Une dernière promesse

Chapitre 17 : Mémoires et testaments

2324 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 25/10/2020 21:49

Frisk poussa le premier la porte de la maison de Sans et Papyrus, avec un soulagement non dissimulé. Les deux frères squelettes le suivaient de près. L'atmosphère familière du lieu réchauffa un peu le cœur de l'adolescent, déjà épuisé par son aventure. Il alla s'installer presque immédiatement sur le canapé, et l'aîné des deux frères lui apporta une couverture pour se réchauffer, avant de se diriger vers la cuisine. Sans s'installa à côté de lui. Frisk sentait toujours sa méfiance, mais il avait l'air plus calme et disposé à parler que lors de leur précédente rencontre. Les choses rentraient plus ou moins dans l'ordre.


Le garçon releva les yeux vers le squelette, qui lui rendit son regard, un peu perplexe. Frisk hésita un instant, avant de prendre la parole.


"Je... Je suis désolé si je t'ai blessé tout à l'heure. Je ne le pensais pas vraiment quand j'ai dit que tu m'as abandonné. C'est juste que... Tu m'as manqué, Sans. J'ai vraiment essayé de... De continuer pour toi. Mais... Ce qui est arrivé ensuite, je... Je ne savais plus quoi faire pour les aider.

— Arrête de te justifier. Tu as bien fait. J'ai compris que tu n'avais pas pensé à mal.

— Je suis aussi désolé pour... Pour être sorti ce soir-là. Si tu n'avais pas crié sur moi, peut-être que..."


Il poussa un soupir et lui adressa un demi-sourire.


"Eh, je t'avais dit que ça pouvait arriver n'importe quand. C'est simplement une coïncidence. Alphys a dit que ce serait arrivé quoi qu'il s'était passé. Alors arrête de t'en faire pour ça, tu vas presque réussir à me faire sentir mal.

— Mais... Et maintenant, Sans ? Qu'est-ce qui va se passer pour toi ?

— Je n'en ai aucune idée, répondit-il sincèrement. C'est bien la première fois que ça m'arrive. Advienne que pourra. Et si ça doit mal se terminer, eh bien... Tant pis."


Frisk se tut, et joua un moment avec ses mains. Sans ne le quitta pas du regard, et fronça légèrement les sourcils.


"Et si...

— Non, Frisk. Je ne veux pas être sauvé.

— Mais s'il y avait un moyen ?

— Il n'y en a pas.

— Tu n'as même pas essayé !"


Sans poussa un lourd soupir d'agacement. Il s'apprêta à répliquer, mais Papyrus revint à ce moment-là avec deux assiettes de spaghettis, fier de lui. Il en posa une sur les genoux de son frère et une sur ceux de Frisk, avant de s'asseoir entre eux en poussant les jambes de son frère sans grande douceur. L'adolescent détailla ses pâtes avec méfiance. Certaines d'entre elles avaient une couleur vert bleu pas très naturelle. Papyrus le regarda les yeux plissés jusqu'à ce qu'il enfile une fourchette dans sa bouche. Il lui sembla que la cuisine était encore pire que d'habitude. Il plissa le nez pour avaler plus vite sans sentir le goût.


Ce n'était pas le cas de Sans, qui mangeait à grande cuillèrées, sans aucun doute pour en finir au plus vite. Frisk oubliait parfois que les squelettes avaient la chance de ne pas avoir de langue pour goûter à la sauce trop épicée de Papyrus. Il n'avait jamais réussi à le prendre sur le fait, mais il était à peu près certain qu'il vidait la poivrière et la salière dans ses casseroles. Il lança un appel à l'aide à Sans. Il ouvrit sa veste et en sortit une bouteille de ketchup. Frisk la vida intégralement sur les pâtes, dans l'espoir que cela masque le goût horrible du plat.


"Sans, regarde ça ! râla Papyrus. Tu es une terrible influence pour l'humain Frisk. Les condiments ne sont pas autorisés sur mes magnifiques pâtes ! Le déjeuner est ruiné !"


Sur cette plainte mélodramatique, il ramassa les deux assiettes et regagna la cuisine pour faire cuire une pizza en catastrophe. Sans et Frisk poussèrent un soupir de soulagement à l'unisson. Le squelette s'étira.


"Ecoute, gamin, je sais que... Tu veux que tout le monde s'en sorte et aie la meilleure fin possible, mais parfois, il faut simplement accepter de ne rien pouvoir y faire et lâcher prise. La vie est faite d'imprévus, de bonnes et de mauvaises surprises. Si tout se passe tout le temps bien, quel est l'intérêt de vivre ? Et puis, maintenant que Papyrus est au courant, la situation sera différente, et je n'ai pas envie de... revoir sa tête au-dessus de mon lit de mort, dit-il le regard sombre. Je veux bien t'accorder le bénéfice du doute, mais tu dois me promettre, yeux dans yeux, cœur à cœur, que quoi qu'il arrive ensuite, il s'agit de ta dernière course dans les Souterrains."


Frisk se leva. Le paysage devint sombre autour d'eux. Sans parut surpris, puis posa un regard alarmé vers l'adolescent, qui faisait face aux deux boutons. "Reset". "Continuer".


"Sérieusement ? réagit une voix derrière eux. Non seulement tu m'enfermes ici, mais en plus tu m'imposes sa présence ? Frisk, je te préviens, si tu ne veux pas que je tue une nouvelle fois le sac poubelle souriant, tu as intérêt à...

— La ferme, Chara."


Le fantôme ouvrit et ferma la bouche, choqué. Son visage pâle se teinta de violet colérique. Sans ne lui accordit aucune attention.


"A quoi tu joues, Frisk ? demanda-t-il simplement. Je... Je ne comprends pas ce qui se passe."


Frisk se retourna vers son ami, un sourire aux lèvres. Il se dirigea d'un pas confiant vers le bouton "Reset", sous le regard du squelette et du démon de son esprit, subitement mal à l'aise.


"Tu veux une vraie promesse ? Alors voilà."


Un marteau se matérialisa dans ses mains, puis il l'écrasa de toutes ses forces sur l'énorme bloc jaune, qui explosa en plusieurs morceaux. Chara poussa un cri d'horreur.


"Pauvre idiot ! hurla-t-elle, hystérique. Tu te rends compte de ce que tu viens de faire ?! On ne peut plus revenir en arrière ! On ne peut plus recommencer ! Frisk ! Si ce qu'il s'est passé se reproduit, tu vas mourir.

— Peut-être. Peut-être pas, s'excusa-t-il. Mais Sans, je te promets qu'il s'agit du dernier. Il n'y en aura plus. Jamais."


Sans garda le silence, alors que le paysage retrouvait peu à peu ses couleurs naturelles. Le squelette fixait toujours le vide. Brutalement, il éclata de rire. Un rire faible, tout d'abord, puis qui grimpa peu à peu en intensité jusqu'à devenir incontrôlable. Et finalement, il éclata en sanglots. Frisk sourit en comprenant qu'il s'agissait de larmes de joie. Sans était heureux. L'adolescent s'approcha doucement, encore un peu hésitant, avant de finalement fondre sur lui et le serrer dans ses bras. Le squelette resta un moment les bras en l'air, toujours aussi mal à l'aise avec les contacts physique, avant de finalement se laisser faire et lui rendre son étreinte.


Dès qu'il sentit les mains du squelette dans son dos, toute la pression accumulée ces derniers jours retomba d'un coup. Frisk éclata lui aussi en sanglots, à la fois soulagé de savoir qu'il lui avait pardonné et fatigué par toutes ces émotions qui avaient décidé de ne pas le laisser tranquille. Une paire de bras supplémentaires vint s'ajouter au-dessus du duo. Papyrus ne comprenait pas ce qui se passait mais avait décidé de se joindre au câlin et de pleurer aussi pour compenser son incompréhension.


Ils restèrent enlacés un long moment comme ça avant de finalement reprendre contenance. Papyrus décida que Frisk était trop faible pour continuer son aventure comme ça et l'invita à rester à la maison pour la nuit. Il accepta bien sûr avec plaisir, et le squelette lui céda même son lit. Il ne fit pas long feu sur le matelas. A peine enroulé dans les couvertures et avant-même que Sans ne puisse commencer à lire l'histoire du soir de Papyrus, l'adolescent s'était endormi.


**********


"Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi il fait ce... ce bruit ? s'inquiéta Papyrus."


Sans et Papyrus se tenaient en retrait dans un coin de la pièce, l'air légèrement paniqué. Le petit squelette avait dressé une barrière d'os autour de lui et de son frère et son oeil brillait de peur. Frisk regarda les deux squelettes sans comprendre puis ramassa la petite boule de poil rousse et blanche qui s'était introduit par effraction dans leur maison.


"C'est un chaton, répondit l'enfant, un peu surpris. Il... Il ne vous fera rien. Vous n'avez pas de chats dans les Souterrains ?"


A bien y réfléchir, il était vrai que l'enfant n'avait jamais vu de félin là-bas. Des chiens, oui, par dizaines, mais aucun chat. Le petit animal miaula une nouvelle fois. Papyrus recula immédiatement contre le mur, effrayé.


"Mais pourquoi il fait ça ? Il est dangereux ? Humain Frisk, tu es sûr que c'est sûr ?

— Mais oui, rit l'enfant. C'est un bébé, il ne vous fera rien. C'est un animal de compagnie chez les humains, comme les chiens. Il fait juste des câlins et des ronrons. Il n'est pas dangereux. Vous pouvez le toucher."


Sans fut le premier à baisser sa garde et s'approcher. Il tendit une main tremblante vers la minuscule tête du petit animal. Le chat se colla à sa main et commença à ronronner. Émerveillé, le squelette le laissa venir sur lui et s'installa sur le canapé, son nouvel ami dans les bras. Papyrus, plus hésitant, laissa finalement une chance au chaton et vint le toucher brièvement. Presque cinq minutes après, les deux frères couvaient le minou de mots d'affection avec une voix gaga qui mit Frisk de bonne humeur.


"Il doit avoir un propriétaire, non ? demanda Sans. Qu'est-ce qu'il ferait tout seul ici ?

— Oh... On est loin de la ville, il a dû être abandonné.

— Abandonné ? s'exclama Papyrus, horrifié. Mais qui abandonne des bébés dehors ?"


Frisk eut un sourire triste une demi-seconde, comme s'il venait de se rappeler d'un mauvais souvenir, puis il se resaisit, préférant éviter le sujet.


"Ce n'est pas important. Peu importe le passé tant qu'il trouve une nouvelle famille pour l'apprécier comme il est.

— Pap'...

— Ah non, Sans ! On a déjà un caillou !

— Paaaap'.... geignit Sans en se couchant sur lui.

— Non ! Bouge de là, Sans ! Tu sens le ketchup !

— Mais il est tellement mignoooon...."


Papyrus croisa les bras pour se donner un air de gros dur. Le chaton monta dans ses bras, puis posa sa petite patte toute douce sur la mâchoire du squelette. Il résista près de trois secondes avant d'exploser.


"D'accord, on le garde. Mais tu as intérêt à t'en occuper !

— Super, je propose qu'on l'appelle Chat-Mallow, répondit immédiatement le squelette.

— Certainement pas. Tout sauf ça.

— Ok. Chat-perlipopette... Chat-Rabia était mieux de toute façon.

— Sans...

— On peut aussi l'appeler Chat-piteau, Chat-Pitre, Chat-Ouille... Chat me va aussi. Et toi, chat te va ?

— Sans, je te jure qu'un de ces jours, je vais t'étrangler dans ton sommeil."


Frisk caressa doucement la tête du chat, un sourire aux lèvres. A la fin, tout le monde finissait par trouver une famille. Tout n'était qu'une question de confiance.


**********


Une main se posa brutalement sur la bouche de Frisk. L'adolescent ouvrit les yeux en grand et voulut se redresser, mais Sans lui fit signe de se taire et d'écouter. Il regarda autour de lui, légèrement paniqué. Il n'était plus dans la chambre de Papyrus, mais dans celle de Sans, sans avoir la moindre idée de comment il s'était retrouvé là. A l'étage inférieur, trois voix étaient perceptibles. Celle de Papyrus, bien sûr, beaucoup moins sûr de lui qu'habituellement, mais aussi une voix qu'il aurait reconnut entre des milliers pour son timbre si particulier et sa grâce sans égale.


"Papyrus, arrête de te foutre de moi ! Tout Snowdin vous a vu ramener le bipède ici ! Dis-nous juste où est l'humain et on en restera là.

— Le capitaine a raison, répondit une troisième voix au timbre profond. Il n'y aura pas de sanction pour ton frère et toi. Mais la loi est la loi, et tu sais que tout humain doit être remis à la garde royale."


Undyne et Asgore s'étaient de toute évidence impatientés sur le programme habituel. Habituellement, il aurait déjà quitté Snowdin depuis longtemps. Peut-être qu'il avait trop tardé. Ce n'était pas bon. Papyrus et Sans risquaient d'avoir de gros ennuis à cause de lui.


"Où est ton frère ? exigea Undyne.

— Il est sorti, répondit Papyrus d'une voix tremblante.

— Arrête de mentir, Papyrus ! C'est lui qui t'as demandé de couvrir l'humain ? Il est dans sa chambre ? Sans ! Sors de là ou je défonce cette porte !"


Frisk se tourna pour l'interroger du regard, mais il avait déjà disparu. Il remarqua alors que la fenêtre était ouverte et qu'une "corde" de draps pendait vers l'extérieur. Toutes ses affaires étaient là également, ainsi que la veste de Sans, sur lequel un post-it était accroché.


"Ramène-la moi cette fois :) - S."


L'adolescent sourit, puis l'enfila. Il récupéra ensuite son sac avant de s'engager prudemment sur la façade de la maison. Il se laissa tomber sur les derniers deux mètres dans un tas de neige, laissé à son attention. Par la fenêtre de la cuisine, il aperçut le regard de Sans, qui lui fit un clin d'oeil. Il couvrirait sa fuite. Il avait fait une promesse à Toriel après tout.


Sans plus tarder, il courut vers la sortie de Snowdin et s'engagea dans Waterfall.


Laisser un commentaire ?