Dragons - Volume I : l'Ordre

Chapitre 20 : 20

3250 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/08/2019 22:55

L’homme qui n’était pas en position pour se défendre tenta de bloquer la frappe de sa simple force spirituelle, mais son adversaire était loin d’être faible et Vincent sentit aussitôt la lame pénétrer profondément son épaule. Vincent se contenta de poser la paume de sa main gauche sous le tranchant de Tenebrae et la pousser pour la faire ressortir de son logement quand soudain Sélène tira violemment sur celle-ci, lacérant un peu plus l’épaule de Vincent et lui ouvrant la main gauche qui se mit aussitôt à saigner abondamment.

 Vincent avait le bras gauche le long du corps, il n’avait plus la moindre garde tandis qu’il fermait ses yeux. Abandonnait-il toute idée de continuer le combat ? Se savait-il vaincu ? Sélène fronça des sourcils un cours instant, intriguée par le comportement de son adversaire. Peu importe, j’ai gagné, pensa-t-elle avant de relancer une attaque venant du haut pour assener le coup de grâce. Vincent était parfaitement inerte alors que la lame lui arrivait droit dessus quand soudain, ce dernier planta son épée dans le sol avant que l’énorme souffle de l’attaque n’explose à ses pieds et crée un nuage de poussière sur tout le « ring », rendant la visibilité nulle sur presque vingt mètres à la ronde.

J’ai gagné ? Pour la première fois, j’ai gagné ? se demanda Sélène, anxieuse.

La dense poussière finit par se disperser et réapparut les deux combattants, immobiles. Tout comme Vincent, Sélène était figée, s’étonnant de ce qu’elle voyait ; Vincent tenait Tenebrae de sa main droite. Il avait stoppé l’attaque avec son unique main droite et s’était enfoncé dans le sol de quelques centimètres sous le poids de la frappe. L’étonnement de Sélène n’était pas tant par « l’originalité » de cette parade que l’état de la main de son adversaire. En effet, Vincent ne semblait avoir reçu aucun dégât sur le coup ; sa main n’avait aucun saignement, elle était intacte. Soudain, Vincent prit une grande inspiration et rouvrit lentement les yeux en regardant Sélène avec intensité. Ses yeux écarlates se ravivaient peu à peu d’un éclat de plus en plus puissant, comme si quelque chose venait de se déclencher.

Sélène fit quelques pas en arrière, son instinct lui dictant un danger imminent, tel le flair d’un animal sauvage. Soudain, un tremblement de terre démarra et petit à petit le bruit et les secousses s’estompèrent, laissant place à un silence de mauvais augure. Un bruit sourd semblait avoir pour source le corps de Vincent et ce dernier dit à Sélène sur une voix impassible :

— Je suis maintenant sûr que tu es prête à me tuer…

La blonde ne dit rien et avait l’air impressionnée, une fois de plus, par la force qui était sur le point de se réveiller. Et la femme n’eut pas tort ; à peine quelques secondes plus tard, le vrombissement sourd prit de la puissance et le tremblement de terre redémarra de plus belle. Le visage de Sélène se referma davantage et elle se remit immédiatement en posture de combat. Vincent ne bougeait pas, complètement figé quand soudainement, le sol se craquela sur trente mètres autour de lui d’un coup net. Ses vêtements flottaient légèrement en suspension comme en apesanteur tandis qu’il levait son poing droit avant de le serrer lentement, tout en le contemplant, comme redécouvrant lui-même sa propre puissance.

Après quelques instants, il leva la main au-dessus du manche de son épée. Cette dernière sortit du sol comme étant éjectée et Vincent ferma juste le poing au bon moment, attrapant l’arme au vol. L’aura blanchâtre qui entourait la lame était toujours présente, mais commença petit à petit à se teinter d’un rouge vif beaucoup plus agressif et oppressant. Sélène tremblait involontairement sous l’effet que la nouvelle puissance de Vincent avait sur elle quand tout à coup, ce dernier se pencha en avant à la vitesse de l’éclair.

Sélène sentit quelque chose arriver sur elle, une onde de choc spirituelle si forte que tout son corps fût instantanément affecté, la faisant nerveusement reculer de plusieurs pas, mais, avant même de s’en rendre compte, Vincent était sur elle.

Elle ne pouvait plus rien faire, elle n’eut que le temps de voir l’enfer dans le fond du regard de son frère avant d’être violemment projetée en arrière sous le coup d’épée qu’elle réussit malgré tout à parer, de justesse. Le vol fut rapide, et l’atterrissage, loin du point de lancement. En effet, Sélène avait traversé deux cents mètres, dont plusieurs obstacles tels des ruines en pierres, le tout, s’exécutant en seulement quelques secondes. La blonde était enfouie sous des décombres et n’arrivait pas à se relever. Son souffle était rapide et court et son pouls s’était d’autant plus accéléré, prise de frayeur devant une telle force.

Elle avait déjà compris avant cette attaque qu’elle n’était plus de taille à lutter contre son frère. Non loin d’ici, Shanna ressentait pleinement la puissance monstrueuse qui s’était abattue sur Hyjal depuis quelques minutes. Elle ne connaissait pas Sélène, mais était persuadée qu’il s’agissait de la force de Vincent. Elle savait depuis le début qu’avec les yeux qu’il avait, il possédait une force bien plus grande que n’importe quelle autre personne. Ses convictions se confirmaient en ce moment même en Hyjal où Sélène n’arrivait toujours pas à s’extraire de l’amas de roches qui la submergeait.

Vincent qui s’était rapproché en marchant lentement hurla soudainement de toutes ses forces :

— C’est donc tout ce que tu as ?? Et ta soi-disant haine envers moi ? Où est passée ton énergie ???

Sélène ne pouvait répondre, incapable de se mouvoir.

— Sélène !!!! cria Vincent.

À cet instant précis, tout le « logis » de Sélène vola en éclats et partit à presque dix mètres de haut avant que les énormes caillasses expulsées dans toutes les directions ne retombent avec violence sur les alentours, formant de profonds cratères. Seule restait à la base de l’explosion Sélène, dans un piteux état ; elle était couverte de blessures et saignait à de multiples endroits. Son armure à trois quarts détruits reflétait la violence des attaques qu’elle venait de recevoir en si peu de temps.

Vincent marcha jusqu’à être devant le corps meurtri de Sélène. Son regard était toujours aussi vif et une aura de mort l’entourait. La blonde à peine consciente réalisait bien son échec et marmonna d’une voix faiblarde : « Finissons-en ». Celle-ci ferma aussitôt les yeux, acceptant sa défaite tandis que Vincent alignait son épée sur elle, prêt à frapper. L’homme prit finalement de l’élan pour assener le coup final. Rien ne pourrait l’arrêter, l’homme était en pleine transe et avait perdu tout contrôle quand il vit soudainement une larme s’échapper des paupières de sa sœur meurtrie.

Qu’est-ce que je suis en train de faire ? pensa l’homme un très court instant.

Soudain, il lâcha son arme et mit ses deux mains sur sa tête comme s’il était frappé par un mal de crâne violent. Il serra les dents et commença à crier quand tout à coup il bomba le torse, ses bras en arrière et la tête allant regarder le ciel. À cet instant, une explosion retentit dans le sol et ce dernier éclata, envoyant les quelques pavés bétonnés restants et d’autres éléments en l’air. Cet effet se propagea sur un kilomètre et s’ensuivit un souffle qui eut pour origine une fois de plus Vincent. Ce souffle réduisit en miettes les décombres et déchira les arbres qu’il rencontra, Sélène parvint à se tenir à son épée plantée dans le sol et c’est par chance qu’elle ne fut pas entraînée par le souffle, qui avait dépassé les trois cents kilomètres à l’heure.

~*~

Dans le territoire voisin, Shanna sentit cette puissance passer outre les frontières d’Hyjal. La force spirituelle la traversa et elle ressentit une énergie à la fois infinie, mais aussi cauchemardesque. Sélène qui était au cœur de l’émission de cette force savait qu’elle faiblissait face à ce véritable poison, la détruisant lentement. Elle cédait de plus en plus et avait du mal à garder les yeux ouverts, sans parler de tenir le manche de son épée. Cette puissance traversait toutes les frontières et gagnait encore en intensité. À cette vitesse, d’ici quelques minutes, les populations des régions voisines pourraient être atteintes et finiraient par se faire écraser sous cette force impossible à contenir.

Soudain, Vincent ferma les yeux et après quelques instants, la force sembla se stabiliser à son niveau actuel, stoppant sa fulgurante expansion. Son possesseur resta immobile, les yeux fermés, comme étant en pleine réflexion. Les minutes furent longues et un silence étrange régnait tandis que le vent entamait très légèrement une diminution d’intensité. Après quelques minutes supplémentaires, la force même de Vincent commença à perdre en ardeur et se rétracter.

Sélène qui avait tenu bon ne pouvait y croire. Cette puissance, elle ne l’avait jamais vu de toute sa vie. Étaient-ils réellement frères et sœurs ? À quel point l’homme était-il au-dessus de ses capacités ? Rien au monde n’était capable d’une telle déferlante d’énergie. Tout du moins, c’est ce que pensait la femme jusqu’à aujourd’hui, bien obligée d’accepter qu’il en soit tout autrement.

Au bout d’encore quelques secondes de plus, toute cette force était retournée entièrement en Vincent, mais ce dernier était toujours debout, dos à Sélène qui le regardait avec inquiétude. Finalement, l’homme ouvrit les yeux et l’on put constater son éclat rouge habituel qu’on lui connaissait ; bien moins prononcé et menaçant. Celui-ci avait repris ses esprits, mais semblait tout même sous le choc et après quelques instants à faire le vide dans sa tête, l’homme reprit d’une voix fataliste :

— Je n’ai pas la moindre chance de te battre.

— Que veux-tu dire ? demanda Sélène, ne comprenant pas comment il pouvait dire une chose pareille.

— Je ne peux pas... Je ne peux pas te tuer... Et jamais je ne le pourrais. Ta vie passe avant la mienne. Tu es ma seule famille.

La femme ne trouva aucun mot à dire et son visage sembla se charger à nouveau d’émotion.

— J’ai passé toute ma vie à te protéger de ce monde violent. Aujourd’hui, j’ai failli en finir pour de bon pourtant... Mais même le démon en moi n’a pas une volonté assez forte pour t’ôter la vie comparée à ma détermination de te savoir saine et sauve. J’aimerais revenir dans le passé. Je souhaiterais tant revoir la princesse que tu étais. Mais tu as changé. Tout comme j’ai changé...

Sélène ne pouvait rien dire. Elle ne savait quoi dire.

— Je croirais toujours en un jour où nous serons à nouveau unis. C’est décidé, je ne peux pas t’empêcher de commettre de crimes. Je n’en ai pas la volonté.

La blonde ne comprenait pas tous les propos de l’homme, était-ce son état précaire ou autre chose ? Elle n’en savait rien.

— Je pourrais aussi te faire la même chose qu’il y a mille ans... Mais je me le suis interdit. Cela t’a fait plus de mal que de bien de toute évidence, rajouta Vincent.

Puis l’homme se tut, ramassant simplement son épée et après avoir regardé un dernier instant sa sœur au bord des larmes, il commença à partir. Quelque pas plus loin toutefois, l’homme reprit en tournant le dos à Sélène :

— J’ai gagné ce pari… Mais je ne pense pas qu’il soit encore valable... Je ne peux pas te forcer après tout… Je voudrais juste t’entendre promettre de ne plus tuer... Reprends ta vie d’antan.

— Ma vie d’antan n’était qu’un mensonge… Je n’ai plus rien qui pourrait m’en donner l’envie... se lamenta Sélène.

— Et ton frère ? Il n’est pas mort… Il n’attend que ta venue.

— Mon frère m’a abandonné il y a bien longtemps… Il y a mille ans de cela…

— Non… Il est parti pour te protéger et par la suite, tu t’es abandonnée toi-même, répondit Vincent d’une voix remplie d’amertume. Sélène finit par éclater en sanglots et l’homme se retourna, l’observant dans cet état d’un regard peiné avant de reprendre d’une voix douce :

— Je crois que tu es toujours restée la même. Tu as juste voulu tout oublier en faisant tout ça. Tu as essayé de changer de cette façon. Mais prise au piège tu n’as pas pu faire machine arrière... Au fond, tu es restée toujours aussi fragile à l’intérieur, mais toujours aussi forte à l’extérieur.

— Je pensais ne plus jamais pouvoir compter sur toi... Je devais me sauver dans ce monde. Ce pouvoir est peut-être une malédiction… mais ne pouvant pas faire sans, j’ai voulu faire avec. Je n’avais aucun autre choix.

— Si tu le désires, tu peux faire sans dorénavant... Tu peux compter sur moi, je pense que tu en as désormais la preuve... Ce pouvoir peut détruire son possesseur. Il ne nous a causé que des ennuis jusqu’à maintenant. Débarrasse-t’en.

Sélène baissa les yeux, rompant le contact avec son frère, ne sachant quoi répondre.

— Réfléchis-y, donne-moi ta réponse ce soir à Auberdine. Si je ne t’y vois pas, alors je ne chercherais plus à te retrouver... Mais sois sûre que je désire cela plus que tout, je ne veux plus te perdre…

Ce furent les derniers mots de Vincent avant de repartir dans les bois partiellement dévastés par leur tout récent affrontement. Sur le chemin du retour, l’homme garda un visage très fermé, regardant encore sa main droite qui semblait trembler malgré lui. Cette colère qui faillit tuer Sélène était encore présente et vive en lui. Comment avait-il pu perdre autant le contrôle ? Était-ce son instinct de survie qui l’en avait obligé ? Quoi qu’il en soit, il se devait de faire plus attention. Ce genre d’écart ne devait plus se produire. Cette force en lui ne devait en aucun en sortir.

Mais ce dernier finit par penser à la fin de sa conversation avec Sélène, espérant de tout cœur que celle-ci ferait le bon choix. Après tout, Vincent devait se rattraper de ses erreurs passées ; si Sélène avait bien commis des erreurs impardonnables il y a longtemps, il aurait dû être la personne à lui pardonner. Mais au lieu de cela, il l’avait abandonné. C’est de ma faute si elle est comme ça, pensa Vincent.

Malgré toute cette négativité, l’homme semblait par moments esquisser des sourires fugitifs. Il n’avait pas vu sa sœur depuis si longtemps. Et leur combat, avant qu’il ne tourne vraiment mal, avait été une bonne façon de réveiller de vieux souvenirs.

Après une longue demi-heure, Vincent arrivait finalement au bout du chemin pavé d’Hyjal et voyait au loin le premier carrefour où quelques panneaux en bois indiquaient les différentes destinations voisines. À côté de ce dernier se tenait une femme dans un grand manteau et il ne fallut que quelques secondes pour que Vincent reconnaisse Shanna.

La femme lui lança aussitôt un regard chaleureux, à l’évidence rassurée de le revoir sain et sauf tandis qu’il arrivait enfin à sa hauteur. La brune s’empressa alors de prendre la parole :

— Je suis contente que tu ailles bien. J’étais certaine que tu en reviendrais !

Malgré les mots chaleureux de Shanna, Vincent ne se dérida pas.

— J’étais à Gangrebois… J’ai pu sentir le combat jusque là-bas. Je n’ose même pas imaginer ce qu’il s’est passé… reprit Shanna.

— J’ai failli perdre le contrôle… marmonna Vincent.

— Oui… Je m’en suis douté aussi… J’imagine donc que tu n’as pas eu le choix au final…

Sur les mots lourds de sens de Shanna, Vincent répondit aussitôt, voulant clarifier la situation :

— Je ne l’ai pas tuée… Je n’ai pas pu…

Shanna sembla aussitôt surprise, observant Vincent à l’évidence encore marqué par son combat.

— Je vois… Et maintenant ?

— Je lui ai donné rendez-vous sur Auberdine ce soir. Si elle vient, alors peut-être que notre duel n’aura pas été vain…

— Et si elle ne vient pas ? insista la brune, inquiète.

— Alors je devrais apprendre à vivre avec le poids des victimes qu’elle pourrait causer… Mais je ne peux pas l’en empêcher.

— Tu y tiens donc à ce point…

— Je mourrais pour elle… Je ne sais même pas pourquoi j’ai pu croire pouvoir me battre contre.

— Bon et bien espérons qu’elle soit au rendez-vous alors ! s’exclama la brune, voulant conclure cette conversation houleuse.

Puis, la femme en question et Vincent prirent aussitôt le chemin de la petite ville côtière de Sombrivage. Il leur faudrait bien presque deux heures pour la rejoindre à deux de cheval.

Le soleil était déjà à trois quarts masqués par l’horizon à cette heure et la durée du trajet finit par avoir raison des quelques derniers éclats de la lumière du jour... Vincent et Shanna furent rapidement surpris de voir déjà de l’activité dans la ville, mais cette dernière n’était pour l’instant que militaire.

En effet, l’ordre d’évacuation avait bien été donné, mais des soldats étaient restés en position sur les plus grandes villes de chaque région afin d’éviter le moindre vol. Les raisons de l’évacuation restant encore floues et potentiellement un leurre pour commettre tout genre de larcin. Vincent et Shanna décidèrent donc de rester en retrait depuis un bord de falaise à fleur du village, le temps de voir comment les choses évoluaient.

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