Dragons - Volume I : l'Ordre

Chapitre 9 : 9.

2990 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/08/2019 17:00

Alors que la lune était haute dans le ciel, Arthas qui avait eu vent de l’attaque aux Maleterres s’y était rué. Les quelques détails qu’il avait pu en avoir ne lui faisaient penser qu’à un suspect potentiel. Sur place, le blond coopéra avec l’équipe d’enquêteurs et après plusieurs heures de fouille scrupuleuse, à la recherche de tout indice qui pourrait faire avancer les investigations sur ce cas étrange, l’un d’eux finit par trouver une mèche de cheveux blond platine.

Arthas ne savait toujours pas trop quoi penser de ces détails qui contredisaient ses premières intuitions, mais se pressa de retourner sur la capitale de Hurlevent afin de faire un rapport détaillé à son supérieur hiérarchique.

Après deux heures de trajet, Arthas arriva enfin chez son supérieur, Nathan Hawke. Ce dernier logeait dans la capitale humaine de Hurlevent, une immense cité construite au cœur de la région de la forêt d’Elwynn, à une centaine de kilomètres à vol d’oiseau, au sud-ouest des Maleterres. Arthas se sentait fort et inspiré lorsqu’il arrivait devant l’imposante porte en pierre de presque dix mètres de haut qui protégeait l’entrée de la ville. Cette dernière donnait directement sur un pont tout aussi massif dans sa construction avant de déboucher sur les premiers quartiers de la capitale.

Mais l’heure n’était pas à la visite et le soldat s’empressa de rejoindre le bureau des services militaires. Après encore quelques minutes à attendre qu’il soit invité à aller déranger le commandant, un majordome qui revenait de la pièce du haut gradé en question lui fit un signe de tête, comme pour lui indiquer que la voie était libre. Arthas s’empressa et toqua aussitôt à la porte de Nathan Hawke. Ce dernier l’invita immédiatement à entrer dans son bureau et Arthas, à peine foulait-il la pièce, qu’il se hâta de faire un bilan de la situation :

— Mon commandant, comme vous le savez sûrement, cette nuit une attaque sans précédent a été orchestrée sur un site archéologique aux Maleterres. Au dernier recensement, nous avons compté quarante-sept victimes civiles ainsi que la quatrième unité de cavalerie du lieutenant commandant Rider. Rider lui-même est actuellement introuvable.

— Hmmm…

— Ce qui est étrange c’est leur mort en question. Ils n’ont pas subi de violence physique.

— Difficile à croire… marmonna le commandant inquiet.

— Voici les quelques indices trouvés mon commandant... Nous avons trouvé une mèche de cheveu blond platine à l’intérieur de la grotte et la première unité de reconnaissance témoigne avoir entendu une conversation entre deux femmes. Qui plus est, dans un journal intime de l’une des victimes civiles est fait mention de la découverte d’une relique très puissante. Le reste du journal est quelque peu confus, mais l’auteur semble penser que cet objet pourrait changer le monde, rétorqua Arthas en fronçant des sourcils.

— Je vois...

— Puis-je me permettre une opinion mon commandant ?

— Et bien, allez-y.

— Je ne connais qu’une personne capable de tuer autant de personnes d’un coup, sans la moindre attaque physique...

— Et ce coupable serait ? demanda Nathan, voyant déjà où voulait en venir son subordonné.

— Il faut qu’on règle le problème de Vincent au plus vite commandant, répondit Arthas, n’y allant pas par quatre chemins quant à ses suspicions.

— Donc vous pensez que c’est lui ?

— Il est le seul à être capable d’un tel acte, argumenta le soldat.

— Et les indices sur place ? Les voix de ses femmes ? Nos propres soldats mentiraient pour protéger Vincent ?

Arthas resta silencieux, conscient que son hypothèse restait invérifiable.

— Votre opinion n’est pas fondée. Et puis nous n’avons aucun moyen de l’arrêter. Mais pourquoi lui mettez-vous chaque incident sur le dos ? s’exclama le ommandant curieux, semblant habitué aux propos et accusions d’Arthas envers Vincent.

— D’un, il est banni et n’a aucun droit de séjour sur nos terres. De deux, il a secouru une déviante très dangereuse récemment, et je pense qu’elle est la personne qui est mentionnée dans les rapports concernant la mort de Melris. Et de trois, il a déjà tué d’innombrables innocents par le passé, je ne vois pas ce qui l’empêcherait de refaire ce genre d’actes.

— Le problème de cette elfe de la nuit reste entier, je vous l’accorde, il faut impérativement la retrouver et envoyer nos meilleures troupes pour la neutraliser.

— Oui mon commadant acquiesça sans même broncher le soldat blond.

— Pour l’incident du Dark Day… Il n’avait aucun autre choix, reprit le supérieur avec un léger soupir d’embarras.

— Ce n’est pas ce que l’église dit pourtant, rétorqua immédiatement Arthas, campant sur ses positions.

— Vous persistez donc à croire que Vincent est un éternel ennemi et qu’il doit impérativement être chassé ? Bien que nous n’en ayons pas réellement les moyens ?

— À mes yeux, cela ne fait aucun doute… avoua sans sourciller Arthas.

— Venez avec moi... soupira le commandant.

— Où allons-nous ?

— Voir Baros le sage... Vous avez de la chance, il est de passage sur Hurlevent depuis hier, mais il loge chez les elfes à Darnassus en temps normal.

— Qui est-ce exactement ?

— Un homme ayant connu de sa propre expérience le mal et le bien. Un homme qui depuis s’est décidé à réparer ses erreurs et à empêcher celles des autres.

— Rien que ça, dédaigna Arthas avec sarcasme.

— Ne le sous-estimez pas. Il a beau avoir l’apparence d’un vieillard, cet homme a vécu plusieurs siècles. On dit même que sa longévité vient de sa sagesse.

— Vous vous moquez de moi ?

— Non Arthas. Bien que d’autres pensent tout simplement qu’habiter aux côtés des elfes, augmente l’espérance de vie. Je trouve la première version bien plus romantique.

— Bref… Peu importe, marmonna Arthas, désintéressé.

Après un petit quart d’heure de marche dans la capitale, le commandant arriva devant un sanctuaire qui ne payait pas de mine, au bout d’un très rare coin de verdure de la ville. Il ouvrit la porte et Arthas put voir dans la pénombre, un sage assis devant une table avec une bougie comme unique éclairage. Son habit était en laine grossière et les finitions de ce dernier laissaient à désirer.

La pièce faisait peut-être cinquante mètres carrés et était entièrement remplie de rangées de bibliothèques tandis que sur la droite, un petit escalier en bois montait sur un espace ouvert où un lit et un espace de vie succinct permettaient à l’homme d’y vivre. Finalement, le commandant tendit le bras gauche pour faire signe à Arthas d’entrer puis il dit :

— Nous y voici… Je vous laisse avec lui. Et tâchez de me trouver des informations sur ces femmes après tout cela...

— Bien, répondit le soldat, forcé dans une situation ennuyeuse.

Puis, Baros voyant le jeune incrédule débouler dans ses quartiers, engagea la conversation aussitôt en demandant :

— Vous venez ici pour avoir des renseignements, mais vous n’avez pas l’air d’être prêt à entendre quoi que ce soit pourtant… Soit... Quel est le sujet ?

— Je ne comprends pas très bien ce qu’il se passe… Mais comme vous dites, soit ! Jouons le jeu ! J’émettais mes inquiétudes quant à la menace que Vincent Steel représente pour Avalon…

— L’avez-vous rencontré en personne ? s’intrigua le vieillard d’un sourire intéressé.

— C’est le cas en effet… Que savez-vous sur lui ?

— Pas grand-chose... Juste quelques détails ici et là, expliqua le sage marqué par les années.

— Comme ? insista Arthas.

— C’est un très grand homme. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec lui autrefois.

— Vous qui punissez le mal ? Vous lui avez parlé ? s’exclama Arthas.

— Je chasse le démon à l’intérieur des gens. J’extirpe cette haine.

— Et vous n’avez rien fait pour lui ? demanda Arthas sur un ton moqueur.

— Non… Car il n’a pas de démons. Vincent n’en a pas et n’en est sûrement pas un.

— S’il n’est pas un démon et s’il n’en a pas... Qu’est-il donc ?

— Il vous dirait certainement… Que c’est un dragon !

— Un dragon ? grimaça le blond, perplexe.

— J’ai longuement réfléchi à la raison de cette expression... Je n’ai trouvé que deux explications possibles. Il y a l’idée religieuse ou une forme de foi. Ou bien l’idée d’un vrai dragon.

Rien que ça, pensa Arthas.

— Connaissant Vincent, et bien qu’il soit aux faits sur toutes les croyances d’Azeroth, il n’est pas homme d’Église, continua Baros.

— Le contraire m’aurait bien étonné, il parlait donc d’un véritable dragon… C’est stupide, soupira Arthas, sentant perdre un temps précieux.

— Oh non ! Ça l’est bien moins que ce que vous pensez… Autrefois, aux fondements du monde, de puissants dragons régnaient sur ses terres. Il est même dit que ces créatures d’une force inimaginable pouvaient prendre forme humaine pour vivre parmi nous.

— Ce ne sont que des contes pour enfant Baros... Et même si c’était le cas, vous croyez qu’il en est un ?

— Les comptes et folklores sont souvent le fruit de récits romancés d’une civilisation précédente. Quoi qu’il en soit, je ne pense pas qu’il en soit un physiquement, non. Ces dragons se seraient éteints depuis bien longtemps ! Mais je pense toutefois qu’il en a la puissance.

— Mais quel est son but au final ?

— L’horizon ! s’exclama le sage.

— L’horizon ? répéta le jeune homme, sans réellement chercher à saisir.

— Oui… L’horizon…, dit Baros en souriant.

— Qu’est-ce que ça signifie à la fin ?!

— J’y ai aussi beaucoup réfléchi… Vincent parlait très bizarrement à cette époque… Il jouait sur le sens des mots. Rendant même ses propos très flous.

— Ça colle au personnage, dit sarcastiquement Arthas.

— En effet, acquiesça Baros.

— Et alors ? Que voulait-il dire en réalité ? En avez-vous la moindre idée ?

— Et bien… J’ai tenté de comprendre l’idée de l’horizon. Et puis ça m’est venu tout à coup… L’horizon est toujours devant nous. Quel que soit notre vitesse, notre position dans ce bas monde, ou qu’importe qui l’on est, l’horizon existe toujours, et il est constamment en face.

— C’est sûr… marmonna Arthas, piétinant du pied, impatient d’en finir.

— L’horizon comme but… c’est simplement l’envie d’aller de l’avant. L’envie de vivre conjugué à l’idée de l’éternité.

— Tout cela me paraît incroyablement ennuyeux, dit sèchement Arthas.

— Oui, mais c’est une façon de dire qu’il ne cherche qu’à vivre. Et aussi qu’il est vieux. Et depuis que je suis dans ce monde, on en entend parler. Et on parlait déjà de lui bien avant.

— Les plus anciens écrits font allusion à une unité absolue. Une force de la nature que rien ne pourra détruire, même pas le temps lui-même, rajouta Arthas.

— Oui...

— Vous pensez que cela se référait donc à Vincent ?

— Probable, répondit simplement le sage, sans réelle certitude.

— J’aimerais revenir sur une chose…

— Quoi donc ?

— Pourquoi n’est-il pas un démon ?

— Très simple… Pourquoi avons-nous un démon au fond de nous ? Qu’est-ce qui pourrait nous faire mal agir ?

— Nos sentiments ?

— Oui… nos émotions ! Vincent n’a pas d’émotion.

— C’est n’est pas si sûr… Mais admettons qu’il en soit démuni. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour autant.

— Au contraire. Savez-vous que dans un combat qui n’implique pas la notion de différence de matériel, plus du trois quarts de ces derniers peuvent avoir un vainqueur prédéfini ?

— Comment ?

— Par les émotions ! La rage au combat, la haine de l’ennemi, l’amour et l’envie de protéger. Mais tout cela réunit… Il s’agit d’un sentiment à la base de tous les autres…

— L’amour... répondit l’homme aux cheveux dorés.

— C’est exact. L’amour est à la fois notre plus grande force, mais aussi notre plus grande faiblesse.

— Faiblesse ? Comment ça ?

— Il nous incite parfois à utiliser la partie démon de notre âme.

— Je pense comprendre… marmonna Arthas.

— En bref… les émotions peuvent décupler la force d’une personne. Vincent quant à lui, ne fait appel qu’à sa force pure.

— C’est possible.

— S’il venait à aimer et à se munir de sentiments… ce serait comme donner une âme humaine et donc… imparfaite, à la plus puissante des armes.

— J’espère ne pas être là ce jour ! s’exclama Arthas.

— S’il faisait de la haine son allié… Les conséquences seraient catastrophiques.

— Voilà pourquoi cet individu ne doit pas rester libre d’aller où il veut, conclut Arthas.

— Mais rien ne peut l’en empêcher, jeune guerrier. Et sûrement pas vous !

— Il fréquente Tyrande Whisperwind, j’en ai la certitude... Savez-vous quelque chose à ce sujet ?

— Pas vraiment… Mais je doute qu’il y ait de l’amour dans l’air.

— Pourquoi donc ?

— Même s’ils ne sont pas ennemis… Elle représente quelque chose que Vincent ne veut pas comprendre.

— Soyez plus précis, insista Arthas.

— Une société faiblarde.

— Comment oses-tu ?! s’écria le soldat fidèle à son empire, foudroyant Baros du regard.

— Ne vous mettez pas en colère ! Si cette société était si utopique, il n’y aurait pas ce problème de déviants… Qu’en pensez-vous ?

— Nous réparons les erreurs du passé, et ils ne veulent que se venger, ils sont le fléau d’un monde qui essaye de se remettre de millénaires de guerre.

— Ils sont humains… Si votre famille avait été annihilée par les forces Horde… Seriez-vous là à clamer les bienfaits de cette alliance inconditionnelle ?

— Je pense que oui… Je ne voudrais pas que la génération de demain connaisse les souffrances dont j’aurais été victime, répondit avec franchise le jeune homme.

— Alors vous êtes quelqu’un qui fait plus part à la raison qu’à vos sentiments les plus naturels…

— Devrais-je le prendre comme une insulte ?

— Surtout pas… Chacun a sa manière de regarder le monde.

— Vincent ne regarde pas le monde avec émotions d’après vous... Comment peut-il ne pas comprendre le but même d’Avalon dans ce cas ? rajouta le jeune homme.

— Il ne désire qu’une chose… la simplicité. Pourquoi chercher à s’embrumer l’esprit quand on a la force de faire ce que l’on veut de ses propres mains ?

— Ça se tient…

— Et puis peut-être ne fait-il rien pour Avalon, mais avez-vous simplement des preuves qu’il travaille contre ?

— Il a sauvé la vie d’une déviante. Une elfe qui a fait beaucoup de victimes dans nos rangs…

— Peut-être l’a-t-il fait pour d’autres motifs ? Peut-être qu’elle joue un rôle bien plus important qu’il n’y paraît dans ce grand échiquier qu’est la vie.

— Pourquoi toujours vouloir remettre en question mes opinions ? s’intrigua Arthas, agacé.

— Parce que c’est le principe même d’un débat. D’argumenter et contre-argumenter. La réponse n’est jamais celle que l’on croit et il faut pouvoir visualiser le problème de chaque côté du miroir pour en saisir pleinement le sens. Tentez vous-même cet exercice de contre-argumentation sur vos propres idées et tentez d’y chercher une réponse qui pourrait concilier les deux hypothèses diamétralement opposées.

Arthas grimaça, comprenant difficilement les propos de l’homme. À l’évidence il n’usurpait pas son titre de sage et parlait de façon très étrange. Mais tandis que le soldat tentait de faire le ménage dans sa tête, Baros reprit la conversation :

— Pour Vincent et Tyrande, je ne sais rien de toute façon. Mais toutes ces rumeurs ne sont pas très récentes...

— Dernière question… Les pacificateurs… Qui sont-ils ?

— Ah... Voilà un sujet très intéressant ! J’en ai entendu parler au fil de temps ici et là, mais je ne me suis jamais attardé sur la question.

— Je pense connaître les grandes lignes sur leurs origines, mais leur arrivée m’intrigue…

— Dans ce cas si vous n’avez rien de prévu, je vous propose vous asseoir jeune homme. Je vais vous chercher quelques livres à ce sujet.


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