Dragons - Volume I : l'Ordre

Une heure passa tandis que la lune s’élevait de l’horizon aqueux pour dispenser sa lumière tamisée avec justesse, mais dans le petit village de Sombrivage, seuls des soldats étaient présents. Le retour de ses habitants n’était prévu que le lendemain. Devant le petit hôtel de ville, deux gardes discutaient sans trop sembler sur leur garde avant que l’un d’eux finisse par couper court aux bavardages en lançant son regard vers l’entrée du lieu.

En effet, depuis sa position, l’homme pouvait entendre arriver un cavalier au galop avant que celui-ci ne sorte enfin de la pénombre qui entourait le village. Ce dernier était sombre et recouvert d’une armure lourde noire tandis que la personne sur son dos n’était autre que Sélène. Vincent et Shanna, à distance, assistaient à la scène et alors que Shanna tournait son regard vers son compagnon, inquiète, ce dernier dit simplement : « Je veux d’abord voir ce qu’il va se passer… »

Les gardes restaient fixement à observer la scène sans bouger ni faire le moindre bruit tandis que l’étalon s’arrêtait après quelques mètres, laissant Sélène en descendre dans le plus grand calme. L’impact de ses pieds sur le sol presque inaudible sembla résonner sans pour autant que les soldats ne fassent le moindre mouvement. Sélène se dirigeait vers l’auberge, mais seulement après quelques pas, elle en vit sortir trois connétables armés. Les hommes en question s’arrêtèrent en face d’elle, à environ quarante mètres. Puis l’un d’eux, d’une voix presque assurée dit :

— Nous ne connaissons pas vos intentions, mais toute la région a été évacuée. Vous feriez mieux de repartir de là où vous venez sans quoi nous userons de la force.

— Je reste, répondit très simplement la femme d’un regard glacial.

— Je ne me répéterais pas, répondit le connétable en question.

— Je ne veux pas me battre, j’attends simplement quelqu’un, insista Sélène.

— Il n’y a personne ici, qui attendez-vous exactement ? s’intrigua l’homme.

— Vincent Steel, j’ai affaire en cours avec lui.

Les mots, on ne peut plus clairs firent aussitôt réagir les trois connétables qui dégainèrent leurs armes, prêts à en découdre.

— Vincent Steel est recherché par Avalon pour déviance et tout complice sera exécuté sur-le-champ.

— Et bien, faites votre travail dans ce cas, rétorqua la blonde, désintéressée.

À cet instant, Shanna lança un nouveau regard insistant à Vincent, mais ce dernier hocha de la tête, ne voulant pas intervenir quand soudain, le premier connétable se précipita sur Sélène.

Il tenait dans chaque main une épée d’un éclat rare et Sélène put voir arriver les deux lames de plein front tandis qu’elle était encore immobile, ne semblant pas le moins du monde inquiétée. Au moment crucial, elle leva simplement ses deux bras de façon à arrêter les armes adverses avec ses mains. Les deux lames furent aisément stoppées et le tranchant n’eut aucun effet sur les gantelets robustes que portait la femme, dans une armure semblable à plus tôt dans la journée, bien qu’en bien meilleur état.

La blonde fronça enfin les sourcils et sans même bouger, fit voler le militaire en arrière, comme propulsé par sa force spirituelle. Celui-ci retomba à côté de ses collègues, mais tout à coup, une énergie surpuissante s’abattit sur Auberdine ; sachant la zone inhabitée, Sélène pouvait augmenter sa puissance sans risquer de dommages collatéraux.

Tandis que le premier connétable se remettait difficilement debout, les deux autres réengagèrent le combat ensemble, tentant de prendre la ravisseuse en tenaille. Sélène ferma les yeux et dit en soupirant :

— Qu’importe le nombre...

Elle commença à sortir Tenebrae de son dos et l’éclat rouge de sa lame surgit aussitôt. Vincent, assistant à la scène fronça des sourcils, se montrant de plus en plus hésitant à intervenir tandis que Sélène poursuivait sa phrase :

— Vous ne pouvez pas me vaincre.

Alors que les deux soldats la chargeaient, elle planta l’épée dans le sol et ce dernier s’effrita sur deux bons mètres de rayon, créant d’imposantes fissures desquelles jaillit une lumière rouge. Sélène lâcha son arme et attendit l’arrivée des connétables au corps à corps. Le premier l’atteignit enfin et lança une attaque en diagonale que Sélène esquiva sans soucis, et passa aussitôt outre la garde de l’homme avant de poser la paume de sa main droite sur l’abdomen de son adversaire.

Ce dernier ressentit une puissance titanesque, parcourir son corps et dès l’instant suivant, l’armure dans son dos explosa en morceaux. La technique avait littéralement traversé tout le buste du guerrier en lui infligeant un maximum de dégâts. Sélène rassura cependant son ennemi, dès lors à terre et se tordant de douleur :

— Ne t’inquiète pas… Tu survivras.

Le deuxième connétable arrivait, il tenait une massive épée à deux mains que l’inconnue arrêta de sa main gauche, son bras n’était même pas tendu et avec une simplicité affligeante, celle-ci serra ses doigts de métal sur la lame du militaire avant qu’elle n’éclate en d’innombrables morceaux.

Soudain, elle tourna sur elle-même pour envoyer au final sa jambe droite en pleine tête de son adversaire. L’homme vola contre un rocher sur le côté et ne s’en releva pas, immédiatement mis KO. Des trois connétables, il n’en restait qu’un et tandis que le raffut de ces quelques instants d’affrontements avait alerté tous les autres gardes présents sur la ville, aucun d’eux ne sembla oser s’approcher de cette femme d’une force herculéenne.

Pour le connétable, il en allait de son honneur de continuer le combat même s’il paraissait perdu d’avance et tandis que celui-ci était sur le point de prendre la parole, Sélène lui bondit dessus et lança un puissant coup de poing droit en plein ventre. L’homme s’envola aussitôt sur presque deux cents mètres avant de terminer au sol, à son tour inconscient.

Soudain, un énième soldat apparut depuis une des falaises de la ville et se précipita au milieu de la ville. Chaque soldat sembla reconnaître la personne en question tandis qu’il leur faisait signe d’évacuer le lieu. Il finit par arriver à une vingtaine de mètres de Sélène et entra par la même occasion dans le champ de vision des deux observateurs au loin. Shanna écarquilla aussitôt des yeux en s’exclamant :

— C’est Arthas ! Il faut intervenir !

— Non, au contraire… marmonna Vincent en fronçant des sourcils.

— Es-tu sérieux ? Ils vont s’entretuer ! insista la brune.

— Fais-moi confiance, j’interviendrais s’il le faut vraiment…

En contrebas, le nouvel adversaire de Sélène, qui n’était autre qu’Arthas faisait forte impression. Son armure brillait sous l’éclat de la lune et des quelques braseros du village tandis qu’il dévisageait la femme de son regard aux yeux bleus avant de se décider à prendre la parole :

— Quel est votre nom ?

— Quelle importance cela pourrait-il avoir ?... Je suis votre ennemi apparemment.

— Vous êtes Sélène, n’est-ce pas ? Les récits se sont trompés sur un point, vous êtes bien plus que magnifique...

— Me flatter ne vous mènera nulle part, répondit froidement la femme.

Tandis qu’Arthas tentait de garder fière allure, ce dernier était mort de peur. Pourquoi était-elle ici ? Le combat contre Vincent avait-il eu lieu ? À l’évidence la femme n’était pas prête à bavarder sur la question et il était impensable pour Arthas de la laisser tuer tous ces soldats impunément. Si ce devait être son dernier jour, qu’il en soit ainsi, se disait-il. L’homme sortit aussitôt son épée et la brandit face à son adversaire.

Tandis que Shanna était de plus en plus inquiète, Vincent semblait absorbé par ce qu’il se passait. Voulait-il voir quel était le potentiel d’Arthas ? Avait-il seulement la moindre chance ? Ce furent des questions que se posa sa voisine en l’observant. Sélène, quant à elle, esquissa un léger sourire avant de finalement rompre le silence :

— Je ne sais pas si je dois vous traiter d’incroyablement stupide ou courageux…

— Je n’ai jamais tourné le dos à un combat à la loyal, répondit fermement l’homme.

— C’est donc tout à votre honneur.

— Cependant j’aurais bien aimé vous rencontrer dans d’autres circonstances, ajouta l’homme avec un sourire toujours charmeur.

— Dans une autre vie peut-être ! s’exclama Sélène, s’en amusant à son tour.

Soudain, l’homme perdit son sourire et marmonna : « Passons aux choses sérieuses ». Aussitôt, l’homme entama un sprint vers Sélène avant de lancer un puissant swing de son épée que son adversaire n’eut aucun mal à esquiver. L’homme ne pensait qu’à une seule et même chose ; allez plus vite, encore et encore.

Tandis que l’échange était dominé de la tête aux pieds par la blonde, celle-ci finit même par se permettre un commentaire en esquivant sans difficulté les attaques de son adversaire :

— Ce n’étaient donc que des belles paroles… Je suis déçue.

Arthas resta parfaitement concentré sur ses enchaînements, conscient qu’il se battait contre quelque chose qui le dépassait très largement. Mais quel choix avait-il exactement ? Tandis qu’il perdait peu à peu confiance, ses mouvements ralentirent très légèrement et Sélène en profita pour lancer un puissant coup de pied à l’homme qui repartit à la case départ, une côte fêlée en plus.

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Shanna ne put se retenir et se leva de sa position avant que Vincent ne fasse de même, retenant la brune de s’interposer. Sélène les repéra aussitôt et vit son frère lui faire un signe de tête, approbateur. La brune aux côtés de l’homme ne comprenait toujours pas tandis qu’un cri retentit dans la ville.

Arthas se relevait en hurlant tandis que son armure entière se mettait à dégager une fumée blanchâtre. L’homme regarda à nouveau son adversaire et reprit la parole d’une voix énervée :

— Ne me sous-estimez pas…

Sélène retrouva un léger sourire, presque contente de voir l’homme lui tenir tête, bien qu’en réalité elle n’utilisait qu’une fraction de sa puissance. Tandis qu’elle aurait bien encore fait preuve de répartie, Arthas entamait un nouveau sprint, laissant un sillage très prononcé de particules crayeuses sur son passage, telle une traînée de poussière. Au moment du contact, Sélène sentit qu’il valait mieux se ressaisir de son épée et esquiva la première attaque afin d’aller récupérer son arme, toujours plantée dans le sol.

Arthas ne perdit pas un instant et lança une seconde frappe qui fut parée par Sélène sans soucis. Cette dernière voulut reprendre l’initiative et prendre son adversaire de vitesse en contrant aussitôt avec fulgurance, mais Arthas esquiva le coup. À l’évidence, l’homme venait considérablement de changer de niveau.

Les attaques s’enchaînaient, mais aucun des deux combattants ne faiblissait. Sélène ne se battait pas à son maximum, elle ne souhaitait pas utiliser tout son potentiel, mais se rendait compte qu’il faudrait peut-être augmenter la puissance tôt ou tard pour clore ce combat, n’arrivant pas à prendre le dessus pour l’instant.

Arthas semblait quant à lui déjà donner tout ce qu’il pouvait pour suivre le rythme malgré sa côte qui le relançait à chaque mouvement du bassin. Tout à coup, ce dernier finit par voir une ouverture et lança une attaque de face. Sélène arrêta l’épée, mais fut surprise qu’Arthas passe instantanément dans son dos. Le futur empereur fit un violent coup du lapin à la femme qui tomba net à terre.

Le glaive d’Arthas se matérialisa dans sa main juste après l’attaque et il essaya, sans attendre, d’empaler son ennemi encore au sol, mais il était trop tard pour agir, car Sélène se releva instantanément sans l’aide de ses mains. Elle avait un regard plus déterminé qu’auparavant et augmenta la cadence d’autant plus.

Le jeune blond comprit aussitôt qu’il venait d’énerver la femme et que celle-ci en avait encore beaucoup sous le coude. Que pouvait-il bien espérer de toute façon ? Si Vincent n’avait pas pu la vaincre, pour peu que ce combat ait réellement eu lieu, il n’avait simplement aucune chance d’y parvenir. Malgré un défaitisme total et certainement triste de réalisme, le futur empereur continua à parer les frappes de Sélène, fatiguant rapidement à cette allure qu’il n’avait jamais eu l’occasion de pratiquer.

Cet échange à la finalité inéluctable se poursuivit encore quelques minutes, impressionnant au passage les deux spectateurs au loin avant que soudainement Sélène trouve une opportunité et n’assene un puissant coup avec le plat de sa lame en plein plastron. Arthas fut projeté dans un amas d’épaisses pierres à vingt mètres derrière lui. Disparaissant aussitôt derrière un épais nuage de poussière de roche.

Alors que Sélène pensait en avoir fini avec lui, des bruits de gravats vinrent lui confirmer la résilience d’Arthas. L’homme sortit non sans mal des décombres avec un regard déterminé et dit aussitôt :

— Je suis Arthas… Et je suis destiné à être Empereur d’Avalon… Je ne périrais donc pas ici…

— Ça, je te l’affirme, répondit tout à coup une voix familière.

Tandis que la fumée se dissipait, Arthas aperçut Vincent et Shanna qui arrivaient à seulement quelques mètres de Sélène. Le blond ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait quand soudain, ses yeux se fermèrent et l’homme tomba à terre comme une pierre.