Le Royaume des Rats

Chapitre 25 : Grand nettoyage de printemps

8342 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/06/2021 19:55

-         Les dieux aient pitié !

 

Psody ne voulut rien dire, il ne voulait pas prendre le risque d’invoquer la seule divinité à laquelle il croyait, au nom de laquelle le triste spectacle qui se présentait à lui avait été orchestré. En effet, pour la première fois, le Skaven Blanc voyait de ses yeux la pourriture infligée au Domaine Nichetti par le Prophète Gris inconnu, celui qui commandait Blokfiste. Le Maître Mage, son fils cadet et l’ambassadeur Estalien étaient tous les trois côte à côte, et faisaient face à un épouvantable tableau. C’était à la limite de l’indescriptible. Le paysage tout entier semblait issu d’un cauchemar fait par le plus imbibé des ivrognes le lendemain d’une nuit passée à boire de la bière Naine.

 

La place centrale du domaine était envahie par la moisissure, un véritable tapis d’herbes folles d’une couleur ressemblant à celle du plancher d’une auberge sordide après une orgie. Des plantes avaient poussé, mais elles n’avaient certainement rien de naturel ; un lierre aux feuilles couleur de charbon, dures et coupantes, grimpait sur les bâtiments. Des baies scintillaient d’un éclat d’émeraude. La terre elle-même semblait couverte d’une sorte de couche de gelée luisante et gluante.

 

Il n’y avait aucun chant d’oiseau. Sous l’effet de cette végétation, aucun animal n’était resté dans le périmètre. Et pourtant, il y avait tout un concert de bruits tous plus inquiétants les uns les autres : des craquements de bois, des cliquetis, de petites éruptions de gaz, des chuintements et autres bruissements.

 

Pire que tout, une espèce de brume verdâtre planait au-dessus de tout le village. Une brume mouvante, presque vivante.

 

-         Si je pouvais entendre Taal et Rhya nous parler, je suis sûr qu’ils pesteraient comme des charretiers !

-         Je suis d’accord avec vous, c’est épouvantable ! Même un bataillon de Moines de la Peste en train de déféquer n’émettrait pas une telle odeur-horreur !

 

Clarin parut plus inquiet.

 

-         Les choses ont empiré, je le crains. Pas en surface, mais en intensité. Je me demande…

 

L’Estalien s’interrompit, et renifla. Un fumet qu’il n’arrivait pas à reconnaître venait de lui passer dans les narines. Ce n’était ni la cendre, ni la nourriture avariée.

 

-         Vous ne sentez rien, Maître Mage ?

-         Ne vous approchez pas davantage, murmura le Skaven Blanc en levant la main. Je sens. Je sens même très bien. Et je sais exactement-parfaitement ce que c’est.

 

Le Skaven Blanc pivota vers Clarin. Ses yeux roses clignèrent nerveusement.

 

-         Les fleurs sont chargées de particules de malepierre, c’est leur pollen !

 

Clarin sentit son visage se couvrir de sueur.

 

-         Vous voulez dire que nous sommes en train de nous empoisonner ?

-         Reculons, vite !

 

Les trois hommes s’empressèrent de s’éloigner de la place. Quelques minutes plus tard, ils rejoignirent la compagnie.

 

Six soldats se tenaient debout près d’un chariot tiré par deux bœufs. Okapia, la jument de Sigmund, attendait tranquillement à quelques yards de distance, les rênes attachées à un arbre isolé. Tout un équipement était rassemblé sur le véhicule : des boîtes d’encens, un coffret à outils d’apothicaire, une dizaine de grosses jarres en terre cuite, un grand sac en toile rêche, et un baquet de bois.

 

Les deux Skavens avaient retrouvé l’Estalien à la frontière de Sueño. Ils s’étaient rendus jusqu’au Domaine Nichetti, en s’arrêtant régulièrement dans les auberges. Chaque soir, Psody avait pris soin de veiller à ce que les jarres de terre cuite fussent maintenues au chaud.

 

Sur le chemin, heureusement, ils n’avaient pas rencontré d’autres Skavens Sauvages. Clarin leur avait expliqué pourquoi : inquiet de voir l’Empire Souterrain débarquer dans sa principauté, son Excellence Roderigo Calderon avait fait doubler le nombre de patrouilles autour du domaine. D’ailleurs, les deux hommes-rats pouvaient voir au loin des régiments de cavaliers aller et venir autour du périmètre. Sigmund n’avait pas pu s’empêcher d’admirer la grâce des chevaux et l’aisance de leurs maîtres. L’émissaire avait rappelé à quel point la cavalerie Estalienne était réputée.

 

Le Skaven Blanc s’approcha du chariot.

 

-         Je vais vous expliquer-expliquer ce que je vais faire.

-         Si vous le permettez, je ferai la traduction au fur et à mesure.

 

Sigmund leva un sourcil surpris.

 

-         Vos hommes ne parlent pas le reikspiel ?

-         Pas ceux-là. Si vous avez quelque chose à me dire, ils ne comprendront que si je fais la traduction.

-         Curieux, pourquoi vous ne nous l’avez pas dit ?

-         Je n’ai pas jugé cela nécessaire, maître Sigmund.

-         Vous voulez dire qu’on a fait le trajet jusqu’ici avec des soldats sans savoir que…

-         Siggy, ça suffit ! coupa le Skaven Blanc. Maître Clarin est un allié, pas un roublard qui veut nous prendre en traître !

 

Le grand Skaven Noir baissa les yeux.

 

-         Bon, je reprends.

-         Je vous en prie, Maître Prospero.

 

Et le Mage de Jade se lança dans son explication, faisant une pause à la fin de chaque phrase pour permettre à l’ambassadeur de répéter ses instructions en estalien.

 

-         D’abord, le plus urgent : nous savons à présent que l’air est chargé de malepierre, et une exposition prolongée pourrait abîmer-corrompre vos poumons. Heureusement, nous avions prévu cette péripétie.

 

Et il ouvrit le sac de toile rêche, qui contenait plusieurs objets métalliques lourds et brillants.

 

-         Voilà pourquoi je tenais à connaître le nombre exact de gens pour nous accompagner dans ma lettre-missive.

 

Le Maître Mage distribua des masques de protection. Chaque Humain s’en affubla. Sigmund passa un modèle conçu pour les têtes de Skaven.

 

-         Je parie que c’est une autre invention de votre fils !

-         Gagné ! Il faut s’habituer à leur poids, et on a un peu de mal à respirer avec, mais au moins, vous serez protégé des particules de malepierre !

-         Il faudrait vraiment que je rencontre ce petit génie !

-         Malheureusement, vous ne pourrez que lorsque lui le voudra bien. Il est impossible-impensable de le forcer à rencontrer quelqu’un.

-         Quel dommage !

-         La dernière fois, il a fait une crise de nerfs et a tenté de mordre notre invité ! Depuis, on ne prend pas de risque-risque.

 

En entendant les paroles de son père, Sigmund n’ajouta rien, mais se sentit irrité. Il allait protester, demander au Skaven Blanc d’arrêter de raconter à l’Estalien des histoires si personnelles, mais il n’en fit rien. Il ne voulait pas prendre le risque de voir le Maître Mage faire allusion à l’épilogue de la vie de Larn.

 

Clarin observa :

 

-         Et vous, Maître Prospero, vous n’en prenez pas un ?

-         Je vais devoir utiliser un autre accessoire que vous verrez dans une minute-minute. En outre, j’ai vécu quatre ans dans un terrier où le laboratoire était chargé de poussière de malepierre plus intensément qu’ici. Même si ça fait longtemps qu’il n’y a plus de malepierre dans mon corps, je pense pouvoir y résister plus que vous autres. De toute façon, vous allez voir que le rituel va rapidement me protéger-protéger d’une manière bien plus efficace. Siggy ? Tu peux installer le matériel près de l’endroit où ce Prophète Gris a renversé sa mixture-mixture ?

-         Tout de suite, Père.

-         Messieurs, je vous demande-prie de m’accorder une minute, je dois me mettre en condition.

-         Faites.

 

Le Skaven Noir tira sur les rênes. Les bœufs qui traînaient le chariot se firent nerveux, et le jeune homme-rat dut tirer plus fort et lever la voix pour les contraindre à obéir. Pendant ce temps, Psody s’assit par terre, tâcha de ne pas prêter attention à l’humidité poisseuse sous ses fesses. Il ferma les yeux, posa ses mains sur le sol, et se concentra.

 

Le Druide qui lui avait enseigné la magie avait bien insisté : Ghyran n’était pas un vent domestiqué par de savants calculs comme ceux du Vent Doré ou du Vent des Cieux. Non, c’était quelque chose de beaucoup plus instinctif, plus viscéral. Celui qui voulait pratiquer la Magie de Jade ne devait pas contrôler le vent de magie, mais vibrer en harmonie avec lui. En cela, ce n’était pas si différent de la Magie du Warp, à ceci près que la Magie du Warp corrompait, asservissait et détruisait la vie. Ghyran la favorisait. « Il faut ressentir la Nature, Prospero », avait expliqué le professeur. « Les Mages d’Ambre s’appuient sur leur instinct, et font tout pour dominer Ghur, le Vent de la Bête. Vous avez montré des dispositions pour être un Druide, je suppose que l’expérience que vous m’avez racontée avec l’artefact Slann y est pour beaucoup. Alors, vous ne devriez pas être trop désorienté par mes paroles, vous devriez pouvoir retrouver cette sensation d’appréhender la magie grâce à vos tripes. Mais ne soyez pas aussi pétri de rage qu’un Mage d’Ambre ou un Prophète Gris. Ghyran est votre ami, pas votre esclave. Écoutez la Nature, ressentez-la, et la communication n’en sera que meilleure. »

 

C’était justement ce que s’appliquait à faire le Skaven Blanc. Ressentir la Nature. Et la Nature était en train de violemment protester. Cette souillure était non seulement une insulte à son harmonie, mais aussi une douleur, aussi vive qu’une brûlure faite à l’acide. La peine de la terre était presque palpable. Cela fit remonter un souvenir lointain, très lointain…

 

Il était à peine entré dans l’âge adulte pour la communauté des Skavens de Brissuc, sa terre natale. Pour satisfaire son maître et obtenir son titre de Prophète Gris, il avait dû passer une épreuve : tuer une Dryade. Il s’était rendu dans une clairière non loin du village de Niklasweiler, avec Chitik et Diassyon, ses deux frères préférés. Le Skaven brun du Clan Skryre avait utilisé un lance-flammes à malepierre, et toute la clairière avait fini consumée par le feu verdâtre. Sur le coup, il avait été très fier de lui, et les ricanements des trois frères avaient longtemps résonné au milieu de la forêt. Mais avec les années et le changement d’environnement… cet « exploit » était devenu une source de remords et de honte.

 

Quelque chose lui chatouilla le museau. Pas de doute, c’était une petite larme. En vérité, cette tragique histoire était une souillure sur son propre cœur, il devait la nettoyer. Un jour ou l’autre, il le ferait.

 

Que le Rat Cornu me soit témoin, petite fée des bois : dès que j’en aurai l’occasion-possibilité, je reviendrai guérir ta clairière pour qu’une autre puisse s’y installer !

 

Il se sentit alors mieux. Il venait de créer un lien avec le flux de Ghyran. Maintenant, il pouvait agir.

 

Il rouvrit les yeux, se leva posément, et s’adressa de nouveau à la compagnie.

 

-         Bien, messieurs, je vais devoir procéder à un rituel complexe-délicat. Cela va faire du bruit, peut-être de la fumée et de la lumière. Je n’ai jamais fait ce rituel, auparavant. Normalement, il ne devrait en sortir que des bonnes choses.

-         Est-ce qu’il y a un risque que ça échoue ? demanda Clarin.

 

Psody soupira.

 

-         Rien n’est jamais parfait, en dehors des actes des dieux eux-mêmes, Maître Clarin. Mais si ça peut vous rassurer, le seul risque, c’est qu’il ne se passe rien. Aucune chance de provoquer une pluie de feu ou de faire venir un démon, si c’est à ça que vous pensez-pensez.

-         J’ai déjà vu des mages échouer dans leurs formules, et provoquer des catastrophes.

-         Les rituels sont un peu différents de la magie conventionnelle. Comme on utilise des ingrédients et des conditions très précis-particuliers, les chances d’effets secondaires indésirables sont minimes. C’est comme si vous craigniez qu’il se produise une explosion si je me trompais dans les doses ou la cuisson pour faire un gâteau.

-         Certes, mais dans cet exemple, il y a le four ? Le four peut se briser sous l’effet de la chaleur, s’il a un défaut de conception ? Un rituel de purification pourrait mal tourner et brûler tous les alentours, non ?

-         Je ne garantis pas une réussite immédiate et sans le moindre risque, mais je vous propose de me faire confiance-confiance.

 

Clarin eut un petit sourire.

 

-         Vous ne seriez pas là sans cette confiance, Maître Mage. Mais que fait votre fils ?

 

Sigmund était en train de remplir le baquet de bois avec de l’eau contenue dans les jarres.

 

-         Il finit de préparer l’un des éléments essentiels au rituel.

 

Le Skaven Noir reposa la dernière jarre sur le chariot, en sortit un petit paquet de cuir qu’il déposa à côté du baquet, reprit les rênes en main et revint tranquillement vers le groupe en tirant la charrette.

 

-         C’est bon, Père.

-         Parfait.

 

Le Maître Mage se plaça devant les gardes et Clarin, de façon à avoir le champ face à lui. Sigmund était à son côté.

 

-         Je vais maintenant procéder à un enchantement de purge. Ces lieux ont été infectés par la pourriture-corruption des Skavens Sauvages, il va falloir la dissoudre. Sigmund ?

 

Le Skaven Noir sortit de son sac à dos une boîte ouvragée qu’il tendit à son père. Le Skaven Blanc en sortit un curieux objet. Clarin ouvrit de grands yeux impressionnés en voyant un masque en or massif de forme ronde, avec des ciselures complexes sur toute sa surface.

 

-         Bigre !

-         Je peux vous dire qu’en dehors de ma famille, c’est mon trésor le plus précieux. Il vient de Lustrie.

-         Vous êtes allé en Lustrie ?

-         Une fois. Mais je ne vous en dirai pas plus aujourd’hui. Attendons que les liens de confiance soient plus solides-fermes. L’accord de mon père, par exemple ?

-         Je comprends.

 

Clarin connaissait la réputation du grand continent d’au-delà de la mer, et avait entendu de terribles histoires sur ses redoutables indigènes. Le Maître Mage continua :

 

-         En premier lieu, je fais brûler de l’encens dans le périmètre où le chaudron a été renversé-vidé, pour repousser les brumes de malepierre. Puis je vais boire une potion qui va m’imbiber de magie de vie. Ensuite, je capterai l’énergie du soleil pour la concentrer dans ce masque d’or. Et enfin, je devrai imprégner la terre des forces combinées de la potion, du soleil et du masque par une vague d’énergie concentrée qui réagira avec l’encens. Ainsi, le sol devrait être purgé de cette infection.

-         Vous allez servir de canal magique ?

-         Exactement. Ce sera une expérience nouvelle-nouvelle pour moi, Maître Clarin !

-         Et… est-ce que vous, vous ne risquez rien ? Un tel flux d’énergie qui circule à travers votre corps ne risque-t-il pas de vous consumer ?

 

Le Skaven Blanc eut un petit sourire.

 

-         Si j’étais un vieillard-vieillard âgé de près de trente ans, peut-être que mon cœur ne supporterait pas le coup. Mais normalement, tout se passera bien pour moi.

 

Clarin considéra Psody avec respect.

 

-         Soyez assuré que le Prince Calderon saura apprécier votre geste à sa juste valeur.

-         J’en suis sûr-certain. Je vais faire tout mon possible pour réussir. À présent, je vous demande de rester tournés dans cette direction. Inutile pour vous de risquer de vous faire aveugler par la lumière de l’énergie. La protection des masques pourrait être insuffisante.

-         Tout ira bien, vous êtes sûr ?

-         Oui.

-         Alors, bon courage, Maître Prospero.

 

Psody fit quelques pas vers le baquet, mais il se retourna une dernière fois.

 

-         Siggy ? Viens voir par ici !

 

Sigmund le rejoignit en petites foulées. Le Skaven Blanc posé une main aimante sur son bras, et lui parla dans sa langue natale.

 

-         Ne t’inquiète pas pour moi, mon petit garçon-garçon. Tout ira bien, et on fait ça pour une bonne cause.

 

Sigmund n’aimait pas tellement entendre le queekish, mais il savait le pratiquer quand c’était nécessaire. Par souci de discrétion, donc, il répondit dans la même langue :

 

-         Je sais-sais.

-         Je te demande juste de garder un œil sur moi, au cas où. Toi, tu peux regarder. Je n’ai jamais fait ce rituel. Normalement, rien de dangereux pour personne, mais si jamais tu vois que je ne bouge plus quand c’est fini, tu sais ce que tu as à faire-faire.

 

Sigmund répondit par un hochement de tête. Son père dit encore :

 

-         Si jamais l’un de ces Humains, n’importe lequel, s’avise de tourner la tête, tu lui colles une baffe !

 

Nouveau hochement de tête. Psody eut un sourire satisfait, et reprit son chemin vers le baquet, tandis que son fils regagna sa place devant les citoyens de Sueño, qui avaient été un peu troublés en entendant le langage des Skavens Sauvages.

 

-         Qu’est-ce qu’il vous a dit ? demanda Clarin avec hésitation.

-         Il m’a demandé de veiller sur vous, au cas où quelque chose déraperait. Contentez-vous de tous rester bien face à moi, et tout se passera au mieux.

 

Clarin répéta les paroles de Sigmund dans sa langue. Les soldats se contentèrent de hocher légèrement la tête.

 

Sigmund voyait au loin la petite silhouette blanche de son père qui disposait des petits encensoirs en cercle autour du chaudron toujours renversé sur le sol. Il en plaça ainsi une dizaine. Puis il sortit son briquet à amadou, et les alluma l’un après l’autre.

 

Le grand Skaven Noir focalisa son regard sur l’émissaire Estalien.

 

-         Maître Clarin, j’ai quelque chose à vous dire qui ne concerne que vous et moi.

-         Vous attisez ma curiosité, jeune homme. Je vous en prie !

 

Sigmund était sincèrement gêné. Cela n’arrivait pas souvent devant les étrangers, mais il pensait ce qu’il essayait de dire.

 

-         Eh bien, je… enfin, mon père m’a fait comprendre que je n’ai pas été d’une conduite exemplaire devant vous.

-         Mais de quoi parlez-vous, mon ami ?

-         Ma colère, ma tristesse, mes débordements… notamment avec l’alcool.

-         Quoi ? Oh, mais enfin, c’était oublié depuis longtemps ! Écoutez, vous avez risqué votre vie pour sauver mes concitoyens alors que vous n’en aviez ni reçu l’ordre, ni l’obligation formelle !

-         Un petit-fils de Prince ne peut pas tout se permettre.

-         Non, sans doute pas, mais un jeune homme passionné qui voit de telles horreurs et qui réussit malgré tout à ne pas basculer dans la folie… rien d’étonnant à ce qu’il lui arrive de se… laisser un peu emporter.

-         Ma famille ne vous a rien dit d’autre ?

-         Hum… pas spécialement.

-         Bien. Quoi qu’il en soit, je souhaite vous présenter mes excuses si j’ai pu vous paraître indigne de mon rang.

-         Le vaillant guerrier qui a sauvé un village de mon Prince sur un coup de tête n’a pas d’excuses à me faire pour un simple écart de conduite.

 

Sigmund remercia intérieurement les dieux. Apparemment, sa famille n’avait rien dit à l’émissaire à propos de l’assassin Eshin. Son œil fut attiré par un geste du Skaven Blanc.

 

-         Ah, attention, mon père me fait signe. Le moment le plus décisif du rituel arrive. Souvenez-vous, regardez-moi bien, et ne vous retournez pas, quoi qu’il arrive.

 

Clarin répéta l’instruction en estalien.

 

 

Bien. Quand faut y aller-aller, faut y aller-aller !

 

Jamais il n’avait fait ce genre de rituel, encore moins devant des témoins. Il avait passé tout le temps du trajet à se préparer à cet événement. Il repensa à sa jeunesse dans les tunnels de Brissuc. Même à ce moment-là, ce qu’il s’apprêtait à faire aurait été très gênant pour lui, peut-être davantage. Son esprit glissa alors sur les visages des membres de sa famille.

 

C’est pour eux que je fais ça, et ça vaut le coup !

 

Résolu à sacrifier son amour-propre au nom de la paix entre les royaumes, le Skaven Blanc inspira profondément. Puis il retira un à un ses vêtements, les plia soigneusement et les posa près du baquet d’eau chaude, tout en fredonnant une petite prière. Il savait que le Rat Cornu serait sans doute fâché de voir un Skaven Blanc réduire à néant le travail des Pestilens, aussi lui demandait-il d’être indulgent.

 

Je suis fidèle à toi, ô Rat Cornu, mais j’aime trop ma famille-famille pour laisser quelqu’un souiller-salir mon pays d’adoption !

 

Quand il se retrouva tout nu, il se regarda des pieds à la tête, puis jeta un petit coup d’œil au loin. Ni son fils, ni Clarin, ni aucun autre Humain n’avait bougé. Alors, il prit la petite bouteille de potion restée dans sa sacoche. Il y avait dans la flasque un bon tiers de litre de la mixture qu’il avait passé des heures à concocter avec le Magister Mainsûre et Sœur Judy avant de rajouter les derniers ingrédients fournis par Clarin. Il avala le tout en quelques gorgées. La potion avait un goût sucré, il y avait une bonne dose de miel. Puis il saisit délicatement le masque de Cuelepok, et le coiffa. Ensuite, il s’allongea précautionneusement sur le dos, le museau tourné vers le soleil, et ne bougea plus.

 

 

-         Tout va bien, Maître Sigmund ?

-         Ne vous en faites pas, Maître Clarin.

 

 

Et maintenant, le moment le plus délicat…

 

La Magie de Jade était quelque chose qu’il fallait ressentir. Pas voir, pas calculer, mais pleinement ressentir. Il ne fallait pas y aller par quatre chemins : la potion magique circulait dans son estomac, et grâce à la magie de Ghyran, pénétrait dans son organisme bien plus rapidement que de la nourriture ordinaire. Déjà, des bulles chatouillaient ses intestins, et son visage se crispa sous l’effet de tics nerveux.

 

Surtout, pour ce qu’il avait à faire, il avait une certaine sensation à ressentir, en particulier.

 

Pour fertiliser… quelle blague-blague !

 

Non, il ne fallait pas se disperser, mais rester concentré. Sous son masque, il ferma les yeux. Des images se bousculèrent dans sa tête, alors qu’une chaleur circula à travers son abdomen. Puis il ressentit un picotement au niveau du bas-ventre. Oui, il était sur le bon chemin. Alors, il réfléchit davantage. Il se rappela la toute première fois qu’il avait ressenti cette émotion, dans une sombre cave de Niklasweiler, encore. Puis il vit des pondeuses, énormes, allongées de tout leur long sur des paillasses, toutes nues et prêtes à le recevoir. Mais après ses pérégrinations pendant les Récoltes, son point de vue avait changé. Elles n’étaient plus objets de désir, mais des créatures malheureuses qui ne lui inspiraient plus que de la pitié.

 

Il avait éprouvé un violent désir pour les créatures du sorcier du Chaos Aescos Karkadourian, elles l’avaient envoûté grâce à leurs charmes maléfiques. Quand il avait couru vers elles, il avait voulu plus que tout mourir entre leurs griffes, car cette extase-là aurait vraiment valu le coup. Sauf pour une femme, celle qui l’avait sauvé de ce traquenard.

 

Mon amour…

 

Heike était là, toujours plus belle, toujours plus douce, toujours plus féminine… Même alors que certaines filles Skavens avaient atteint l’âge adulte, même si quelques-unes d’entre elles étaient plutôt mignonnes, aucune n’arrivait à surpasser la grâce et la générosité de sa compagne.

 

Et avec son retour après la dernière Récolte, ils avaient perdu du temps. Et Heike semblait avide de rattraper ce temps perdu. Oh oui, ces dernières semaines, elle avait été rayonnante d’énergie, et presque insatiable une fois la porte de leur chambre fermée.

 

Les pensées s’accélérèrent, et la sensation se faisait de plus en plus forte. Psody se rendit compte que le masque était chaud, la peau de son visage commençait à brûler, comme lorsqu’il était resté trop longtemps dehors un jour de l’été précédent. Il grinça en sentant les veines de son entrejambe douloureusement gonflées de sang. Encore une fois, il se concentra, et s’autorisa à déverser une centaine de pensées toutes plus érotiques les unes les autres dans son esprit.

 

Son cœur battait à tout rompre. Soudain, son système nerveux s’enflamma. Il sentit le désir fuser à travers son bassin, comme un torrent de sève bouillonnante prêt à déborder. Il se retourna d’un coup sec, et se retrouva allongé sur le ventre. Alors, il posa fermement ses mains sur le sol, poussa violemment, inspira un grand coup, et se cabra, la tête vers les cieux. Ses fesses se crispèrent, ses cuisses se tendirent, et enfin la jouissance imprégna la terre corrompue à travers de franches poussées de reins, tandis qu’il gémit par à-coups de toutes ses forces, transporté par le plaisir. Fort heureusement, les Humains n’eurent pas le loisir de l’entendre crier, car le masque irradia d’un éclat doré, dans un crépitement électrique. Psody resta dans cet état pendant de longues secondes, puis tout s’arrêta.

 

Il n’y eut plus de lumière, plus de son. Le Skaven Blanc, toujours appuyé sur ses paumes, resta hébété encore un instant, puis sa tête retomba sur le sol. Il ne sentit qu’à peine la compression du masque sur son visage.

 

Malgré le martèlement du sang dans ses tempes qui assourdissait encore ses oreilles, il entendit la voix de son fils.

 

-         Père !

 

 

Affolé, le Skaven Noir courut aussi vite qu’il put vers le Maître Mage. Plusieurs fois, il glissa, et s’étala même dans l’herbe jaunâtre. Il n’en eut cure, et continua sa course jusqu’au Skaven Blanc. Mais alors qu’il n’y avait plus que quelques pas à franchir, Sigmund vit Psody, toujours allongé sur le ventre, lever la main, et rien d’autre.

 

-         C’est bon, Siggy. Je vais bien.

 

Son bras retomba mollement sur l’herbe. Il paraissait à bout de souffle, incapable de bouger, mais il vivait. Il parlait d’ailleurs d’un ton qui mêlait l’épuisement à… une extase bienheureuse.

 

-         Tu as besoin d’aide ?

-         Non, ça ira. Retourne les rassurer, et laissez-moi une dizaine de minutes.

-         D’accord.

 

Sigmund obéit, et retourna docilement vers les Estaliens. Ils n’avaient toujours pas bougé.

 

-         Alors, Maître Sigmund ?

-         Mon père va bien. Seulement, il a encore besoin de calme, afin de pouvoir favoriser la transmission des flux dans la terre. Là encore, il pourrait y avoir des sons et éclairs lumineux. Surtout, ne vous retournez pas avant qu’il ne nous dise que c’est terminé.

-         Bien. Il y en aura pour longtemps ?

-         Dix minutes. En attendant, regardez devant vous, et à vos pieds.

 

Clarin traduisit, et les Estaliens contemplèrent les alentours sans se retourner. Il y eut quelques exclamations surprises.

 

-         Vous avez vu ça, Maître Sigmund ?

-         Hé oui.

-         Incroyable !

-         N’est-ce pas ?

 

En effet, la brume s’était complètement dissipée. Mais surtout, la terre elle-même commençait à se transformer. Les brins d’herbe les plus jaunis changeaient de couleur, et reprenaient une teinte plus naturelle. La mousse brune se dissolvait, plusieurs nuages de fumée blanche s’élevaient çà et là.

 

-         C’est un miracle !

-         Non, Maître Clarin, c’est Ghyran.

 

 

Psody put enfin se remettre debout après le troisième essai. La tête lui tournait encore. Il retira son masque d’une main tremblante. L’or était chaud entre ses doigts, presque brûlant. Il baissa les yeux, et eut un petit rire nerveux. Après une telle expérience, sa fourrure était trempée. Il décida alors de passer à l’étape finale du rituel. Il ramassa le petit paquet laissé par Sigmund, en sortit un savon, entra dans le baquet d’eau chaude, et se frotta vigoureusement.

 

Par le Rat Cornu, qu’est-ce qu’il ne faut pas faire !

 

*

 

-         Entrez !

 

La porte du cabinet du Prince s’ouvrit sur Bianka Steiner.

 

-         Ah, enfin, je peux te voir, ma chérie. Je te jure, les doléances se multiplient, avec cette histoire de Larn. Les citoyens deviennent fous, les histoires de dispute et de vandalisme n’arrêtent plus, à tel point que je n’ai pas eu une minute à moi ! J’espère que l’attente ne t’aura pas semblé trop longue ?

 

L’après-midi du départ de son père et son frère, Bianka s’était précipitée vers le bureau de son grand-père pour lui faire part de son inquiétude. Elle lui avait montré le triangle du Rat Cornu taillé dans la tête de lit. Le Prince avait aussitôt pris des dispositions. Il avait fait remplacer le lit, doubler la garde de la propriété en ne choisissant que parmi les meilleurs soldats, et chargé le temple de Verena de faire une enquête sur cette affaire. Samuel Heifetz avait été mandé pour l’investigation. En tant qu’ancien serviteur de la famille princière, il connaissait très bien la configuration des lieux. Malheureusement, il n’avait rien trouvé de probant.

 

-         Allons au jardin, j’ai besoin de prendre l’air.

-         Je vous suis, Opa.

 

Quelques minutes plus tard, les deux Steiner étaient à l’arrière de la propriété. Les serviteurs allaient et venaient. On sentait une certaine nervosité dans l’atmosphère.

 

-         Tout ceci est très contrariant. Je ne sais toujours pas ce qui a pu se passer. Au moins, ta petite sœur adore son nouveau lit. Un « lit de grande ».

-         Tous des bons à rien ! s’exclama la jeune fille. Les prêtres de Verena, les gardes… Enfin, c’est si difficile que ça de protéger le lieu le plus inaccessible de toute la ville ?

 

Elle avait crié les derniers mots. Plusieurs membres du personnel, Humains et Skavens, sursautèrent.

 

-         Calme-toi, Bianka, je te prie ! Ils ne méritent pas ça. Surveille ton langage ! Ces gens font tout pour faire le travail au mieux, alors montre-leur plus de respect.

-         Oui, Opa, je… je suis désolée.

 

La jeune fille-rate serra les poings. La colère était une façon pour elle d’exprimer sa peur, et son grand-père le savait. Mais il n’avait pas l’intention de se montrer plus indulgent avec elle qu’avec son frère jumeau.

 

-         Ta peur est légitime, Bianka, nous nous trouvons devant une situation compliquée. Figure-toi que le personnel a aussi peur que toi. N’importe lequel d’entre eux pourrait connaître le même sort que Tenenbaum. Mais si nous voulons résoudre ce problème, nous devons garder notre calme.

 

Le Prince entendit alors des éclats de voix près du bâtiment réservé aux serviteurs. Un Skaven était en train de réprimander une Humaine. Celle-ci s’éloignait en lui balançant un chapelet d’insultes.

 

-         Tiens, en parlant de ça…

 

Sans hésiter, Steiner se dirigea vers le Skaven.

 

-         Eh bien, Ulli, que se passe-t-il ?

-         Cette femme est vraiment impossible ! Non seulement elle ne prend pas le travail au sérieux, mais en plus elle s’abaisse à la médisance ! C’en est assez, je lui ai demandé de partir !

-         Cela n’a pas l’air de beaucoup la contrarier…

-         Forcément, elle dit que loin d’ici, « on ne lui crèvera pas la peau » !

-         La peur est contagieuse.

-         Et elle nous empêche de progresser ! Décidément, votre Altesse, j’ai peine à trouver une remplaçante à Krista.

-         Krista ?

-         Oui, votre blanchisseuse ! Je refuse d’embaucher la première roturière venue pour votre Majesté ! Il me faut la meilleure ! J’ai fait confiance à mon beau-frère qui m’a recommandé celle-ci, mais vraiment… Il va m’entendre, celui-là !

-         Qu’est-il arrivé à cette Krista ? A-t-elle pris congé de nous ?

-         Comment, votre Majesté n’est pas au courant ?

 

Le Prince Steiner sentit une petite démangeaison lui titiller la peau.

 

-         Au courant de quoi ?

-         Eh bien, elle a eu un accident il y a quelques jours, en rendant visite à sa mère. On l’a retrouvée dans l’escalier, la nuque brisée.

-         Oh… Et sa mère ?

-         Morte dans son lit, la malheureuse était une vieille femme malade, et Krista venait lui rendre visite tous les jours pour s’occuper d’elle. Le choc a dû la tuer.

 

Bianka, qui avait entendu le début de la conversation, s’approcha et demanda :

 

-         Et… cette famille avait d’autres problèmes ?

-         En fait, Fräulein Bianka, quand le père est mort, il a laissé de lourdes dettes à la mère de Krista. La pauvrette travaillait deux fois plus pour envoyer de l’argent, mais elle arrivait à peine à joindre les deux bouts. Le moins triste, c’est que la souffrance s’est arrêtée pour de bon.

-         Je vois. Vous pouvez disposer, Ulli. Trouvez-moi une autre blanchisseuse, et proposez un salaire une fois et demie plus élevé que celui de Krista, cela devrait stimuler les candidatures.

-         À vos ordres, votre Altesse.

 

Ulli s’inclina respectueusement, et s’empressa de regagner le bâtiment où se trouvaient la laverie et son bureau.

 

Steiner et Bianka se regardèrent, chacun lut la même chose dans les yeux de l’autre.

 

-         Opa, je crois qu’on a trouvé notre traître.

-         J’en ai bien l’impression, mon ange. Quelle personne était mieux placée qu’elle pour subtiliser un vêtement portant l’odeur de ton père ? Mais je ne crois pas que ce soit la principale responsable.

-         Comment ça ?

-         Les Skavens Sauvages utilisent régulièrement les Humains, Bianka. Ils visent en priorité les gens qui sont dans des positions de pouvoir. À mon avis, jamais ils n’auraient pensé à contacter cette pauvre femme ; faire confiance à une femelle, tu te rends compte ? Une femelle qui n’a aucun statut dans la classe dominante, par-dessus le marché. Non, ils ont probablement alléché quelqu’un mécontent de son sort, qui a pu à son tour quérir l’aide de Krista, une pauvre servante prise à la gorge à cause de nombreuses dettes, avant de s’en débarrasser. Un magistrat, un des principaux serviteurs du château, un gradé de l’armée, peut-être ? Quoi qu’il en soit, je suis à peu près sûr que le vrai traître est toujours parmi nous.

-         Vous avez une idée ?

-         Hum… Peut-être, mais je ne peux rien dire pour le moment. Je refuse d’accuser quelqu’un sans preuve solide. Si je me trompais, non seulement ça me décrédibiliserait, mais en plus ça permettrait au véritable traître de s’en sortir. Il va falloir faire extrêmement attention. Je devrais peut-être en parler à Mainsûre ?

 

Le cœur de la jeune fille-rate battit plus fort à ce nom.

 

-         Opa, je doute que ce soit une bonne idée.

-         Tu ne lui fais pas confiance ?

-         Non. Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me dit qu’il ne joue pas franc jeu avec nous.

-         Et quel est ce « quelque chose » ?

-         Son assurance qui frôle l’insolence, ses airs supérieurs, ses petits sourires innocents… Je le vois bien faire les yeux doux à une blanchisseuse pour mieux la soudoyer, avant de la trahir !

-         Oh, il a son caractère un peu fantasque, mais ça n’en fait pas un suspect.

-         Qui a menacé Isolde ? C’est moi, peut-être ?

-         Cela n’a rien à voir ! Voyons, Bianka, tu parles du parrain de ta mère ! Je t’assure qu’il est au-dessus de tout soupçon !

-         Et peut-être qu’il compte justement sur votre confiance, Opa. Beaucoup de tragédies sont le fruit d’une trahison d’une personne « au-dessus de tout soupçon » !

 

Le Prince sentit une petite pointe d’amertume titiller son cœur.

 

-         Tu dis ça parce que tu ne le connais pas autant que je le connais, ma chérie.

-         Justement, je suis à l’abri d’une image positive qui peut être faussée. Je ne tiens pas à mieux connaître cet individu !

-         Il a risqué sa vie plusieurs fois pour permettre à ta mère de vivre.

-         Je ne le nie pas. Mais il peut avoir changé ? Et si quelqu’un lui avait promis quelque chose en échange de la tête de Père ? Le Conseil des Treize, par exemple ? Ils pourraient lui procurer une montagne de malepierre, pour ses expériences !

-         Pour faire appel à un Elfe, il faudrait qu’ils soient désespérés. Ils ont trop peur des Elfes pour traiter avec eux. Même les Elfes Noirs éveillent leurs craintes.

-         Bon, admettons, les Skavens Sauvages ne sont pas nos uniques ennemis ! Et si une autre Principauté cherchait à nous faire des misères ?

 

Steiner leva la main.

 

-         Bon, si ça peut te rassurer, pour le moment, je ne lui dirai rien. Mais je t’invite tout de même à faire attention. Bianka, tu as tendance à voir le mal partout, y compris chez le plus modeste des paysans comme Gustavus Finston. La méfiance peut être une bonne défense, mais si tu la laisses te voiler trop les yeux, elle peut t’aveugler.

-         J’espère que vous avez raison, Opa.

-         Moi aussi, sincèrement. Restons vigilants, mais ne faisons pas comme les gens dont nous avons la charge ; gardons la tête froide.

-         Je vais retourner au temple de Verena, ça me fera penser à autre chose.

-         Nous nous verrons tout-à-l’heure, au souper.

 

La jeune fille-rate fit quelques pas pour s’éloigner, mais elle retourna bien vite auprès de son grand-père, et se jeta dans ses bras. Elle s’autorisa à verser quelques larmes sur son épaule.

 

-         Sois forte, mon petit ange. Je te promets que personne ne fera de mal à ma famille tant que je vivrai. Et j’ai l’intention de vivre encore longtemps ! Le jour où Morr viendra me chercher, ce ne sera pas à cause d’un Skaven Sauvage !

-         Je vous aime, Opa.

 

Enfin, Bianka se décida à repartir au travail.

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