La voix de l'ombre - Livre I : Les murmures du passé

Chapitre 8 : Honneur et trahison

2162 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 04/02/2024 19:31

Chapitre 8 : Honneur et trahison.



Tout indiquait la victoire. Depuis la veille, les orcs ne cessaient de marteler la porte de Lordaeron au moyen de troncs d'arbres transformés en béliers, et celle-ci montrait enfin les premiers signes de faiblesse.

Tandis qu'elle cédait peu à peu, d'autres guerriers escaladaient les murs sud, est et ouest du château à l'aide de grappins. Et, bien que les humains y déversaient une huile bouillante qui fit de gros dégâts, d'autres guerriers orcs apparaissaient et prenaient le relais.


Tout se passait comme prévu, se dit Marteau-du-destin, et, avec un peu de chance, les orcs allaient festoyer au cœur de la ville au coucher du soleil.

C'est alors qu'un dragon rouge survola le siège. Le clan Gueule-de-dragon, enfin, crièrent plusieurs guerriers. Il ne manquait plus qu'une attaque aérienne pour achever ces satanés humains qui résistaient farouchement.


Un seul dragon, cependant, et non le clan entier. Le dragon en question se posa près du camp de commandement. Le cavalier-dragon qui le chevauchait bondit précipitamment de sa monture et demanda :

  • Marteau-du-destin, où est le chef de guerre ?

Se hâtant de le rejoindre, un des grunts lui indiqua la tente du chef. Sans préavis, il entra sous la tente et surprit Orgrim qui se redressa brusquement. Il le reconnu : il s'agissait de Torgus, un guerrier très proche de Zuluheb, son chef de clan, qui avait tout son respect.

  • Chef de guerre, pardonne-moi mais les nouvelles que je t'apporte sont graves.
  • Alors parle vite, ordonna Marteau-du-destin. Je t'écoute.
  • C'est Gul'dan, chef, il s'est enfui !
  • Comment ça enfui ? poursuivit Marteau-du-destin. Tu veux dire qu'il a déserté ?

Torgus répondit, dégoûté :

  • Lui, ainsi que son clan, et le clan Marteau du crépuscule mené par Cho'gall, compléta Torgus.


Quelle horreur. Et tout cela était entièrement sa faute. Pourquoi avait-il laissé le démoniste sans plus de surveillance ? Il était écœuré, et en colère contre lui-même.

  • Ils sont partis en direction du sud, par la mer, poursuivit Torgus. Tu ne pourras pas compter sur eux pour gagner la guerre, finit-il.
  • Pourquoi ne les avez-vous pas rattrapés avec vos dragons ? interrogea Orgrim, le ton menaçant.
  • C'est ce que nous avons fait, chef, mais l'un d'entre nous s'est trop approché et Gul'dan lui-même l'a abattu avec sa magie démoniaque, enchaîna le cavalier-dragon. J'ai préféré revenir auprès de Zuluheb qui m'a immédiatement envoyé vers toi.
  • Bien, tu as pris la bonne décision, admit Orgrim. Il va falloir...


Un autre orc entra précipitamment sous la tente.

  • Chef, dit Shakhol, l'un de ses lieutenants. Chef, plus aucun orc ne passe les cols !
  • Quoi ? s'écria Orgrim.

Haletant, Shakhol poursuivit :

  • Les cols de la montagnes, on dirait qu'ils sont fermés ! Quelqu'un empêche les troupes de nous rejoindre !

Comment la situation avait-elle pu se dégrader à ce point aussi vite, alors que la porte de la capitale était sur le point de céder ? Abattu, Marteau-du-destin s'affaissa légèrement.

  • Les humains nous ont trahis, cracha Shakhol !

Non. Orgrim en doutait sérieusement. Le roi humain devait craindre davantage la Horde que ceux de sa race. Les autres royaumes humains devaient avoir eu vent de leur position prolongée à la base de la montagne. Il savait que c'était un risque de patienter, mais il avait dû attendre l'arrivée des renforts pour garantir leur victoire. Hélas, il avait attendu pour rien, et la Horde allait en payer le prix.


Orgrim se reprit :

  • Bien, Shakhol, convoque Rend et Maim Main-noire, ordonna-t-il. Torgus, emmène ton dragon au niveau des cols et enquête sur ce qu'il se passe. La Horde ne perdra pas la face, assura-t-il.

Les deux orcs s’exécutèrent et quittèrent la tente.

  • Maudit sois-tu, Gul'dan, s'indigna Orgrim, le poing serré levé devant lui. Comment oses-tu trahir ta propre race ? Tu vas souffrir pour ça !


Rend et Maim Main-noire pénétrèrent sous la tente. Inquiets en voyant leur chef serrer les poings compulsivement, ils attendirent.

  • Rend, Maim, hurla presque Marteau-du-destin. Réunissez votre clan et partez en direction du sud par la mer. Une partie du clan Gueule-de-dragon vous rejoindra.

Les frères orcs se dévisagèrent, l'air hagard. Orgrim poursuivit :

  • Traversez Hautebrande et prenez les bateaux qui y stationnent. Vous allez poursuivre ce traître de Gul'dan et sa bande de monstres à deux têtes et les massacrer jusqu'au dernier.
  • Mais, chef de guerre, nous avons presque enfoncé la porte principale, et..
  • Remets-tu en question les ordres de ton chef de guerre ?


Orgrim s'approcha dangereusement de l'orc et le couvrit de son ombre.

  • Non, non chef de guerre, hésita Maim.
  • Bien, se calma Marteau-du-destin. Considérez cette mission comme une chance de rétablir votre honneur. Je vais emmener le reste des clans au sud également pour vous couvrir, et nous retrancher en Khaz Modan. Le reste de la Horde doit y avoir délogé les nains de leur terrier. Vous nous y rejoindrez avec la tête de ce maudit démoniste, finit-il.
  • Comme tu voudras, répondit Rend.

Sur ces ordres, les deux frères filèrent et hurlèrent des ordres aux membres de leur clan.


À présent seul, Orgrim pris quelques minutes pour réfléchir. En fait, il avait instinctivement choisi de sauver l'honneur de la Horde plutôt que la victoire. Il savait que beaucoup ne comprendraient pas ses décisions, comme l'avaient démontré les frères Main-noire à l'instant. Mais il était persuadé qu'avec le temps, les siens finiraient par respecter son choix. Dans tous les cas, cette trahison ne restera pas impunie.

Il se retrouvait à présent avec moins de la moitié de ses forces, et, considérant que le reste des troupes qui traversait les montagnes avaient été tué, il était contraint de battre en retraite.

Il devait donc donner ses ordres de repli, et envoyer un messager quérir le reste des troupes restées en arrière au campement.


  • Chef, chef ! hurla Varok en entrant précipitamment sous la tente.
  • Qu'y a-t-il encore, demanda Orgrim, las.
  • Les humains, ils sortent du col. Leur armure est différente de celle des soldats d'Altérac. Le roi humain avec qui tu as conclu un accord doit être tombé. Ils vont bientôt atteindre le campement !

Effaré, Orgrim sentit son sang lui monter à la tête. La troupe encore au camp comportait des enfants, des blessés, … Keera !



En pleine écriture de son journal, sous la tente du chef, Keera entendit des bruits inhabituels agiter le campement. Elle posa son journal et sortit.

Plusieurs orcs couraient vers elle pour la prévenir :

  • Plus d'orcs aux cols, dit l'un d'entre eux. Des humains ! Beaucoup !

Keera regarda alors vers les cols et comprit : un tabard rouge, surmonté d'un oiseau blanc : l'armée de Stromgarde ! Ils avaient dû apprendre que des orcs traversaient les montagnes et avaient interrompu le flux. Ils allaient rapidement déborder le col et arriver sur eux.

Keera regarda autour d'elle : des enfants, des blessés de guerre, des femelles allaitant leur bébé. Elle ne pouvait se résigner à les laisser se faire massacrer. Car, c'est ce qui se passera si le roi Thoras Trollemort et ses soldats les atteignaient.


Keera avait rencontré le roi de Stromgarde plusieurs fois au cours des années passées. Et, bien que très hostile à l'égard de son père adoptif (elle ne pouvait l'en blâmer), il s'était montré plutôt intrigué par la jeune princesse aux allures d'elfe. De plus, ses compétences martiales avaient forcé son respect, tout comme son sens de l'honneur qu'elle semblait partager avec Hath. Mais Trollemort aussi avait de l'honneur. Et s'il avait appris ce que son père adoptif avait fait, étant le royaume limitrophe, nul doute qu'il était intervenu.


Elle attrapa un orc par le bras qui se tenait près de la tente et ordonna :

  • Rassemble tous les orcs de ce côté du camp et mène-les près des forges, je rassemble le reste, ainsi que les loups et des armes.

Acquiesçant sans broncher, l'orc partit dans le sens opposé. Keera avait choisi des mots simples pour être sûre de se faire comprendre. Elle saisit ensuite une jeune orque par l'épaule et lui demanda de l'aider à réunir le reste des enfants à l'entrée du camp.

Très vite, la troupe attendait près des quelques loups qui restaient, et les enfants avaient été déposés dans une sorte de charrette employée à charger du minerai. Ils tenaient fermement leurs branches en bois, comme pour se défendre en cas d'attaque.


Un orc trapu aux longues tresses blanches tenait les rênes de Tempête, le cheval de la princesse, qu'elle attrapa en hochant la tête pour remercier l'orc.

Les loups géants l'observaient. Les orcs avaient remarqué qu'aucun d'eux ne montrait jamais les crocs à la princesse, se laissant même approcher.

Jetant un dernier coup d’œil en arrière, puis en direction des cols, d'où les humains émergeaient, Keera ordonna :

  • Vers le nord, aller !

Puis, tous la suivirent à grand galop.



De retour au campement de guerre, Torgus informa Marteau-du-destin du mouvement des troupes humaines qui descendaient les montagnes en direction de la capitale.

  • Une partie de l'armée humaine attaque aussi par le nord, nous sommes pris en étau.
  • Par les Ancêtres, beugla Orgrim. Que les troupes se replient plus rapid...
  • Chef, au sud, au sud ! lança l'un des grunt en direction de la clairière.

Orgrim aperçu le messager envoyé au camp pour ramener la troupe restée en arrière qui revenait. Il comprit lorsqu'il distingua au loin un groupe d'orcs chevauchant des loups et conduisant une sorte de carriole. Le groupe dévalait la clairière à vive allure. Il ne pouvait cependant percevoir plus de détails à cette distance.


  • Là-bas, la princesse, s'écria le guetteur qui put donner plus d'éléments précis grâce à la longue-vue qu'il avait pris sur un marin plus tôt.

Orgrim plissa alors les yeux et vit : le groupe était bel et bien mené par la princesse qui galopait vivement vers eux.

Rasséréné par cette preuve de loyauté, en tout cas il l'espérait, le chef orc attrapa le harnais de sa monture et la chevaucha. Ses guerriers aussi se préparèrent au départ.


Le groupe que Keera menait arrivait à leur hauteur. Orgrim talonna son loup pour rejoindre la princesse qui haletait, et vérifiait si la charrette d'enfants était bien arrivée. Une fois à son niveau, l'orc dit :

  • Tu les a menés jusqu'ici de ton propre chef, affirma-t-il. Pourquoi ?

Keera lui lança un regard désabusé. Puis, comprenant combien cela nécessitait une explication, elle répondit :

  • Ils auraient tué ces enfants, en les désignant de la tête.
  • Nous sommes en guerre, rétorqua le chef de guerre. Des innocents meurent.
  • Pas si on peut les sauver, insista Keera, le regard dur.

Cette femelle lui rappelait malgré elle son ami d'enfance. Il se souvint alors de Durotan, enragé après avoir vu Gul'dan sacrifier un enfant draeneï pour ouvrir le portail vers Azeroth. Il la regarda alors avec tendresse.

  • Partons.

Et il éperonna son loup qui pris de l'élan et trotta en direction du sud.



Plus haut, vers la montagne, le roi Trollemort et ses soldats atteignirent le campement orc déserté. Ils fouillèrent chaque tente à la recherche d'orcs cachés, voire d'une preuve de la traîtrise de Perenolde. Plus tôt, en effet, le roi de Stromgarde s'était entretenu avec le général Hath qu'il croisa sur l'un des cols qu'il reprenait aux orcs. Très vite, Hath avait accepté de parler et mis en cause son maître, dont la couardise n'était plus à prouver. Cependant, il était loin d'imaginer que Perenolde en était venu à vendre une de ses filles au chef des orcs. Quelle honte, pensa-t-il. Tomber aussi bas dans la vilenie était indigne du pire monstre, même du roi d'Altérac.


  • Mon seigneur, j'ai trouvé un carnet de notes qui pourrait vous intéresser, suggéra un des soldats.
  • Merci, répondit Trollemort en prenant le carnet des mains du soldat. Des signes d'une présence indésirable ?
  • Aucun, mon seigneur, répliqua le soldat. Tous ont décampé.
  • Bien, retournons dans les montagnes, les armées de l'Alliance sont arrivées par l'est et la Horde s'est repliée. Allons nous occuper du cas de Perenolde en personne !


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