Dragons - Volume I : l'Ordre

Chapitre 13 : 13.

3030 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/08/2019 20:46

Alors que l’homme au visage pâle allait reprendre la route, Arthas arriva à son tour au galop. Il avait senti cette force spirituelle au loin et s’était tout de même empressé d’augmenter la cadence, voulant être témoin de ce qu’il se passait. Vincent, l’ayant remarqué depuis un moment déjà, se décida d’attendre l’arrivée du jeune homme.

Celui-ci finit par arriver sur les lieux du combat et pris au dépourvu, arrêta sa propre foulée, incertain de ce qu’il devait faire désormais. Il voyait dans le dos de l’homme aux cheveux hirsutes, le corps inanimé du pacificateur. Il paraissait évident sur le visage de Vincent qu’il n’y avait aucun remords ou semblant d’émotion quant au meurtre qu’il venait de commettre. La peur commença à emplir Arthas tandis qu’il voyait Vincent s’approcher inexorablement de lui, incapable de se mouvoir, tétanisé sur place. L’assassin en question finit par être à hauteur du jeune soldat, et prit parole avec une sérénité presque dérangeante :

— Tu ne devrais pas me suivre. Je n’ai pas envie de te tuer. Mais si tu ne me laisses pas le choix, je n’hésiterais pas.

— J’aimerais comprendre beaucoup de choses Vincent. Je ne suis pas totalement derrière l’église, mais le peu d’informations que j’ai sur toi ne m’aide pas à te cerner... balbutia Arthas, essayant de garder la face.

— Quelle importance ? demanda sans détour Vincent.

— Mieux faire mon travail.

— Ça m’est totalement égal, avoua sans gêne l’homme banni.

— Qui est morte exactement ?

— Tu devrais vraiment faire attention, grogna Vincent sur un ton menaçant.

— Je veux comprendre ! s’exclama Arthas, reprenant confiance en soi.

— La seule chose que tu devrais comprendre c’est le danger dans lequel tu plonges.

— Écoutes... Je ne suis pas aveugle. Quelque chose se trame et d’une manière ou d’une autre je finirais par savoir la vérité. Je ne fais pas confiance aux pacificateurs et l’église ne pourrait pas y faire grand-chose...

Vincent resta silencieux, écoutant l’argumentaire du soldat qui continua avec fermeté :

— D’abord il y a cette armée déviante postée à Silithus et dont je ne comprends pas encore l’intérêt qu’elle peut y trouver à s’y installer. Ensuite il y a cette Alessa qui fait un carnage... Toi, l’arrivée des pacificateurs, ces morts inexplicables aux Maleterres et cette histoire de relique. J’ai beaucoup trop de questions.

— Une relique ? s’intrigua Vincent.

— Je n’en dirais pas plus ! Je suis prêt à échanger des informations. Mais il me faut ta coopération...

— Je trouverais ces réponses par moi-même, merci.

Sur ces mots, Vincent commença à rebrousser chemin. Arthas avait senti un court instant piquer la curiosité de son interlocuteur et était persuadé de pouvoir en tirer quelque chose. Après un court instant d’hésitation, l’homme se reprit, sentant utiliser sa meilleure carte :

— Et si j’avais le pouvoir de te rendre ta liberté ? De te gracier ?

Vincent s’arrêta net et se retourna, regardant Arthas d’un air dubitatif.

— Comme si, répliqua ce dernier.

— Je pourrais en toucher un mot aux plus hauts placés militaires... Mais il me faut savoir ce qu’il se trame.

— Comment aurais-tu le pouvoir sur tes supérieurs ?

— Je devrais reprendre la place d’empereur d’Avalon d’ici trois mois.

— Tu es le fils de Terenas Menethil, je l’avais oublié... Tyrande quitte donc le trône ? demanda Vincent, intrigué.

— Oui... Elle a annoncé sa démission au conseil il y a peu... répondit Arthas avec embarras.

Vincent ne dit rien, pensif.

— J’aurais le pouvoir de te rendre ta liberté totale… Même si tu n’attends pas cette permission, rajouta le futur empereur avec ironie.

— C’est assez juste...

— Mais tu y gagnerais beaucoup... Plus personne ne te courrait après ! s’exclama à nouveau Arthas, avec enthousiasme.

— Je t’aime bien Arthas. Tu es quelqu’un de sage et noble et tu as toute mon estime. Mais je ne peux rien dire… Pas pour le moment. Mais il m’apparaît évident que nous avons des affaires à régler... Je te donne rendez-vous à Tanaris dans deux jours, tu me trouveras à l’unique bar de la ville, j’y serais la matinée.

— J’ai ta parole ?

— À ton avis ? rétorqua Vincent, blasé par la question.

— J’ai ta parole…

— Maintenant, laisse-moi continuer seul.

— Bien. Mais dernière chose… J’étais aux Maleterres juste après l’incident. Et j’ai vu le massacre.

Vincent ne dit rien, fronçant les sourcils et redoutant la suite.

— Serait-ce la personne que tu cherches qui en serait à l’origine ?

— Je n’en sais rien... Que sais-tu exactement à ce sujet ?

— Quarante-sept victimes, aucune blessure physique. Et la première unité sur les lieux a entendu la voix de deux femmes avant de perdre conscience.

— Je vois.

— Ça pourrait donc être elle, n’est-ce pas ?

— A plus tard Arthas, répondit Vincent en reprenant sa route.

— On se retrouve dans deux jours donc, soupira le blond, conscient qu’il n’obtiendrait rien de plus.

Les deux hommes allèrent chacun dans une direction différente et au bout de quelques heures, Vincent était finalement arrivé au Loch Modan, territoire à la frontière nord des Maleterres mais également unique accès vers ces dernières, sauf pour qui se tenterait de grimper les chaînes de montagnes vertigineuses autour. Il était donc plus que certain que quiconque entrait dans ce lieu, passait par cet endroit. Cette région était toutefois très petite et un immense lac en prenait déjà les trois quarts de sa superficie, laissant très peu de terrain autour pour que viennent s’installer des milliers de personnes. L’unique village était justement au sud de cette contrée, à la frontière avec les Maleterres, rendant également les chances de témoin oculaire bien plus importante.

Mais malgré l’interrogatoire de chaque habitant, Vincent n’avait pas la moindre information supplémentaire sur les évènements récents. En se dirigeant vers les confins de la région, il repéra un petit cabanon où une personne âgée demeurait. Il décida d’aller lui parler et une fois face à l’homme il tenta d’engager la conversation avec la voix la plus aimable qu’il puisse faire :

— Bonjour.

— Bonjour à vous jeune homme.

— Pourrais-je vous poser deux ou trois questions ?

— Vous êtes encore un soldat d’Avalon ? s’intrigua la personne âgée, quelque peu agacée.

— Non. Pas vraiment, se contenta de répondre Vincent, en détournant les yeux.

— Si je demande, c’est parce qu’ils sont déjà passés plus tôt, quand il faisait encore nuit.

— J’aimerais savoir si vous avez remarqué quelque chose de particulier ou quelqu’un aller aux Maleterres ou en revenir.

— Comme je l’ai précédemment dit, il y a toujours des gens qui vagabondent ici et là. Je n’ai pas envie de leur causer du souci alors qu’ils ne sont pas mêlés à vos affaires, expliqua le vieil homme, embêté.

— Avez-vous vu cette femme ? demanda Vincent en sortant un portrait miniature d’une humaine aux cheveux blond platine et au visage angélique.

— C’est… dame Sélène ! s’exclama le vieil homme, bouche bée.

— La connaissez-vous ?

— Non… Mais mon père m’en avait parlé quand j’étais tout jeune.

— Je vois...

— C’est vrai que j’ai vu passer deux jeunes femmes avec les cheveux très pâles et l’une d’elles ressemblait un peu à dame Sélène, maintenant que je vois ce portrait... Mais je ne pourrais pas en être certain.

— Elles étaient plusieurs, vous dites ?

— Oui… Deux cavalières sur des destriers noirs. Je ne m’en souviens pas clairement, mais l’une d’elles avait les cheveux gris ou blancs... et un tatouage sur la joue !

— Bien… je vous remercie pour ces informations.

— J’espère qu’elles n’ont rien fait de grave, soupira l’homme.

— Nous sommes deux, soutint Vincent d’un regard pensif.

Puis, ce dernier repartit en direction des Maleterres. La mine archéologique était depuis un bon moment investie de toutes les forces d’enquête d’Avalon et Vincent ne préférant pas semer la zizanie, resta à distance de celle-ci quelques très longues minutes, essayant de comprendre ce qu’il se tramait. Soudain, une douce voix retentit derrière lui à une dizaine de mètres :

— Les rumeurs courent déjà…

— Et que disent-elles ? demanda Vincent sans même sembler surpris et ne déviant pas son regard de la mine face à lui.

— Tu m’avais repérée ?

— Depuis une bonne dizaine de minutes, je dirais.

Finalement, l’inconnue arriva à droite de Vincent et s’y arrêta, jetant son regard vers la mine en face. Il s’agissait de Shanna tandis que l’homme reprenait :

— Et donc ? Ces rumeurs ?

— La majorité tend à te faire porter le chapeau. A priori un lieutenant du nom d’Arthas y aurait beaucoup contribué. Après tout personne n’a été blessé parmi toutes les victimes.

— Et qu’en penses-tu ? continua l’homme, curieux.

— Je te fais confiance. Si tu me dis que ce n’est pas toi, alors je te crois.

— Et si c’était le cas ?

Devant les questions bien précises de Vincent, Shanna ne sut plus trop sur quel pied danser et elle tenta de scinder le regard de l’homme pour y trouver un indice. Était-il sérieux ? Pourquoi aurait-il fait ça ? Et pourquoi me l’avouer comme ça ? Autant de questions qui n’avaient aucune réponse. Mais la femme fronça des sourcils et dit avec fermeté :

— Si c’est toi... Alors tu as intérêt à avoir une bonne raison, sinon sois certain que j’essayerais de t’arrêter.

Vincent détourna enfin son regard de la mine et le fixa sur la brune assez confuse.

— Bonne réponse, répondit l’homme d’un sourire en coin. Dois-je en déduire que tu as rencontré Alessa ? Tu sembles plus confiante en toi déjà...

— Je l’ai arrêté à Un’Goro cette nuit...

— Et comment ça s’est passé ? insista l’homme curieux.

— Moins facilement que ce que je pensais... Je pense l’avoir sous-estimée au début. Mais je crois que je commence à comprendre... termina la femme en regardant son poing serré.

— Elle est donc morte ? Pour de bon ?

— Oui. Pas de soins étranges cette fois-ci... Quelqu’un avait dû l’aider contre Melris.

— Cela ne fait plus aucun doute.

— Mais qui ? Ou quoi ? Je ne connais rien capable de prodiguer des soins intensifs à distance.

— Cela fait bien des millénaires que cette école de magie a été oubliée... marmonna Vincent.

— Tu as donc une idée ?! s’exclama la brune.

— Je crois oui... Les pièces du puzzle commencent à s’assembler...

Shanna fixait Vincent, espérant à chaque instant qu’il allait lui expliquer ce qu’il pensait, mais l’homme semblait déterminer à ne rien dire. La femme ne tenta pas d’insister, se persuadant qu’il finirait par tout lui expliquer avant que celui-ci ne reprenne :

— As-tu obtenu d’autres informations concernant cette mine ?

— Les seuls indices sont les voix de deux femmes et une mèche de cheveux blond platine... J’ai toujours détesté les blondes ! finit la brune en rigolant, souhaitant détendre l’atmosphère.

Vincent ne répondit rien, clairement pas amusé par cette boutade et le sourire sur le visage de Shanna s’effaça rapidement avant de reprendre son sérieux :

— Et toi ? Que sais-tu ?

— Les pacificateurs sont sur Darnassus. Leur leader m’a mis sur une piste qui pourrait être la bonne. Mais je ne saisis toujours pas pourquoi il l’a fait...

— Je vois... Et que comptes-tu faire ?

— Je dois trouver ces femmes… C’est ma priorité absolue.

— Pour quelle raison ? Les éliminer ?

— Ce que je ferais une fois que je les aurais trouvées… Je n’en sais rien pour l’instant.

— Tu pourrais avoir besoin d’aide ! S’exclama la femme prête à se porter volontaire.

— Non. Pour cette fois, tu ne devrais pas t’en mêler, avertit Vincent avec sérieux.

— Je pensais que tu croyais en ma force.

— Je ne peux pas en dire long pour le moment… Mais comprends que si je ne me trompe pas, tu n’aurais aucune chance contre elles.

— C’est toujours rassurant, marmonna Shanna.

— Je te donne rendez-vous à Tanaris dans deux jours. Je t’expliquerais tout là-bas.

— Non pas question… Je viens avec toi ! s’exclama Shanna.

— Tu me ralentirais… Reste en dehors de ça, dit froidement Vincent avant de reprendre la marche.

— Et c’est tout ?? cria Shanna, agacée.

Vincent s’arrêta sur le coup et se retourna. Il regarda fixement Shanna puis lui dit, tout en crispant les traits de son visage :

— De quoi parles-tu ? Qu’attendais-tu en me suivant sans mon consentement ?

— J’ai fait ce que tu m’as demandé, j’y ai mis mon cœur et j’ai risqué ma vie. Parce que j’ai envie d’avoir confiance en toi. J’ai envie de relever ces défis, notre combat m’a ouvert les yeux... Et tu voudrais que je reste à me tourner les pouces pendant deux jours ? Ne sachant même pas où tu vas et ce que tu comptes faire. Je croyais que j’étais importante pour toi ? Est-ce ta façon de travailler en équipe ?

Aussitôt ses paroles prononcées que Shanna sentit une douleur dans sa poitrine. Pourquoi avait-elle dit tout ça ? Pourquoi s’être emportée de la sorte ? Et ce cœur... pourquoi battait-il si vite ? Malgré sa détresse intérieure, elle tenta de garder fière figure face à Vincent qui après un long moment de silence finit par répondre :

— Tu es un dragon, tu es importante. Et là où je compte aller, je ne peux y aller que seul...

La brune ne sembla même pas réagir face à ces paroles, comme ne les entendant pas tandis qu’elle tentait toujours de se calmer intérieurement. Cette sensation en pleine poitrine, il n’y avait aucun doute, elle était tombée sous le charme de cet homme. Ne le dis pas, ne le dis pas, ne le dis pas, se répéta la brune toujours silencieuse.

Vincent finit par baisser légèrement la tête, se doutant que la femme était perdue dans ses pensées puis il reprit d’une voix plus douce :

— Je ne suis pas doué pour parler aux gens Shanna. Je ne comptais pas te blesser. J’ai la certitude que l’on fera de grandes choses ensemble. Mais pas aujourd’hui, pas maintenant...

La femme finit par froncer des sourcils et se reprit en baissant la tête regardant ses pieds :

— Vincent... Depuis notre rencontre, tu m’as ouvert les yeux sur moi-même. Rien n’est plus pareil... Je sais que c’est ridicule, nous venons à peine de nous rencontrer... et j’ignore pourquoi mon corps réagit comme ça... Et puis il y a eu ce baiser...

Ne le dis pas, ne le dis pas, continuait à se répéter machinalement la femme.

— Ne dis pas un mot de plus.

Ces mots, prononcés froidement par Vincent furent un coup de marteau dans la poitrine de la brune, sentant aussitôt les larmes affluer dans ses yeux, baissant toujours la tête.

— Ce baiser était le moyen le plus rapide et le plus efficace pour te redonner de l’énergie. Quant à mes sentiments, je les ai abandonnés il y a bien longtemps... Cette voix ne t’apporta que de la souffrance Shanna.

— Je ne comprends pas... balbutia la femme tandis que les larmes s’écrasaient à ses pieds.

— Il y a des hommes… Qui n’ont pas le droit de ressentir ces sentiments… pour le bien des autres, finit par répondre Vincent, comme avouant cacher une profonde et triste vérité.

— Ce baiser n’était que ça pour toi ? répéta la brune confuse.

— Il n’a jamais été rien d’autre, répondit promptement l’homme.

La brune releva soudainement sa tête et regarda l’homme avec insistance tandis que son visage était marqué par ses pleurs. L’homme fronça des sourcils et détourna aussitôt son regard de celui de la femme. Aussitôt après, un claquement résonna sur le flanc de montagne ; Shanna venait de gifler Vincent et s’écria aussitôt :

— Tu n’es qu’un menteur !

Après ces paroles, elle repartit en courant sans attendre quoi que ce soit d’autre. Vincent quant à lui, ne perdit pas de temps et se retourna aussitôt pour se remettre en route vers le Loch Modan. Il ne s’était pas attendu à un tel retournement de situation et espérait qu’avec le recul, Shanna serait présente à Tanaris comme voulu. En attendant, son esprit se concentra très rapidement sur quelqu’un d’autre ; cette personne qu’il devait retrouver coûte que coûte.

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