pense que vous avez très raison, Lady Toriel, répondit-il d'une voix beaucoup plus forte. Mais cette tête de mule refuse de parler.

— Au commissariat, on les laisse douze heures sans manger dans une pièce et ils finissent par tout avouer, proposa innocemment Undyne.

— Mais c'est très cruel ! s'emporta Papyrus. C'est pour ça que je ne suis jamais là lors des interrogatoires ? demanda-t-il avec suspicion.

— Si tu leur parles comme tu mets des amendes aux tocards dans la rue, ils vont tous se mettre à pleurer comme des bébés par culpabilité et après on ne pourra plus rien en tirer, se renfrogna la guerrière. Et puis... Certains sont très dangereux.

— Et alors ? insista le squelette. Je peux faire face au danger ! Je suis très courageux, après tout ! J'ai réussi à capturer un humain en premier, grogna-t-il en croisant les bras, boudeur."


Frisk baissa les yeux. Ce n'était pas exactement vrai. Il sentit cette boule se serrer dans son estomac alors que la conversation déviait inexorablement vers lui.


"Pff ! se moqua Undyne. Frisk s'est littéralement jeté dans tes bras et tu l'as laissé partir ! Heureusement que j'étais là pour arrêter sa course endiablée !

— Jusqu'à Hotland, en tout cas, ajouta malicieusement Papyrus.

— C'est la proximité du laboratoire d'Alphys qui m'a perturbée, se renfrogna la femme-poisson."


Frisk leur offrit un sourire un peu gêné. Il joua avec ses mains et hésita à parler, avant de se raviser. Pas devant Undyne, ni Sans. Ils ne lui pardonneraient pas. Papyrus, en revanche, l'observa avec inquiétude.


"Il y a un problème, humain Frisk ?

— N... Non. Je dois juste être fatigué.

— Oh, viens là, humain."


Le squelette le serra contre lui. Surpris, Frisk eut juste le temps, en tournant la tête, de capter le regard sombre de Sans. Son oeil brillait de sa lumière bleutée, unique avertissement. L'adolescent serra la poigne sur Papyrus et enfouit son visage dans son T-shirt pour ne plus le voir.


*********


La lune était haute dans le ciel, pourtant, Frisk ne dormait pas. Confortablement installé dans son grand lit, il écoutait Papyrus parler dans son sommeil, les yeux rivés sur le plafond. Il faisait de toute évidence son discours d'entrée dans la garde royale. L'adolescent se sentait mal. L'accident du début d'après-midi y était sans doute pour quelque chose, mais c'était surtout une douleur mentale. Il se sentait pris au piège dans son tissu de mensonges. La porte était ouverte, il pouvait la passer s'il le voulait, mais la peur que Sans déboule de nulle part pour la bloquer était plus forte.


Il avait besoin de conseils. Mais vers qui se tourner ? Sa mère ne comprendrait pas. Mais quelqu'un d'autre le pouvait. Il s'assit dans son lit avant de poser ses pieds au sol et enfiler la paire de pantoufles roses de Sans, qu'il avait oublié après la lecture de l'histoire du soir. L'adolescent se glissa hors du lit et quitta la chambre sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller le squelette, ou pire, alerter Sans. Il descendit sans bruits les marches de la mezzanine et vola le manteau de l'aîné des frères squelettes avant de sortir de la maison par la fenêtre, n'ayant pas les clés de la maison.


La rue était calme, seulement illuminée par l'éclairage doux de la ville. Quelques monstres nocturnes profitaient enfin de la chaleur de la nuit pour sortir de chez eux. La population de la nuit était aussi importante que celle de jour, même si elle avait appris à être plus silencieuse que dans les Souterrains. C'était notamment le cas des Temmie. Plusieurs monstres s'étaient découverts une intolérance au soleil en sortant à la Surface, et ils en faisaient partie. Les petites créatures se poursuivaient à la lumière de la Lune en renversant sur leur passage les poubelles des voisins. D'immenses créatures ailées dont Frisk ne parvenait pas à distinguer les formes avaient pris la place du trafic aérien. Mais la personne que l'adolescent recherchait n'avait pas d'ailes ni de pattes.


Il avança jusqu'au petit parc situé au bout de la rue et commença à regarder autour de lui avec attention. Avant qu'il ne déménage, c'était ici qu'ils avaient l'habitude de se rencontrer. Il ignorait s'il avait gardé cette habitude ou s'il lui en voulait toujours d'être parti en le laissant ici.


"Flowey ? appela-t-il doucement. Tu es là ?"


Il y eut un bruit dans les buissons, puis quelque chose vola à toute vitesse vers le visage de l'adolescent. Il baissa la tête juste à temps, évitant ainsi l'une des dangereuses "pétales de l'amitié" de son ami. Un rire mesquin résonna à ses oreilles avant qu'une petite fleur jaune ne sorte de terre juste devant lui, un grand sourire perturbant plaqué sur son pistil.


"Frisk ! Tu es enfin rentré ! Je commençais à me demander si tu avais décidé de m'abandonner pour de bon au milieu de tous ces idiots !"


Une grande racine vint s'enrouler autour de sa jambe, puis la fleur de dégagea de terre pour monter sur ses genoux. L'adolescent ne fut tout à coup plus si certain que ce soit une bonne idée. Après tout, il n'avait jamais montré beaucoup d'intérêt dans ses relations, tout ce qui l'intéressait était de savoir...


"Quand est-ce que tu vas faire un Reset ? Ca commence à être long maintenant et je m'ennuie terriblement. Tout le monde est si heureux et gentil, ça commence à en devenir barbant. Encore plus depuis que les Souterrains ont été évacués. Il n'y a plus que des rats à manger."


L'adolescent tira une grimace de dégoût à la mention de la source d'alimentation principale de son "adorable" ami. Flowey ne faisait pas exactement partie des créatures mignonnes et placides que l'on trouvait partout en ville. Cela était dû en particulier à son absence d'âme, en faisant un monstre sans émotions ou pitié. Par chance, personne ne se rappelait vraiment de comment il avait presque détruit le monde, avant de le sauver avec l'aide Frisk, en révélant son vrai visage : Asriel Dreemur, le vrai fils d'Agore et Toriel, décédé après avoir tenté d'accomplir la dernière volonté de Chara, sa soeur humaine adoptive. Avec Sans, il était aussi éventuellement le seul à avoir une connaissance des reset et des différentes routes pacifistes, neutres et génocides, pour les avoir expérimenté lui-même avant la chute de l'humain dans les Souterrains.


Depuis qu'il avait montré son vrai visage, Frisk tentait désespérément de l'encourager à retourner vers ses vrais parents et accepter de se faire aider par Alphys. Malheureusement, la petite fleur était têtue et refusait catégoriquement de se faire aider, plaidant que sa présence ternirait l'ambiance "famille idéale" depuis que Frisk et les monstres avaient gagné la surface. Néanmoins, Flowey suivait Frisk absolument partout, signe que quelque part, il y avait encore de l'espoir.


"Je te l'ai déjà dit, le gronda gentiment Frisk. Plus de reset, je l'ai promis à Sans.

— Ah oui, Sans, le sac poubelle souriant, marmonna-t-il entre ses dents. Je l'avais presque oublié celui-là. Alors pourquoi est-ce que tu reviens ici ? Tu en as marre de la popularité ?

— Oui... Enfin, non... Je... Tu connais bien Papyrus, pas vrai ? Il m'a dit que vous étiez amis."


Flowey leva les yeux au ciel.


"C'est vite dit. Papyrus a juste besoin d'attention, comme un chiot. Donne-lui une caresse sur la tête et il te donne tout ce que tu veux sur un plateau juste pour te faire plaisir. Tu sais que dans une ligne temporelle je lui ai fait voler une des âmes d'Asgore et qu'il l'a fait sans poser de question ? Oh, la tête de Sans quand il a été accusé de haute trahison, ricana-t-il, c'était hilarant.

— Le pauvre...

— Oh, ça va, râla la fleur. Son frère l'a sorti de là en échange de services et tout est rentré dans l'ordre, comme si rien ne s'était passé. Et puis, après, c'est devenu trop ennuyeux pour conserver cette ligne temporelle. Ils sont tous tellement prévisibles."


Frisk se mordit la lèvre. Devait-il vraiment parler de ça avec lui ? Il ne le saurait pas tant qu'il ne l'aurait pas fait. L'humain et la fleur étaient liés par serment : tant que l'humain ne révélait pas sa vraie nature à Toriel et Asgore, il avait promis de rester à l'écart et d'arrêter de causer des problèmes. L'adolescent craignait qu'en lui parlant de ses doutes, il cherche à le manipuler et utiliser ses faiblesses contre lui. Après tout, comme il le lui avait bien fait comprendre, Flowey n'était pas Asriel, et ce serait une grossière erreur de les considérer comme une même entité.


"Est-ce que... Tu as déjà essayé de lui parler de tout ça ? demanda Frisk avec hésitation.

— Des reset ? Oh... Plusieurs fois, oui. Mais comme il oublie à chaque fois que le monde est remis à zéro, ça ne sert pas à grand chose.

— Même des routes génocide ?"


Flowey plissa des yeux, consterné.


"Frisk, tu ne comptes pas faire ce que je pense que tu veux faire ? Sans te tuerait ! Il... Il n'aime pas beaucoup qu'on mêle Papyrus de trop près dans ces histoires. Il me l'a bien fait comprendre... Et à toi aussi, je pense. Ce serait idiot et suicidaire.

— Donc tu l'as fait ? l'ignora-t-il.

— Bien sûr que non ! s'énerva le végétal. Qu'est-ce que tu crois ? Je n'allais pas le regarder droit dans les yeux et lui sortir "Oh, au fait, je t'ai tué la dernière fois que j'ai remis le monde à zéro, c'était rigolo et ça a mis ton frère très, très en colère bouhouhou". Comment crois-tu qu'il aurait réagi ? Même s'il a l'air innocent et naïf, je peux t'assurer qu'il sait se battre et qu'il fait beaucoup plus mal que ce faiblard de comédien. Comme je le disais à l'instant : c'est idiot, et suicidaire ! Oublie cette idée, c'est ridicule."


L'adolescent garda le silence. Il reposa délicatement la plante au sol et se releva.


"Je pense que tu te trompes. Je suis sûr qu'il comprendra. Je dois y aller, bonne nuit, Flowey.

— Frisk, ne fais pas ça ! C'est trop dangereux ! Ce n'est pas les Souterrains ici, si tu meurs, c'est pour de vrai !

— J'en ai marre de me cacher, Flowey. Je veux passer à autre chose et accepter les conséquences de ce que j'ai fait. Comme Asgore. Comme Alphys. Comme toi. Même si ça veut dire qu'il sera un peu en colère contre moi. C'est le mensonge qui tue, Flowey.

— Mais toute vérité n'est pas non plus forcément bonne à entendre. C'est pour ça que Toriel ne saura jamais qui je suis, et qu'elle ne pardonnera jamais Asgore pour ce qu'il a fait.

— Sans ne me pardonnera jamais entièrement non plus. Pourtant, ça ne peut pas être pire qu'avant. Il suffit de l'accepter."


Il poussa un grognement de mécontentement, à court d'arguments.


"Oh, et puis fais ce que tu veux, qu'est-ce que j'en ai à faire ?

— Merci, Flowey. J'aimerais pouvoir t'aider plus que ça.

— Je n'ai pas besoin de ta pitié. Va-t-en maintenant, le sac d'os va se douter de quelque chose, il va encore venir me faire la morale et je vais devoir résister à l'envie de le tuer."


Frisk lui tapota la tête. Il essaya de lui mordre le doigt, mais le coeur n'y était pas.


"Je reviendrais te dire comment ça s'est passé, avec un paquet de chamallows."


Les yeux de Flowey s'illuminèrent d'envie, déclenchant son hilarité. L'adolescent le remercia encore une fois puis regagna la rue. Il devait rentrer avant que quelqu'un ne s'aperçoive de son absence, où il allait avoir de gros problèmes.


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