Dragons - Volume I : l'Ordre

Chapitre 7 : CHAPITRE II - L'épreuve

2920 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/08/2019 16:58

La nuit était enfin tombée sur le désert de Tanaris, tendrement éclairé par les milliards d’étoiles en suspension dans les airs. Dans la ville de Gadgetzan, l’affluence habituelle dans les rues, déjà modérée, avait laissé place à une désertion quasi totale. Seules quelques personnes ici et là, de temps à autre, allaient et venaient.

L’éclairage de la ville de nuit n’était pas très efficace et il n’était pas rare que des règlements de compte aient lieu durant ces moments, ne motivant pas franchement les quelques habitants à s’aventurer à l’extérieur. Le serveur du bar de la journée avait bientôt terminé son service, fermant la boutique dans à peine une dizaine de minutes quand il vit entrer dans son établissement des nouveaux clients. D’une voix toujours très timide, le serveur s’exclama :

— Je suis désolé ! Nous allons fermer !

Mais finalement, le jeune homme fronça des sourcils avant qu’il ne reconnaisse la femme qu’il avait vue plus tôt dans la journée, accompagnée qu’un homme aux cheveux hirsutes. Même si les motivations de l’étrangère avaient plutôt été de se trouver un combat, elle était intervenue avant que cela ne dégénère pour lui et il lui en était reconnaissant. Ce dernier qui ne devait avoir qu’une vingtaine d’années fit finalement un grand sourire à la femme, et se reprit aussitôt :

— Mais si c’est pour vous, je veux bien faire une exception.

Shanna se contenta de lancer un sourire chaleureux au serveur qui fut immédiatement sous le charme et à la limite de rougir d’embarras. Ce dernier s’empressa de reprendre ses esprits et leva le bras en direction des tables désertes afin d’inviter ses derniers clients à s’installer.

Le couple avait l’embarras du choix et prit une table au hasard tandis que le serveur venait à leur hauteur pour prendre leur commande. Il ne put s’empêcher de fixer la brune qui avait ôté sa capuche, s’émerveillant devant son visage angélique avant de retrouver ses esprits et de reprendre :

— Que puis-je vous servir ? C’est la maison qui invite.

— Auriez-vous un alcool raffiné ? demanda la brune en regardant le jeune droit dans les yeux.

Le jeune réellement charmé eut une fois de plus un moment de silence tandis que la femme au visage de porcelaine continuait à le fixer d’un regard chaleureux.

— Je prendrais la même chose, dit à son tour Vincent.

 Ce fut le déclic pour le serveur qui retrouva ses esprits et parti chercher son meilleur alcool. Pourquoi leur ai-je dit que c’était offert par la maison ? Le patron va me tuer, pensa le jeune serveur. En effet, les alcools ne coûtaient en général qu’une à cinq pièces d’argent selon leurs qualités, mais le serveur savait qu’une cuve de vin d’Azsuna était encore dans la réserve. Ce vin, selon son âge pouvait atteindre presque la pièce d’or et celui de ce bar était précisément un grand cru.

Tandis que le garçon préparait son service, Shanna fixa Vincent avec toujours autant de curiosité. Vincent Steel est face à moi... pensait-elle constamment, nerveuse comme jamais. L’homme la dévisageait depuis le début avec insistance et bien qu’elle n’y vît qu’un regard rempli de curiosité, cette insistance avait un côté charmeur auquel elle aurait bien pu succomber tôt ou tard. Elle se décida alors de briser le contact visuel et reprit d’une voix presque gênée :

— Et bien, que veux-tu savoir ?

— Qui tu es, ce que tu fais là. Ton histoire, tout simplement.

Rien que ça ! pensa la brune.

— Je vois. Je pourrais moi aussi te poser les mêmes questions ? demanda-t-elle avec hésitation.

— Si ça t’intéresse...

— L’histoire de Vincent Steel ? Je crois que ça intéresserait n’importe quel guerrier !

— Soit... Mais commençons par toi, insista l’homme.

— Et bien je m’appelle Shanna, Shanna Drayton. Je suis née à la marche de l’ouest dans une famille pauvre. J’avais deux frères et une sœur et j’étais l’aînée. La vie était dure, mais surtout répétitive.

Avait ? s’intrigua Vincent tandis que la brune continuait son récit :

— Je me suis vite rendu compte que j’étais la plus forte de la famille, je pouvais faire beaucoup plus de travaux manuels que même mon père. Ma vie ne me plaisait pas particulièrement ici tandis que les quelques occasions que j’avais de me rendre vers la colline des sentinelles me permettait d’entendre parler de ces histoires de héros qui se battaient pour notre liberté.

Soudain, le serveur arriva et déposa les deux verres remplis d’un liquide à la couleur bordeaux. Devant le silence qui s’était créé à son arrivée, le garçon repartit aussitôt, se doutant qu’il gênait.

— À mes vingt ans, j’ai décidé de rejoindre l’armée. Mon père m’en avait longtemps empêché, mais je crois qu’au fond de lui, il avait toujours su que tôt ou tard je volerais de mes propres ailes, et que je quitterais cet endroit.

— Tu es donc un soldat d’Avalon ? s’intrigua Vincent.

— Étais. J’ai fait ma formation, suivi les entraînements et rejoint les rangs de l’armée. J’ai rapidement gagné en grades. On m’avait même prédit que je deviendrais connétable... Mais j’avais déjà pu avoir quelques combats d’entraînement contre l’un d’eux et je l’avais dominé de bout en bout...

Vincent qui n’avait jamais quitté du regard son interlocutrice finit par esquisser un léger sourire en coin, comme comprenant parfaitement les émotions de sa voisine qui poursuivit :

— J’ai donc quitté l’armée après presque vingt années de services et je suis retourné voir ma famille...

L’homme aux cheveux hirsutes fronça des sourcils, se doutant que la suite serait bien moins joyeuse.

— Mon père nous avait quittés depuis longtemps... Tout comme ma mère d’ailleurs. Mes frères et sœurs... Je ne les reconnaissais plus. Je pense qu’ils ont eu beaucoup de mal à me reconnaître aussi... Ils avaient des enfants et même pour certains, des petits-enfants. Tandis que moi, je n’avais pas pris une ride. J’ai presque cent cinquante ans Vincent...

Sur les derniers mots de la femme, celle-ci regarda l’homme d’un air assez triste tandis que ce dernier répondit avec une voix neutre :

— C’est un signe de grande force spirituelle. Notre force a tendance à considérablement réduire la dégradation de notre organisme. Plus on a de force, plus l’on vit longtemps.

— J’imagine que tu es donc bien plus vieux que moi... Les rumeurs et légendes disent que tu as plus de mille ans... C’est vrai ?

— Les rumeurs sous-estiment grandement mon âge...

La réponse floue de l’homme fit pousser un léger soupir à Shanna qui reprit :

— Et comment peut-on avoir une vie normale si tous ceux qui nous sont chers meurent avant nous ? s’intrigua la brune.

— On ne peut pas avoir une vie normale Shanna...

— N’as-tu personne qui te soit cher ? De la famille ?

— Cela fait bien longtemps que je n’ai pas utilisé ce mot...

Une fois de plus, l’homme ne tentait pas de rassurer ou de réconforter la brune avant qu’il ne reprenne aussitôt, voulant recentrer la discussion :

— Donc tu es mercenaire aujourd’hui.

— Oui. Ça me permet de choisir moi-même mes contrats, et de toujours chercher à relever le défi.

— Et tu es ici pour affaires ?

— Oui et non. Je cherche un contrat actuellement. Et je passe régulièrement à Gadgetzan, on y trouve régulièrement de bons combattants. La preuve encore aujourd’hui... marmonna finalement la femme en regardant l’homme, envieuse.

— As-tu perdu beaucoup de combats dans ta vie ?

— Rarement, surtout à mes débuts en fait... Mais cela faisait des années que ça ne m’était pas arrivé. Je n’ai pas perdu contre toi Vincent, je n’ai simplement rien pu faire... Il n’y a même pas eu de combat...

La femme baissa finalement la tête, toujours embarrassée de son échec. Mais Vincent reprit d’un ton réconfortant :

— Tu as vraiment du potentiel... Et j’aime bien ton état d’esprit.

— Et toi ? Que fais-tu là ?

— Je cherche quelqu’un.

— Qui donc ? Je peux peut-être aider.

— Une elfe de la nuit, cheveux blancs et courts. Elle se nomme Alessa.

— Une alliée potentielle ? S’intrigua Shanna.

— Je le pensais autrefois...

Shanna resta silencieuse, espérant que Vincent lui donne plus de détails. L’homme prit d’abord une gorgée de vin et reprit avec précaution :

— Je l’ai rencontré une fois et je pensais qu’elle avait ce qu’il fallait pour être un dragon… Mais ses convictions la mèneront dans une impasse tôt ou tard. Elle est dangereuse et se bat pour de mauvaises raisons. Qui plus est, il semblerait qu’elle soit revenue d’entre les morts...

— C’est possible ça ?!

— Non... Elle ne semblait pas vraiment adepte de la magie blanche lors de notre première rencontre. Je pense plutôt que quelqu’un l’a remis sur pied. Mais des sorts curatifs en plein combat... Je ne connais personne capable d’une telle chose.

Vincent avait un air très intrigué qui n’échappait pas à sa voisine le fixant d’autant plus qu’elle n’avait pas à affronter son regard quand finalement, l’homme regarda brusquement la brune. Celle-ci fut presque paniquée, comme prise la main dans le sac tandis que Vincent la fixait en reprenant la parole :

— J’ai un service à te demander.

— Je t’écoute...

— Je dois m’assurer de quelque chose, je ne peux pas rester ici... Cette elfe, Alessa. Elle doit aller en Silithus. Si jamais tu la croises, empêche-la de le faire. Tu en es capable, j’en suis certain.

— Pourquoi est-ce si important ?

— Elle tentera de joindre une armée déviante sur place. Cette armée pourrait tenter d’attaquer Staghelm.

— Soit, je vais essayer de la trouver. Et toi ? Où comptes-tu aller ?

— Je dois retourner sur Darnassus.

— Il n’y a plus aucun bateau à cette heure-ci, le premier ne partira qu’à partir de cinq heures du matin.

— Dans ce cas je vais aller me reposer ces quelques heures, les prochains jours s’annoncent déjà bien remplis.

La femme se contenta d’esquisser un léger sourire, légèrement déçue que l’homme parte déjà. Ce dernier regarda un dernier instant la femme avant de lui dire d’un ton assuré :

— Nous nous reverrons très bientôt. J’en suis certain.

— Je l’espère, répondit la femme sans équivoque.

Finalement, Vincent rebroussa chemin et quitta le bar. Le serveur qui avait assisté à la scène voyait bien la belle brune au visage légèrement dépressif et s’imaginait bien quelques scénarios où il tenterait de venir la réconforter. Mais bien sûr, ces pensées restèrent à l’état de fantasmes tandis que la femme se relevait et allait jusqu’au bar.

Le jeune garçon en profita pour regarder encore une dernière fois la femme avant qu’elle ne dépose devant lui une bourse pleine et qu’elle ne commente :

— Utilise-les à bon escient...

Shanna sortait enfin du bar et le serveur qui ne s’attendait pas à être payé jeta un œil à la bourse et y compta une cinquantaine de pièces d’or. L’équivalent de presque six mois de salaires.

La guerrière était dehors, sentant le vent encore tiède lui parcourir le visage tandis qu’il était l’unique source de bruit dorénavant. Vincent avait déjà disparu et elle venait à regretter de ne pas l’avoir suivi aussitôt.

Cette expérience avait ouvert les yeux à la jeune femme. Cette différence de force, elle n’aurait jamais pu l’imaginer. Une chose était certaine cependant, elle voulait revoir Vincent ; quelque chose en lui l’avait hypnotisée. Était-ce la soif de puissance ? Elle n’en était pas sûre elle-même. En réalité, elle avait une seule conviction. Ce baiser représentait beaucoup pour elle et les derniers mots de l’homme l’emplissaient d’espoir quant à une prochaine rencontre avec lui. Shanna resta immobile au milieu de la rue pendant quelques longues minutes avant de se remettre en marche vers sa chambre dans une auberge voisine.

Vincent quant à lui était à quelques rues de là et prenait une chambre dans l’une des trois auberges de Gadgetzan. Son visage semblait très fermé, comme cherchant encore des réponses à ses interrogations. Mais après s’être allongé dans le lit au confort correct, ce dernier finit par fermer les yeux et s’endormir.

La nuit passa rapidement et tandis que la ville se réveillait doucement, le soleil irradiant à peine ses premiers rayons du soleil au-dessus de l’océan, toujours masqué, Vincent s’empressa aussitôt de quitter la pièce sans oublier le moindre effet personnel et déposa deux pièces d’or devant le comptoir du gérant avant de prendre la direction du port. Malgré l’heure précoce du jour, il savait qu’il n’arriverait au mieux que sur les coups de midi sur la capitale, se souvenant également des avertissements de Tyrande.

Mais tandis que son trajet se passait sans la moindre perturbation, sur Tanaris, Shanna était déjà sur le qui-vive et se tenait aux portes sud de Gadgetzan. Le seul passage vers Silithus était en effet tout au sud de Tanaris et si quelqu’un comptait s’y rendre en passant par cette ville, cette route était la plus probable. Il existait toutefois le risque que l’elfe soit déjà passée ou bien qu’elle ne fasse pas d’escale dans la ville gobeline.

~*~

Loin d’ici, au nord de Sombrivage, une dizaine de soldats s’affairaient encore à faire la lumière sur les différents carnages qui avaient été perpétrés en ces lieux. Cherchant désespérément à comprendre comment un connétable aussi réputé que Melris Malagan avait pu être terrassé par une parfaite inconnue.

Tandis que l’affaire piétinait, un énième soldat arriva sur les lieux, portant une armure d’argent et d’or ; C’était Arthas. L’homme se dirigea aussitôt près de l’un des officiers enquêteurs et ce dernier grimaça au jeune blond avant de commenter :

— Je croyais qu’on vous renvoyait chez vous ?

— Je suis sur le départ... Je repassais simplement dans l’espoir que l’on ait de nouvelles informations...

— J’aurais bien dit que tout cela est arrivé car vous n’avez pas pu arrêter cette elfe quand vous en aviez l’occasion, mais si même Melris n’a rien pu y faire, alors vous êtes peut-être plutôt chanceux, rétorqua l’officier.

C’est de la faute de Vincent, pensa le blond.

— Cela n’a rien à voir avec de la chance... marmonna-t-il.

— Nous avons communiqué son signalement aux habitants d’Auberdine. Une femme se rappelle l’avoir hébergée après que son mari l’ait retrouvée inconsciente lorsqu’ils sont revenus dans la ville. Elle n’a montré aucune hostilité particulière.

— Rien d’autre ? grimaça Arthas, trouvant cette information bien maigre.

— Hélas non. Qui plus est notre travail s’achève ici. Nous devons nous préparer pour Silithus. L’affaire risque d’être classée sans suite.

— Une elfe étrangère décime une de nos divisions ainsi que Melris. Vincent Steel s’interpose pour la protéger, et nous classons tout cela sans suite ?! s’exclama Arthas.

— La priorité est de nous occuper de l’armée déviante à Silithus, ce sont les ordres.

— Et que pourraient-ils bien faire à Silithus ? Staghelm est une place forte imprenable et nous contrôlons le seul point d’accès de la région... Nous les tenons déjà en respect, argumenta le jeune blond.

— Les ordres sont les ordres Arthas.

Ces ordres n’ont pas de sens, pensa-t-il avant de faire demi-tour, repartant vers Auberdine. Un bateau militaire l’y attendait personnellement afin de le ramener sur le continent voisin ; les Royaumes de l’Est où se trouvait son commandement. Quelque chose ne tournait pas rond dans tout cela, l’homme en était convaincu et il comptait bien faire la lumière là-dessus.


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