Il y a comme un os

Le trajet du retour s'effectua dans un silence tendu. Papyrus et Undyne tentèrent bien de détendre l'atmosphère avec quelques chicaneries, mais Frisk n'y était pas réceptif, le regard rivé sur ses nouvelles jambes squelettiques. Il ne pouvait l'expliquer, mais il avait l'impression que ça s'étendait, et ne tarda pas à en avoir la confirmation quand il surprit Undyne le dévisager dans le rétroviseur, et glisser quelques mots à Papyrus. Frisk tenta bien de se regarder dans le miroir, cependant, Undyne le tourna précipitamment de l'autre côté. Il n'avait pas besoin de se voir, il sentait que la squelettisation venait d'atteindre son visage.

La voiture se gara sur la place de parking dédiée devant la maison. Frisk n'attendit pas ses amis pour rentrer. Ils devaient décharger le coffre de toutes ses peluches. L'enfant saisit son ours en peluche et poussa la porte. Il retira ses chaussures, boueuses, par respect pour le parquet blanc d'Undyne et Alphys, quand son attention se focalisa sur les voix dans le salon.

— Je ne comprends p-pas, dit Alphys. Tu es p-parfaitement normal, Sans, ça ne p-peut pas venir de toi, et ça ne c-correspond pas non plus à la signature de T-Toriel.

— On va trouver, Al. Le gamin a été en contact avec Asgore récemment ? Peut-être que ça peut venir de lui ?

— Ça n'expliquerait pas pourquoi il se transforme en squelette. Je suis certaine qu'il n'y a aucun squelette parmi nos ancêtres, et toi et ton frère êtes trop jeunes pour avoir été en contact avec les vôtres.

— Et s-si ça venait de P-Papyrus ? Si ce n'est pas t-toi, Sans, peut-être que ça vient de l-lui.

Frisk décida de se manifester, curieux de ce qui provoquait les inquiétudes de sa famille. Il leva un sourcil. Sans se trouvait torse nu, dans la machine, le regard inquiet. Toriel et Alphys analysaient les résultats sur l'ordinateur, perplexes. Le squelette fut le premier à le remarquer, et se figea.

— Euh... Tori ?

Les deux femmes levèrent les yeux, avant de se figer à leur tour. Frisk ne comprit leur réaction qu'en se tournant vers le miroir accroché au mur. Son visage avait disparu, remplacé par le crâne en dessous. Un fin voile translucide entourait le contour de sa tête, comme pour ses bras précédemment. Frisk lança un regard plein de détresse à Sans.

— Eh, tout va bien, Frisk. On va trouver, d'accord ? tenta-t-il de le rassurer. Où est Papyrus ?

Papyrus et Undyne choisirent leur moment pour faire leur apparition, camouflés derrière une montagne de jouets. Sans pouffa à cette vision insolite, au contraire d'Alphys, dont les épaules s'affaissèrent de défaite.

— Pitié Undyne, d-dis-moi que ce n'est pas p-pour mettre dans la chambre...

— Juste quelques-unes, promis. C'est Papyrus qui les a gagnées, pas moi.

L'intéressé haussa les épaules, avant de lancer un regard interrogateur à son frère, en train de s'extirper de la machine. Sans attrapa le t-shirt que Toriel lui tendit et l'enfila, avant de se tourner vers son frère.

— Papyrus ? Est-ce que tu pourrais nous aider avec quelque chose ? demanda Sans.

— Avec plaisir ! s'enthousiasma-t-il. Le grand Papyrus est toujours ravi d'apporter son assistance dans les situations périlleuses !

— Tu pourrais... Aller dans la machine ?

Tout le corps du squelette se crispa. Frisk lui jeta un regard interrogateur. Papyrus ne dit rien pendant un long moment, le sourire figé. Les épaules de son frère s'affaissèrent légèrement.

— Je sais. Je ne te le demanderais pas si ce n'était pas important, dit-il mystérieusement.

— Je suppose que... Je peux le faire, finit par répondre Papyrus, clairement mal à l'aise.

Ce changement soudain de réaction inquiéta Frisk. Se pouvait-il que Papyrus n'aime pas les docteurs, comme lui ? Dans un soupir, Papyrus s'approcha de son frère, qui lui demanda de retirer son haut et ses gants. Le squelette tiqua, et ramena instinctivement ses mains contre sa poitrine, défensif.

— Tout va bien ? demanda Undyne, qui devait elle aussi avoir remarqué la tension dans l'air. Papyrus ? Si tu ne veux pas le faire, on ne le fait pas.

— Je vais le faire, répondit-il précipitamment. Juste... Laissez-moi une minute.

Sans hocha la tête et recula d'un pas. Papyrus se retourna. Ses gants tombèrent au sol, mais avant que quiconque puisse voir ce qu'il cachait, il se jeta dans la machine. Son haut vola par la porte ouverte, puis il se tourna vers Alphys. Cette fois-ci, Frisk haussa un sourcil. Papyrus agissait vraiment étrangement. Était-ce vraiment étonnant ? Le squelette avait toujours été excentrique après tout.

Frisk frémit quand la machine se mit en route. Il se rapprocha subtilement de Sans pour se rassurer, alors que des rayons lumineux passaient sur les côtes de Papyrus. À l'intérieur de la machine, le squelette paraissait tendu.

Alphys poussa soudain une exclamation.

— J'ai t-trouvé !

Sans alla rejoindre la scientifique, avant de se laisser tomber sur la chaise d'à côté. Frisk et Papyrus échangèrent un regard interrogateur. De toute évidence, ni l'un ni l'autre ne comprenait ce qui venait de se passer.

— Tout s'explique, s'enthousiasma Toriel. Je me demandais quand un moment pareil se représenterait. Mais du coup, ce qui arrive à Frisk est explicable. C'est déjà arrivé avant. Il y a très longtemps. Peut-être pas à un point aussi extrême, mais... Étant donné la nature de son âme, peut-être que c'était voué à advenir. Les âmes déterminées sont naturellement plus sensibles et à même de résonner avec notre magie.

— C'est déjà arrivé avant ? Pendant la guerre ? demanda Sans.

— Oui, et avant. C'est un phénomène rare, mais parfois, au contact de magie puissante, l'âme peut muter et s'hybrider pour mieux tolérer l'exposition aux flux magiques.

— Hum... C'est très intéressant, intervint Papyrus, mais on peut savoir ce qui se passe ?

Sans, Toriel et Alphys relevèrent la tête vers Papyrus, et Frisk, aussi perdus l'un que l'autre. Toriel sourit gentiment.

— Allons nous asseoir autour d'une tasse de thé. Nous allons devoir discuter de certaines choses, tous ensemble.