Un nouveau monde

Chapitre 12 : La forêt noire

3054 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/07/2020 16:52

— Alors, gamine, ça te rappelle un peu la maison ? questionna Batël à la jeune elfe sur ton plaisantin.

Aussi sombre fut la forêt dans laquelle pénétrèrent le groupe d'aventuriers, tellement sombre que même en plein jour on croirait qu'il faisait nuit noire et faisait que la route soit (faiblement) éclairé par des lanternes tous les dix pieds, Gahahli fut tenté de répondre non. Au moins Orneval avait quelque chose d'enchanteur, de majestueux et surtout d'apaisant par comparaison, avec ses arbres gigantesques et ses feuillages aux couleurs variés. Le Bois de la Pénombre, tel était le nom de cette forêt, était beaucoup moins amical. Et cela n'avait rien à voir avec les hurlements de loup que l'elfe percevait de ses longues oreilles pointues — d'autant qu'étant une fille de la forêt et de la nuit, le loup était loin d'être l'animal qui l'effrayait le plus.

Il y avait dans cette forêt quelque chose de froid et d'oppressif, notamment avec ses arbres dont le houppier pouvait effleure la tête d'un humain tellement ils étaient bas. De plus, la jeune elfe y sentait quelque chose de malsain, de maléfique. Elle ne saurait dire ce que c'était ou si cela avait un rapport avec les démons, seulement qu'elle n'avait pas senti un tel aura depuis l'invasion de la Légion Ardente qui avait eu lieu cinq années auparavant. Et faisait qu'elle ne s'y sentait définitivement pas la bienvenue, elle qui était pourtant une fille de la forêt et de la nuit.

— Après, ça n'a pas toujours été comme ça, s'empressa d'ajouter le nain. Toi, Bartélo, t'étais pas encore né mais à une époque, cette région était tout simplement la partie sud de la forêt d'Elwynn, séparée de l'autre partie par la rivière que nous venons à l'instant de traverser. Et la ville vers laquelle nous nous rendons, elle s'appelait encore le Grand Hameau à cette époque. Puis il y a eu la Première Guerre avec l'arrivé des orcs sur Azeroth, ils sont passés par là et... vous connaissez la suite. La ville à été reconstruite puis rebaptisé avec un nom plus approprié.

— Je me disais aussi que Sombre-Comté, ça ne faisait pas très accueillant comme nom de ville, commenta le jeune paladin.

— Ouais, j'imagine l'accroche pour le tourisme, ajouta Baelbo avec sarcasme. "Soyez les bienvenus à Sombre-Comté, en plein cœur du Bois de la Pénombre. L'endroit idéal pour ne jamais attraper de coup de soleil".

— Mais attendez, ceux sont les orcs qui ont rendu cette forêt aussi sombre et sinistre ? demanda Gahahli incrédule, elle qui imaginait les orcs se contenter de déboiser les forêt plutôt que de les rendre plus effrayantes et inhospitalières.

— Pas vraiment non, lui répondit sobrement Batël. Ça, ça a plus été les effets secondaires de la magie d'un certain magicien très puissant dont le domaine est situé juste à côté de la forêt. Et qui a encore plus souffert, d'ailleurs.

— Et... c'était qui ce mage ? osa demander l'elfe par curiosité.

— Demande donc à notre ami le gnome, lui répondit le nain. SI ça se trouve, c'était un copain à lui.

— Loin de là ! répondit sèchement l'intéressé comme s'il avait été outré par la remarque. À l'époque, je ne le connaissais uniquement de nom et de réputation et aujourd'hui, j'aimerai ne pas l'évoquer. Pas après le rôle qu'il a joué durant la Première Guerre.

Au vu de l'apparente méchante humeur du gnome, Gahahli préféra ne pas insister.

D'autant qu'elle n'était vraiment d'un meilleur tempérament depuis que son groupe fut convoqué à Sombre-Comté.


À l'origine, ils devaient se rendre à Comté-du-Lac dans les Carmines, à l'est de la forêt d'Elwynn, qui avait clairement besoin de renforts pour faire face aux menaces constantes des gnolls qui infestaient la région ainsi que des orcs "rochenoires" qui attaquaient depuis le nord.

Mais à peine ils avaient été à mi-chemin vers leur destination depuis Comté-de-l'Or qu'ils furent rattrapés au galop par un émissaire envoyé de la cité. Ce dernier était venu informé les aventuriers qu'ils étaient mandés d'urgence à Sombre-Comté dans le Bois de la Pénombre, et leur avait également confié un rouleau parchemin scellé qu'ils allaient devoir remettre aux autorités locaux.

— C'est bien la marque de Hurlevent, avait déclaré Bartélo en inspectant le sceau du parchemin tandis que l'émissaire était reparti comme il était venu. On ferait peut-être bien d'y aller tout de suite, voir ce qu'ils nous veulent.

— Ça m'a l'air important, en effet, avait approuvé Batël.

— Attendez ! Et Comté-du-Lac, alors ? s'était insurgée Gahahli perplexe.

— T'inquiètes, Lili, avait répondu le jeune paladin (qui ne sachant pas prononcer correctement le nom de l'elfe avait décidé de lui donner un diminutif). On y viendra après qu'on aura fini nos affaires à Sombre-Comté.

— Et les gnolls ? avait insisté l'elfe de la nuit. Et les orcs ? Va-t-on laisser les habitants à leur merci ?

— Je suis d'accord avec Dame Gahahli, était intervenu Baeblo également décontenancé. Là-bas aussi ils auraient besoin de notre aide. Surtout qu'on parle des Rochenoires...

— Oh, je les connais ceux-là ! l'avait interrompu le nain. C'est à eux que je dois la perte de ma jambe (il avait accompagné son propos en tapotant sa nouvelle jambe artificielle qu'il s'était offert depuis leur victoire contre les Défias). Et croyez-moi, les jeunes, vous n'êtes pas encore prêt pour vous friter avec eux.

— On a affronté les Défias et on a réussi à les démanteler en tuant leur chef, s'était empressé de rappeler la jeune elfe.

— Seulement avec un coup de bol, gamine ! lui avait rappelé à son tour le nain. Comme j'ai eu le cul bordé de nouille de n'avoir perdu qu'une jambe quand j'ai bataillé au mont Rochenoire.

— Et puis on a des ordres directs de Hurlevent, avait ajouté l'humain. On se doit de les respecter un minimum.

— Ah toi, on te transmet un ordre comme ça au milieu de nulle part, tu ne te poses pas davantage de question et tu te contente de l'éxécuter à la lettre, avait raillé le gnome.

— Je suis un paladin, maître Bilbo, s'était défendu Bartélo. Tant que ça concerne la défense de Hurlevent, de la Sainte Lumière et de l'humanité, je me dois de m'y plier.

— Et les gens de Comté-du-Lac ? avait insisté Gahahli. Ils ne comptent pas, alors ? Vous préférez les laisser mourrir ?

— Et pour la énième fois, c'est BAEL-bo ! Comme Lor-dae-ron...

Comme la discussion avait commencé à s'enflammer, le nain s'était senti obligé de réclamer le silence et avait dû pour cela s'égosiller de sa plus belle voix.

— Écoutez, les jeunes ! avait-il reprit aussitôt que ses compagnons furent calmés. Je respecte votre enthousiasme et votre dévotion à chacun, mais je dois vous rappeler qu'on est une équipe. Ou bien on fait les choses ensemble, ou bien on ne fait rien et on reste chacun dans son coin. Et même si je comprends l'envie à certains d'entrer dans l'Histoire en tant que nouveau héros d'Azeroth (il s'était tourné vers l'elfe de la nuit), il faut vous faire à l'idée que vous ne pouvez pas sauver tout le monde. Même avec la meilleure volonté du monde, c'est impossible. Et aussi déplaisant cela puisse être, il faut savoir faire des sacrifices pour le bien de tous, ne pas se laisser aller par ses états-d'âmes et faire son devoir coûte que coûte.

Il s'était exprimé avec tellement de convictions dans le regard que personne n'avait osé répondre quoi que ce soit. Pas même Gahahli qui d'habitude détestait pas qu'on lui fasse la morale et se battait pour avoir le dernier mot.

— Bien, puisque plus personne ne voit d'objection, en route ! avait reprit Batël. Plus vite on se sera occupé de Sombre-Comté, plus vite on pourra en faire de même pour Comté-du-Lac !


Et c'était ce qui avait amené le groupe dans cette forêt si sombre et sinistre, même pour une elfe de la nuit. Bien que cela restait à contrecœur pour certains.

Gahahli elle-même en venait à souhaiter que quoi qui infestait ce bois maudit, ça valait le coup de laisser un village à la merci d'orcs et d'hommes-hyènes. Qu'au moins on ne les avait pas fait venir pour une histoire de loups.


Ils arrivèrent en vue des portes Sombre-Comté — qui formait en réalité une arche en fer où était marqué le nom de la ville — quand un groupe de miliciens sortirent de la ville et s'en allèrent à leur rencontre.

Tout comme la milice de la Marche de l'Ouest, la tenue des miliciens n'avait rien à voir avec les armures en plates grises et bordés de bleus que portaient habituellement les gardes du Hurlevent. Ceux-là portaient des armures en mailles d'un gris assez proches du noires. Aucun d'eux ne parût très amical ni très accueillant à en juger par leur mine à cran.

Ils étaient guidés par une femme aux cheveux noir de jais, au regard sévère et tenant une lanterne. Sûrement la cheffe des miliciens.

— Halte-là ! fit la cheffe au groupe d'un ton glaciale. Veuillez déclarer votre identité et la raison de votre présence ici.

Décidément pas très accueillant !

— Nous sommes l'aide que vous avez fait mandé, leur répondit Bartélo en gardant les mains en évidence et leur présentant le parchemin scellé de la marque de Hurlevent.

— Vous ? C'est une blague ! dit la cheffe sceptique en arrachant le parchemin des mains du jeune paladin. Nous avions demandé de l'aide à Hurlevent, oui et même à plusieurs reprise, mais...

Après avoir soigneusement remis sa lourde lanterne à un de ses sous-fifres pour qu'il l'éclaire tout en ayant les deux mains libres, elle inspecta le cachet avant desceller et de dérouler le parchemin. Tandis que la cheffe parcourut le parchemin de long en large en fronçant davantage les sourcils, Gahahli pouvait l'entendre murmurer "Ah mais ils nous pissent dessus sans nous faire croire qu'il pleut, ma parole !".

L'elfe sentit Baelbo lui tapoter la hanche — la partie la plus haute que le gnome pouvait atteindre — pour avoir son attention.

— Je n'ai pas l'impression que c'était vraiment nous qu'ils attendaient, lui chuchota le gnome.

— En effet, je trouve ça louche, lui murmura en réponse l'elfe.

— Alors, je récapitule, reprit la cheffe. Vous êtes bien Barthélemy Lockhart ? Récemment promu paladin avec l'aval de Gryan Roidemantel et du généralissime Bolvar Fordragon ? Batël Marteau-de-Bronze, ancien thane-protecteur de Khaz Modan et héros de la Seconde Guerre ? Baelbo Boulon-de-bois, mage de Dalaran ? Et Gahahli Ventenuit, elfe de la nuit archère de son état, ainsi que son compagnon, le tigre ?

Chacun des aventuriers opina de la tête à la mention de leur nom et de leur titre respectifs.

— C'est donc vous qui avez démantelé la Confrérie Défias il y a peu ? les questionna à nouveau la cheffe.

Les aventuriers répondirent à l'affirmatif, soulevant un torrent de murmures chez les miliciens. Jakua se contenta d'un bref feulement.

— Et en dehors de ça, des exploits de maître Marteau-de-Bronze et de quelques victoires sur des murlocs et des kobolds, quelles sont vos faits d'armes notables ? reprit la chef. Parce que j'aime autant vous prévenir qu'une organisation criminelle n'est rien comparé à ce qui vous attend dans ces bois.

— Un instant, commandant ! intervint un des miliciens. Vous pouvez redire le nom du gnome ?

— Baelbo Boulon-de-Bois, si je le prononce correctement, répondit la commandante. Vous le connaissez ?

— Pas personnellement, commandante, mais ça me dit quelque chose... Oui, ça me revient ! Je l'ai entendu de la bouche d'un voyageur d'un mage gnome dont le nom sonnait ainsi et qui se vantait à qui voulait l'entendre dans les bars de Khaz Modan qu'il avait affronter le démon Archimonde en personne.

Une nouvelle vague de murmure s'élevait parmi les miliciens sur cette histoire abracadabrante du gnome dont Gahahli se souvint lors de son premier jour parmi les humains.

— Hé ! Maintenant que vous en parlez, il me semble en avoir croisé un gnome qui se vantait d'un tel exploit quand je faisais la tournée des bars, ajouta Batël. Je me demande si c'était pas toi, Bilbo. En tout cas il te ressemblait beaucoup.

— Et ben il est possible que ce soit moi, en effet, répondit le gnome avec un rire jaune et visiblement gêné. Ah que le monde est petit, hein ?

— Ça ne va pas, maître Baelbo ? l'interrogea Gahahli qui avait remarqué le malaise du gnome. Vous êtes livide, tout d'un coup !

— C'est juste que... je ne m'attendais à ce que mes histories... je veux dire, mes exploits se serait répandu jusqu'à ce... ce genre d'endroit, tenta de se justifier Baelbo en prenant soin de parler à voix basse.

— Bien ! Finalement, je pense que vous pourrez faire l'affaire, déclara soudain la commandante. Pardon de m'être montrée aussi hâtive.

— Vous êtes pardonnée ! s'écria Baelbo avant de reprendre sur un ton plus doux. Vous êtes pardonnée.

— Si vous vous êtes frotté à un démon comme Archimonde et avez su en sortir vivant, reprit la commandante, en venir à bout de morts-vivants ne devrait pas vous poser de problèmes.

— DES MORTS-VIVANTS ? s'écria le groupe d'une seule voix.

Rien que ce mot faisait frémir d'horreur et de dégoût la jeune elfe. Déjà pour elle et les siens, le simple fait d'être relevé de terre contre le volonté de la Nature était une aberration. Mais surtout, elle se souvint que quand les démons vint envahir ses terres ancestrales et y semer la mort et la désolation, leur troupes comptaient également des morts-vivants en tout genre, de simples goules sans cervelles aux seigneurs liches en passant par des impitoyables guerriers-squelettes et des sinistres banshees. Et au vu de la réaction de ses compagnons, elle n'était pas la seule à prendre très au sérieux la présence de tels ennemis. Elle voyait Baelbo vaciller sur ses courtes jambes.

— On peut compter sur vous, n'est-ce pas ? questionna la commandante.

— Bien sûr, bien sûr ! répondit le gnome tout en essayant de cacher son malaise. Sur nous quatre... pardon, nous cinq !

— Si ceux sont des morts-vivants qui vous posent problème, mon marteau est vôtre, affirma Bartélo qui le torse bombé semblait être le seul à ne pas fléchir devant la nouvelle. Un bon mort-vivant est un mort-vivant... mort.

— Je suis de son avis ! s'exclama la jeune elfe, malgré la terreur que lui inspirait l'idée d'être confronté à de tels ennemis. Ces abominations vont regretter d'être sorti de leur tombe.

— Mouais... J'ai moi même quelques comptes à régler avec ces cadavres ambulants et décérébrés, ajouta Batël. Et croyez-moi, je ne compte pas y aller de main morte.

— J'aime mieux ça ! commenta la commandante.


Les miliciens firent entrer le groupe dans leur village quand un hurlement de loup retentit dans les bois et figea de peur le groupe tellement ce hurlement n'avait rien d'inhabituelle, même pour un loup. Il semblait plus grave et rauque, comme un rugissement de lion ou un grognement d'ours.

Un milicien vint souffler quelque chose à l'oreille de la commandante qui reprit :

— Ah oui, j'oubliais ! En plus des morts-vivants, nous avons un problème de worgens rôdant aux alentours du village. Il faudra également nous en débarrasser.

— Des... worgens ? répéta Gahahli pour qui le nom lui était encore étranger.

— Des hommes-loup, si vous préférez.

Ce mot fut tout d'un coup plus familier à la jeune elfe. Et étrangement, elle n'en fut pas rassuré pour autant.

Elle n'en avait peut-être jamais croisé jusqu'à présent mais d'aussi loin qu'elle s'en souvenait, les rares fois où elle avait entendu parlé d'hommes-loups c'était dans les histoires que lui avaient racontés ses parents sur la Guerre des Satyres. Guerre durant laquelle des druides avaient eu lesquels d'adopter la forme d'un loup pour venir à bout de leurs ennemis. Malheureusement, il s'agissait d'une transformation que les druides ne maîtrisait pas. Non seulement, elle ne les transformait que partiellement en loup (d'où l'appellation "homme-loup") et pire encore, elle les condamnait à une rage qui les rendait incapable de discerner leurs alliés de leurs ennemis, réduisant les druides à des êtres sanguinaires et incontrôlables. Pire encore, cette transformation avait pris des allures de malédiction, vu que les elfes de la nuit ayant eu le malheur d'avoir été mordu par un de ses druides corrompus et enragés devenaient à leur tour des hommes-loups. Cela avait obligé les druides restant à interdire cette forme et bannir leur confrères prisonnier dans leur forme partiellement lupine pour la sécurité de tous.

Mais autant qu'en savait la jeune elfe, les hommes-loups avaient été envoyés non vers une autre terre mais dans une autre dimension, un monde spirituel connu chez les druides sous le nom de Rêve d'Émeraude, et plus précisément dans un lieu qui aurait dû les tenir en sommeil pour des millénaires, le temps d'apaiser leur rage.

Comment pouvaient-ils s'en être échapper et surtout, se retrouver à errer dans un endroit aussi éloigné de leurs terres ancestrales ? Voilà intriguait la jeune elfe autant que cela la terrifiait.

— Des hommes-loups, maintenant ! se plaignit le gnome, arrachant aussitôt l'elfe à ses pensées. Comme si les morts-vivants ne suffisaient pas ! Mais dans quoi on s'est fourré ?


En fin de compte, Gahahli et son groupe n'allaient pas s'ennuyer dans cette sombre forêt. Peut-être ne les avait-on pas fait venir pour rien. Peut-être que cela valait le coup de remettre Comte-du-Lac et ses problèmes d'orcs à plus tard.

Restait à savoir "qui" les avait envoyé à Sombre-Comté si ce n'était ses habitants qui avaient demandé l'aide des aventuriers.

Et pourquoi eux s'ils n'étaient pas ceux que les habitants attendaient ?

Laisser un commentaire ?