Dragons - Volume I : l'Ordre

Chapitre 15 : 15.

2632 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/08/2019 20:47

La nuit passa lentement sur Azeroth alors qu’à Hurlevent, Arthas et Baros continuaient leurs recherches. Ils avaient déjà épluché plus de cent livres jusque-là et malgré que la fatigue puisse aisément se lire sur le visage du futur empereur, cumulant deux nuits où il n’avait que très peu pu fermer les yeux pour se reposer, le jeune soldat se découvrait des ressources encore inattendues pour tenir ; captivé par ses recherches. Soudain, ce dernier sembla trouver une information intéressante et en fit immédiatement part à Baros en lisant les lignes sous son regard intrigué :

— Sélène la sage, Sélène la divine, Sélène le démon. Ça ne vous dit rien ?

— Vaguement quelque chose, en effet, rétorqua Baros, exténué par cette nuit infructueuse et fatigante.

— Il y a une image avec une charmante demoiselle aux cheveux blond platine, des yeux verts, un sourire magnifique. Une femme que n’importe quel homme voudrait épouser.

— Que lui valent tous ces surnoms ?

— Elle serait l’héritière de la puissance divine. Une force capable de tout détruire en un claquement de doigts. Un jour, elle aurait pris conscience de ses aptitudes et aurait pris goût à cette force. Du moins, c’est ce qui est écrit, expliqua le futur empereur.

— Vincent est celui qui possède la puissance divine. Que vient faire cette femme ici ?

— J’ai une théorie, soupira Arthas en fronçant les sourcils.

— Eh bien ! je vous écoute !

— Les pacificateurs sont là pour maintenir l’équilibre de la force n’est-ce pas ?

— C’est l’hypothèse, oui.

— Comment un équilibre pourrait-il exister… si la force ultime n’était détenue que par une seule personne ? demanda Arthas, avec entrain.

Baros ne pipa mot, réfléchissant à la question.

— Qu’en dites-vous ?

— Que c’est tout à fait pertinent…

— Vincent ne serait donc pas unique, conclut Arthas.

— Mais se connaissent-ils ? Cette Sélène et Vincent ?

— Je suis certain que oui. Vincent pensait qu’elle était morte. Après tout, on n’en a pas entendu parler pendant combien de temps ? De tous les écrits, celui-ci est le seul qui en fasse allusion. Il date d’il y a plus de huit cents ans.

— Mais quelle est leur relation ? Ces écrits parlent d’elle comme d’un démon. Donc je ne pense pas qu’elle fasse le bien ou même qu’elle reste sur une position de neutralité. Or, Vincent l’est. Je doute qu’il ait pu la laisser répandre le mal autour d’elle... et nous le saurions si c’était le cas, argumenta le sage.

— C’est peut-être pour ça qu’il croyait qu’elle était morte… Peut-être l’a-t-il déjà combattue et il pensait l’avoir tuée, présuma Arthas.

— Peu probable... J’ai du mal à imaginer Vincent ne pas réussir à discerner s’il a bien tué une personne ou non... Qui plus est, si elle est si puissante, cela en devient d’autant plus simple à savoir si elle est encore vivante ou non.

— Alors pourquoi a-t-il affirmé qu’elle était morte ? Tout cela n’a aucun sens ! s’exclama Arthas.

— Je n’en suis pas sûr, dit Baros d’un ton hésitant.

— Dites toujours, demanda Arthas, prêt à tout entendre.

— Peut-être la protège-t-il...

— Vous venez de dire qu’il ne la laisserait pas faire le mal !! s’écria Arthas, à fleur de peau à cause de la fatigue.

— Je ne sais pas… mais s’il ne l’a pas tué. Pourquoi n’en a-t-on pas entendu parler pendant tout ce temps ??

— C’est un détail important en effet... soupira Arthas.

— Continuons nos recherches pour le moment.

— Oui… Je serais fixé demain au plus tard… enfin… je l’espère ! conclut le futur empereur.

~*~

La journée commençait aussi au Loch Modan. Vincent était toujours allongé dans la pelouse verdoyante, mais la douleur était passée et tandis qu’il rouvrait les yeux, il reconnut aussitôt Shanna, se tenant juste au-dessus de lui d’un air inquiet. Après quelques instants de confusion, l’homme se sentit plutôt bien, il devait avoir recouvré toutes ses forces. Shanna lui tendit sa main droite pour l’aider à se lever et engagea la conversation :

— Que s’est-il passé ??

Vincent attrapa la main de Shanna et se releva, sortant aussitôt d’un coin d’ombre et ébloui par le soleil levant au loin.

— Je me suis arrêté à l’auberge du village cette nuit, et ce matin j’ai entendu des personnes parler d’un homme avec ta description qui était inconscient à quelques centaines de mètres du village. Je suis venue aussitôt...

Face aux explications de Shanna, Vincent fronça des sourcils et répondit d’une voix confuse :

— Je ne suis pas certain... J’ai rencontré une magicienne hier... Et elle a réussi à me paralyser. Mais tout va bien maintenant...

— Y a-t-il beaucoup de monde qui veut ta mort ?! s’exclama la brune.

— Je préfère ne pas compter...

Un grand silence s’installa soudainement tandis que Shanna ne se dérangeait pas pour dévorer du regard l’homme face à elle dès qu’il ne la regardait pas directement. Finalement, Vincent le remarqua et fronça légèrement des sourcils. Alors que ce dernier était sur le point de parler, Shanna lui coupa l’herbe sous le pied et s’exclama :

— Je fais le voyage avec toi jusqu’à Tanaris !

Vincent grimaça légèrement. Il aurait bien préféré éviter cette situation, mais il ne souhaitait pas plus blesser la jeune femme qu’il ne l’avait déjà fait et se contenta de hocher de la tête avant d’établir son itinéraire. Le couple se mettait donc en route pour le port de Menethil d’où un bateau pourrait les amener au port de Théramore, dans la région des marécages d’Âprefrange sur le continent voisin. D’ici, il ne resterait plus que deux cents kilomètres en direction du sud pour arriver sur Tanaris.

Cette route n’était pas forcément la plus rapide car il aurait été possible de prendre un navire à destination du petit port de Tanaris directement. Bien sûr, avec son affluence plutôt faible, la fréquence de telles navettes l’était tout autant, mais Vincent insista sur ce parcours, il semblait avoir quelque chose à faire sur la route.

Les détails enfin réglés et des chevaux loués pour la route, les deux guerriers se mirent en route pour leur première destination, Menethil dans les Paluns. Il fallait à nouveau franchir les tunnels sous la montagne pour s’y rendre et une fois le premier en vue, Shanna sentit son cœur battre de plus en plus fort. Après quelques mètres à l’intérieur du tunnel, la luminosité devint limitée ; l’unique éclairage provenant de nombreuses lanternes encastrées dans les murs et disséminées tous les cinq mètres. Soudain, Shanna proposa à Vincent un très court arrêt, quelque chose semblait la démanger au pied droit.

L’homme accepta et tous deux descendirent de leur monture et tandis que la femme se battait avec ses chausses de métal, Vincent s’adossa à un mur et sembla égarer son esprit quelques instants. Les bruits incessants de cliquetis métalliques de l’armure de Shanna résonnaient dans la cavité de briques avant que soudainement celui-ci s’arrête.

Vincent se tourna vers la femme et remarqua que celle-ci se tenait debout face à lui, immobile. L’homme fronça des sourcils, intrigué par son absence totale de mouvement tout à coup et demanda aussitôt :

— C’est bon ? Tout va bien ?

Shanna n’allait en réalité pas bien, son cœur était sur le point d’exploser et elle allait commettre certainement une énorme erreur, mais qu’importe, elle devait en avoir le cœur net. Soudain, la femme s’avança rapidement sur Vincent et plaqua ses mains contre le mur de chaque côté de Vincent, le bloquant par la même occasion. Leurs visages étaient très proches l’un de l’autre, mais malgré cela, Vincent ne dit rien, regardant simplement les beaux yeux de la femme qui finit par lui chuchoter :

— Je veux que tu m’embrasses.

— Tu remets ça ? Il n’en est pas question, répondit froidement Vincent.

Shanna décida de se lancer et s’approcha encore plus près de Vincent, mais ce dernier bouscula légèrement Shanna pour pouvoir se déloger et faire quelques pas sur le côté. Shanna ferma les yeux et fronça les sourcils avant de s’écrier :

— Pourquoi as-tu si peur ??

— Peur ? s’intrigua Vincent, en s’arrêtant.

— Oui… Tu es peut-être la plus grande force que le monde n’ait jamais connue. Mais tu ne te connais pas toi-même.

— C’est peut-être mieux ainsi, soupira Vincent, toujours dos à Shanna.

— Tu devrais un peu plus penser à ce que ton cœur te dit.

— Certainement pas… Tu n’as pas idée de ce que cela signifierait.

— Tout ce que je sais…

Commença Shanna en se rapprochant de Vincent, toujours immobile.

— C’est que tu es seul. Et que tu es humain… Et tout être humain veut être aimé et aimer en retour, finit la brune en enlaçant Vincent de dos.

Elle posa sa tête contre le dos de Vincent et sentit son cœur battre avec un pouls incroyablement bas. Son cœur semblait battre à la vitesse la plus lente possible, comme si tout son organisme était bridé, se limitant au strict minimum pour survivre. Vincent ferma les yeux et tout en retirant les bras de Shanna autour de sa taille, il lui dit :

— Ce n’est pas acceptable.

— Je ne comprends vraiment pas… soupira Shanna.

— Les choses sont comme ça… Tu dis peut-être vrai. Peut-être que je devrais laisser plus de place pour mes sentiments. Mais il y a longtemps que j’ai enterré tout ça...

— Pourquoi ?

— Tu le comprendras peut-être demain...

— Même si c’était réellement le cas... Je ne pense pas que je pourrais l’accepter. Rien... Aucune erreur au monde ne peut nous obliger à nous isoler de cette manière.

— Qui parle d’erreur ?

Shanna demeura silencieuse, toujours incapable de saisir la moitié de ce que son interlocuteur disait. Puis, ce dernier reprit :

— Il y a des choses que je peux expliquer... La plus grande force d’un humain est son cœur. Si je laissais le mien s’exprimer… Les conséquences pourraient être tragiques.

— N’exagères-tu pas un peu ?

— Je pense que tu comprendras mieux demain.

— Pourquoi attendre demain ? s’interrogea Shanna, impatiente de pouvoir avoir des explications une bonne fois pour toutes.

— Parce que j’ai donné rendez-vous à une autre personne…

— Qui donc ?? demanda la femme, intriguée.

— Un homme qui peut me redonner ma vraie liberté, entre autres...

Un léger silence s’installa, Shanna réalisant qu’elle n’en connaissait, en réalité, que bien peu sur Vincent et celui-ci ne tarda pas à conclure la conversation :

— Continuons le voyage.

Pendant le périple, Shanna garda le sourire à chaque instant en enchaînant les histoires drôles et diverses anecdotes, comme ayant déjà oublié ce qu’il venait de se passer plus tôt. Vincent qui semblait attentif à la façon d’être de la femme, capable de rebondir aussi vite, était réellement intrigué par sa force, mais malgré les nombreux regards chaleureux de Shanna envers lui, tentant presque désespérément de décocher le moindre sourire à son voisin, l’homme resta impassible.

Ce dernier toutefois se rendait compte de la vie et de l’amour dont débordait Shanna pendant ces moments. Elle semblait heureuse comme jamais alors qu’il y a encore peu, il persista à lui faire comprendre que leur relation n’avait aucune chance d’aboutir. Vincent n’avait connu que peu de personnes de ce genre.

Shanna quant à elle, voyait à chaque instant à quel point Vincent était seul et n’arrivait pas à saisir comment cela ne pouvait plus lui faire le moindre effet, c’était comme une routine diabolique dont il ne se rendait pas lui-même compte... Se sentait-il au moins isolé ? Était-il triste ou réellement complètement indifférent ? Ces questions parmi tant d’autres trottaient dans la tête de la brune tandis qu’elle continuait à l’inonder de sa bonne humeur dans l’espoir de le voir sourire. Au fil du voyage, ce dernier en esquissa de légers à de rares occasions et Shanna put enfin observer une facette plus humaine de lui, mais ces petits moments paisibles et chaleureux seraient rapidement derrière eux en arrivant sur l’autre continent.

Le bateau arrivait enfin au port de Théramore tandis qu’il était déjà quinze heures passées. Le port situé dans les marécages d’Âprefrange était encore en pleine ébullition à cette heure-ci. Comme chaque jour, plus de deux cents bateaux faisaient transit dans ce port, le second plus grand d’Azeroth après celui de la capitale humaine Hurlevent.

Pour la plupart des navires, il ne s’agissait que d’une escale, délivrant une quantité importante de biens commerciaux qui serait par la suite acheminé vers les régions voisines. Il faut bien dire que le territoire, majoritairement désert et sauvage n’offraient pas beaucoup d’attraits pour un quelconque tourisme.

Shanna et Vincent quittaient enfin le navire et louèrent à nouveau des destriers, n’ayant plus qu’à suivre une route pavée qui passerait par quatre régions différentes en direction du sud pour rejoindre Tanaris.

Durant le premier kilomètre à cheval, une fois sortis de l’île de Théramore où s’était construit le port, aucun mot ne fut prononcé, seuls le bruit du vent et de la flore se pliant sous son effet venaient caresser les oreilles des deux aventuriers. Était-ce la fatigue ou n’avaient-ils plus rien à se dire ? Shanna s’était même positionnée derrière Vincent, semblant ne pas vouloir être regardée. Tout s’embrouillait dans sa tête, ne sachant plus quoi faire ni quelle émotion devait la dominer avant qu’elle n’arrive à faire le vide et se remettre à sourire. Elle s’avança aussitôt vers Vincent quand tout à coup celui-ci s’arrêta et regarda la brune.

— Je dois encore faire quelque chose ici…

— J’imagine que tu veux être seul ? demanda la femme en souriant, malgré une voix peinée.

— S’il te plaît, répondit doucement Vincent en hochant lentement de la tête.

— Je t’attends là-bas alors.

Sur ces simples mots, la femme passa à côté de Vincent et continua sa route en augmentant la cadence, n’ayant plus aucune raison de faire traîner le trajet. L’homme aux yeux écarlates la regarda s’éloigner quelques instants, conscient qu’il y aurait encore d’autres moments délicats entre eux. Mais l’homme finit par se tourner et regarda une zone au loin dans les marécages, d’un regard déterminé.

Laisser un commentaire ?