Horrortale : Pomme Pourrie

Chapitre 1 : Le roi est mort, vive la reine !

2107 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/11/2020 11:41

Les fleurs d’écho répétaient inlassablement la même chose partout autour d’elle sur un ton dramatique. Peut-être qu’elles savaient, elles aussi.


— Bonjour, ici Asgore Dreemur. Je ne suis pas disponible pour le moment, mais vous pouvez me laisser un message ou contacter la chef de la garde royale, Undyne, si c’est une urgence. Satisfaite ? Oh, Undyne, je crains que ça n’enregistre toujours, comment fait-on pour l’arrêter ?


La femme poisson jeta un regard noir à la fleur qui venait de prononcer cette phrase et elle l’écrasa sans autre forme de procès. Elle remarqua à peine que Papyrus trottinait derrière elle. Le pauvre squelette essayait désespérément de la rattraper, essoufflé malgré son manque de poumons. Elle n’avait pas le temps de faire attention à lui. Quelque chose n’allait pas, elle pouvait le sentir dans l’air. Cela faisait plus de quarante minutes qu’elle essayait de contacter le roi désormais, pour savoir comment s’était passé son entrevue avec l’humain. Sauf qu’il ne répondait plus. Certes, Asgore pouvait parfois être lunatique, mais il n’avait jamais fait le mort pendant aussi longtemps et la capitaine de sa garde commençait à s’inquiéter que quelque chose se soit mal passé. 


Son téléphone vibra dans sa poche. Sans s’arrêter, elle le sortit et décrocha.


— Un-Undyne ? C’est Alphys. Il… Il faut que tu-tu-tu te rendes au palais le plus-plus vite possible. Sans… Sans t’expliquera, il y est déjà. Oh… Et Undyne ? Tu vas… Tu vas devoir être f-forte.


L’estomac de la guerrière se serra. Alphys raccrocha immédiatement, la laissant les jambes tremblantes au milieu du chemin. Elle n’avait pas besoin d’y aller. Elle savait exactement ce qu’elle allait y trouver.


L’humain avait tué Asgore.


********


Sans avait décidé de suivre le combat d’Asgore et de l’humain de loin, prêt à intervenir si les événements tournaient mal. Il avait fait une promesse après tout. Pourtant, ce ne fut que bien plus tard qu’il se réveilla, la tête aussi lourde que si elle était passée sous un tracteur et sans la moindre idée de ce qui avait bien pu se passer. Dans un premier temps, il avait cru à un de ces mystérieux retour en arrière qui arrivait depuis que l’humain était là, sauf que cette fois, il ne se souvenait de rien.


Dans le hall du jugement, les oiseaux chantaient leur air mélancolique, comme pour l’avertir que quelque chose n’allait pas. Il mit quelques secondes à comprendre que les bruits de lutte avaient cessé. S’était-il endormi ? Il en doutait. Il était paresseux, mais pas à ce point-là ! Sans un bruit, le squelette se glissa dans la salle royale, déserte. Il passa le champ de fleurs jaunes et le trône pour rejoindre au plus vite la barrière magique.


Première mauvaise nouvelle : elle se trouvait toujours là, il pouvait l’entendre avant même d’entrer dans la pièce. La deuxième fut beaucoup plus surprenante. Au milieu d’un tas de poussière blanche, la cape et le trident d’Asgore gisaient au sol. Les conteneurs des âmes des précédents enfants capturés étaient brisés au sol et Frisk avait disparu. Son premier réflexe fut de rire nerveusement, avant que la réalisation de ce qui venait de se produire lui revienne à la figure. Le roi était mort. L’enfant avait disparu. L’avait-il tué ? Lui qui avait toujours refusé de lever la main sur qui que ce soit ? Il n’y croyait pas. Quelque chose d’autre avait dû se produire. Quelque chose d’autre avait forcément dû se produire. Frisk n’était pas un meurtrier. Il l’avait jugé, il le savait.


Et alors quoi ? Ce qu’il avait sous les yeux était juste une mise en scène ? Il ne parvenait pas à se convaincre que toutes les preuves étaient là. Il n’y avait personne d’autre ici et aucun monstre ne se serait jamais soulevé contre Asgore. Ses jambes tremblèrent et il finit par tomber à genoux, les mains sur la tête. Et s’il avait fait une erreur ? Et s’il avait provoqué ça en laissant cet humain passer ? Il avait voulu être plus malin, et voilà que la réalité le rattrapait : aucun humain n’était bon. C’était eux, les vrais monstres. Et Frisk en faisait partie. 


Il ne sut combien de temps il resta là à fixer le vide, tiraillé entre la colère qui montait en lui, l’incompréhension et la fatigue d’avoir aidé cet humain à survivre pour rien. Frisk ne l’avait pas seulement trahi. Il avait trahi le peuple des monstres. Maintenant que les âmes avaient disparu, qu’allait-il se passer ? Ils ne pourraient jamais sortir d’ici. Ils allaient tous mourir ici.


Des pas retentirent derrière lui. Undyne déboula dans la pièce et se figea d’horreur devant les restes du roi. Ses yeux s’embuèrent de larmes et elle tourna immédiatement les talons, les poings serrés, abandonnant le squelette à sa contemplation silencieuse. Sans l’ignora. Il s’en foutait. Plus rien n’avait d’importance désormais.


— Sans ? appela une voix familière. Qu’est-ce que tu fais… Qu’est-ce que... 


Le squelette tourna la tête vers son frère. Plus rien sauf lui. Le regard de Papyrus était braqué sur le tas de poussière. Son visage exprimait lui aussi une trahison qui lui serra le coeur. Son frère était gentil et un brin rêveur, mais pas idiot. Il comprit au premier coup d’oeil. Doucement, il s’approcha et vint s’asseoir en tailleur à côté de lui. Les deux frères restèrent muets un long moment.


— Sans… Je ne comprends pas. Est-ce qu’on a fait quelque chose de mal pour qu’il en vienne à… ça ? 

— Ce n’est pas de ta faute, Pap’. Ce n’est de la faute de personne. C’est la mienne. Je l’ai laissé partir.

— Sans...

— Je… Je ne comprends pas non plus. Je pensais que c’était la bonne, que cette fois on allait sortir d’ici… Peut-être que j’avais tort. Je n’aurais jamais dû le laisser partir. J’aurais dû le tuer à la minute où il a franchi les portes de Snowdin.

— Tu ne penses pas ce que tu dis, tu es juste en colère. Frisk n’aurait jamais fait du mal à Asgore intentionnellement. Peut-être qu’on rate quelque chose. Peut-être que c’est un puzzle. Il faut juste chercher plus loin. Le grand Papyrus ne s’avouera pas vaincu. 


Le squelette se redressa et s’approcha des restes d’Asgore. Papyrus souleva délicatement sa cape et une feuille blanche en tomba, sur laquelle était gribouillés quelques mots. Le regard de Sans s’illumina brièvement d’intérêt alors que son frère lisait le message à voix haute.


— Sans, si tu trouves ce message, garde-le pour toi. Tu avais raison chez Grillby. Il y a bien une fleur jaune qui parle et qui influence Papyrus. Il s’appelle Flowey. Il a tué Asgore et s’est enfui. Je vais chercher de l’aide à l’extérieur. Garde un oeil sur Flowey et ne le laisse pas manipuler les autres, il est dangereux. Je t’expliquerai quand je reviendrai. Je reviens vite, c’est une promesse. Frisk.


Papyrus baissa la feuille et posa le regard sur Sans. Il s’était relevé, sous le choc. Le plus jeune des deux avait l’air perplexe.


— Qu’est-ce que Flowey vient faire dans cette histoire ? Je… Je sais que tu m’as dit de ne plus lui parler, dit-il avec un air coupable, mais c’est un ami et je sais qu’il ne ferait jamais quelque chose comme ça.

— Oh, Papyrus… soupira Sans. Tu ne sais rien du tout sur son compte. Ce n’est pas ton ami, il cherche juste à te manipuler. Mais là tout de suite, ça n’a pas d’importance. Frisk n’a pas tué Asgore et il ne nous abandonne pas. Tout ce qu’on a à faire, c’est de prévenir… Les autres ne nous croiront jamais… Je sais que le gamin dit la vérité. Mais je ne sais pas comment le prouver. Undyne ne va pas laisser passer ça. En tant que capitaine de la garde royale, le trône lui revient de droit. A moins que… 


Il se figea et un fin sourire étira son visage.


— A moins que quoi ? répliqua Papyrus.

— Pap’, j’ai une mission d’une importance capitale à te confier. Tu vas courir après Undyne et la retenir le plus longtemps possible. Ne la laisse pas organiser le conseil sous aucun prétexte avant que je ne revienne, ne la laisse pas aller voir Alphys non plus. De toute manière, la loi dit que tant que tous les membres du conseil ne sont pas là, le vote d’un couronnement ne peut pas avoir lieu. Je suis un membre du conseil, Pap’.

— Depuis quand ? Depuis tout ce temps tu connaissais Asgore personnellement et tu ne m’as rien dit ? s’outra le squelette. 

— Trop fatigant. Fais-moi confiance, je n’en ai pas pour longtemps. Je sais exactement qui pourrait faire une meilleure reine qu’Undyne.


Le visage de Papyrus se teinta d’inquiétude et il se balança d’un pied sur l’autre.


— Je vais essayer, mais je ne sais pas si elle m’écoutera. Je l’ai entendue parler avec Frisk, elle a dit… Elle a dit que je ne rentrerai jamais dans la garde royale. 

— Frangin, tu as un carnet de soixante-quatre pages de raisons pour lesquelles elle a tort. Pourquoi est-ce que tu n’irais pas lui lire maintenant ? On règlera ça plus tard, je te le promets.

— D’accord, Sans. Mais… Fais attention à toi. Tu as déjà beaucoup utilisé ta magie aujourd’hui, et tu sais que c’est dangereux.

— Eh, ne t’inquiète pas, j’ai le crâne dur.


Papyrus roula des yeux, fait assez remarquable étant donné qu’il n’en avait pas. Il finit par hocher la tête et prendre la direction qu’avait pris la guerrière. Sans attendit qu’il soit hors de vue et ouvrit un de ses raccourcis. Celui-ci l’amena immédiatement en plein coeur de la toundra de Snowdin, devant une gigantesque porte. Il prit une grande inspiration, puis toqua deux coups contre.


— Toc, toc.


Il attendit quelques secondes. Comme il le redoutait, il n’eut pas de réponse. Il prit une grande inspiration. Il savait qu’elle était là. Il ne pouvait pas l’expliquer, mais il sentait sa présence derrière la porte.


— Pas d’humeur ? Je comprends. Mais je pense que les nouvelles vont vous intéresser. Le gamin est rentré chez lui. Asgore ne l’a pas tué. Mais… A la place… C’est une longue histoire. Je vous la raconterais une fois qu’on sera en face à face. Je sais qui vous êtes, votre Majesté. Je n’avais pas fait le rapprochement tout de suite, mais Frisk m’a donné quelques indices. Toriel… Asgore est mort, mais ce n’est pas Frisk qui l’a tué. Pourtant, dans quelques heures, tout le monde va penser le contraire. J’ai besoin de quelqu’un capable de les convaincre. Je pourrais le faire, mais je doute que quelqu’un me prenne au sérieux. Je ne suis personne pour le capitole. Alors que vous… 

— Est-ce que Frisk est réellement parti ? Il est en sécurité ?

— Eh, une promesse est une promesse. Le gamin est sans doute loin, mais il a dit qu’il reviendrait avec de l’aide pour briser la barrière. Et pour une fois, j’ai envie de le croire. Pas vous ?


La porte se déverrouilla. Une tête de chèvre blanche passa discrètement par l’entrebaîllement. Toriel, les yeux embués de larme, sourit franchement à Sans. Le squelette rougit légèrement, plus certain qu’il s’agisse d’une bonne idée.


— Rentre, mon cher ami. Il faut que je récupère quelques affaires et nous pourrons y aller.


Sans hocha la tête et la suivit à l’intérieur des Ruines.

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