La petite voleuse de cookies

Chapitre 3 : C3 : L'expérience interdite

3932 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 19:59

CHAPITRE III

CLARA OSWALD

Après un petit-déjeuner fort frugal, Clara avait faussé compagnie à Jenny le temps que celle-ci aille chercher Vastra. Ce n'était certes pas très poli mais lorsqu'elle avait regardé par la fenêtre, ses yeux étaient tombés sur une grille et un parc. Incapable de résister à l'injonction intérieure qui l'avait saisie, elle s'était aussitôt levée comme une automate.

Tardis ? Est-ce que c'est toi ?

Elle marcha vers le parc de la cathédrale St Paul qui se trouvait à proximité. C'était par-là, elle le sentait. Une sorte de vertige assez léger perturbait son sens de l'orientation mais elle tenait bon, avançant presque malgré elle dans une direction précise. Arrivée sous un grand arbre, elle leva le nez et aperçu un barreau d'échelle. Elle tendit le bras et sauta pour l'attraper. Il descendit pour qu'elle grimpe. En un rien de temps, elle se trouva tout en haut d'un « nuage » assez épais pour qu'elle puisse marcher dessus.

A quelques pas de là, le Tardis se dressait. Magnifique, bleu, imposant. Elle courut vers lui sans la moindre crainte de passer au travers de la nuée factice et posa sa joue sur la porte en bois, les bras écartés comme si elle voulait l'embrasser.

— Oh Tardis ! Je suis vraiment heureuse de te revoir !

Elle posa son front contre la porte en une tentative désespérée de communiquer.

— Tardis, je t'en prie… J'ai une clé pour toi. Une clé du futur… Regarde, la voilà ! dit-elle en la sortant de son col car elle la portait au bout d'une chaine passée autour de son cou. Laisse-moi entrer, je t'en prie. J'ai besoin d'aide pour retrouver mon époque…

Clara approcha précautionneusement la clé, l'inséra et la tourna. La porte s'ouvrit. Elle s'engouffra à l'intérieur et s'y adossa pour inspirer par à-coups, les yeux soudains piqués de larmes tant elle avait eu peur que le vaisseau ne la laisse au dehors. Elle tenta de se reprendre en écoutant le ronronnement doux qu'il émettait habituellement, et s'emplit les yeux de l'ancienne salle de contrôle qui faisait remonter beaucoup de souvenirs. Elle marcha jusqu'à la console pour en faire le tour, extrêmement heureuse de revoir ce décor qui avait tant changé depuis la régénération.

— Tardis, peux-tu me désarchiver ma chambre, s'il te plaît ? Protocole COO S7 21S T pour Clara Oswald, mot de passe : Oh Doctor you're so hot… Est-ce que « Pilote » est ici ? J'aurais besoin de lui parler ensuite…

L'éclairage du Tardis clignota et des points lumineux successifs apparurent au sol pour la guider vers sa chambre.

— Mmmh ! gémit-elle de bonheur. Si n'étais pas si grand, je t'embrasserais !

Elle perçut de sa part une sorte de petit gloussement amusé et en fut surprise. D'habitude, le Tardis n'était pas très chaleureux avec elle et elle s'interrogea sur ce revirement… Peut-être que le vaisseau savait maintenant qu'elle allait bien et pouvait le faire savoir au douzième Docteur resté sur Meltomène ?

Les pointillés qu'il lui dessinait au sol ne se perdaient pas dans les entrailles labyrinthiques du vaisseau, et allaient jusqu'à la porte qu'elle reconnaissait bien pour être celle de sa chambre. En progressant à pas prudents dans le couloir, elle entendit la rumeur d'une conversation et son cœur manqua de battre deux fois. La première en reconnaissant la voix du Onzième, la seconde en réalisant qu'il n'était pas seul car une voix de femme, basse et calme, lui donnait la réplique.

Pleine de curiosité, Clara s'arrêta un instant et s'approcha d'une grande porte en bois sculpté qu'elle n'avait jamais vue. L'un de ses battants monumentaux était ouvert et elle se cacha derrière celui qui était resté fermé pour écouter.

— Vous êtes sûr que vous voulez faire cela ? demandait la femme. Rien ne vous y oblige. Les autres sont comme moi opposés à l'idée d'exposer qui que ce soit d'autre à ce sang... Ses effets sont par trop imprédictibles et terribles, nous en avons fait l'amère expérience, même si de nous tous, je semble être celle qui a peut-être le moins lieu de m'en plaindre…

— Je sais tout cela… Mais il n'y a pas de risque pour moi, tentait de la rassurer le Docteur. Mon organisme est très particulier et très résistant. Son système de défense immunitaire n'a rien à voir avec le vôtre et se débarrassera de ce qu'il considérera comme un corps étranger en quarante-huit à soixante-douze heures. En tant que scientifique, je peux vous aider par mes observations à comprendre comment il fonctionne précisément. Avec vos échantillons, ceux de vos amis et le mien, j'aurais largement de quoi faire…

Elle soupira et le prévint à contrecœur :

— J'ai déjà refusé l'inoculation à un autre universitaire il y a peu, ce n'est pas pour vous la donner à vous… et ce alors même que vous êtes déjà vous-même un Phénomène d'après ce que j'entends en écoutant votre poitrine…

— Je suis sans conteste un esprit beaucoup plus brillant que celui à qui vous avez dit non…

Derrière son battant de porte, Clara fronça les sourcils. Le ton sur lequel il venait de dire ça était clairement flirteur ! La femme se mit d'ailleurs à rire doucement.

— Oh, et votre ego est aussi encore plus démonstratif !

— Helen, je vous en prie. Je veux vous aider... Et puis, ne serez-vous pas là à chaque instant pour vérifier que je vais bien ?

— Hum, « à chaque instant » ? Nous n'avons pas négocié les choses en ces termes, je crois. Allons, soyez sérieux, arrêtez un peu de me faire ces yeux d'enfant privé de gâteau… Dois-je vous rappeler qu'il n'est pas convenable pour une dame, fiancée de surcroît, de passer son temps en compagnie d'un inconnu ? répondit-elle d'un ton très raisonnable mais où Clara sentait l'attendrissement affleurer.

— Argument invalide. En la circonstance, vous n'êtes pas « une dame » mais bien mon médecin personnel le temps de l'expérience ! Et un médecin se doit de passer tout le temps nécessaire avec son patient… Helen, s'il vous plaît. Je m'ennuie tellement…

Clara leva les yeux au ciel en maugréant intérieurement : « Ermite plein de chagrin, cuvant dans la solitude la perte de ses compagnons, hein ? ». Elle avait envie de lui tordre le cou. Menteur ! gronda-t-elle intérieurement.

La femme répondit d'un ton légèrement amusé :

— Mon ami, j'ai déjà les débordements intempestifs de Nikola à endiguer et cela me complique suffisamment la vie ! Ce sang l'a totalement… Et bien, comment dit ce docteur de l'esprit qui fait des recherches sur cette nouvelle discipline de « psycho-analyse »… Désinhibé ? Il passe son temps à me faire des avances et à provoquer mon fiancé…

— Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous embarrasser. J'ai juste si peu l'occasion de rencontrer de femmes aussi intelligentes et brillantes que vous. Vous et vos amis pouvez être considérés comme des génies de votre temps et vous êtes manifestement l'âme de votre groupe, je m'en remets à votre jugement…

Clara secoua la tête et se retira discrètement pour gagner sa chambre. Elle n'allait pas passer tout son temps à l'écouter tenter d'inciter cette femme à faire une chose folle qui le mettrait en danger parce que Monsieur le Seigneur du Temps s'ennuyait. Elle savait trop bien comment il s'y prenait !

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LE DOCTEUR

Il s'était incliné courtoisement après l'avoir raccompagnée à la porte du Tardis. Les yeux inquiets et presque maternels qu'elle posait sur lui le remplissaient toujours plus d'un furieux espoir renaissant dans l'humanité. Il savait qu'il avait dit qu'on ne l'y reprendrait plus. Mais elle… Il avait vraiment envie de l'aider.

Quand il l'avait rencontrée quelques semaines plus tôt au hasard d'une promenade au musée, il avait réalisé qu'ils s'arrêtaient tous deux presque devant les mêmes œuvres, le plus souvent celles qui appartenaient au bestiaire fantastique. Comme il la voyait prendre des notes dans un carnet, il avait supposé qu'elle était peut-être une étudiante en Art. Comme elle le rendait curieux, il avait cherché à savoir et en parvenant à jeter opportunément un coup d'œil oblique sur les pages de son carnet noircies à la mine de plomb, il y avait vu qu'il s'agissait beaucoup plus de notes que de dessins, bien qu'il y en ait eu aussi.

Il ne l'avait pas abordée la première fois. Il ne savait d'ailleurs pas qu'il y en aurait une seconde. Mais il devait admettre que quand il la reconnut le lendemain dans une autre section du musée, sa curiosité l'aiguillonna encore plus. Ils se trouvaient cette fois dans le département d'Histoire Naturelle. Il y avait quelque chose d'étrange dans son maintien et son port de tête à peine tourné de côté. Elle avait l'air de se parler à elle-même à mi-voix car ses lèvres bougeaient. En tâchant de s'approcher le plus innocemment possible, l'air de contempler le plus grand squelette de mammifère marin, il eut un petit choc et un délicieux frisson d'adrénaline quand il réalisa qu'elle tenait en réalité une conversation avec quelqu'un… qu'il ne voyait pas, mais entendait parfaitement.

― Nigel, je crois dans les travaux de mon père… disait-elle en chuchotant. Il m'a toujours dit qu'il y avait beaucoup plus dans le monde que les merveilles qu'il donne déjà à voir… beaucoup plus… Vous savez que l'Université est maintenant réticente à me voir pratiquer la médecine – après avoir été réticente à me laisser assister aux cours – et je ne supporte plus l'inaction et l'étroitesse d'esprit de l'Académie…

― Votre père vous a trop bien formée à sa philosophie, je le crains, fit la voix. A ce sujet, vous n'avez toujours aucun indice ou aucune piste concernant sa disparition ?

Elle avait secoué brièvement sa tête ornées de boucles châtain clair et l'expression d'une tristesse fugitive et résignée était passée sur son visage encore jeune.

― Non, et je crois bien qu'il faut que je me fasse une raison. Il n'a pu qu'être tué durant son expédition en Arabie. La région était peu sûre, c'est le plus plausible. Mes contacts à l'Ambassade me déconseillent d'y aller car la situation politique y est tendue. Mais je suis plus déterminée que jamais à poursuivre ses travaux. Si on me dénie le droit de soigner les humains, ça m'est égal, je soignerai les animaux, je soignerai tout ce que je pourrai soigner… de la baleine à la sirène !

Le Docteur la vit hocher très légèrement la tête en regardant son bras ou peut-être sa main. Celle-ci était doucement mais indéniablement pressée !

― Il faut que je vous laisse, ma chère, disait la voix qu'elle appelait Nigel. J'ai rendez-vous avec James à qui j'ai promis une énigme des plus admirables… Il devient enragé quand il ne peut pas faire travailler son cerveau… et il menace de développer des idées drolatiques. Vous a-t-on dit qu'il commençait à considérer sérieusement de faire une sorte de commerce de son intelligence ? Le cas des meurtres sanglants l'exalte au plus haut point…

― Je le sais bien, John m'a conté cette excentricité ce matin... Embrassez-le de ma part et dites-lui qu'il me manque. Dites-lui que s'il veut résoudre des énigmes paléontologiques, il sera toujours le bienvenu. Présentez-lui aussi le fait que je peux l'aider à être admis lors de l'examen des corps de ces pauvres femmes.

― Hum je ne sais pas si cela suffira… La petite guerre charmante et inutile que se livrent Druitt et Tesla pour vos beaux yeux nous affecte tous. Watson et moi-même estimons que nous n'avons pas à prendre parti, mais votre cher John ne comprend pas forcément notre neutralité…

― Soyez assuré que je ne laisserai pas les sentiments que j'éprouve pour John contrecarrer, en aucune façon, l'unité des Cinq. J'ai le plus profond respect pour vous tous en tant qu'amis et collègues et s'il veut m'épouser, le Dr Druitt sera bien avisé de le comprendre au plus vite… L'attitude provocatrice de Nikola est induite par le Sang. Comme les enfants du jardin d'Eden, nous avons voulu la Connaissance, et il y avait un prix à payer. Quoi qu'il m'en coûte, je n'abandonnerai aucun d'entre vous, Nigel.

― Et je vous en sais infiniment gré, Dr Magnus.

Comprenant en l'observant qu'elle se comportait comme si elle était vraiment seule, le Docteur n'avait pas résisté davantage à l'envie de l'aborder, car toute cette conversation un peu intime était trop fascinante. Cette femme était docteur ? Son ami incorporel Nigel Griffin était docteur ? Son futur époux, le dénommé John Druitt étaitdocteur ? Restait bien sûr Nikola Tesla dont la renommée lui était bien entendu extrêmement familière... S'il avait bien compté, restait ce « James Watson » qui de leur propre aveu semblait posséder quelques aptitudes mentales qui restaient à préciser... Toute cette constellation de docteurs… et bien, produisait sur lui un effet euphorisant inattendu, bien qu'il sache que les docteurs humains fussent loin d'atteindre les standards gallifréens…

Il s'était approché d'elle pendant qu'elle croquait le plésiosaure – enfin, ce qu'elle appelait un plésiosaure mais qui en réalité, était un superbe spécimen de lamasteenien…

― Vous êtes la première personne que je rencontre dont l'ami imaginaire m'apparaît aussi intensément crédible… lui avait-il glissé avec un sourire un peu timide.

Elle avait posé ses yeux gris sur lui, d'une nuance plus bleutée que les siens, très directs mais très doux aussi, pleins d'une réelle compassion qui menaçait gravement de faire chavirer ses cœurs s'il s'avisait de les fixer trop longtemps.

― Peut-être parce qu'il n'est pas du tout imaginaire mais seulement… invisible ? avait-elle répondu avec un léger sourire qui semblait le mettre à l'épreuve.

Et maintenant, tandis qu'il lui ouvrait galamment la porte du Tardis pour qu'elle s'en retourne à ses travaux, elle avait ce même genre d'expression troublante. Elle n'avait consenti à lui donner qu'un tiers de dose du Sang Originel. Il ne lui en voulait pas le moins du monde car elle le faisait le cœur pétri de scrupules mais l'esprit avide de partager les connaissances scientifiques qui en résulteraient. Deux caractéristiques qu'il tenait en haute estime chez les humains. Et qui le mettaient à genoux quand elles apparaissaient chez les humaines.

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Il devait reconnaître qu'il se sentait bizarre. L'injection qui circulait dans ses veines le chatouillait et lui faisait tourner la tête. En plus, il enregistra assez vite qu'il avait des hallucinations… car en revenant vers sa chambre pour s'allonger prudemment, il réalisa qu'il voyait une porte inconnue dans le couloir. Espérant la voir se dissiper, il marcha jusqu'à elle en tanguant un peu. Surprise ! La poignée était solide et il constata qu'elle était verrouillée.

― Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? murmura-t-il. Protocole d'urgence n° 7. Code d'identification : Le Docteur… Tardis, ouvre-moi cette porte ! Depuis quand les hallucinations sont résistantes à mes ordres de déblocage ?

Le Tardis resta insensible à la commande ce qui le rendit furieux et inquiet. Cette porte ne devrait pas être là. Il ne savait pas où elle menait et…Il se frappa le front. Mais oui ! Vraie porte avec verrouillage de sécurité… Il se pouvait qu'une autre version de lui-même se soit trompé de Tardis et ait pénétré à bord par inadvertance… C'était déjà arrivé… Il savait qu'il était venu de nombreuses fois au 19e siècle et qu'il se pouvait qu'il y revienne encore. Une version de lui future dans les murs expliquerait la présence de cette porte inconnue et le fait qu'il n'y ait pas eu d'intrusion car techniquement… quelqu'un qui a la clé n'est pas un intrus.

Il tâta ses poches et n'y trouva pas le tournevis sonique. Se souvenant qu'il l'avait laissé dans sa chambre, il y retourna pour le prendre. Mais quand il se représenta devant pour la débloquer, la mystérieuse porte avait disparu comme par enchantement.

« Où est l'intrus ? » cria-t-il à l'adresse de son vaisseau, un peu trop fort.

Le Tardis ne répondit pas, émettant à peu près l'équivalent d'un soupir. Le Docteur essaya de regagner la salle de contrôle du vaisseau, d'où il pourrait forcer certains protocoles mais sa démarche était un peu hésitante.

Les lumières lui paraissaient trop vives et les bruits pourtant discrets du vaisseau, soudain plus forts. Il s'appuya contre une paroi du couloir en cherchant en vain sa respiration un instant se sentant au bord de l'étouffement, il ouvrit largement sa veste et sa chemise pour inspirer lentement et fortement en contrôlant le battement de ses cœurs pour apporter plus d'oxygène à ses poumons. Il sortit la montre à gousset de sa poche et commença à compter les pulsations. Ça se passait mal. Le Sang courrait dans ses veines comme s'il avait une vie propre. Il le sentait aller partout comme une créature avide et désespérée. Menacée sans doute, s'il était possible de la personnifier ainsi. Oh, ce maudit sang, se disait-il avec un demi-sourire… Plaise au ciel que personne ne découvre jamais quel rôle maladroit il avait joué là-dedans…!

Le père d'Hélène avait trouvé un flacon de sang pieusement conservé par des adorateurs à peu près débiles de la race éteinte des vampiri vampiriis. Ce n'était pas tout à fait du sang de vampire pur toutefois contrairement à ce que le docteur Magnus pensait. Mais à quoi bon chercher à le détromper à présent que le mal était fait ? Lui savait bien que c'était tout autre chose qui conférait à cet échantillon particulier ses propriétés volatiles et… hautement imprédictibles. Compte tenu de sa part de responsabilité dans l'affaire, comment n'aurait-il pas voulu désespérément aider Les Cinq, cette société de scientifiques téméraires qui s'étaient inoculé ce composé si malencontreux ?

Ses narines se dilatèrent car une odeur terriblement suave et attirante venait de les frapper. Avec un gémissement, le Docteur tomba à genoux. L'odeur entêtante était irrésistible. Il essaya de se relever du mieux qu'il pouvait, mais sa bouche salivait alors qu'il laissait échapper un rire dément. Ça sentait les cookies.

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