Dragons - Volume I : l'Ordre

Chapitre 3 : 3.

2209 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/08/2019 16:55

Cela faisait un quart d’heure qu’Arthas et Onyx avaient enfin atteint un avant-poste militaire au port d’attache de Rut’theran, un tout petit village de quelques maisons au bord de l’océan et d’où accostaient les navires venant des continents. C’était l’unique passage vers la capitale d’Avalon. Évidemment, la sécurité y était renforcée par ses temps de troubles et les forces militaires s’y tassaient afin d’éviter que n’importe qui puisse rentrer dans la capitale impériale.

Onyx rouvrait finalement les yeux, allongé sur un lit des plus simples, dans une petite pièce du baraquement improvisé dans le village. Dans les premiers instants, l’homme ne savait pas trop ce qu’il se passait puis tout lui revint d’un coup et il releva son buste d’un coup net, apercevant aussitôt le chevalier Arthas, adossé au mur voisin et le regardant d’un air intrigué.

— Tu vas bien, tu seras vite sur pied, dit aussitôt l’homme en armure dorée.

— Et Alessa ? Tu l’as…

— Non... Quelqu’un est venu nous déranger. C’est d’ailleurs pour ça que tu as perdu conscience.

— Je ne comprends pas.

— Peu importe... L’elfe a pu fuir et je t’ai ramené. Parle-moi d’elle, tu la connais bien ?

— Je la connais depuis des années...

Onyx soupira ces quelques mots en fronçant des sourcils, presque gêné de l’admettre tandis qu’Arthas demeura silencieux, attendant patiemment la suite qui ne tarda pas :

— Enfin... Je pensais la connaître... Elle doit avoir trois ou quatre cents ans. Je sais que son village dans l’est d’Orneval avait été attaqué par la Horde et il n’y avait eu que très peu de survivants. C’est ce qu’elle m’avait raconté en tout cas. Elle avait perdu sa famille, mais semblait s’être reconstruite, les elfes ont cette chance, hein ! Ils vivent assez longtemps pour refaire autant de fois leurs vies qu’ils ne le souhaitent !

Ces dernières phrases, au ton plus léger, cachèrent un sarcasme évident ainsi qu’une certaine peine. Après quelques instants de silence, Arthas concentré sur le récit et n’étant pas prêt à interrompre ce dernier, Onyx reprit :

— Elle avait rejoint l’armée de transition. On s’est rencontré là-bas. Elle est rapidement devenue l’une des meilleures et elle et moi avons rejoint l’unité d’élite. Je pensais qu’elle avait oublié son passé, vraiment... Elle était toujours souriante, toujours aimable. C’était la joie de vivre incarnée !

Arthas fronça des sourcils, voyant le visage se charger d’émotions de son subordonné tandis que ce dernier continuait :

— Et puis du jour au lendemain, elle a disparu. Sans un mot, sans la moindre explication. Sans laisser le moindre indice sur où elle aurait pu aller. C’était il y a presque vingt ans...

— Tu l’aimais, n’est-ce pas ?

— Quand je l’ai connu, j’imagine que oui. J’étais jeune et fougueux ! Un peu comme toi !

Arthas se contenta de décocher un léger sourire tandis qu’Onyx reprenait :

— Elle était belle, adorable... et si forte. Je crois que j’aurais laissé tomber tous ces durs entraînements si cela n’avait pas été pour continuer à pouvoir être à ses côtés.

— Je vois...

— Mais c’était il y a longtemps. J’ai vieilli... contrairement à elle... J’ai refait ma vie. À l’évidence ce n’est pas son cas... Elle est dangereuse Arthas...

J’aurais pu l’avoir pourtant, pensa le blond.

— Notre attaque sur la position de déviant au nord d’Auberdine a été un échec Onyx, reprit le chevalier d’un ton plus sérieux.

— C’est elle... marmonna le mage.

J’aurais dû l’avoir, continua à se dire Arthas.

— Une contre-attaque est en cours, avec la division d’argent, rajouta le chevalier.

— Melris y est ? demanda Onyx en écarquillant des yeux.

— Oui... Cela devrait bien se passer.

Onyx ne répondit rien, restant silencieux devant les faits graves. Arthas finit par bondir du mur et posa sa main sur l’épaule du mage avant de reprendre :

— Repose-toi... Pense à ta femme. Je vais voir pour qu’on t’accorde quelques jours de repos.

Tandis que le chevalier quittait la pièce, il fut stoppé un court instant en entendant un « Merci Arthas » puis continua son chemin en dehors de la pièce.

L’homme en armure continua son chemin dans les baraquements jusqu’à arriver devant une porte gardée par deux soldats qui s’écartèrent aussitôt. Il était évident qu’Arthas était hautement gradé dans la hiérarchie militaire et alors qu’il frappait à peine à la porte, une grande voix grave lui intima l’ordre d’entrer.

Le soldat s’exécuta et entra dans la pièce, déserte de décoration ou de meubles. Seul assis devant un grand bureau, se tenait un homme au visage marqué par l’âge et qui lisait des rapports qui s’entassaient par dizaines devant lui. Il leva brièvement ses yeux vers le jeune blond et reposa aussitôt son regard sur ces papiers avant de dire d’une voix rauque et agacée :

— Arthas... Vous savez pourquoi vous êtes convoqué ?

— Pas vraiment mon commandant, avoua l’homme au garde à vous.

— Pourquoi n’êtes-vous pas à votre poste sur Astranaar ?

— J’y étais mon commandant, ce matin.

— Ne jouez pas au plus malin avec moi. Pourquoi avoir quitté votre poste pour rejoindre Auberdine ?

— Je voulais aider l’assaut sur la position déviante mon commandant.

— Et vous seriez vraisemblablement mort à l’heure actuelle si vous aviez réussi votre coup ! s’exclama le supérieur en fixant avec colère Arthas.

— J’ai pensé que c’était mon devoir mon commandant...

— Votre devoir, c’est de suivre mes ordres ! Votre nom ne vous permet pas de faire ce que bon vous semble. Comment aurais-je pu expliquer votre mort auprès de vos supérieurs ? Vous n’êtes dans la région que pour un temps limité... Je vous avais interdit de prendre des risques.

— Sauf votre respect mon commandant, je suis devenu soldat pour protéger notre empire, pas pour qu’on me mette sur la touche pour me protéger.

— Vous savez vous battre, c’est certain... Mais vous êtes sous mes ordres. À la prochaine insubordination, je vous renvoie chez vous. Est-ce clair ?

— Parfaitement mon commandant, répondit promptement le jeune blond.

— Bon... soupira longuement l’homme assis. Qu’est-ce qu’il s’est passé à Auberdine ?

— Une déviante a tenté de rallier Darnassus. Le capitaine Onyx a tenté de l’en empêcher, mais elle était redoutable.

— Et vous ? Qu’avez-vous donc fait ?

— J’ai sauvé Onyx et j’ai tenté de neutraliser la menace...

— Une tentative qui coûtera cher au contribuable ! Les dégâts sur le village sont catastrophiques. Les premières estimations sont d’au moins quarante mille pièces d’or. Peut-être devrions-nous vous envoyer la facture ?

— Je m’en excuse...

— Et en plus de cela, cette menace vous a glissé des mains, c’est bien ça ?

Le ton était clairement au reproche et Arthas avait constamment la tête baissée, acceptant les remontrances parfois justifiées qu’il prenait, mais il finit par froncer des sourcils et redressa l’échine avant de répondre d’une voix ferme :

— Vincent Steel m’a empêché de tuer la déviante mon commandant...

— Vincent Steel ! Et pourquoi pas le père Noël ?

— C’est la vérité monsieur.

— Et vous êtes encore en vie ? Vous auriez peut-être dû aller au front tout compte fait, répondit l’officier d’un ton moqueur.

— Je ne pouvais rien faire contre lui... Je n’ai jamais connu une telle sensation... J’étais complètement paralysé, cloué au sol... marmonna Arthas en regardant ses mains.

— Donc vous l’avez vraiment croisé...

— Oui...

— Drôle de coïncidence quand on sait que des pacificateurs sont en route pour Darnassus.

Arthas fronça des sourcils, ne comprenant pas tout à fait ce dont il s’agissait tandis que le commandant avait lâché ses papiers et se grattait la barbe comme pour s’aider dans son intense réflexion. L’homme finit par reprendre ses esprits et regarda aussitôt Arthas avant de conclure :

— Bref, plus de conneries Arthas ! Et si vous avez d’autres questions, vous n’avez qu’à aller voir vos supérieurs directement. De toute façon votre mission s’achèvera ici si la division d’argent a bien fait son travail.

— Bien mon commandant...

— Allez, fichez le camp.

Sur ces derniers mots, Arthas fit une légère révérence et quitta la pièce. Il avait encore plus de questions qu’avant d’y pénétrer et bien sûr il ne les trouverait certainement pas ici.

~*~

Seulement quelques heures passèrent et déjà la vie était revenue sur Auberdine. Les postes militaires en Orneval eurent vent de l’anéantissement de la menace déviante de Sombrivage et les habitants de la petite ville d’Auberdine purent rentrer chez eux. À leurs retours cependant, ces derniers purent constater que des combats avaient dû éclater au sein même de leur village, éventrant deux maisons et laissant des traces de batailles sur quelques autres murs ici et là.

Une heure s’écoula encore depuis l’arrivée des habitants avant que finalement, Alessa ne rouvre les yeux, voyant qu’elle était allongée dans un lit des plus confortables, à l’abri du froid glacial qui s’abattait à l’extérieur. La femme bondit aussitôt hors de sa couchette douillette, et après un bref regard au travers d’une fenêtre sur sa droite, qui donnait sur une vue dégagée vers l’unique port de Sombrivage, Alessa comprit qu’elle avait été recueillie dans une des maisons encore intactes d’Auberdine.

Elle ouvrit la porte de la chambre et observa des escaliers qui devaient mener au rez-de-chaussée et qu’elle s’empressa de descendre. Une fois l’elfe arrivée en bas des marches, elle vit une humaine devant une cuisine au bout du couloir, semblant préparer un repas aux effluves épicés que capta l’invitée inattendue. La femme aux cheveux châtains longs et ondulés finit par se retourner, en entendant son parquet grincer sous le poids pourtant léger de l’elfe, et d’un regard rempli de sympathie, lui demanda dans un grand sourire :

— Bonjour à vous. Nous sommes revenus au village il y a quelques heures et nous vous avons trouvée à l’entrée… Vous allez mieux ? Je prépare une soupe chaude aux épices d’Azsuna, j’espère que vous aimez ça, cela devrait vous requinquer !

Azsuna était une région à l’est d’Orneval, son climat semblable au méditerranéen offrait le meilleur de ses sols, et permettait d’obtenir de nombreux vivres aux qualités et goûts supérieurs à d’autres régions d’Azeroth. Les épices ainsi que les alcools d’Azsuna étaient de véritables spécialités qui s’arrachaient à prix d’or sur les marchés ambulants.

L’elfe qui s’enivrait d’ores et déjà de ce parfum qui embaumait toute la cuisine de l’hôtesse de maison finit par répondre à cette dernière avec un sourire apaisé :

— Oui, je vais beaucoup mieux, merci !

À ce même instant, l’habitante apposa sur la petite table de cuisine un bol rempli de cette soupe à l’odeur exquise et Alessa s’en approcha aussitôt et s’assit avant de commencer à goûter cet arrangement de saveurs si parfaitement concoctées par la dame qui lui faisait face. Cette dernière ne put s’empêcher de sourire en voyant l’elfe se délecter de sa préparation et finit par reprendre dans un long soupir, en regardant par l’une des fenêtres de la pièce :

— Heureusement que les déviants ont étés chassés, je n’aurais pas pu garder l’œil ouvert autrement. Mais certaines maisons du village sont gravement abîmées, je me demande ce qu’il s’est passé ici...

Aussitôt la propriétaire finit sa phrase, qu’Alessa se releva à toute allure avant de se ruer sur la porte d’entrée et de sortir de la maison, sans même dire au revoir, sans même terminer son repas. Quelle mouche l’avait-elle donc piquée ? se demanda la cuisinière pourtant si satisfaite de sa recette. Mais l’elfe en question était déjà loin, courant à toute allure et se précipitant vers le nord de Sombrivage. 


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