Il y a comme un os
Sans aucune surprise, Sans remporta la partie. Et les trois qui suivirent. Frisk, contrarié, lui jeta les cartes dans les mains alors que la voiture se garait dans l'allée de garage d'Alphys et Undyne. Loin de s'en offenser, Sans ricana gentiment, et lui dit qu'il aurait plus de chances la prochaine fois. Comme s'il y aurait une prochaine fois ! ... Il y en aurait une. Frisk ne savait pas comme Sans s'y prenait, mais à chaque fois qu'il se promettait de ne plus jouer aux cartes avec lui, ça finissait quand même par arriver. Tant qu'il ne comprenait pas comment le squelette réussissait à tricher sur tous les jeux de cartes, il se devait de continuer. Sa chance ne pouvait pas durer éternellement !
Frisk ne remarqua qu'en descendant du véhicule que Sans lui avait complètement fait oublier le stress de la rencontre à venir. Sa bouche s'ouvrit sur un « O » muet alors qu'il se tournait vers le squelette. Sans feignit de l'ignorer, mais Frisk savait qu'il l'avait fait exprès.
D'un léger coup de poing dans le dos, l'enfant lui gratifia sa reconnaissance. Sans lui fit un clin d'œil, avant de l'inviter à les suivre vers la maison d'Undyne et d'Alphys.
Ils n'eurent pas le temps de sonner. La porte s'ouvrit sur une furie bleue qui attrapa Papyrus par le cou pour lui frotter frénétiquement la tête. Le squelette poussa toutes sortes d'onomatopées étranges en essayant de se libérer, avant d'accepter son sort et de laisser pendre l'avant de son corps pitoyablement dans les bras de sa meilleure amie.
— Ça, c'est pour avoir zappé toute une semaine d'entraînements avec moi, grogna Undyne, faussement en colère.
— C'était la dernière semaine de révisions avant mes examens, geignit Papyrus. Je travaillais !
Frisk sourit et après un rapide câlin à son amie guerrière, il se glissa derrière elle pour suivre Toriel et Sans dans le salon. L'anxiété de Frisk revint au galop quand il découvrit que la pièce avait été réaménagée en laboratoire improvisé. Les canapés avaient été poussés contre les murs pour laisser la place à une grande machine, devant laquelle Alphys était affairée. Des câbles dans les mains, et branchait et débranchait frénétiquement des tuyaux à une espèce de cabine aux vitres bleutées. Sans ne perdit pas de temps et s'en alla l'aider, ce qui ne fit que renforcer l'idée que quelque chose n'allait vraiment pas avec lui. Si même Sans prenait le problème au sérieux, alors peut-être que c'était plus grave que ce que Toriel lui avait assuré.
Une main douce se posa sur son épaule. Frisk releva la tête vers sa mère adoptive.
— Ne t'inquiète pas, dit-elle gentiment. Tu es entre de bonnes mains, tout va bien se passer.
Il hocha la tête, avant de se diriger vers l'un des canapés contre le mur pour s'asseoir. Alphys lui adressa un sourire rassurant et un petit signe de main qu'il lui rendit, avant qu'elle ne se concentre de nouveau sur la machine.
Une masse s'affala à côté de lui, le faisant sursauter. De toute évidence, Undyne et Papyrus avaient terminé de discuter, puisque la femme-poisson l'avait rejoint. Elle lui ébouriffa affectueusement les cheveux, avant de siffler en apercevant ses mains. Mal à l'aise, Frisk tenta de les cacher de nouveau sous ses manches.
— Pas de ça avec moi, gamin. J'ai déjà vu tous les os de Papyrus, c'est rien qu'un pet de mouche, ça. Une fois dans le bus, il avait mis un pantalon tellement serré que, lorsqu'il s'est baissé pour aider une petite mamie à ramasser son parapluie, la couture a explosé et tout le monde a eu un aperçu sur son pelvis, lui chuchota-t-elle à l'oreille. Il n'y a pas de honte à avoir !
Frisk laissa échapper un petit rire, avant de se tourner vers le squelette, assis de l'autre côté. Ses joues avaient pris une teinte rouge cramoisi, signe qu'il avait parfaitement entendu ce qu'Undyne venait de dire, et pourtant, il persistait à prétendre le contraire. Son embarras déclencha un rire nerveux chez Frisk, qui sentit la tension redescendre un peu.
— Merci, dit-il sincèrement à la femme-poisson. Je crois que j'avais besoin d'entendre ça.
Sans se rapprocha d'une table en métal non loin. Il déballa une aiguille sous les yeux inquiets de Frisk, qui se ratatina dans le fond du fauteuil, puis tenta de se cacher derrière Papyrus. L'enfant s'accrocha à son écharpe rouge de toutes ses forces et enfonça son visage à l'intérieur, comme si ça pouvait le protéger de ce qui arrivait.
Malheureusement, ça ne suffit pas à échapper au deuxième squelette, qui s'assit dans le canapé entre Undyne et Alphys. Frisk lui lança un regard rapide, remarqua l'aiguille qu'il tenait dans la main, et s'enfonça de nouveau dans l'écharpe de son ami.
— Frisk ? tenta Sans. Tu peux me regarder ?
Frisk hocha négativement la tête, la respiration haletante. Il ne voulait pas faire ça ! Pourquoi fallait-il que Toriel remarque ses bras ? Il allait bien ! Il n'avait pas besoin d'inquiéter tout le monde ! Il n'avait pas envie de voir un docteur !
— Allez, Frisk, tu ne vas pas avoir peur d'une petite piqûre ? réagit Undyne, ce qui ne fit qu'inquiéter davantage l'enfant.
— 'Dyne, je ne suis pas sûr que ça aide.
— Oh, ça va, hein. Il te fait la gueule aussi si t'as pas remarqué.
Papyrus gigota sous lui. Frisk s'accrocha à son dos, mais le grand squelette le décrocha gentiment de derrière lui, pour le déplacer sur ses genoux. Frisk s'accrocha à lui comme une bouée de sauvetage et refusa de le lâcher, et encore moins de regarder dans la direction de Sans.
— Tu n'es pas obligé de regarder, lui dit Papyrus. Juste à me serrer très fort jusqu'à ce que ce soit terminé. Est-ce que ça irait pour toi ?
Frisk hésita. Il tourna légèrement la tête vers Sans, qui lui offrit un sourire rassurant. L'aiguille avait disparu de ses mains. Méfiant, l'enfant hocha timidement la tête, avant d'enfouir de nouveau sa tête dans le t-shirt de son ami. Papyrus le serra dans ses bras.
Une main lui attrapa gentiment la cheville et la tira en arrière. Frisk se crispa, luttant de toutes ses forces contre l'envie de se débattre. Papyrus relâcha une de ses mains pour la poser sur son genou. Frisk gémit, terrifié d'avoir été trahi par son unique allié, mais se figea quand une douce lumière verte l'entoura entièrement. Il leva la tête vers Papyrus, perdu, et sentit à peine le pincement sur le côté de son pied.
— C'est tout bon, annonça Sans.
Surpris, Frisk tourna la tête vers le squelette, qui tenait un flacon de sang plein dans les mains. Les traces de la piqûre disparurent en quelques secondes sous la magie de Papyrus.
— J'ai rien senti, dit-il en fronçant des sourcils.
— Tu as été très brave, l'encouragea Toriel, non loin, qui tenait un des tuyaux d'Alphys dans les mains.
— Je te l'ai dit ! approuva Undyne. Si tu peux survivre à une tempête de lances, tu peux survivre à une petite piqûre de rien du tout, punk ! Et maintenant, on explose la seringue, nyaaaah !
Undyne arracha la seringue des mains de Sans et la jeta contre le mur. L'aiguille se planta dans le plâtre comme sur un jeu de fléchettes. Alphys poussa un soupir, avant d'aller la récupérer.
Sans se tourna vers l'enfant.
— C'était le but, dit-il d'une voix calme. La magie de soin peut endormir la douleur partiellement. Désolé pour la frayeur, tu sais que j'aime pas faire ça. On en a besoin pour vérifier que le problème ne vient pas de là, expliqua-t-il patiemment.
Frisk hocha la tête nerveusement, mais resta accroché à Papyrus. Sans lui ébouriffa les cheveux avant d'aller poser l'échantillon dans une machine bizarre, à côté d'un ordinateur. Sans se laissa tomber sur le siège et commença une série de manipulations.
Maintenant que le danger était écarté, Frisk se détendit légèrement et relâcha l'écharpe de Papyrus auquel il se cramponnait toujours. Le squelette l'aida à s'asseoir sur ses genoux. Ce n'était pas très confortable, mais Frisk n'avait pas envie de lâcher ce qui semblait être son seul allié dans cette bataille. Alphys, Toriel, Sans, Undyne... Ils voulaient tous trouver ce qu'il avait. Papyrus n'avait fait que s'inquiéter pour lui et le réconforter.
— Est-ce que tu veux prendre un peu l'air ? l'encouragea Papyrus. On peut faire une pause si tu en as besoin.
Frisk hésita, avant de secouer la tête. Il n'avait pas besoin de sortir. Il avait juste besoin que Papyrus le serre dans ses bras et le protège de peu importe ce qu'avait prévu Alphys.