Quai n°3

Chapitre 4

1312 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/12/2014 14:39

Devant son miroir, Russel se questionne. Parfum, chemise et chaussures cirées ... Que d'artifices. Tout ça ne lui ressemble pas. Il hésite. Pourquoi passerait-il une soirée avec un inconnu ? Un homme ? Tout ça lui paraît absurde. Puis il repense à ce matin. Au fait qu'il a déjà faillit laisser passer la chance de lui adresser la parole. Aux regrets, à sa déception. Au fait que ce n'est qu'une simple soirée entre "amis", qu'il doit rester lui-même. Qu'il doit essayer de ne pas reculer au dernier moment, de ne pas se dégonfler. Car au fond, il en a envie, par curiosité. Découvrir ce gars et ce qui se cache derrière toutes ces émotions, qui lui semblent étranges et absurdes. Par simple curiosité. Alors Russel laisse sa chemise pour un t-shirt et ses chaussures en cuir pour des baskets. Ce n'est qu'une simple soirée après tout. Il vérifie sa coiffure, se brosse les dents et enfile une veste en jean avant de prendre ses clés et de quitter son appartement. Bizarrement, il se sent un peu stressé. Il part à pied. Il fait presque nuit et les lampadaires sont déjà tous allumés dans les rues. L'air est frais, pas mal de gens sortent ce soir. Russel accélère le pas. Il se demande toujours si c'est une bonne idée et s'il peut faire machine arrière. Mais il voit déjà le bar au coin de la rue. Il faut y aller. Devant la porte principale, des gens fument, parlent fort et rient ensemble. Russel s'avance timidement. Il vient de reconnaître celui qui l'attend, parmi les autres. Il n'ose pas trop s'approcher. Il le regarde rire, parler, faire de grands gestes ... Jusqu'à ce que leurs regards se croisent. Ils se sourient. Russel ne bouge pas, et l'autre vient immédiatement le rejoindre. - Eh, je suis content que tu sois venu ! Je vais te présenter aux amis, viens ! Alors, Russel se laisse faire. Dans cette bande, une brune à talons hauts un peu trop maquillée, un petit bond aux airs efféminés et deux autres garçons sans aucun signe particulier. Il ne s'attendait pas à voir autant de compagnie ce soir ... - Au fait, c'est quoi ton prénom ? - Russel, et toi ? - Glen, enchanté ! dit-il en tendant sa main à Russel, qui la serre dans la sienne sans réfléchir. Ce soir c'est bar-gay, ça te dit ? Surpris, Russel fût pris au dépourvu et ne sût pas quoi répondre. Il ne connaissait pas du tout ce genre d'endroit. Glen essaya de rattraper le coup : - L'ambiance est juste meilleure que dans ce bar miteux et puis c'est pas loin. T'inquiètes pas ! - Non, c'est juste que je ne connais pas en fait. J'ai jamais mis les pieds dans ce genre de bar ... - Bein c'est l'occasion de tester, non ? ajouta Glen en riant. Russel se sentit obligé d'accepter et haussa les épaules. Ils partirent tous ensemble à pied. Devant, les amis de Glen parlaient en fumant des pétards tandis que lui et Russel discutaient et faisaient connaissance. Plus ils se parlaient, plus Russel réalisait qu'ils étaient différents. Leur vision de la vie, des amis, de la fête ... Glen semblait s'amuser de la vie comme d'un jeu. Rien ne paraissait sérieux dans ses mots, et quelques fois il disait des choses qui n'avaient pas de sens. Ou peut-être qu'elles en avaient pour lui mais Russel ne les comprenaient pas toujours. Il disait qu'il partirait sans doute quitter tout ce qu'il a pour se construire un nouveau monde. Russel lui demanda pourquoi. Glen répondit que rien n'avait d'importance et qu'il se lassait vite, qu'il avait l'habitude d'être instable et que partir à l'aventure le divertissait. Russel lui, était plutôt posé, rêveur, à la recherche d'un bonheur incertain et d'une vie satisfaisante, sans en demander davantage. Bien sûr, il aimait lui aussi s'amuser. La drogue, la fête, le sex et l'alcool étaient pour lui un moyen d'échapper aux contraintes de la vie et évidemment, un plaisir auquel il aimait goûter. Quoique il restait plutôt spectateur en discothèque, et préférait les soirées canapés entre amis. Des fois, il se disait qu'il devrait peut-être sortir un peu plus de sa coquille, un peu comme Glen. Voilà pourquoi il se trouvait ici ce soir et pourquoi il suivait cet homme qu'il connaissait à peine jusqu'à ce bar en se demandant quel genre de soirée il allait passer. À l'intérieur, des gens dansaient sur de la musique électronique au milieu de spots lumineux multicolores. Des hommes s'embrassaient, s'enlaçaient. Russel avait l'impression d'entrer dans un autre monde. Un monde surprenant. Ces hommes lui inspiraient une certaine liberté. Ici les gens se montraient librement, sans complexe et sans avoir à subir les remarques et les critiques. Et finalement, il appréciait cette atmosphère. Glen partit au bar chercher deux shooters remplis de vodka et en donna un à Russel. - Cul sec ! Ils firent tinter leurs verres avant de les siffler d'un trait. L'alcool leur brûla la gorge et les fit grimacer. - Alors ? - En fait, répondit Russel en se raclant la gorge, je déteste la vodka ... Glen écarquilla les yeux avant d'éclater de rire devant Russel qui le suivit dans son élan. - J'ai pas osé te le dire, tu m'avais déjà payé le verre ! - Tu pouvais, c'était pas grave ! Tu me fais rire, toi ! Glen retourna au bar en entraînant le jeune homme avec lui. - Bon, dis moi ce que tu aimes alors, dit-il. Russel fouilla dans sa poche et en sortit un billet. Mais une main se posa sur la sienne et sur le bout de papier. Lorsqu'il releva la tête, il tomba nez à nez avec Glen qui s'était mis en travers de lui. Russel eut un coup de chaud lorsqu'il remarqua que leurs deux corps n'étaient plus qu'à un millimètre l'un de l'autre. - Tu ne crois pas que je vais te laisser payer j'espère ? lança Glen d'un ton provocateur. - Pourquoi pas ? - Tu es mon invité, répondit-il un sourire aux lèvres. Russel fuyait ses yeux, poussait de petits soupirs et riait nerveusement. Ne sachant plus quoi répondre, et sous l'insistance de Glen, il céda et rangea son billet. Gêné, il s'était écarté de lui et avait détourné son regard vers les gens qui dansaient sur la piste. Se trouver au milieu de couple homosexuels le rendait quelques fois un peu mal à l'aise, sans savoir comment l'expliquer. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de les regarder. - Alors, tu veux quoi ? demanda Glen - Une bière, ça va, merci. - Une bière, c'est tout ? - Vaut mieux que je sois raisonnable ce soir, répondit Russel. Glen haussa les épaules et interpella le barman pour prendre la commande. Lui, but encore trois shooters de vodka avant de retourner avec ses amis en tirant Russel avec lui. Autour d'une table, tous criaient pour pouvoir s'entendre parler. Mais Russel ne les écoutait plus. Un peu à l'écart, il continuait de balayer la salle du regard dans tous les sens. Certains étaient ivres, d'autres sortaient, rentraient, ou dansaient au rythme assommant de la musique et sur un canapé, deux hommes s'embrassaient à pleine bouche au point que l'on pouvait voir leurs langues s'entremêler. Il se demandait comment il avait pu atterrir ici. Ah oui, son obsession pour ce garçon. Glen était au milieu des débats et parlait toujours avec une assurance et une conviction surprenantes. Alors que Russel le dévisageait attentivement, il sentit une main se poser sur son bras.

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