Le Royaume des Rats

Chapitre 7 : Le Visiteur

8530 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/10/2018 21:30

L’horloge du temple de Verena sonna neuf coups. Le soleil était déjà haut dans le ciel, et éclairait généreusement la ville de Steinerburg. Et déjà, les citoyens circulaient dans les rues, les commerçants appâtaient la clientèle à grands renforts de slogans, et les miliciens patrouillaient.

 

La ville était donc éveillée, et travaillait. C’était à cette heure que le Prince avait l’habitude de recevoir dans son cabinet le personnel à son service. En l’occurrence, il écoutait son plus ancien employé.

 

-         Or donc, votre Altesse, c’est une opportunité que je souhaite mettre à profit. Ce fut un très grand privilège de travailler pour vous, mais je pense pouvoir faire quelque chose de plus pour le Royaume des Rats. Mon beau-frère est clerc au temple de Verena, et il m’a recommandé auprès du prieur Tomas.

 

Le titre complet du prieur Tomas était « Grand Prêtre Tomas », ou « Prévôt Tomas », il cumulait les deux fonctions, et donc représentait l’ordre et la justice dans le Royaume des Rats. De ce fait, son autorité était la plus élevée dans la hiérarchie de Vereinbarung après celle du Prince.

 

Ludwig Steiner se frotta le menton.

 

-         Ma foi, je comprends ta décision. Tu as raison, la vie est courte, et ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir l’occasion de changer de métier, comme ça. Tu as été un très bon serviteur, Samuel, tu es intelligent, tu es bien éduqué et instruit… et puis, ce sera une meilleure situation pour toi, et plus tard un meilleur cadre pour ta famille.

-         Je vous assure, votre Altesse, que je n’ai jamais eu à me plaindre de ma situation auprès de vous ! Qu’il soit question des gages ou du traitement, j’ai parfaitement conscience d’avoir été privilégié par rapport à d’autres. C’est juste que je voudrais expérimenter quelque chose de différent. Avant d’entrer à votre service, je voulais justement être avoué. J’ai vraiment eu beaucoup de plaisir à travailler pour vous, et à rencontrer vos enfants, mais je souhaite penser avant tout à ma vie, et à mon avenir.

-         Ce qui est tout à fait normal, Samuel. Bien, tu verras avec Langeneus les termes de la fin de ton engagement ici. Je te souhaite une belle réussite et beaucoup de bonheur dans ta vie.

-         Merci mille fois, votre Majesté.

 

Samuel Heifetz s’inclina respectueusement et quitta la salle du trône. Conscient de la lourde charge de l’emploi du temps du monarque, il ne s’offusqua guère de la brièveté de l’entrevue. Cet homme brun, de taille moyenne, et assez ventripotent, avait suivi Steiner dans son exil forcé d’Altdorf. Avec Magdalena, il était d’ailleurs le seul serviteur ayant été engagé avant cette fuite encore en vie ; tous les autres avaient été impitoyablement massacrés en une nuit par les Skavens Sauvages du Prophète Gris Vellux.

 

Quand les premiers habitants de Vereinbarung avaient pris leurs quartiers dans le nouveau royaume, le Prince avait fait de Samuel son principal intendant. Avec le temps, il avait eu de plus en plus de domestiques, palefreniers, et autres. Il partait l’esprit léger, sachant que son départ ne perturberait en rien la marche du manoir Steiner.

 

Une fois les modalités réglées, Samuel quitta le domaine pour la dernière fois avec une malle pour tout bagage – il avait déjà déplacé le gros de ses affaires dans la maison du Quartier de la Balance, là où se trouvaient les maisons des citoyens les plus aisés et le grand tribunal. Il se retourna une dernière fois, regarda la double porte en train d’être refermée, et poussa un petit soupir avant de repartir.

 

Toute la ville de Steinerburg était bâtie sur une haute colline, la demeure du Prince au sommet, et le domaine alentour s’étendait ainsi sur hauteurs de la colline. Ce qui représentait environ un quart de sa surface. Tout le reste et les alentours étaient occupés par la ville elle-même. Le Quartier de la Balance était adjacent au domaine. Puis venait le Quartier de la Couronne, où vivaient les marchands, à côté du Quartier du Marteau, qui rassemblait les enseignes des artisans, ainsi que la caserne des gardes de la ville. Les habitations plus modestes du Quartier de la Colombe avoisinaient le Quartier du Calice, où l’on pouvait trouver l’un ou l’autre des grands temples. Enfin, au pied de la butte, s’étendait le secteur des foyers des paysans et roturiers, et l’on le surnommait affectueusement « la Souricière ».

 

Il n’y avait pas de rivière qui coulait à travers la ville, ni même à proximité, et la source la plus proche était à une demi-heure de marche. Fort heureusement, quelques années plus tôt, le célèbre Tueur Nain Gotrek Gurnisson, alors en mission de reconnaissance pour le compte du Prince, avait dessiné les plans et lancé la construction d’un aqueduc. La colline avait été ainsi irriguée, et plusieurs réservoirs avaient été bâtis, afin de laisser un peu de réserve en cas de siège. Cela n’était jamais arrivé, mais les habitants de Steinerburg restaient prudents, et cette possibilité n’était jamais complètement négligée.

 

Un unique rempart équipé d’une vingtaine de tours munies de canons entourait toute la colline. La portion de muraille la plus élevée donnait directement dans le parc de la maison Steiner. Certes, la demeure du Prince était par conséquent assez proche du rempart, mais comme elle était près d’un flanc particulièrement escarpé, il n’était pas possible d’atteindre le manoir sans passer par le village, à moins d’être un grimpeur hors pair. Il n’était alors guère envisageable de craindre l’attaque d’une cohorte par ce côté.

 

La défense était assurée pour l’extérieur, et des miliciens veillaient à la sécurité entre les murs. Steinerburg n’était pas encore gangrenée par la criminalité, pas même dans la Souricière, et le Prince tenait à ce que les choses restassent le plus longtemps ainsi.

 

Alors que Samuel s’apprêtait à quitter la large rue pavée menant au domaine princier, il aperçut un important cortège. Il s’agissait d’une calèche décorée d’ornements précieux, solidement escortée par des cavaliers Humains en armure.

 

Les arrivants, tous Humains, étaient des hommes lourdement armés et protégés, à cheval autour d’une calèche décorée d’ornements précieux. Le cocher annonça aux gardes :

 

-         Holà ! Faites place à Maître Eusebio Clarin, ambassadeur de sa Grâce, le Prince Roderigo Calderon de Sueño !

 

L’Humain ventripotent se souvint alors ; l’un des voisins du Prince Ludwig le Premier, fraîchement arrivé dans les Royaumes Renégats, avait effectivement proposé d’envoyer un ambassadeur, en vue d’un éventuel établissement de liens commerciaux. Les gardes, prévenus, ouvrirent les portes, laissant la voie libre au cortège.

 

Le cocher s’arrêta devant la demeure. Trois palefreniers approchèrent pour emmener les montures aux écuries. Le valet resté à l’arrière de la calèche s’empressa d’ouvrir la porte et de placer un petit escabeau sous le pied de l’ambassadeur qui descendit.

 

Avant de partir, Samuel voulut voir à quoi ressemblait l’invité du Prince.

 

C’était un homme de taille moyenne, mince, au teint basané, au nez aquilin, et aux yeux qui étincelaient sous ses cheveux noir de jais soigneusement coupés et coiffés. Une petite moustache bien taillée achevait de le rendre élégant. Il portait un costume aux couleurs vives, cousu dans de précieuses étoffes.

 

Eusebio Clarin ne put réprimer un petit pincement au cœur en descendant du carrosse. Il n’arrivait définitivement pas à s’habituer à l’idée de se retrouver face à ces hommes-rats. L’un d’eux, engoncé dans une livrée, approchait d’ailleurs de lui.

 

-         Soyez le bienvenu à Steinerburg, Excellence. Vous êtes attendu. Le voyage a-t-il été paisible ?

 

Pas question pour l’homme de se montrer agressif d’emblée. Il se surprit lui-même quand il s’entendit parler sans mépris ni gêne à la créature en ces termes :

 

-         Aucun problème, je vous remercie.

 

L’homme-rat – ou « Skaven », comme ils se dénommaient – sourit de toutes ses incisives.

 

-         Parfait ! Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire à vos appartements. Permettez-moi de m’occuper de vos bagages.

-         Faites.

 

Clarin se demanda avec un petit sourire comment ce Skaven en livrée allait porter le coffre qui contenait ses affaires. L’homme-rat siffla, et deux autres hommes-rats très grands, au pelage noir, arrivèrent bien vite. L’Humain ne sourit plus, impressionné par la carrure des nouveaux arrivés.

 

-         Ne vous en faites pas, Messire Clarin. Ils sont bien plus agiles qu’ils n’ont l’air. C’est par ici.

 

Tous les quatre entrèrent dans le bâtiment. Le diplomate observa la richesse des lieux : tapis luxueux, lustres de cristal, peintures à la poudre d’or laissaient paraître le goût du Prince pour les arts des différents pays.

 

-         Votre monarque semble s’être bien acclimaté.

-         En effet, Messire.

-         J’ai l’impression que la décoration présente des thèmes sur la nature, les arbres… il y a beaucoup de pièces précieuses qui les représentent.

-         Sa Majesté est originaire de Talabheim. Vous connaissez ?

-         Je n’y suis jamais allé, mais je crois savoir que c’est un endroit très forestier ?

-         C’est le cas, Messire. Et Taal et Rhya sont priés dans notre royaume.

-         Le Prince Ludwig Steiner favorise donc ces dieux ?

 

Le domestique se permit quelques secondes de réflexion avant de répondre :

 

-         Bien que né dans l’Œil de la Forêt, son Altesse est davantage rattachée à Verena.

-         Ah, je vois.

 

Le Skaven en livrée s’arrêta devant une porte, qu’il ouvrit.

 

-         Voici votre chambre. Vous l’occuperez le temps de votre séjour ici. C’est la chambre des Jonquilles.

-         La chambre des Jonquilles ? répéta Clarin.

-         On a donné des noms de fleurs aux chambres d’amis, souvenir de Talabheim.

 

L’émissaire remarqua sur la porte une gravure qui représentait un bouquet de jonquilles. Les deux Skavens Noirs posèrent la malle dans la chambre, et se retirèrent sans un mot. Clarin fit une petite moue.

 

-         Bien, avec la permission de son Altesse, je vais soigner ma présentation avant de la rencontrer.

-         La petite-fille du Prince vous conduira à la salle d’audience. Quand voulez-vous qu’elle vienne vous chercher ?

-         Hum… disons dans une demi-heure ?

-         Comme il vous plaira, Messire. Je dois maintenant prendre congé de vous.

-         Un instant !

 

Le diplomate fouilla dans sa poche, et se félicita d’avoir gardé des couronnes impériales sur lui, la seule monnaie en cours dans la principauté Steiner.

 

-         Jeune homme, comment vous appelez-vous ?

-         Gerd, Messire Clarin. Pour vous servir.

-         Eh bien, Gerd, je vous remercie de m’avoir donné une image si positive de votre peuple.

 

Il glissa une poignée de pièces dans la main du domestique. Celui-ci s’inclina poliment.

 

-         C’est à moi de vous remercier, Messire. Je vous souhaite un très agréable séjour parmi nous.

 

Puis il quitta l’Humain en refermant la porte derrière lui.

 

Clarin poussa un soupir de soulagement. Pour le moment, tout s’était bien passé. Il avait imaginé ce premier contact avec une appréhension certaine. Les Skavens n’étaient pas associés à de bons souvenirs dans la mémoire du gentilhomme. Quand son monarque l’avait chargé de cette mission, il avait demandé la raison de ce choix. Pourquoi lui ? Il n’avait pas eu de réponse. Et pourtant, Clarin n’avait pas caché son antipathie à l’égard des hommes-rats. Le Prince Calderon avait-il voulu le tester ? Ou bien s’amuser à ses dépens ? Il ne pouvait pas avoir délibérément envoyé son serviteur le moins à l’aise avec ces créatures par hasard. Et risquer de compromettre une mission diplomatique importante ?

 

Peut-être que je me fais des idées… Calderon veut sans doute me prouver que je suis assez consciencieux pour mener à bien cette mission sans laisser mes propres émotions submerger ma raison ?

 

Il décida de ne plus y penser. En voyant le grand baquet de bois rempli d’eau chaude, le savon, les parfums et la serviette, il eut un sourire réjoui.

 

Une demi-heure plus tard, Eusebio Clarin était fin prêt à se présenter devant le Prince. Il répéta intérieurement la procédure qu’il avait déjà suivie des dizaines de fois.

 

Donc, originaire de Talabheim, placer un petit mot ou deux en faveur de Taal et Rhya. Éviter les allusions à la disparition du Graf Feuerbach. S’enquérir des richesses de son royaume une fois la glace brisée…

 

Il fut interrompu dans ses pensées par trois coups frappés à la porte de sa chambre.

 

-         Oui, qu’est-ce que c’est ?

 

Une voix claire résonna à travers le bois.

 

-         Messire Clarin ? Êtes-vous apprêté ?

 

Sûrement la jeune fille qui vient me chercher.

 

-         Je le suis. J’arrive, ma Dame, j’arrive.

 

Il se posta devant le miroir accroché au mur, se recoiffa rapidement, se lissa la moustache, soucieux d’avoir l’air impeccable. Mais quand il ouvrit la porte, son sourire se crispa, et il ne put s’empêcher de hausser les sourcils, surpris.

 

-         Bonjour, Messire Clarin.

 

Une jeune fille-rate, au pelage couleur de blé, se trouvait devant lui. Elle portait une robe élégante, un collier d’or, et le diplomate reconnut l’essence caractéristique d’un parfum tiléen.

 

-         Je suis Bianka Steiner. Je vais vous présenter à mon grand-père, le Prince Steiner.

-         Mais… j’avais entendu dire que le Prince était un Humain ?

-         Il l’est, Messire, répondit la jeune fille du tac au tac. Il a adopté deux Skavens qui se trouvent être mes parents.

 

Subitement, le diplomate se rappela ce détail, et s’en voulut de n’avoir pas compris plus tôt toutes les implications.

 

-         Je vous suis.

 

Et tous deux se dirigèrent vers la salle du trône. Chemin faisant, l’Humain voulut continuer la conversation. Frustré de ne pas avoir à ses côtés une femme jolie à son goût à séduire, il laissa des questions de plus en plus triviales se bousculer dans son esprit.

 

Je me demande si elle a froid aux pieds ? Tous les hommes-rats que j’ai vus ici ne portent pas de souliers, ni de bottes, ni rien d’autre. Est-elle gênée par cette… queue ? Allons, Eusebio, ressaisis-toi, mon vieux ! Ce ne sont pas des questions convenables !

 

-         Vous avez l’air très bien installés. Ce manoir est superbe.

-         N’est-ce pas ? Mon grand-père a toujours apprécié l’art tiléen. Il a fait venir un architecte réputé de Miragliano pour restaurer les lieux.

 

Clarin était de plus en plus perplexe. Il n’arrivait définitivement pas à croire qu’il était en train de converser avec une Skaven comme si de rien n’était. Il ne sut déterminer si cela le satisfaisait ou le révoltait. Finalement, il ne put s’empêcher d’aborder un sujet qui le dérangeait depuis qu’il s’était rappelé l’identité du géniteur de cette jeune fille.

 

-         Je crois savoir que votre père vénère une divinité que les Quatre Peuples de l’Empire considèrent comme hautement maléfique. On l’a déjà entendu jurer au nom de cette divinité.

-         Je sais.

-         Ah oui ? Ce n’est donc pas un secret ?

-         Non, ce n’est pas secret. C’est discret. Tout le monde a ses petites excentricités. Le peuple est heureux, les croyances de mon père n’ont pas d’importance.

-         Et ça ne vous dérange pas ?

 

Bianka plissa ses lèvres.

 

-         Il fait ce qu’il veut. Moi, je crois en la déesse Verena.

-         Vous, une Skaven ?

-         J’ai appris à me fier aux puissances des dieux suivis par les Humains. Je crois aussi en Shallya, la Déesse de la Compassion. Elle pardonne à tous, en dehors de ceux qui détruisent par la maladie. Le Rat Cornu n’est pas le Seigneur des Mouches.

-         Les Skavens répandent la maladie sur le monde, ma Dame. J’en sais quelque chose.

 

Ils étaient à présent devant une grande double porte ouvragée, chaque pan était pourvu d’un lourd marteau de bronze.

 

-         Ils ne sont pas des démons de Nurgle, et je sais qu’ils éprouvent plus de souffrance que de frénésie destructrice. En outre, vous savez bien qu’ici, les Skavens sont élevés différemment. Nous sommes des citoyens, au même titre que les Humains. Et nous nous distinguons de ceux que vous parlez en les appelant « Skavens Sauvages ». Si j’étais une Skaven Sauvage, je serais enfermée dans une cave, et servirais de machine à pondre. Leurs femelles n’ont aucun autre rôle dans leur société. Et pour ce qui est du Maître Mage, il a toujours suivi le Rat Cornu, mais d’une manière très différente.

-         Vous a-t-il déjà proposé de suivre les enseignements de son dieu ?

-         Non, répondit alors une tranchante comme un couperet.

 

Clarin avait sursauté. Il se retourna, et se trouva face au Skaven Blanc, arrivé discrètement par un couloir annexe, qui le regardait d’un œil contrarié. L’Humain resta quelques instants à le contempler, fasciné. De sa vie, il n’avait jamais vu de Skaven Blanc, et savait pourtant combien ils pouvaient être dangereux, sombres magiciens manipulant les vents de magie pour les transformer en miasmes corrupteurs ou en tempêtes de pluies acides. Et pourtant, celui-là ne lui inspirait ni peur, ni dégoût. Il tressaillit de surprise en réalisant que, trop absorbé par sa réflexion, il avait failli ne pas l’écouter expliquer :

 

-         Comme ma fille vient de vous le dire, j’ai ma propre version de la parole du Rat Cornu. Mais je n’ai jamais imposé quoi que ce soit à mes enfants. Je leur ai laissé le choix de leurs croyances-convictions. Je leur ai même demandé de ne pas me suivre sur le chemin du Rat Cornu. Moi, j’ai vu et vécu des choses qui m’ont fait réfléchir et voir la volonté de mon dieu d’une autre façon que celle enseignée par les Prophètes Gris. Mais si on suit sa parole au pied de la lettre, elle n’apporte que la ruine, et je n’ai pas envie de prendre le risque de voir mes enfants se tromper. J’ai même l’intention de faire interdire-interdire cette religion dès la minute où je ne serai plus là pour la pratiquer.

-         Voilà qui est bien vu de votre part, messire Prospero Steiner, Maître Mage du Royaume des Rats, et fils adoptif du Prince Ludwig le Premier.

-         Donc, je n’ai pas besoin de me présenter, messire Clarin.

-         En effet, votre réputation vous a précédé.

-         Et de quoi est-elle faite-composée, cette réputation ?

-         Vous me paraissez plutôt sympathique, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde dans ma principauté. D’aucuns pensent que vous êtes de mèche avec vos pairs restés au pays.

-         Les Skavens « restés au pays » ne sont plus mes pairs depuis longtemps. J’ai cessé de les considérer comme tels le jour où mon propre frère de sang a tenté de me tuer d’un coup de poignard dans le dos sur ordre de mon maître. Et vu les dégâts que j’ai fait dans leurs rangs depuis, je suis à peu près sûr que le Conseil des Treize a mis ma tête à prix, pour une forte récompense-récompense !

-         Qu’est-ce qui intéresserait un Skaven au point de venir vous déloger ici ?

-         La gestion d’une cité, une place au sein du Conseil, un harem entier, les options ne manquent pas.

 

Le Skaven Blanc frappa à la porte. Elle s’ouvrit sur un autre Skaven, plus jeune, et plutôt grand, au pelage noir.

 

-         Sigmund ? Ton grand-père n’est pas là ?

-         Non, il avait une affaire à régler. Il m’a demandé de t’attendre, ça ne sera pas long.

-         Je vais aller le chercher, proposa Bianka. Maître Clarin va attendre avec vous.

-         Merci, ma chérie. Allons, Maître Clarin, entrons.

 

Au cours de sa carrière, Clarin avait eu l’avantage de rencontrer une dizaine de monarques différents. Sauf exception, ils s’appliquaient à présenter à tout visiteur une salle du trône particulièrement fastueuse ; telle fut l’impression qui imprégnait l’œil des reçus par le Prince Steiner. Un précieux tapis isolait le pied du marcheur du plancher de lattes de bois ciré, un grand lustre de cristal était fixé au milieu du plafond, et derrière le grand trône de bois sculpté et orné de feuilles d’or était étendue une monumentale tapisserie, sur laquelle était brodé le blason de Vereinbarung.

 

-         Sigmund, amène donc une chaise à notre invité.

-         Bien, Père.

 

Le Skaven Blanc se dirigea vers une petite commode, et en sortit une bouteille de vin.

 

-         Une petite larme elfique, en attendant ?

-         Ma foi, volontiers.

 

Clarin n’était pas inquiet. À moins d’avoir affaire à des fous furieux comme les Orques ou des calculateurs vicieux et cruels tels que les Elfes Noirs, aucun chef, aucun monarque n’avait intérêt à attenter à la vie d’un messager. Aussi fut-ce en toute confiance qu’il dégusta le vin, suivi par le Skaven Blanc.

 

Psody s’installa sur un autre tabouret.

 

-         Puis-je savoir précisément ce qui vous amène ici, Messire Clarin ?

-         C’est que mon monarque souhaite que je m’entretienne directement avec le Prince Steiner.

-         Il va arriver, et en attendant, rappelez-vous que je suis son fils-fils et son principal assistant. Tout ce qui le concerne du point de vue politique du Royaume me concerne tout autant.

-         Bon. Eh bien… Sa Majesté le Prince Roderigo Calderon a constaté avec une certaine amertume que deux des villages isolés de la Principauté Sueño ont été attaqués et envahis par des hommes-rats. À leur tête, il y avait un Skaven qui avait deux signes distinctifs : le pelage entièrement blanc, et une ramure.

 

Psody ne réagit pas. Il ne s’étonna pas davantage.

 

-         Vous pensez-insinuez que je serais ce Skaven Blanc ?

-         Je n’ai pas de parti pris. Néanmoins, j’ai quelques connaissances sur les méthodes de colonisation des Skavens. J’ai assisté à une invasion massive, il y a quelques années.

 

Le Skaven Noir fit la grimace.

 

-         Celle de Nuln, je suppose ? Tous les Humains qui nous craignent nous ressassent cette tragédie. C’était il y a plus de quinze ans, Maître Clarin ! La Tempête du Chaos a eu lieu depuis, et on a vu que les démons étaient bien plus dangereux !

-         Vous avez raison, jeune homme, mais je voulais faire allusion à celle d’Ubersreik. Elle est plus récente, et a eu lieu neuf ans plus tard, en 2523 d’après le calendrier impérial. Un an après la Tempête du Chaos. La ville était déjà bien meurtrie, avant cette montée d’hommes-rats. J’y étais.

-         J’ai appris que c’était l’œuvre du Clan Fester, précisa Psody. Ce Clan était moribond, à cause des pondeuses-pondeuses devenues infertiles. Cette invasion a été un « quitte ou double » pour le Prophète Gris Rasknitt.

-         Et nous l’avons bien senti, ce « quitte ou double ». Sept ans ont passé, mais le souvenir des Skavens sortant des égouts et détruisant tout sur leur passage est resté intact. Alors, quand je vois que le fils adoptif du Prince du royaume voisin au mien est un Skaven Blanc, j’avoue que j’ai une petite appréhension. Je repense aux rares histoires que j’ai entendues sur leur compte. Tout le monde sait que les Skavens peuvent se montrer enragés quand ils n’ont pas les moyens de fuir, mais je sais aussi plus précisément ce dont sont capables leurs chefs.

 

Sigmund en avait assez.

 

-         Pourquoi vous nous considérez comme des animaux féroces ? Nous sommes des citoyens de Vereinbarung, et mon père est un héros ! Nous ne sommes pas des envahisseurs, et vous le savez !

-         Moi, peut-être, mon monarque, certainement, les membres de la Cour, éventuellement, mais ce n’est pas le cas du peuple. Des Skavens s’en prennent aux petits villages isolés, sous la conduite d’un Skaven Blanc avec des cornes, c’est un fait. Et vous êtes non seulement connus comme étant les seuls Skavens des Royaumes Renégats, mais en plus vous le revendiquez !

-         Nous revendiquons-revendiquons être les citoyens du Cinquième Peuple, à l’opposé des Skavens Sauvages, dont font sans doute partie ceux qui ont attaqué votre principauté, maître diplomate, expliqua calmement Psody.

-         Vos accusations sont bien trop ridicules pour nous émouvoir ! cracha son fils, bien plus touché par les paroles de l’Humain.

-         Je ne cherche pas à vous émouvoir, jeune homme. Je souhaite comprendre ce qui s’est passé, comme tous les citoyens de ma principauté. Vous feriez pareil, à ma place, non ?

-         J’éviterais d’accuser le premier venu qui ressemble vaguement à un coupable que je n’ai pas vu de mes yeux !

-         Tout doux, Sigmund. Maître Clarin n’a accusé personne.

 

Clarin se tourna vers le Skaven Blanc.

 

-         Écoutez, Prospero…

-         « Maître Mage Prospero Steiner », je vous prie, coupa l’érudit.

-         J’essaie d’être un peu moins formel, Maître Mage. Plus amical.

-         Vous faites ça avec tous vos interlocuteurs d’un rang social plus élevé que le vôtre, ou mon père est le seul qui vous impressionne tant que ça ?

-         Calme-toi, Sigmund.

 

Clarin voulut répondre au jeune Skaven Noir.

 

-         Non, votre père ne m’impressionne pas, jeune homme. Et je ne suis pas sûr d’être d’un rang inférieur. Je suis représentant d’un prince, le Prince Roderigo Calderon, pas votre père, ni vous. Votre position ne vaut pas celle d’un prince. En fait, comme je vous l’ai déjà dit, je ne devrais même pas vous parler.

-         Et à moi ? demanda alors une voix forte et profonde qui fit sursauter le messager.

 

Clarin se leva prestement et fit face au nouveau venu. S’il ressentit une légère appréhension l’étreindre, il n’en laissa pas paraître le moindre signe. Il murmura posément :

 

-         Prince Steiner…

 

Le Prince Ludwig Steiner le Premier était resté dans l’encadrement de la porte. Le monarque autoproclamé de Vereinbarung était un centre d’attraction, où qu’il allât. C’était un grand homme de près de six pieds de haut. Il était large d’épaules, et présentait une bedaine proéminente. Sous son amour pour la bonne chère, on devinait des muscles ayant beaucoup servi, mais encore bons à gagner un duel. Il devait peser plus de deux cent cinquante livres. Il avait des yeux étincelants, un menton solide et saillant impeccablement rasé, et une petite moustache ondulait sous son nez énorme et rougeaud. Son visage était encadré de longs cheveux grisonnants. En tant que monarque, il était habillé d’un costume aux étoffes toutes plus précieuses les unes que les autres, et portait au cou, aux poignets et aux mains de nombreux bijoux que l’œil professionnel de Clarin estima très coûteux. De solides cuissardes ouvragées enserraient ses jambes larges comme deux petits troncs d’arbre jumelés.

 

Pas de couronne. Il doit la porter seulement les jours de cérémonie.

 

Clarin s’inclina respectueusement.

 

-         Je suis Eusebio Clarin, émissaire de Sa Majesté Roderigo Calderon de la principauté de Sueño.

-         Je vous souhaite la bienvenue à Vereinbarung, notre royaume, Maître Clarin. J’ai entendu la fin de votre conversation avant d’entrer. Je reconnais que le ton était respectueux, mais j’ai l’impression que vous avez agacé mon petit-fils.

-         Disons que j’ai essayé une approche qui a déjà établi de bons contacts par le passé.

 

Clarin regarda discrètement les deux hommes-rats, debout de part et d’autre devant le Prince.

 

-         Je suis parti du principe que ces messieurs ont un caractère similaire à nous autres. J’espère ne pas avoir eu tort, Votre Altesse ?

-         Absolument pas, Maître Clarin.

 

Le Skaven Noir grommela quelque chose d’inintelligible. Le Blanc répondit sèchement dans un langage que l’émissaire ne comprit pas. Steiner se racla la gorge.

 

-         Sigmund, Maître Clarin va s’entretenir avec ton père et moi. Tu peux disposer.

-         Je comprends, Opa. J’ai justement quelques trucs à faire.

 

Le jeune Skaven Noir se dirigea vers la sortie de la salle du trône, sans quitter des yeux le messager, qui réfléchissait.

 

Le Prince a dit ça sur le ton d’un ordre. Je ne sais pas ce que ce jeune homme à fourrure noire a marmonné, mais je suppose que c’était une insulte dans leur langue ? Je vais faire comme si je n’avais rien entendu.

 

Le Prince Steiner prit son temps pour s’installer sur son trône. Il fit un petit geste vers le Skaven Blanc qui lui servit un verre de vin. Le monarque but quelques gorgées, fit claquer sa langue, et s’adressa à l’émissaire.

 

-         Avant de commencer sérieusement cette conversation, j’aimerais vous demander deux choses.

-         Je vous écoute avec attention, votre Majesté.

-         Premièrement : avez-vous eu le sentiment d’être bien traité, jusqu’à présent ?

-         Je n’ai rien à dire sur l’accueil, le logement, ou vos domestiques, votre Altesse. D’un bout à l’autre, je n’ai ressenti aucune différence par rapport aux autres missions diplomatiques qui m’ont été confiées par le passé.

-         Parfait. Le Prince Roderigo Calderon est le premier à avoir eu le courage de nous tendre la main. Il est important d’assurer à son agent la meilleure réception. Et voici maintenant ma deuxième question, la plus importante. Surtout, n’ayez pas peur de me répondre avec le maximum d’honnêteté que vous pourrez déployer. Si ça peut vous rassurer, je vous rappelle qu’en qualité de diplomate, vous êtes absolument intouchable.

-         Je vous écoute, Votre Grandeur.

 

Le Prince marqua une pause, puis articula lentement et distinctement :

 

-         Qu’est-ce que vous pensez du peuple des Skavens, Maître Eusebio Clarin ?

 

Nous y voilà, songea Clarin. L’ambassadeur jeta un coup d’œil vers le Skaven Blanc. Celui-ci sourit avec bienveillance.

 

-         N’ayez pas peur, parlez franchement, cher invité-invité. Quoi que vous puissiez dire, j’ai entendu dix fois pire.

-         Je ne voudrais pas voir mes opinions personnelles mettre en péril la tentative de communication de mon souverain !

-         Comme je vous l’ai dit, vous êtes le premier d’un autre royaume à venir nous voir. Je suis curieux de connaître votre ressenti. J’ai parfaitement conscience de l’importance de votre mission, mais je suis vraiment curieux. Je vous en prie, rasseyez-vous donc. Détendez-vous, et parlez en toute confiance.

 

Clarin reprit place sur le siège, inspira, réfléchit une poignée de secondes, et se lança :

 

-         Excellence, Maître Mage, je serai franc : jusqu’à aujourd’hui, les seuls contacts que j’ai eus avec les Skavens se résument à la tentative d’invasion d’Ubersreik, il y a environ sept ans. Je travaillais pour un important commerçant d’Estalie, Cristobal Mendoza.

-         Je ne vous ai pas encore félicité pour la qualité de votre reikspiel, à ce propos. En vous écoutant, on a peine à croire que vous êtes estalien.

-         Merci, votre Grâce. J’ai fait mes hautes études à Nuln, c’est pour ça que Mendoza m’avait envoyé, j’étais celui qui connaissait le mieux l’Empire parmi ses employés. Mon travail était de conclure en son nom un contrat pour ouvrir une succursale à Altdorf, or notre escorte a dû faire un détour par Ubersreik.

-         Vous n’avez pas eu de chance, Maître Clarin.

-         Tout est question de point de vue, votre Altesse, car si j’ai passé la pire semaine de mon existence, j’en suis sorti vivant et à peu près entier, ce qui ne fut pas le cas de nombre de gens. J’estime avoir eu de la chance dans mon malheur. Et pendant ce siège, les Skavens ont tenté de détruire la ville en nous submergeant sous le nombre, en nous envoyant des maladies, des poisons, et des monstres abominables. Ils ont finalement été repoussés quand leur chef, le Prophète Gris Rasknitt, a été vaincu. J’en ai été informé par Maître Christoph Engel, le mage du Collège Gris chez qui je m’étais réfugié. Une fois les Skavens en déroute, nous avons fui le plus vite possible vers la capitale.

-         Hélas, Rasknitt n’avait pas dit son dernier mot, Maître Clarin. Quelques semaines plus tard, il s’en est pris à Helmgart.

-         Je le sais bien, votre Altesse, c’est pour ça que je suis resté plus longtemps que prévu à Altdorf. J’ai regagné mon pays quand les choses se sont tassées, et je me suis promis de ne plus jamais le quitter. Finalement, je suis revenu sur ma promesse quand une relation familiale a fondé un royaume dans les Royaumes Renégats et m’a proposé de le rejoindre.

-         Ainsi, vous êtes parent avec le Prince Calderon ?

-         Par mariage, c’est un parent lointain. J’ai échappé à Ubersreik, je n’ai pas connu l’invasion d’Helmgart, mais chaque fois que j’entends parler des Skavens, je deviens nerveux.

-         Ce qui est très compréhensible-acceptable, intervint alors le Maître Mage. Vous n’avez entendu que des histoires abominables à notre sujet, le genre qu’on raconte pour effrayer-effrayer les enfants. Puis quand vous avez vu ces créatures sortir des égouts, des souterrains, des terriers, pour tout massacrer avec une telle rage, une telle faim de violence, vous avez vu vos terreurs enfantines se cristalliser pour devenir bien réelles. Mais aujourd’hui, vous allez mieux ?

-         Jamais je n’oublierai ce que j’ai vécu à Ubersreik, Maître Mage Prospero Steiner. Et c’est peut-être pour ça que le prince Calderon m’a choisi pour venir vous voir. Il savait que je remplirai ma mission avec dévouement et détermination.

-         Oui, donc, c’est une affaire qui implique des Skavens qui vous amène, reprit le Prince. Nous allons y venir. Présentement, ça ne vous dérange pas plus que ça de parler à mon fils adoptif ?

 

Une fois encore, Clarin regarda brièvement le Skaven Blanc.

 

-         Tous les Skavens qui m’ont adressé la parole depuis que j’ai franchi la frontière de votre royaume m’ont témoigné du respect, de la politesse, et m’ont inspiré de la sympathie. Votre serviteur Gerd, mademoiselle Bianka… Même votre fils, Sigmund, ne m’a pas paru moins agréable qu’un autre.

-         Mon fils est jeune-passionné, c’est un bon garçon, mais il a tendance à parler plus vite qu’il ne pense. Beaucoup plus vite, souvent trop. Quoi qu’il en soit, il a bénéficié d’une éducation humaine, comme tous mes autres enfants, ma femme, et moi-même. Comme tous les Skavens de notre principauté. Nous nous appliquons à faire la différence entre les Fils du Rat Cornu et les citoyens de Vereinbarung. C’est pour ça qu’on appelle les Skavens comme ceux que vous avez affrontés « Skavens Sauvages ». Parce qu’ils n’écoutent que leur instinct, leur côté animal. Le peu de ressemblance qu’ils ont avec les Humains leur sert uniquement à les manipuler.

-         Je le reconnais, Maître Mage. Pour le moment, j’ai plaisir à parler avec vous.

-         Bien, reprit le Prince. Vous m’êtes également sympathique. J’accepterai volontiers des échanges, commerciaux ou autres, avec le Prince Roderigo Calderon, mais il est important que nous soyons bien en harmonie. Ce qui risque d’être plutôt compliqué à cette heure, n’est-ce pas ?

-         Eh bien… vous l’avez entendu, ce ne sont pas seulement des échanges commerciaux qui m’amènent. J’aimerais beaucoup, sincèrement, mais les circonstances sont toutes autres. Des Skavens menés par un Skaven Blanc ont attaqué et entièrement rasé deux villages voisins à la frontière entre Sueño et Vereinbarung. Pour être plus précis, un village a été détruit, l’autre a tout juste eu le temps d’envoyer une missive d’alerte à la caserne locale. Quand les soldats sont arrivés, il ne restait plus grand-chose. Quelques survivants ont cependant pu témoigner. Ils ont affirmé en faisant serment de vérité sur l’autel de Myrmidia que leurs agresseurs étaient des « hommes-bêtes à tête de rat », menés par un « rat blanc avec des cornes ».

 

Psody et Steiner se regardèrent, et le Prince parla :

 

-         Je n’ai aucun doute sur ce qu’on dit ces malheureux villageois, Maître Clarin. Néanmoins, je crains qu’ils ne se trompent. Si je tâcherai de me défendre contre tout envahisseur, je n’ai aucune ambition de conquête. Vereinbarung doit être un havre de paix, c’est pour ça qu’on l’a créé. Ces Skavens ne peuvent pas être des citoyens de notre royaume.

-         Vous pensez que ce sont des Skavens d’en-dessous ? Les Skavens… Sauvages ?

-         Oui, très probablement.

-         Pourtant, je suis établi à Sueño depuis des années, et nous n’avons jamais eu à souffrir de leurs attaques, jusqu’à présent. Son Altesse le Prince Calderon craint que ce soit vous qui les ayez attirés dans ce coin du monde, accidentellement ou… volontairement.

 

Le visage du grand homme s’assombrit.

 

-         Pourriez-vous être plus précis, maître Clarin ?

-         Si vous n’êtes pas directement responsables de ces attaques, peut-être que votre présence attire ces agresseurs.

 

Le Prince Steiner grommela.

 

-         Peut-être, en effet, mais votre thèse ne me plaît pas. Et le fait que vous la suggériez m’indispose davantage ! Mes concitoyens sont des gens aussi respectables que les vôtres, et il n’est pas question pour nous de vous causer des problèmes, encore moins de vous envoyer les Skavens Sauvages !

-         Ne vous inquiétez pas, Père, dit alors Psody. Je suis certain que l’émissaire Clarin ne parle pas ainsi par méchanceté, mais par ignorance.

 

Puis, s’adressant à Clarin :

 

-         Et si vous voyiez de vos propres yeux les Skavens de notre contrée-pays ? Cela dissiperait toutes les suspicions du monde, non ?

-         Sans doute, si j’avais la garantie de voir votre peuple sans artifice.

-         Je n’ai pas grand-chose d’autre que ma parole à vous donner, mais j’espère pour votre Prince que la parole d’un de ses égaux lui suffira, affirma Steiner. Prospero, c’est une très bonne idée. Allez donc faire un tour en ville, et aux champs. Prenez la journée, peut-être une soirée, également, en fait le temps qu’il faudra à notre invité pour comprendre que nous ne lui jouons pas une mascarade pour l’amadouer. Vous verrez que les Skavens de Vereinbarung sont à mille lieues des créatures infâmes qui ont osé pénétrer votre province, et à ce moment-là, nous pourrons tout mettre en œuvre pour vous aider à les arrêter. Votre problème avec les Skavens est le nôtre. Après tout, c’est bien pour cela que le Prince Calderon vous a envoyé, n’est-ce pas ? Parce qu’il savait que votre avis serait le plus probant, compte tenu de vos contacts passés avec les Fils du Rat Cornu ?

 

Clarin regarda ses deux interlocuteurs, puis hocha la tête avec un petit sourire.

 

-         C’est une possibilité, et j’avoue que je commence à l’apprécier. Oui, j’ai hâte de rencontrer le vrai peuple de Vereinbarung depuis mon départ de Barca.

-         Vous voulez dire, la capitale de Sueño, n’est-ce pas, précisa Steiner, soucieux de faire comprendre à l’émissaire qu’il connaissait ses voisins.

-         Eh bien, je vous assure-assure que vous ne serez pas déçu du voyage ! déclara Psody.

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