La voix de l'ombre - Livre I : Les murmures du passé

Chapitre 17 : Un itinéraire contrarié

1644 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/02/2024 18:13

Chapitre 17 : Un itinéraire contrarié.



  • Je sais que je t'ai annoncé un peu brutalement notre départ, et si tu souhaites nous accompagner pendant un temps...
  • Ne te tourmente pas pour moi, chef, coupa Bazol, la main levée pour le rassurer. Je suis bien ici, et pour l'instant, cette tranquillité me convient très bien.


Marteau-du-destin devait tant à l'orc. Bien qu'il ait été impuissant à sauver son petit, il avait guidé sa compagne jusqu'ici, où les Chanteguerre les avaient protégés. Il avait une dette.

Orgrim l'attrapa par les épaules, et tous deux se fixèrent :

  • Nous reviendrons, mon ami. Je te souhaite de trouver ce que tu cherches ici.

Puis Orgrim s'éloigna, tandis que Keera faisait ses adieux au clan :

  • Dresse-toi fièrement devant le danger, ma sœur-louve, conseilla une orque chanteguerre dont le visage balafré semblait perpétuellement fatigué. Je prierai les Ancêtres pour qu'ils t'accompagnent.
  • Merci Zhulba, dit la princesse, sincèrement touchée. Je garde précieusement la dague que tu m'as donnée.


Tandis qu'Orgrim écoutait la conversation, il questionna Grom :

  • « Ma sœur-louve » ?
  • Eh bien quoi ? rétorqua Hurlenfer. On m'appelle bien l'égorgeur-d'ogres.

Orgrim fixa Grom.

  • Les miens l'appellent comme ça depuis qu'ils l'ont vu chasser, reprit-il. Soeur-louve ou bien petite-louve, parce qu'ils la trouvent aussi agile qu'un loup. Et les loups viennent à elle de leur propre chef.
  • Je vois, acquiesça Orgrim. Lorsqu'elle nous a rejoint, les nôtres l’appelaient la brindille, se souvient-il, l'air pensif.
  • Une brindille enracinée sacrément profondément, nota Grom. Mais c'est vrai qu'en la voyant, on pourrait croire que le vent l'emporterait d'un souffle.
  • C'est ce qu'on peut croire, c'est vrai, admit Orgrim. Et c'est ce que ses ennemis croient avant de se rendre compte qu'ils sont à terre, sourit-il, tandis qu'il la vit sangler une lance double lame dans son dos.
  • Peuh, sous-estimer son ennemi, autant tendre le cou pour qu'on y abatte une hache, ajouta Grom.
  • Je suis d'accord, mais en attendant, ça a joué en sa faveur.


Grommash resta pensif.

  • Vous partez donc au nord, et après ? questionna Grom.
  • Après, nous verrons bien, conclut Orgrim. Nous allons y rester un moment pour nous faire oublier, puis nous redescendrons jusqu'en Altérac pour y retrouver les Loup-de-givre avant la saison froide. Pour la suite, nous verrons bien.
  • Bonne chance mon ami, dit Grom en tendant son avant-bras vers Orgrim qui le saisit.
  • Merci Grom, faites bien attention à vous, ajouta-t-il.
  • Ne t'inquiète pas pour nous, et revenez en un seul morceau.



Les adieux terminés, Orgrim et Keera prirent la route vers les Hautes-terres Arathi. Ils continueraient ensuite vers les Hinterlands, tout en évitant de croiser les humains. En effet, après sa fuite de Fossoyeuse, Marteau-du-destin devait être recherché, et se rendre en Altérac, trop près de Lordaeron, serait du suicide.

Il espérait qu'en se faisant oublier quelques temps, les humains cesseraient leur poursuite et abandonnerait sa capture. Il serait bien descendu plus au sud, mais il craignait de tomber sur le clan Rictus-de-Noirdent, dans les Steppes ardentes. Ce serait un retour en arrière, et, face à Rend Main-noire, il serait incapable de retenir son marteau. Or, ils avaient décidé d'avancer. Et découvrir de nouvelles terres où la Horde n'était pas passée serait un bon point de départ.


Cela leur pris trois jours de marche et de nage pour atteindre les Hautes-terres Arathi. Car il était évidemment hors de question d'emprunter le Viaduc de Thandol, repris par les humains à la fin de la guerre. Cette contrée était belle et fertile, nul doute qu'ils s'y trouveraient bien. Mais encore trop proche de Lordaeron, et deux camps d'internement y étaient implantés, il fallait traverser la contrée rapidement.

Arrivés au sud-est par une grotte, ils cherchaient une plaine qu'ils pourraient traverser sans être à découvert. Or, c'était presque impossible. À l'ombre d'un arbre, sur une petite colline bordée de rochers, non loin d'une ferme, ils s'arrêtèrent.

  • Cette clairière semble peuplée d'arbres, remarqua Orgrim. Nous pourrons peut-être y passer inaperçu.
  • Il va falloir longer les montagnes, et dans ce cas, nous marcherons directement sur le camp nord, prévint Keera. Là où tu as été emmené.
  • C'est vrai, mais nous n'avons pas d'autre choix, et je doute que l'on m'y cherche, ajouta l'orc. En attendant, arrêtons-nous là pour la nuit.



Les Chanteguerre leur avaient constitué une bonne réserve de vivre composées principalement de viande séchée et d'outres d'eau. À l'occasion, ils pouvaient également chasser le gibier local. Pour le moment, ils ne manquaient de rien.

La nuit était belle et chaude en cette saison. Keera s'était assise aux pieds de l'arbre quand Orgrim l'imita, se faufilant entre elle et le tronc pour la lover entre ses jambes. Depuis leur départ des Paluns, ils avaient déjà longuement discuté. Leur rencontre, la fuite de Fossoyeuse, la vie au souterrain. Mais jusqu'à présent, ils avaient toujours soigneusement évité le sujet délicat de l'enfant.


Cependant, pour refermer une plaie, il fallait d'abord l'accepter, la soigner, puis la panser. La cicatrisation viendrait avec le temps.

  • C'était une femelle ou bien un mâle ? demanda Orgrim avec prudence.

Keera était surprise par la question. Orgrim n'avait jamais abordé le sujet jusqu'alors. Mais il avait besoin de savoir.

Un sourire doux et timide se dessina sur le visage de la jeune femme :

  • C'était un petit homme, si minuscule qu'il aurait tenu entièrement dans ta main, confia-t-elle.

Orgrim aussi sourit timidement. Il avait essayé de se le représenter en pensée à plusieurs reprises. Avait-il la peau verte ? Les oreilles tendues à l'horizontale ? Des cheveux ? Et la couleur de ses yeux...

  • Il aurait été si brave, si fort, imagina Keera, les yeux brillants.
  • Et obstiné, compléta Orgrim en regardant Keera d'un air accusateur.
  • Évidemment, il aurait bien fallu qu'il ait quelques-uns de tes défauts, ironisa la princesse.


Pour toute réponse, Orgrim tenta d'immobiliser Keera en passant son bras autour de son cou, attrapant son épaule pour la bloquer. Keera essaya de forcer son bras mais Orgrim la fit basculer au sol et lui empoigna les deux bras.

  • Pourquoi faut-il toujours que je finisse à terre à la fin de nos jeux ? s'indigna-t-elle.
  • Parce que ma force te déstabilise au point de te paralyser, annonça l'orc, enorgueilli.

Puis il la dévisagea. Keera prit alors un air sérieux, attendant qu'il formule ses pensées :

  • Tu penses que nous... enfin, qu'il y aura...
  • Il y en aura Orgrim, lorsque nous aurons trouvé l'endroit, et le bon moment, il y en aura.


Apaisé par ces paroles, l'orc adoucit son regard. Il voulait l'embrasser, et... comment ça, le bon moment ?

Pris d'un doute, Orgrim demanda :

  • Tu veux dire que jusqu'à ce qu'on trouve l'endroit... je ne pourrai plus te toucher !?

La princesse parut amusée par le faciès à la fois amer et scandalisé de son compagnon. Elle sauta sur l'occasion :

  • C'est-à dire qu'il ne serait pas en sécurité, là dans la nature, surtout si nous sommes traqués.
  • Mais... (il avait l'air béa). Enfin, nous saurons le protéger ! affirma l'orc, encore offusqué.
  • Vraiment ? joua Keera. Bon, si tu penses qu'il ne craindrait rien...
  • Personne ne saurait toucher un seul de ses cheveux de mon vivant ! clama Orgrim, très persuasif, le regard menaçant.

Keera sourit à pleines dents et attira Orgrim vers elle. Rien, en effet, ne pourrait les arrêter.

Pas même le groupe de soldats humains dépêché par le roi Terenas lui-même pour traquer Marteau-du-destin et qui surveillait le couple de loin. À cette distance, difficile de différencier un orc d'un autre, pensa le général Walmor. Il faudra s'approcher davantage, avec prudence et discrétion.



Depuis des semaines, les soldats d'élite que Walmor avait réuni pour la mission ratissaient les environs au peigne fin. Deux orcs en fuite avaient été appréhendés, mais aucun ne correspondait à la description que l'on faisait de Marteau-du-destin. Ils avaient tout de même été amenés à Lordaeron pour confirmation, puis exécutés sur le champ.

La pendaison était encore trop douce, pensait Walmor, fervent adorateur des mises à mort longues et douloureuses. Beaucoup au royaume le craignaient, et pas seulement ses ennemis. De nombreux soldats avaient refusé de travailler sous ses ordres, arguant le caractère violent et fanatique dont le général faisait preuve à l'occasion, voire imprévisible et incontrôlable.


L'on narrait encore la triste histoire de feu son épouse, dame Rosena Valexans, une haute bourgeoise dont il avait dû s’accommoder lors d'un mariage arrangé. La jeune épouse au physique ingrat lui faisait horreur, si bien qu'un jour, quelques mois après leurs épousailles, la jeune femme s'était retrouvée dans le pire lieu de débauche du bourg, soûle et à la merci des pires pervers connus pour leurs rassemblements hérétiques et immoraux aux pratiques sadiques. La pauvre avait été retrouvée au petit matin près de l'entrée du bourg, nue et le corps recouvert d'entailles, auquel il manquait les parties intimes.

À l’époque, personne n'avait osé pointer du doigt l'époux, unique suspect potentiel, bien qu'absent de la ville au moment des faits, et qui mit l'assassinat de sa femme sur le compte d'une secte locale bien connue : le Syndicat.


Comme pris d'une certitude, Walmor sentait qu'il touchait au but. Il avait hâte que le jour se lève pour suivre l'orc qui semblait accompagné d'une femme humaine ou elfe, ce qui l'intriguait d'autant plus. La mission s'annonçait de plus en plus intéressante.



Laisser un commentaire ?