Le Royaume des Rats

Chapitre 6 : Aveux

8349 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/09/2018 00:30

La propriété où habitait la famille princière était grande. Bâtie sur la plus haute colline sur laquelle s’était développée Steinerburg, elle n’avait plus grand-chose à voir avec la ruine que le Prince et ses sujets avaient trouvée à leur arrivée, six ans plus tôt. Le manoir Steiner était constitué de trois grands bâtiments contigus, chacun s’élevant sur quatre étages. Le bâtiment central était le plus grand, et le plus important : c’était là que le Prince avait fait installer la salle du trône, ainsi que le grand réfectoire où étaient servis les banquets.

 

Le Prince avait alors proposé au couple de Skavens de faire construire pour eux une petite maison à part, où ils pourraient vivre. Cette idée fut cependant rapidement délaissée. Les aménagements avaient permis de réaliser un manoir bien plus grand que prévu, et chacun y avait ses appartements, ce qui était au goût de tout le monde. Les appartements privés du Prince et de sa famille étaient tous rassemblés dans l’aile Ouest, entre le deuxième et le troisième étage.

 

Le Skaven Blanc franchit portes et couloirs pour atteindre l’aile est. Plus précisément un endroit tout au fond de l’aile, à la limite du bâtiment. L’endroit dont l’éventuelle destruction aurait les conséquences les moins fâcheuses. Les pièces alentour n’étaient guère habitées, et servaient essentiellement à ranger les collections. On y trouvait également les cabinets de travail du Prince, du Maître Mage, de l’Intendante, et des autres collaborateurs proches de la Couronne. La bibliothèque était d’ailleurs au rez-de-chaussée. Psody monta un escalier en colimaçon pour arriver jusqu’au grenier. Il s'arrêta devant une épaisse porte en bois.

 

Son plus jeune fils, Gabriel, avait rapidement appris à lire, écrire, et compter. Mais surtout, il avait fait preuve d’une créativité vertigineuse. Dès qu’il fut capable de tenir une plume, il dessina tout ce qui lui passa par la tête : d’étranges symboles, puis des véhicules, des bâtiments… il passa alors des mois à lire des ouvrages d’ingénierie de plus en plus complexes, avant de se lancer, et élaborer ses propres inventions. D’abord, il créa un petit mécanisme pour faciliter la conduite des chariots à bœuf, puis un invention destinée à utiliser l’énergie de la vapeur pour faire avancer une charrette, à la manière de la technologie des Nains, puis une autre invention, puis encore une autre. Bientôt, son petit bureau n’avait plus pu lui suffire. Son grand-père lui avait alors laissé l’accès à une partie des combles de l’aile est, alors inutilisée. Ainsi, les dégâts resteraient contrôlables en cas d’accident – c’était ce que tout le monde espérait, en tout cas.

 

Le Skaven Blanc frappa à la porte, mais personne ne répondit.

 

Il est peut-être trop noyé-absorbé dans ses formules !

 

Il se permit de pousser la poignée. La porte donnait sur une grande salle mal éclairée. Il n’était pas évident de s’y déplacer ; des étagères pleines à craquer de parchemins reliés s’entassaient le long des murs, des tables, des établis, et d’autres meubles croulant d’outils étaient disposés çà et là sans la moindre harmonie, ni attention. Les fenêtres étaient bloquées par les armoires. Une seule paroi n’était pas obstruée par le mobilier, elle était intégralement recouverte de feuillets de toutes tailles. Les pages étaient noircies de formules qui lui parurent absconses, et de plans représentant des machineries incroyables et mystérieuses. Cette vue fit monter en Psody une légère appréhension.

 

Il savait bien que l’auteur de ces plans n’était pas quelqu’un de mauvais, et avait tout son amour, et pourtant, il ne pouvait pas s’empêcher de sentir une petite pique dans sa poitrine devant un tel spectacle. Il savait que lorsque Gabriel travaillait sur ces plans, son esprit était dans un état fiévreux. Il pouvait tracer les lignes sur le papier comme des coups de couteau. Certains feuillets étaient même crevés par endroits. L’excitation avait été trop forte. D’habitude, son fils était quelqu’un d’introverti, qui avait du mal à s’exprimer en public. Quand il était soumis au moindre stress, il perdait rapidement le contrôle, se mettait à trembler, à bégayer, et ne pouvait plus rien faire de cohérent avant de longues minutes de décompression. Et quand il avait une idée d’invention en tête, il changeait complètement, et devenait surexcité, allant même jusqu’à éclater d’un ricanement hystérique au plus petit test positif.

 

Le Skaven Blanc regarda l’un des schémas au hasard. Il vit le plan d’un navire muni d’énormes vessies de cuir en guise de voiles, pour pouvoir se déplacer dans les airs. Si l’absence de son père et ses frères avaient dégradé son humeur, elle n’avait entamé en rien sa créativité. Cette invention lui semblait parfaitement réalisable. Le dessin lui rappela même une de ses précédentes visions, dont il avait parlé avec Félix Jaeger, des années plus tôt.

 

Comment s’appelait cet engin, déjà ? Ah oui ! L’Esprit de Grungni ! Si je me souviens bien, ce truc marchait à la vapeur. On dirait que Gabriel compte plus sur la force des jarrets des manœuvres.

 

L’oreille du Maître Mage se redressa par réflexe en entendant le bruit caractéristique d’une pile de livres heurtant le sol, suivi d’une exclamation irritée. Il tourna la tête, et appela :

 

-         Gab ? Gabriel ?

 

Une voix aiguë demanda dans l’ombre :

 

-         Hein ? Oh ! Père ! Je… entre !

-         C’est fait. Où es-tu ?

-         J’arrive !

 

La lueur d’une chandelle vacilla derrière une armoire, et une petite silhouette flottant dans une jaquette finement ouvragée apparut aux yeux du Skaven Blanc.

 

Gabriel Steiner était entré depuis peu dans sa quatrième année, pourtant les signes de l’adolescence semblaient tarder à venir chez lui. Physiquement, il n’avait pas été gâté. Dès son premier jour, le petit Skaven avait présenté des carences, à tel point que ses parents avaient eu peur de le voir disparaître prématurément. Contrairement à ses deux grands frères, il n’avait absolument rien d’un grand sportif. Il était plutôt petit, à peine plus grand que sa sœur Isolde. Son pelage était gris clair, avec une petite nuance de marron. Il avait un nez courtaud un peu large, deux petits yeux marron, et des oreilles légèrement touffues.

 

Le troisième fils de Psody était d’une santé fragile, et tombait souvent malade au cours de la saison neigeuse. Il avait été tellement mal en point deux années de suite qu’il avait fallu toutes les prières à Shallya et toutes les meilleures ressources de Romulus pour le garder en vie. D’après le prieur, cela n’avait pas arrangé son développement, bien au contraire. D’autre part, il se fatiguait rapidement, et il était difficile pour lui d’exercer une activité faisant appel à ses capacités physiques plus de quelques minutes, même avec toute la bonne volonté du monde.

 

Ses faiblesses étaient également sociales : en dehors de ses parents et des autres membres de la fratrie, il lui était difficile, voire impossible d’adresser la parole à quelqu’un sans se mettre à bredouiller. Quant à parler à une grande personne, c’était impossible. Même son grand-père, même le prieur Romulus, pourtant ami de longue date de la famille, l’intimidaient.

 

Psody et Heike n’avaient jamais osé l’avouer publiquement, mais ils avaient eu plus de difficultés à gérer son éducation. D’après le Prince, heureusement, ils s’en étaient remarquablement bien tirés, compte tenu du caractère particulier du petit Skaven. Ces temps-ci, à défaut d’être pleinement épanoui, Gabriel vivait sans trop de problèmes. Et chaque fois qu’il avait besoin de débrider ses frustrations, il se défoulait en inventant des choses.

 

-         Nous ne t’avons pas vu de la soirée, Gabriel.

-         Hein ? Ah ! Oh… Je…

-         Kit et Siggy ont été déçus de ne pas t’avoir eu à leurs côtés, et moi aussi-aussi. Et tu as raté une belle soirée, avec un grand banquet et un beau spectacle.

-         Je… je n’avais pas envie.

 

Le front de Psody se creusa en sillons perplexes.

 

-         Pas envie de nous revoir ?

-         Non ! Non… mais je… un plan qui ne pouvait pas attendre.

 

Le Skaven Blanc voulut se rapprocher de son fils pour le mettre à l’aise. Il fit mine de s’intéresser à son travail.

 

-         Et c’est un plan de quoi ?

-         C’est un appareil qui devrait pouvoir faire avancer un bateau sans voiles. Bien sûr, les Nains ont déjà inventé beaucoup d’objets qui marchent à la vapeur, mais je ne sais pas s’ils ont conçu beaucoup de navires. Après tout, ils n’en n’ont jamais eu besoin, vu qu’ils refusent de quitter leurs montagnes ! Et puis, de toute façon, la technologie à vapeur reste très marginale, en dehors des forteresses Naines. On ne pourra pas me reprocher d’avoir voulu voler leurs inventions !

-         Sans doute.

 

Psody hésita. Comment faire pour rompre la glace ?

 

-         Gabriel, tu réalises que notre mission est terminée ?

-         Ah… c’est sûr, cette fois ?

-         Oui, c’est bien sûr-certain.

-         Bon… très bien.

-         Curieux. Tu n’as pas l’air très heureux à cette idée ?

-         Oh ! Eh bien, en fait… je…

 

Brusquement, le Maître Mage perçut nettement des effluves caractéristiques émanant de Gabriel. Le petit Skaven gris clair était de plus en plus gêné, comme s’il avait honte de quelque chose.

 

-         Gabriel, quelque chose ne va pas ? Je sens que tu as un poids sur le cœur-cœur.

 

Finalement, n’y tenant plus, Gabriel prit son courage à deux mains et demanda dans un souffle :

 

-         Est-ce que… je te déçois ?

 

Psody fronça les sourcils, sincèrement interloqué.

 

-         Bien sûr que non, mon fils !

 

Soudain, il eut une impression très étrange. Quelque chose qui ne lui était pas arrivé depuis fort longtemps. Le monde sembla se déséquilibrer autour de lui, il fut pris d’un violent vertige au moment où il reconnut la sensation qu’il avait éprouvée chaque fois qu’il avait eu une vision.

 

 

Noir.

 

Des grognements vagues, de plus en plus distinguables. Un petit vent frisquet le fait frissonner. Il distingue finalement les détails autour de lui, de plus en plus clairement. Il se trouve dans une cave humide et sombre, mal aérée. Il repère du coin de l’œil quelque chose qui bouge : il reconnaît avec stupeur son propre frère de sang, Chitik. Chitik, l’aîné de ses cinq frères. Chitik, le premier-né de leur portée. Chitik le Skaven Noir le plus grand, le plus costaud et le plus impressionnant de tout le terrier. Celui-ci est allongé de tout son long sur une énorme masse de chair encore plus grosse que lui, et qui résiste à son poids. C’est une pondeuse Skaven Sauvage. Chitik est en train de la chevaucher, et pourtant, elle n’a pas l’air d’en souffrir, tellement abrutie par les drogues.

 

En baissant les yeux, Psody constate qu’il est complètement nu, et que son corps est plus malingre, ses membres plus grêles, d’autre part, sa gorge l’irrite, il est obligé de tousser. De vieilles nippes noirâtres traînent à ses pieds. Il relève la tête, et voit devant lui un spectacle particulièrement troublant. C’est une énorme femelle Skaven, un peu moins grande que celle sur laquelle Chitik prend du plaisir, mais elle reste bien plus imposante que lui. Elle le regarde drôlement, et un petit sourire flotte sur son faciès. L’encens de malepierre la maintient dans un état euphorique.

 

Psody comprend ce qu’il fait ici, ce qu’on attend de lui. C’est la première fois qu’on le laisse entrer dans les quartiers où sont gardées les femelles. La première occasion pour lui de vivre une telle expérience. Et cette pondeuse a l’air en bonne santé, et suffisamment robuste pour fabriquer au moins une bonne demi-douzaine de petits ratons… à condition qu’un Skaven lui apporte sa contribution.

 

Celle-ci, consciente de cela, semble toute prête à remplir son rôle. Elle écarte lentement les cuisses, s’offrant complètement au Skaven Blanc. Celui-ci ne peut empêcher l’excitation d’échauffer son entrejambe. Poussé par cette flambée de désir, il fait un pas vers la pondeuse, puis un autre. Les odeurs exhalées par la reproductrice affolent davantage ses sens. Il s’avance plus vite, et arrive finalement juste devant elle. Elle est tellement énorme, doit faire au moins trois fois sa taille, et six fois son poids. Il ne sait pas comment s’y prendre. Son instinct le pousse à s’accoupler avec elle, mais sans lui expliquer précisément de quelle façon. Il tend une main droite hésitante, et la pose sur la cuisse de la créature. Sur ses flancs, les énormes mamelles de la pondeuse ondulent lentement au rythme de sa respiration.

 

Il pose l’autre main plus haut, espère atteindre la hanche de la femelle. Sous ses phalanges, il sent une fourrure humide, courte, presque piquante. Compte tenu de sa taille, et de la corpulence de la reproductrice, si elle décide de resserrer les genoux ou de lui donner un coup de pied, elle l’assommera net… ou pire. Il décide d’agir avec beaucoup de douceur. Il serre progressivement les doigts de la main gauche, pour raffermir sa prise. Elle ne réagit pas, se contente de remuer doucement ses membres. Il prend appui sur ses orteils, et tire sur ses bras, se hisse ainsi péniblement sur le ventre de la bête. Quand il pose sa main droite sur l’une des mamelles caoutchouteuses, elle glousse. Le contact de la chair élastique sous ses doigts l’électrise. Il remonte à quatre pattes sur la poitrine de la pondeuse, afin qu’elle puisse bien voir qui est sur le point de lui faire don de sa semence : un authentique élu du Rat Cornu.

 

Leurs regards se croisent. Il n’y a aucune intelligence dans l’œil de la femelle. Rien qu’une sorte de passivité animale. Toutefois, le petit homme-rat perçoit une petite pointe de moquerie, comme si elle doutait de ses capacités. Piqué au vif, Psody tient à lui prouver qu’elle a tort. Il s’allonge de tout son long sur la pondeuse, la joue contre son épaule, et étend les bras en croix aussi loin qu’il peut. Ses maigres avant-bras se retrouvent presque coincés entre les énormes ballons de chair rose. Il pose ses mains sur les tétines sombres, et se met à les pétrir, à les faire rouler entre ses doigts. Il sent l’excitation monter d’encore un cran alors qu’il entend un feulement rauque près de son oreille. Pas de mécontentement, ni de douleur, sinon elle l’aurait déjà renversé d’un coup de patte.

 

Il continue à la caresser, de plus en plus franchement. Soudain, il se rend compte d’un détail fort gênant : dans sa position, compte tenu de sa petite taille, il ne pourra pas la fertiliser de là où il est. Son désir n’en faiblit pas pour autant, au contraire. Il se redresse, recule précipitamment, et se laisse glisser sur le ventre de la reproductrice, pour tomber pile entre ses énormes cuisses. Puis il bondit en avant, s’agrippe à la fourrure de son abdomen, et la pénètre.

 

Une irrésistible sensation de vertige lui fait littéralement perdre la tête. Le battement du sang dans ses tempes est assourdissant, et pourtant, il perçoit les gémissements et les rires de la pondeuse, de plus en plus forts. Son souffle se fait plus rauque, il donne des coups de reins plus enragés, ce qui augmente encore le plaisir aussi bien chez lui que chez la pondeuse. Et puis, son corps tout entier est secoué par une puissante sensation enivrante, une véritable explosion qui part de son entrejambe pour embraser chaque fibre de son corps. L’extase dure quelques longues secondes, son cœur est sur le point de sauter hors de sa poitrine tellement il bat effrénément. Des larmes d’extase lui montent aux yeux. Puis il a un spasme qui le rejette en arrière. Il s’écroule sur la paille, et perd rapidement connaissance, terrassé par l’émotion.

 

 

Psody crispa les yeux et secoua la tête. En un battement de cil, il sortit de sa torpeur. Fort heureusement, Gabriel semblait ne rien avoir remarqué, et s’était posé à son bureau. Psody en profita pour tousser, afin de reprendre discrètement son souffle. Il se servit un verre d’eau pour finir de dissiper son vertige.

 

-         D’où te vient cette idée ?

-         C’est que… j’ai l’impression de ne pas m’investir autant que toi, Kit et Siggy au plan. Vous, vous êtes aux premières loges, vous affrontez les Skavens Sauvages, vous récupérez les ratons. Vous prenez tous les risques. Mais moi, je reste ici, et j’attends, en me demandant si vous allez rentrer. Et je ne fais rien pour vous aider.

 

Faisant tout son possible pour contenir sa propre désorientation, le Skaven Blanc eut un sourire bienveillant.

 

-         Tu te trompes, Gab. Pour commencer, il n’y aura plus de raid. C’était le dernier. Désormais, nous resterons tous ensemble, et tu n’auras plus à avoir peur. Ensuite… tu as eu ton rôle à jouer, mon petit.

-         « Petit »… je le sais bien, Père. Je n’ai pas les muscles de Siggy, ou le courage de Kit. Je suis petit, et maigrichon…

-         J’étais le plus jeune d’une portée de six, et j’étais le plus petit-maigrichon, moi aussi. Ça ne m’a jamais empêché de faire ce que je voulais.

-         Oui, mais toi, tu as la magie.

 

Psody se mordit la lèvre inférieure.

 

-         Je ne m’en suis jamais servi sans violence. Quand j’avais ton âge, j’avais déjà tué beaucoup de gens. Des Skavens, des Humains, quelques Nains… Mais il y a quelque chose qui m’a manqué. Quelque chose que je n’ai pas, ni tes frères, ni tes sœurs, ni ta mère, ni personne dans notre pays.

-         Quoi donc, Père ?

-         Ton intelligence. Tout petit, tu as assimilé à une vitesse prodigieuse les principes de la science des Humains, et tes instincts de Skaven t’ont poussé à les modifier pour créer des inventions extraordinaires. Et qui nous ont été plus qu’utiles ! Tes globes à gaz anesthésiant pour neutraliser les gardes nous ont permis de remplir notre objectif sans verser le sang. Ton lait de substitution, stocké dans des mamelles artificielles imitant celles des mères-rates, nourrit tous ces petits ratons de manière plus saine, en attendant le moment où les filles pourront prendre le relais. Tu comprends ? Tu apportes plus que largement ta contribution à la fondation de notre cité. Nous prenons bien moins de risques, grâce à tes inventions !

-         Père, est-ce que tu aurais aimé… avoir un fils avec… ton héritage ?

 

Psody était à présent de nouveau en pleine possession de ses moyens, et remercia silencieusement le Rat Cornu. Content de pouvoir se focaliser pleinement sur la conversation il s’assit près de son fils, et posa une main réconfortante sur son épaule.

 

-         La seule famille que je voulais vraiment avoir, c’est celle que j’ai eue, Gab. J’ai une épouse divine, cinq merveilleux enfants que j’aime autant les uns que les autres. Je ne veux rien de plus. C’est vrai, j’aurais pu avoir un fils avec la fourrure blanche et des cornes, toi peut-être. Mais, sincèrement, même si je l’aurais aimé… ç’aurait compliqué les choses. Tu sais, être un Skaven Blanc est un fardeau qu’il faut être capable de porter. Une fois arrivé à l’âge adulte, un Skaven Blanc se met à avoir des visions, des hallucinations. J’aurais eu des liens différents avec un fils Blanc, parce que nous aurions échangé des choses que personne d’autre n’aurait pu comprendre ; des impressions, des concepts… il aurait fallu que je me concentre davantage sur son éducation, et j’aurais délaissé les autres.

-         Tu lui aurais appris à maîtriser la magie du Warp ?

-         Seulement pour éviter qu’il s’en serve à tort et à travers et blesse quelqu’un. J’ai fait le vœu de ne plus jamais m’en servir, et j’ai appris une autre magie à la place. La magie du Warp est intrinsèquement malsaine, Gab. Elle pourrit tout ce qu’elle touche, les Prophètes Gris en tête. D’ailleurs, son apprentissage est pénible. Mon maître m’a imposé une éducation sévère, violente. Il était cruel et pervers, il prétendait me comprendre, alors qu’il ne cherchait qu’à me contrôler. Et les études que j’ai pu mener m’ont appris que c’était le seul moyen de maîtriser cette magie. Être imbibé de peur, de paranoïa, et de fourberie permet de contenir les débordements de l’énergie magique liée au Warp. Alors oui, j’ai ce savoir, mais il mourra avec moi. Je refuse de le transmettre délibérément à quelqu’un. C’est pour ça que je me suis appliqué à utiliser une autre forme de magie autorisée par l’Empire. D’ailleurs, on t’a raconté l’histoire de la fondation de ce pays, n’est-ce pas ? Tu sais ce qui s’est passé à la bataille de Gottliebschloss ?

-         Oui ! Tu as utilisé le masque du prêtre Coulapik pour chasser les démons !

-         Cuelepok, mon chéri. Et oui, cette nuit-là, j’ai utilisé une magie du soleil. Et je crois que depuis ce jour, je ne peux même plus utiliser la magie du Warp. La magie de Cuelepok l’a chassée de mon corps, et l’a remplacée. C’est pour ça que je n’ai pas eu beaucoup de mal à apprendre la magie de Jade.

-         Ah… Mais… donc, la magie de ton sang… ne te manque pas ?

-         Absolument pas, car elle est maléfique-destructrice. Quant à toi…

 

Le Maître Mage se racla encore la gorge.

 

-         Je crois que tu es un peu dans le même cas que moi, par rapport à mes frères. D’une certaine façon, je crois que nous avons reçu tous les six la bénédiction du Rat Cornu. Moi, j’étais un Skaven Blanc, mais les autres ont également démontré des aptitudes plutôt exceptionnelles. Et je crois que mes enfants ont tous reçu un petit quelque chose, eux aussi. Ta vraie force-puissance n’est pas dans tes muscles, elle est dans ta tête.

 

Le regard du jeune Skaven gris clair se fit rêveur.

 

-         Tu ne m’as jamais parlé de tes frères… enfin, je veux dire que je n’ai jamais eu l’occasion de parler d’eux avec toi. Non, je n’ai jamais pris le temps d’en parler avec toi alors que j’aurais pu.

-         Ça peut s’arranger, Gab. Qu’est-ce que tu veux savoir ?

-         Comment étaient-ils ?

-         J’en avais cinq. Il y avait d’abord Skahl du Clan Moulder. C’était un imbécile qui s’est laissé avoir par un piège mettant en jeu ses envies animales, et ce dès notre première sortie à l’extérieur. Il n’a pas réussi son test de passage à l’âge adulte. Ensuite, il y avait Klur du Clan Eshin. Je dois reconnaître qu’il était plutôt doué dans ce domaine. Mon troisième frère était Moly du Clan Pestilens. Mais j’ai eu davantage de rapports avec les deux autres : Diassyon du Clan Skryre et Chitik, la Vermine de Choc. Tu aurais sans doute été content de connaître Diassyon. Comme toi, c’était un inventeur, qui avait des idées très audacieuses, et qui fabriquait des machines exceptionnellement stables. Quant à Chitik… il m’a sauvé la vie. Il a toujours été là pour me protéger, quand j’étais à la colonie. Vraiment, il était dévoué, intelligent et fidèle, pour un Skaven Sauvage. J’ai entendu dire que les Skavens Noirs étaient naturellement plus disciplinés-loyaux que les autres.

-         Vous aviez l’air de bien vous entendre, en fait !

-         Pas sûr. Oui, j’aimais beaucoup Chitik, et je reconnais que Diassyon était fraternel, lui aussi. Mais pour ce que j’ai pu voir de ton autre oncle, Moly, il n’était pas très amical. Oh, je suppose que c’était à cause de sa mauvaise santé. Les Pestilens sont tellement dévorés par les maladies qu’ils doivent se droguer à longueur de journée pour tenir. Chitik m’a dit qu’en fait, il n’était pas méchant, seulement très malheureux. Et surtout, je n’oublie pas Klur. Lui était mauvais. Quand j’ai été nommé Prophète Gris, il s’est aplati à mes pieds, mais c’était pour mieux me mordre les orteils ! Sur ordre du Prophète Gris Vellux, il a tenté de me tuer-tuer d’un coup de poignard dans le dos avant de me noyer dans un marais ! Chez les Skavens Sauvages, la notion de fraternité n’existe pas, Gabriel.

-         Pourtant, vous saviez que vous étiez frères, tous les six.

-         C’était exceptionnel. Notre portée était exceptionnelle. Dans une petite colonie comme celle où je suis né, avoir un Skaven Noir n’était déjà pas banal. Avoir un Skaven Blanc était une bénédiction. Alors tu imagines, avec un Blanc et un Noir en même temps ! En fait, Vellux nous l’a expliqué quand il nous a réunis pour la première fois. Il voulait savoir si nous serions plus efficaces, en qualité de « frères de sang ». Ce n’était pas son idée, cependant. C’était l’idée du Diacre de la Peste Soum, le meneur des Pestilens de Brissuc, et bras droit de Vellux. Mais il n’y a jamais eu quelqu’un d’autre pour refaire ça, dans tout l’Empire Souterrain. En tout cas, pas à ma connaissance. Chez les Skavens Sauvages, pas de liens de sang, pas de pitié.

 

Le petit Skaven gris clair se gratta nerveusement la tête.

 

-         Donc, si j’avais vu le jour à Brissuc, je n’aurais pas vécu aussi longtemps ?

-         Je peux même te dire que tu aurais été rapidement éliminé par le ranuque, ou par les autres de la portée. Et ç’aurait été une perte énorme pour le terrier !

 

Enfin, Gabriel se permit un petit sourire. Des coups résonnèrent sur la porte en fer.

 

-         Entrez ! invita le petit Skaven.

 

La porte s’ouvrit sur les deux fils aînés du Maître Mage.

 

-         Salut, Gab !

-         Hey, frangin !

 

« Gab »… Tel était le nom que les autres enfants de Psody lui avaient trouvé. En effet, Gabriel avait appris à parler plus difficilement et plus tardivement que les autres, et de ce fait, avait eu beaucoup de mal à prononcer les prénoms des membres de la fratrie, bégayant maladroitement « Kitovson » et « Sigu ». Ainsi était-il à l’origine des surnoms des deux autres garçons, « Kit » et « Siggy ». Eux le baptisèrent gentiment « Gab » en retour.

 

Les deux grands enfants de Psody entourèrent leur frère. Sigmund lui frotta vigoureusement la tête.

 

-         Alors, le monde réel t’incommode donc à ce point-là ?

-         C’est vrai ! C’est dommage que tu ne sois pas venu.

 

Gabriel baissa la tête.

 

-         Je… je ne mérite pas de reconnaissance.

-         Quoi ? s’exclama le Skaven Noir, sincèrement décontenancé. Pourquoi tu dis ça ?

-         Ben… vous, vous avez pris des risques pour le plan. Moi… je n’ai rien fait.

 

Kristofferson prit la parole :

 

-         Tu plaisantes ? Tu sais combien de vies on a épargnées, dans ce terrier ?

-         Des dizaines ! Les nôtres, et les leurs.

-         Faut dire ce qui est, frangin : ton nouveau gaz est une vraie merveille !

-         Indétectable, rapide et efficace ! Ces andouilles n’ont rien vu venir !

 

Gabriel ouvrit de grands yeux surpris, et se tourna vers son père. Psody se contenta de lui faire un petit clin d’œil.

 

*

 

Il était deux heures du matin quand Psody ouvrit la porte de la chambre conjugale. Sa compagne l’attendait, allongée sur le matelas du grand lit à baldaquin. Depuis leur arrivée au manoir de Steinerburg, ils n’avaient jamais changé de chambre. Bien sûr, tout avait été remis à neuf du sol au plafond. La fenêtre donnait sur le jardin, et plus bas, sur les rues du beau quartier, c’était une vue dont Heike ne se lassait jamais. Le Skaven Blanc hésita en voyant la femme-rate. Six ans qu’ils se connaissaient, et elle était toujours aussi belle. Le fait d’avoir porté cinq enfants ne l’avait que légèrement enrobée. Son pelage couleur crème était fin, délicat et doux. Son sourire ponctué de deux petites incisives à peine visibles sous sa lèvre supérieure illuminait son visage délicat. Le Skaven Blanc avait toujours trouvé que la tache foncée qui parait le pelage de sa hanche droite, visible à travers le tissu de sa nuisette, lui donnait une petite particularité qui ne manquait pas non plus de charme. Seulement, il n’était pas à l’aise ; la lumière verte de la lune de Morrslieb, à son apogée, donnait au tableau une atmosphère plutôt étrange. Heike eut un petit rire, auquel Psody eut du mal à répondre.

 

-         Ce fut une très longue journée, mon amour, mais maintenant, nous avons enfin un moment rien que pour nous !

-         Hum… Oui, mon cœur-cœur.

 

Il passa rapidement dans le petit cabinet de toilette qui jouxtait la chambre, en prenant sa chemise de nuit au passage. Il se déshabilla, passa quelques minutes à s’ablutionner, puis enfila son vêtement de lit et s’assit sur le lit, sans dire un mot. Heike se redressa pour s’installer à son côté.

 

-         Tu as l’air soucieux, mon amour… Y a-t-il un problème ?

-         Euh… Je repensais à ma conversation avec Gabriel.

-         Que s’est-il passé ? Vous vous êtes disputés ?

-         Non, pas du tout. Mais il n’est pas très bien dans sa peau, en ce moment. Il m’a confié qu’il se sentait moins utile que ses frères.

-         Quelle triste idée ! J’espère que tu l’as assuré du contraire !

-         Bien sûr. En fait, comme physiquement, il n’est pas très costaud, et qu’il n’a pas participé aux Récoltes, il a l’impression d’être faible, et donc bon à rien. Je crois qu’il regrette de ne pas porter l’héritage du Rat Cornu.

-         Tu devrais peut-être lui expliquer que c’est un héritage très lourd à assumer.

-         C’est ce que j’ai fait. Et je lui ai dit que son intelligence nous avait permis de réussir tout notre plan avec un minimum de casse. Et quand ses deux frères ont confirmé, il avait l’air rassuré.

-         Bien, alors tout va bien !

 

Elle eut un petit rire devant le visage plissé par la réflexion du Skaven Blanc. Elle lui pinça gentiment les joues.

 

-         Pas la peine d’être ronchon, mon chevalier cornu !

 

Psody décida d’être honnête et de parler du vrai souci.

 

-         En fait, il y a… il y a autre chose.

 

Heike relâcha sa prise, et interrogea son compagnon du regard. Il continua :

 

-         Oh, ce n’est peut-être rien. Je ne sais même pas si je dois vraiment te contrarier avec cette histoire.

-         Tu es mon homme, Psody. Certes, nous ne sommes pas mariés devant les dieux, mais j’assume pleinement le rôle d’épouse. Je veux t’écouter et soulager ta peine.

-         Même si ça risque de te blesser ?

 

La Skaven sentit un petit pincement titiller son cœur, mais elle hocha la tête sans un mot.

 

-         Très bien. Tu as raison, je ne veux pas te cacher ça, non plus. Pendant que je parlais à Gabriel, brusquement, j’ai… j’ai eu une vision. Heureusement, il ne s’en est pas aperçu, mais ça m’a un peu gêné de continuer à discuter comme si de rien n’était, alors que j’étais peut-être encore plus perturbé-stressé que lui. Je lui ai joué une mauvaise comédie.

-         Tu as joué ton rôle de père. Il avait besoin que tu l’écoutes et que tu le rassures. Si tu avais craqué devant lui, il l’aurait très mal pris.

-         Je sais-sais. Mais c’était si… déstabilisant !

-         Alors, qu’est-ce que tu as vu de si « déstabilisant » ?

 

Psody se racla la gorge, et raconta tout. Au début, il voulut être le plus vague possible pour éviter de l’écœurer, mais elle insista pour avoir tous les détails. Son récit fini, il regarda sa compagne dans les yeux. Elle n’articula pas un mot. Elle n’avait pas l’air particulièrement choquée, mais il sentait une tension en train de la crisper.

 

On dirait qu’elle est moins gênée-gênée que moi ! Elle n’a pas l’air d’avoir pris du plaisir… peut-être qu’elle a voulu me mettre à l’épreuve ou me punir ?

 

Il continua :

 

-         J’ai une explication rationnelle, si ça peut te rassurer.

-         Je t’écoute, répondit la jeune femme d’une voix blanche.

-         Je t’avais dit qu’au cours de ma première nuit avec une pondeuse, quand j’ai réussi mon épreuve de passage à l’âge adulte, j’ai eu un vertige. J’ai vu des images fugitives, mais très nettes. Les Hommes-lézards, Cuelepok, puis j’ai aperçu l’avenir : le drapeau de Vereinbarung, le peuple, et puis un de mes futurs enfants qui me parlait. C’était Gabriel. Bien sûr, je ne le savais-savais pas, à l’époque.

-         Oui, tu me l’avais dit. Et donc ?

-         Avec le temps, j’ai oublié les détails de cette vision. Mais aujourd’hui, quand je suis allé voir Gabriel et que je lui ai parlé…

-         Tu t’es retrouvé au moment précis que tu as vu il y a des années, compléta Heike.

-         Tout était pareil-conforme. Il m’a dit exactement la même chose, et je lui ai répondu de la même façon. Et j’ai vu… tout ce que j’ai fait cette nuit-là, dont je n’avais pas gardé le moindre souvenir. C’est comme si… comme si mon esprit avait été brièvement catapulté dans le passé, pendant que l’esprit que j’avais dans le passé avait vécu ce moment présent. C’était vraiment déroutant !

 

Heike cligna nerveusement des yeux.

 

-         Depuis combien de temps tu n’avais pas eu ce genre de vision ?

-         Depuis notre arrivée ici, à Vereinbarung. Bien sûr, la nuit, je fais des rêves comme tout le monde, mais il ne s’agit plus de communications du Rat Cornu. Aujourd’hui, c’était la première fois depuis des années que j’avais une vision en étant éveillé.

-         Tu crois que ça signifie quelque chose de particulier ?

-         Je n’en sais rien. Mais pourquoi ? Pourquoi j’ai vu ça ? C’était il y a six ans ! C’est une vie dont je me suis libéré-débarrassé ! J’ai très mal agi pendant le début de ma vie, je le sais-sais ! Cette pauvre fille…

-         Tu n’as pas à te justifier, Psody. Je sais tout ça. Mais je m’inquiète pour toi. Tu sais… tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais ces derniers temps ont été vraiment difficiles pour toi, plus que tu ne penses. Tu as dû supporter d’être à nouveau au milieu de leur peuple. Mais nous ne sommes pas comme eux, Psody, tu le sais. Physiquement, nous partageons les mêmes caractéristiques, mais c’est tout. Nous n’avons rien à voir avec les Skavens Sauvages. Et la première génération qui commence à prospérer continue de nous le montrer.

 

Psody ne répondit pas, mais sentit une petite larme perler au coin de son œil.

 

-         Oh non, il ne faut pas pleurer. Tu es un héros, Psody, tu le sais. Et maintenant, c’est fini, tu n’as plus besoin de partir. Et nous, nous n’avons plus besoin d’avoir peur.

 

Psody chuchota lentement, avec toute la lassitude des dernières semaines qui pesait sur ses cordes vocales.

 

-         J’en ai marre d’être loin de toi, des filles, de Gab, de mes amis Humains. Ça fait presque six ans que je patauge régulièrement dans cette fange. Chaque descente dans un terrier m’a rappelé pourquoi les Humains nous haïssent-détestent autant. Et que j’ai moi-même été l’un d’eux. Et pendant tout ce temps, vous étiez loin de moi. Chaque jour, vous me manquiez un peu plus, et vous, vous aviez peur pour nous. Je vous ai fait souffrir. Je t’ai fait du mal-mal.

-         Mais aujourd’hui, tu es revenu. Et grâce à toi, grâce à nous tous, c’est toute une génération de Skavens qui a pu recevoir une éducation Humaine, et qui t’en est reconnaissante ! Les premiers ont déjà commencé à avoir des enfants eux-mêmes ! Jamais ce ne serait arrivé sans tous ces efforts.

-         Romulus m’a dit que vous étiez tous très tristes. J’aurais dû m’en rendre compte, et arrêter de partir aux quatre coins de l’Empire !

-         C’est vrai, j’ai été triste et j’ai eu peur, et nos enfants également. Mais tout s’est terminé, et tout cela en valait vraiment la peine, je t’assure ! Les générations futures te seront éternellement reconnaissantes.

-         Alors pourquoi je n’arrive pas à me sentir bien ? Pourquoi je n’arrive pas à dormir, la nuit ? Il y a des moments où je ressens comme… un grand vide-creux.

 

Heike sentit alors une opportunité d’évoquer le vrai problème.

 

-         Psody, ça fait très longtemps que… qu’on n’a pas eu de moment à nous. Même alors que tu es rentré, ton esprit est ailleurs. Et depuis quelques temps, c’est comme ça chaque fois que tu reviens. J’ai du mal à te parler vraiment. Je suis heureuse de te voir, mais tu ne me parles qu’avec la bouche, et pas avec le cœur. Ça me rend triste. Et quand nous sommes seuls, nous ne… tu ne me touches même plus !

 

Elle avait parlé sur un ton mêlant reproche et chagrin. Psody prit peur. La dernière chose qu’il voulait, c’était voir la flamme qui animait leur relation faiblir et s’éteindre. Il se rapprocha d’elle, et lui caressa doucement le dos.

 

-         Je suis désolé. Je veux rester près de toi. Je veux que ça change. Je veux te rendre heureuse comme tu le mérites. Je ne quitterai plus jamais le Royaume des Rats. Plus jamais-jamais.

-         Je te crois. D’ailleurs, il n’y a plus de raison pour ça, maintenant.

 

Le Skaven Blanc prononça alors une phrase qu’il n’avait pas dite depuis bien trop longtemps.

 

-         Je t’aime, Heike

-         Je t’aime, Psody, répondit aussitôt sa compagne.

 

Ils se blottirent l’un contre l’autre, longtemps, sans prononcer un mot. La Skaven esquissa alors un sourire. Son regard s’illumina tout à coup d’une étincelle malicieuse.

 

-         Cette vision signifie peut-être autre chose… Je crois que le Rat Cornu t’a envoyé un message.

-         Ah oui… ? Et quel message ? demanda le Skaven Blanc.

-         À mon avis, il a voulu te faire comprendre que tu méritais une récompense. Après toutes ces épreuves, tu as besoin de réconfort. Et ton dieu estime que tu as bien gagné l’immense privilège d’honorer une de ses filles.

 

Psody sourit à son tour. Ces paroles ne pouvaient signifier qu’une seule chose.

 

-         Tu as raison… Et je crois qu’il n’y a qu’une seule fille du Rat Cornu qui soit digne de moi, et dont je suis digne. Une seule personne pourra me le donner, ce réconfort. Une fille-fille qui est tout, tout près de moi… juste à côté de moi.

-         Et cette fille-fille n’a qu’une envie, Psody Steiner : te réconforter !

 

Elle avait déjà dénoué les cordons de son vêtement de nuit. Le Skaven Blanc se déshabilla rapidement, et un instant plus tard, les deux enfants du Rat Cornu étaient passionnément enlacés sur le lit. Et plus rien ne compta jusqu’à ce que vînt le sommeil.

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