La voix de l'ombre - Livre IV - Un passé recomposé

Chapitre 8 : Le secret

2525 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/08/2025 19:39

Chapitre 8 : Le secret.



Les Rochenoire prévoyaient de rester encore quelques jours pour approfondir leurs connaissances des plans que Garrosh avait dessiné. Penchés au-dessus d'une table sur laquelle les plans étaient déroulés, les forgerons interrogeaient Garrosh :


  • Et ça, c'est quoi ?
  • On l'appelle l'étoile de fer, répondit Garrosh. Une arme redoutable qui est lancée sur les ennemis et les écrase sous sa vitesse et son poids.
  • Le choix de la roche est donc primordial, en conclut le Rochenoire. Bien, notre minerai devrait faire l'affaire. Il est solide et malléable.
  • Les engins de siège demanderont plus de bois et de métal, ajouta Garrosh.
  • Nous allons devoir déloger quelques habitants locaux pour le bois, mais nous le ferons avec plaisir, sourit sinistrement le Rochenoire.


La légende ne mentait pas : pour les Rochenoire, rien ne semblait impossible à fabriquer. Leur savoir-faire dépassait de loin celui des autres clans orcs, et Garrosh s'était montré très avisé de convaincre Grommash de faire appel à eux.

Très bientôt, ils allaient jouir d'une artillerie à opposer aux ogres, mais également aux gronns, qu'ils chercheraient à soumettre, puis à rallier.


Le seul obstacle notoire aux plans de Garrosh, et qui demeurait imprévisible, c'était Keera. Pour le moment, elle ne semblait pas avoir fait le lien avec la venue des Rochenoire, et surtout, celle de Marteau-du-Destin. Elle avait bien compris qu'il cherchait à leur faire concevoir des armes de leur espace-temps, une technologie bien plus avancée que celle des orcs de Draenor. Elle se doutait aussi de l'idée d'une conquête du continent.


En revanche, elle ignorait que Garrosh avait secrètement fait mander Orgrim pour accompagner le groupe de forgerons Rochenoires lorsqu'elle avait accepté de demeurer parmi les Chanteguerres. Sachant parfaitement que sa présence la perturberait, il s'était imaginé qu'elle perdrait ses moyens, et le laisserait tranquille.


Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle annonça à Grommash son départ la veille ! La pauvre ne devait plus supporter d'être en présence de celui qu'elle avait tant aimé. D'autant que depuis, elle avait regrettablement choisi d'aimer cet humain infect et vaniteux. Une preuve de plus que la solitude devait cruellement lui peser, car sinon, comment aurait-elle pu choisir Varian ? Quel choix détestable, et si décevant. Keera l'avait profondément déçu.


Durant son évasion, il avait instinctivement essayé de l'emmener avec eux. Ignorant tout des plans de Kairoz alors, il avait profité que Keera lui ait attrapé le bras pour l'empoigner à son tour, et ainsi l'emporter avec eux dans le sort de téléportation. Mais Kairoz avait coupé la main de la princesse, sachant pertinemment qu'elle aurait fait échouer ses plans.

Avec le recul, Garrosh avait compris qu'il avait voulu l'emmener avec lui par pure jalousie. Il ne voulait pas la laisser à Varian, ni à l'Alliance, ni même à cette Horde de pacotille menée par des couards qui ne connaissaient rien au vrai sens du mot grandeur. Néanmoins, Garrosh avait finalement comprit la sagesse du choix de Kairoz de ne pas le laisser prendre Keera.


Mais en définitive, la situation jouait en sa faveur, et Garrosh devra encore surveiller Keera jusqu'à son départ, à l'aube.


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Finalement, elle ne sera pas restée si longtemps auprès des Chanteguerre. Si seulement il ne s'était pas montré, elle aurait pu continuer d'apprécier sa vie ici, à Nagrand, entre parties de chasse et feux de camp. Et, bien qu'elle aimerait toujours Orgrim, à qui elle réservait une place spéciale dans son cœur, c'était Varian qu'elle aimait. Et demeurer auprès d'Orgrim trop longtemps ne représentait qu'une cruelle tentation. Même si Varian n'avait rien à craindre, Keera avait noté un changement de comportement chez Orgrim depuis qu'elle avait soigné un orc Rochenoire. Il ne faudrait pas qu'il cherche à se rapprocher d'elle, pour quelle que raison que ce soit.


Lovée contre Croc-hurlant, elle observait ses sœurs dompteuses qui n'avaient pas si bien pris la nouvelle de son départ.

  • Ce n'est pas toi qui devrais partir, mais ces Rochenoire puants ! se plaint Saal.
  • Ils ne sont pas si puants que ça, la reprit Elga qui les regardait passer.
  • Ne me dit pas que tu lorgnes sur eux ? s'offusqua Regga. Et Moz'dor ?
  • Il ne m'a pas emmenée en chasse que je sache ! se défendit Elga. Je suis une orque libre !


Keera l'admirait. Elga convolait ci et là, se laissant porter par le vent de ses humeurs et de ses envies. Mais elle commençait à connaître Moz'dor. Et elle ne l'avait jamais vu tenir à une femelle avant qu'il ne la rencontre. Ces deux-là se ressemblaient, et faisaient la paire. Ce qui signifiait que si l'un des deux trahissait l'autre, cela finirait très mal.


Regga s'assit près de Keera, et lui demanda :

  • Où comptes-tu te rendre ? Tu connais Draenor ?
  • J'en ai seulement entendu parler, répondit Keera. Et je suis assez intriguée par les plaines enneigées au nord.
  • Ah, la Crête de Givrefeu, pensa tout haut Regga. Je n'y suis jamais allée.
  • La Crête regorge d'ogres, de gronns, et pire encore ! fit Saal qui s'installa près d'elles. Les clans orcs qui y vivent luttent chaque jour pour leur survie !
  • J'aimerais explorer tout le continent, annonça Keera. Je ne sais pas encore quel itinéraire choisir. J'ai d'abord pensé à la Crête de Givrefeu, car là d'où je viens, le continent entier est recouvert de neige.
  • Est-ce aussi hostile que la Crête alors ? demanda Regga.
  • Eh bien, l'environnement même est hostile, et cela sans compter la faune sauvage. Très peu de peuples peuvent y vivre, en tout cas sans pouvoirs magiques, ou bien sans une épaisse fourrure qui recouvre la peau.
  • Y a-t-il des orcs dans ta contrée ? l'interrogea Elga.
  • Les orcs ne sont pas natifs de ma contrée d'origine, précisa la princesse. Je les ai rencontrés sur un autre continent.
  • Tu ne nous as jamais dit si tu avais un compagnon, Keera ? demanda Regga.


C'était vrai. Elle avait tellement l'habitude de cacher cette idylle qu'elle n'en parlait jamais spontanément. Un léger sourire se dessina alors sur son visage qui s'illumina, ce qui mit ses amies sur la voie.


  • Eh bien, fit Elga qui mit ses jambes en tailleur, ce doit être un amant satisfaisant pour que tu sourisses ainsi !
  • Tu ne penses qu'à ça ! lui reprocha Saal. Comment est-il, Keera ?


Les deux autres scrutèrent Keera, impatientes de connaître la réponse.

  • Il est plus fort que la plupart de ses semblables, bien plus fort. Il a aussi un grand sens de l'honneur. Mais son caractère lui joue parfois des tours, sourit-elle.
  • T'a-t-il donné des enfants ? s'enquit Saal.
  • Non. Mais il est vrai que notre histoire est assez récente, avoua Keera.
  • Ah oui ? fit Regga qui ne cacha pas sa surprise. Et tu n'as jamais connu de mâle avant lui ?


Son regard se durcit, tandis qu'elle vit au loin le Rochenoire massif et honorable qu'elle avait tant aimé. À présent gagnée par une profonde mélancolie, elle baissa les yeux, l'air triste. Et, devant cette mine attristée, ses sœurs-louves n'insistèrent pas, et promirent de faire de cette dernière veillée un moment mémorable.


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Keera s'était longuement entretenue avec Grommash. Peu désireux de la voir partir, il lui avait fait promettre de revenir une fois son périple terminé.

  • Chaque jour est une nouvelle vie, lui avait dit Grom. C'est pourquoi il faut le vivre pleinement, fit-il tout en regardant le camp à ses côtés.
  • J'en ai bien conscience, et je te remercie pour ton accueil au sein de ton clan, Grom !
  • Il me semble qu'ils t'ont préparé un départ mémorable, sourit-il en désignant certains membres de son clan.
  • Hum, j'ai déjà eu droit à quelques attentions ! ironisa-t-elle tandis que Grom observa plusieurs griffures sur son cou.
  • Mes dompteuses vont te regretter Keera !
  • Je les regrette déjà, Grom, avoua-t-elle. Et toi aussi je vais te regretter ! fit-elle en haussant un sourcil dans sa direction.


Grommash, qui ne s'était pas attendu à ce genre d'aveu, la dévisagea. Il pivota pour lui faire face, la fixa un moment, et finit par agripper ses épaules.

  • J'ignore ce que tu es venu chercher ici. Et j'ignore ce qui nous attend. Mais si nous devons affronter des démons, ou pire encore, te dresseras-tu à nos côtés Keera ?
  • Si tes intentions sont honorables, et que tu n'attaques pas d'innocents, je serai à vos côtés, assura-t-elle.


Grommash opina, et vit le regard de Keera changer.

  • Grom, j'ai... autre chose à te dire.
  • Je t'écoute ?
  • Reste sur tes gardes. Comme tu le dis, tu ne sais pas ce qui vous attend.


Elle regarda en direction de Garrosh, qui transportait du minerai avec d'autres Chanteguerres. Grommash suivit son regard, et scruta Garrosh. Les yeux plissés, il pivota de nouveau vers Keera, qui le fixait avec une certaine gravité.


Il était très risqué pour une étrangère d'insinuer qu'un orc puisse représenter une menace pour d'autres orcs. Et le Grommash Hurlenfer de cet espace-temps n'avait jamais connu d'humains, de trolls, ni d'autres races avec lesquelles les orcs avaient pu s'allier, comme dans son passé.

Elle comptait donc sur l'intégrité légendaire de Grom, qui semblait percevoir la sincérité et l'inquiétude de son regard, et ne put se résoudre à la blâmer.


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Cette dernière nuit parmi les Chanteguerres fut en effet mémorable. Quelques danses traditionnelles suivirent les Lok'tra, versions chantées des exploits guerriers. Quelques Lok'vadnod avaient également été chantées, dont une retraçait le parcours unique d'une guerrière dans l'Arène. Touchée par cet honneur, Keera avait tenté de cacher sa gêne, et but plus que de raison les breuvages qui circulaient.


Les danses effrénées avaient attiré Chanteguerre comme Rochenoire, et tous évoluaient tel un seul clan.

Entourée d'orcs, mâles comme femelles, Keera dansait, levant les bras et bougeant son corps au rythme des tambours. Un peu plus loin, d'autres orcs dansaient au même rythme, chantant et exécutant des mouvements suivant leurs rites. Saal attrapa Keera par les mains, et la guida dans une chorégraphie qu'elle ne connaissait pas. Elle tourna, puis se retrouva contre Moz'dor qui la souleva, tandis qu'Elga chantait et riait.


Revenue sur la terre ferme, Keera cessa de sourire lorsqu'elle aperçut Orgrim près d'un feu de camp. Il l'observait, tout en s'abreuvant de grog. Elle le toisa quelques instants, et pivota pour s'enfoncer dans le groupe d'orcs rendus presque frénétiques par l'ambiance ardente et la chaleur de la nuit.

Bousculée à mesure qu'elle traversait la foule, la princesse poursuivait sa route, pendant qu'un orc, apparemment du clan Rochenoire, l'agrippa par la taille et l'entraîna un peu plus loin. Tous deux poursuivirent les danses rituelles, puis, très avinée, Keera se laissa attirer vers un coin plus calme.


Elle peinait à marcher droit, mais l'orc la tenait fermement. Si fermement qu'elle se sentit basculer au sol comme s'il s'agissait d'un pas de danse. Voulant se relever, elle fut plaquée à terre, puis retournée sur le ventre.


  • Ne gesticule pas, femme ! Tu es là où es ta place !
  • Je serais mieux sur... sur ma couche, émit Keera, la bouche pâteuse.
  • Hin ! Tu t'es crue protégée, mais tu n'aurais pas dû t'en prendre à l'un des nôtres !
  • S'tu parles de celui que...
  • Personne ne te demande ton avis, femme ! fit le Rochenoire en appuyant sur la tête de Keera qui se retrouva le visage écrasé contre le sol.


Après s'être assuré qu'elle ne bougeait pas, l'orc commença à retirer ses jambières, et se pencha sur elle. Il renifla sa nuque, puis descendit jusque sa taille, caressant ses hanches qu'il agrippa avant de recevoir un violent coup de masse en pleine tête.

Le Rochenoire fut projeté plus loin, assommé. Keera, malgré son état d'ébriété très avancé, se redressa.


  • Arf ! J'ai mangé de l'herbe... peuh !


Et tandis qu'elle recrachait quelques brindilles, elle se sentie soulevée. Les bras puissants la transportèrent plus loin, et dans la pénombre, Keera ne put voir de qui il s'agissait. Soudain, elle ressentit un frisson parcourir son corps, et se blottit contre le torse musclé. Cette sensation de bien-être réactiva ses souvenirs les plus profonds et doux, mais aussi les plus douloureux.


Sans vraiment comprendre où elle était transportée, ni ce qu'il se passait autour d'elle, Keera resta blottie, tandis que l'orc semblait la mener dans une grotte. Elle sentit qu'il la reposait au sol, à même des peaux. Ce doux contact la fit sourire, et une fois sur la couche, elle s'allongea. L'orc prit le temps de l'admirer, puis se dégagea pour la poser, mais Keera retint sa main. Elle l'examina, et la posa sur sa joue. Elle y enfouit son visage, cherchant à retrouver ces sensations et cette proximité qu'elle avait connues, il y avait bien longtemps.


La main qu'elle tenait s'anima soudain, et se glissa dans ses cheveux. Keera ferma les yeux, savourant ce geste tendre, pour finir par les rouvrir, et essayer d'apercevoir le visage qui se tenait au-dessus d'elle. L'obscurité de la grotte privée de lumière, couplée à l'état de semi-conscience de la jeune femme, l'empêchaient de le voir. Mais cela lui était égal. Elle voulait faire disparaître ce mal-être qui l'habitait depuis qu'elle avait revu Orgrim.


Et, après un moment durant lequel elle avait sombré dans l'inconscience, elle émergea, et sentit les caresses de l'orc sur son corps, dont les mains le parcouraient comme si elles le découvraient. Son souffle, qui trahissait une certaine excitation, se fit plus bruyant lorsque Keera attrapa ses bras, et l'attira à elle. Il l'enlaça alors, et commença à l'embrasser. Pressant ses lèvres tremblantes contre celles de Keera, l'orc se reprit, et la serra contre lui, alors allongé à ses côtés.


Il défit ensuite son vêtement pour mieux toucher son corps, si doux et élancé. Se sentant guidé, l'orc finit par saisir ses hanches, et se glisser en elle. Constatant le bien-être que cela procurait à la jeune femme qui gémissait de plaisir, il accéléra ses coups de hanche, et fut saisi par cette sensation inédite de béatitude qu'il n'avait jamais connu auparavant.


Keera ne sut dire ensuite si sa tête tournait du fait de la boisson ou de leurs ébats, qui durèrent une partie de la nuit, mais le lendemain, elle n'aurait plus aucun souvenir de cette nuit.

En revanche, les yeux qui aperçurent l'orc quittant sa grotte au petit jour ne l'oublierait pas.

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