La petite voleuse de cookies

Chapitre 11 : C11 : La tchat room temporelle

3589 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/01/2016 16:33

CHAPITRE XI

CLARA OSWALD

Clara avait fait le tour de toutes les pièces du Tardis où elle pouvait se rendre sans y passer trois jours et ses soupçons se confirmaient de minute en minute : le Docteur n'était pas là. Étrange. Elle aurait cru qu'il aurait piaffé d'impatience et l'aurait bombardée de questions dès le saut du lit... Selon ses estimations, elle avait bien dû faire une sieste récupératrice d'au moins trois heures. Peut-être quatre.

Désœuvrée, elle retourna dans la salle de contrôle en se disant qu'elle allait prendre un peu d'avance et rapporter les vêtements de Jack dans sa cache, puisque le Docteur était encore parti on ne savait où.

C'est en voulant sortir qu'elle vit le tableau noir, en retrait, où il était écrit « Clara est revenue et elle va bien ». En dessous, un seul mot s'étalait en grosses lettres capitales et souligné d'un trait nerveux : « BIEN ! ». Elle ne croyait pas l'avoir déjà vu dans le Tardis, en tous cas c'était sûr, pas dans la salle de contrôle. Les deux écritures étaient différentes, ce qui lui donna l'idée simple que c'était une conversation, plutôt que des hypothèses ou des mémos que le Docteur se serait laissé à lui-même… même si techniquement, si deux versions du Docteur se parlaient, c'était toujours comme s'il se parlait à lui-même...

Elle s'approcha et saisit la craie entre ses doigts pour écrire : « Serait-ce donc un 'tableau psychique' ? ».

Avec surprise, elle vit une phrase se former sous ses yeux instantanément. La craie était toujours au bout de ses doigts, pourtant une main invisible semblait en tenir une autre pour former des pleins et des déliés. Quand il y avait une hésitation, ça s'effaçait puis ça reprenait.

« En cas de nécessité, apparemment » répondit-on aussitôt.

Elle sourit. Il y avait quelqu'un au bout du fil ! Le Docteur très vraisemblablement vu qu'elle se trouvait dans le Tardis. Elle extrapolait que, par un moyen mystérieux, le vaisseau était capable de les connecter au travers du Temps au sein du lieu unique et multidimensionnel qu'il était... Elle venait de trouver un superbe substitut au papier psychique !

« J'ai besoin de parler au Docteur mais à l'un d'eux en particulier »

« Êtes-vous en situation d'urgence ? Lequel voulez-vous joindre ? »

« Hum, un chiffre précis pourrait vous troubler alors je dirais… à partir du dixième ?… ».

« A qui ai-je l'honneur ? »

« Pardon. Je suis Clara, je voyage avec le Docteur ».

« Enchanté Clara. Je suis le huitième ! ». Une petite écriture féminine ajouta en dessous : « Et moi je suis Charlotte ! ».

Clara sourit. Le Docteur et ses compagnes. Il y avait toujours une fille à ses côtés. Celle-ci avait l'air jeune et espiègle. Mais ne l'étaient-elles pas toutes un peu ?

« Enchantée. Mais je ne connais que les Docteurs qui vous sont bien ultérieurs ».

« Vous m'intriguez considérablement. Il est presque impossible qu'un compagnon ait la longévité nécessaire pour connaître plus de deux incarnations… ».

« Certes. Mais je m'attendais à ce que « mon » Docteur me réponde… Pourquoi est-ce que je tombe sur vous ? »

« Vraisemblablement parce que je suis celui qui est le plus proche de vous géographiquement et temporellement. Où et quand êtes-vous ? »

« Dans le Tardis, et il doit être onze heures et demie » répondit Clara avant de dessiner un petit visage souriant.

Elle n'avait pas beaucoup d'espoir. Déjà que Twelve ne comprenait rien aux smileys, alors si elle essayait avec une plus vieille incarnation…

« Vous êtes amusante » la rassura l'écriture de Charlotte.

« Blague à part, je suis à Londres début septembre 1888. Dans le Tardis d'un futur vous, avec lequel j'ai déjà voyagé. Mais il s'est régénéré depuis. J'ai été séparée de celui avec lequel je suis maintenant, et je suis allée trouver son incarnation précédente, que je savais ici à cette époque pour qu'il m'aide. Sauf qu'il ne me connaît pas encore. Et… il ne m'aide pas beaucoup car il est très occupé. Et mon Docteur actuel ne sait pas où je suis… ».

« Remarquablement résumé. Mais vous dites qu'il y a une autre version de moi à Londres en 1888 ? C'est très préoccupant. Nous pourrions nous retrouver face à face ».

« Je crois qu'il en est bien conscient. Il se cache et vit tout seul, presque comme un ermite ».

« Très mauvaise idée de rester seul… Vouliez-vous que je vous ramène chez vous ? Pourquoi le Docteur avec qui vous êtes ne le fait-il pas ? »

« Pas prioritaire pour lui. Je crains, de plus, qu'il n'ait pas beaucoup confiance en moi.»

« Bon, nous sommes à quelques années de vous dans la campagne anglaise, nous allons passer pour vous remmener chez vous, au moins ».

Rien qu'à lire cela, Clara se sentit immensément soulagée. C'était exactement cela qu'elle avait espéré d'Eleven. De l'écoute, de l'attention, de la serviabilité. Bonjour, oh vous êtes dans l'embarras, attendez que je vous aide… Et hop, coucou Docteur grincheux, me revoilà !

« Merci. Mais si je voulais envoyer un message rassurant à celui qui me connaît et se demande où je suis ? Comment puis-je faire ? »

« Utilisez un code que vous seuls connaissez. Quelque chose qui vous relie spécifiquement à lui. Choisissez bien. Car si vous avez connu plusieurs incarnations (ce qui est vraiment très intrigant), elles risquent de toutes arriver en même temps si elles sont disponibles et de causer un gros paradoxe potentiellement très dangereux. Attendez plutôt patiemment qu'on vous ramène chez vous et, là-bas seulement, vous trouverez un moyen d'attirer son attention ».

« Je comprends. Toutefois sachez que le siècle où je vis risque le paradoxe en permanence, car toutes vos incarnations récentes s'y promènent souvent ! ».

« Puis-je demander lequel ? »

« Le 21e ».

L'écriture de Charlotte : « J'adore visiter le futur ! Allons-y mon ami, s'il vous plaît ! ».

A ce moment, quelque chose d'inattendu se produisit. Une nouvelle calligraphie très différente fit son apparition sur le tableau : haute et plus nerveuse, très inclinée et déjà moins lisible.

« Allons-y ? Mhh, qui m'a piqué mon texte ? Et qu'est-ce qui se passe ici ? »

Clara était stupéfaite mais souriait d'étonnement. Un autre intervenant venait de faire irruption dans leur salle de conférence virtuelle !

« Oh ouais ! écrivait-il. Une tchat room temporelle ! Mais quelle idée brillante ! Pourquoi je n'ai jamais pensé à faire ça avant ? Qui est là ? »

Enthousiasme débordant, utilisation du mot « brillant » en moins d'une minute… Clara devinait aisément qui venait de les rejoindre… On aurait dit que l'explication du huitième prenait vie sous ses yeux ébahis. Le second Docteur le plus proche géo-spatio-temporellement, ça devait être lui… L'écriture du huitième Docteur répondit :

« Le Docteur, Charlotte et Clara ».

« On discutait de me ramener chez moi au XXIe siècle parce que je suis coincée au XIXe. Vous êtes quand numéro 10 ? » s'enquit Clara.

« Hey ! Comment savez-vous que je suis le dixième Docteur ?... Voie lactée, Système Solaire – la modestie de cette désignation me fascinera toujours – Terre, XIXe à Glasgow. Ah, et s'il y a Charlotte, alors ce doit être ma huitième incarnation. Ravi de pouvoir te lire à nouveau, Charlie ».

« Numéro Dix, si vous pouviez éviter de flirter avec toutes les compagnes qui ne sont pas les vôtres… ! » le tança Clara pour s'amuser en se souvenant des circonstances de leur première rencontre.

« Mais je dis juste bonjour ! »

« …Et de piquer son texte à Jack, pendant qu'on y est !... » continua-t-elle en pouffant.

« C'est un peu compliqué pour moi » admit Charlotte en dessinant à son tour un petit personnage souriant à côté de sa phrase.

« Numéro Dix, tu connais Miss Clara ? » s'enquit le huitième.

« Pas encore. Par contre, je crois que je vois bien de quel Jack elle parle… ».

Bigre, c'était bien sa veine. Trois Docteurs dans ce siècle, et pas un seul qui la connaisse encore !… Elle était maudite.

« Ok, je ne vais pas vous déranger plus. Je suppose que je vais devoir attendre que celui qui s'est absenté reparaisse. Il a promis de me ramener dès qu'il serait plus disponible. Ce qui pourrait être demain ou dans une semaine… ».

« N'hésitez pas à nous recontacter s'il se faisait trop distrait. Nous conviendrons d'un lieu de rendez-vous un peu plus éloigné pour passer vous prendre et éviter le paradoxe » proposa aimablement le huitième Docteur.

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Après les avoir tous salués pour prendre congé, elle reposa la craie dans la gouttière creuse au bas du tableau et se frotta les mains l'une contre l'autre pour faire partir la poudre claire qui maculait ses doigts. Ce petit moment exaltant et drôle lui laissait tout de même une sorte d'amertume.Elle ne voulait pas trop y penser et elle se dit qu'elle réessaierait plus tard en revenant de chez Vastra par exemple. Et cette fois, elle réutiliserait « Archim Boldo » pour interpeller le bon Docteur.

« Ça va aller ? » demanda l'écriture de Ten, qui apparemment avait attendu.

« Oui, très bien » répondit-elle. « Ne faites pas attendre Rose ».

« Elle n'est pas avec moi… Mais si vous essayez de m'impressionner avec votre connaissance de ma biographie, c'est réussi ! »

« Vous avez bien dit que vous étiez à Glasgow au XIX? … Vous n'avez pas fait une longue promenade dans la campagne environnante, en sa compagnie ? ».

« Si, mais pas récemment ».

« Alors, si n'êtes pas en train de vous faire anoblir par la Reine, que faites-vous là-bas ? »

« Vous savez donc toute ma vie par cœur ? Ma parole, ce n'est plus une compagne, c'est une groupie !... Je jetais juste un coup d'œil sur un institut scientifique qui s'occupe des menaces extraterrestres… ».

Clara sourit encore. Déjà Torchwood ? Il faudrait qu'elle demande à Jack quand il avait été fondé, mais elle supposait que cela devait avoir eu lieu une bonne dizaine d'années plus tôt...

« Je vous laisse fouiner alors mais puis-je faire une suggestion d'équipement que vous pourriez leur conseiller ? »

« Quel genre » ?

« Eh bien, par exemple… des détecteurs de radioactivité peut-être ? »

« C'est intéressant. Pourquoi ceci en particulier ? »

« Pour renvoyer l'ascenseur à un ami ! »

C'est un peu tristement qu'elle ajouta impulsivement : « Pardonnez-moi Docteur, je vous aime, mais je dois vous quitter maintenant »

« Et voilà. Toute l'histoire de ma vie résumée en douze mots. Vous rencontrerai-je bientôt ? »

« Vous me posez tous toujours la même question, finalement… :-) Normalement, jamais sous votre incarnation actuelle »

« Normalement ? »

« Arrêtez de relever des choses pertinentes, à la fin !... Laissez-moi filer, petit malin et… souvenez-vous un jour de moi ! »

Clara se força à lâcher la craie cette fois et s'empressa de quitter le Tardis, le cœur au bord des lèvres et les larmes au bord des yeux. Elle courut sur le nuage et descendit l'échelle ralliant le Tardis à la Terre à toute allure.

Ce qui était vraiment dur avec le dixième, c'était qu'il l'obligeait toujours à repenser à Dave. Même haute silhouette, même gabarit. Même yeux marrons… Et il fallait bien l'avouer, ce même charme qui faisait qu'on oubliait tout le reste quand il se mettait à sourire…

Au beau milieu de l'échelle de service, cette évidence la frappa enfin de plein fouet : Dave ressemblait au dixième Docteur ! Ce n'était pas son portrait craché bien sûr, ni au physique ni au moral. Il était plus « humain », plus timide assurément, mais il était brillant aussi. Très brillant même dans son domaine… Oh malheur ! Comment se faisait-il qu'elle n'ait pas vu ça plus tôt !

Son look peut-être ? Dave trainait tout le temps en jeans, basket et tee-shirts à manches longues, voués à la gloire d'obscurs groupes musicaux de sa planète. Ce qu'on aurait appelé ici la tenue de base du nerd… Mais à part des cheveux plus plats, sans doute un peu moins de taches de rousseur et un rasage approximatif ?... Ils auraient pu passer facilement pour des frères…

Le cœur de Clara se serra quand elle comprit que depuis le début ce jeune homme n'était pas une alternative au Docteur, mais seulement un substitut ! La figuration humaine et accessible d'un Docteur pas marié et qu'elle aurait été libre de pouvoir aimer.

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HELEN MAGNUS

C'était étrange qu'elle se soit matérialisée dans le jardin si près de son ancienne maison. Elle jeta un regard alentours, et ne vit personne. En tous cas personne qui aurait pu se formaliser de voir apparaître une femme sortie de nulle part et dans un accoutrement bizarre… Aujourd'hui, ses vêtements lui paraissaient normaux, mais si quelqu'un d'autre la voyait, elle ne faisait pas très couleur locale…

Elle effaça un sourire et contourna ce qui avait été sa demeure, il y a bien longtemps. Elle avait résolu de faire une entrée discrète, en passant par le cellier pour remonter vers l'office et les cuisines, où elle trouverait bien un domestique qui la renseignerait sans trop se poser de question sur sa tenue…

Avec précaution, elle ouvrit les portes en bois presque horizontales à l'arrière de la bâtisse et descendit la volée de marches. Se trouver soudain ici, dans cet endroit humide qui sentait le vieux bois et le salpêtre, faisait remonter une infinité de souvenirs mais elle n'avait pas le temps de s'y attarder. Elle devait retrouver et neutraliser Adam Worth car son côté Mister Hyde prenait définitivement le pas sur lui. Elle devait le faire le plus rapidement possible pour rétablir les dégâts qu'il avait causés dans la chronologie de l'histoire telle qu'elle la connaissait. Mais pour ça, elle devait vérifier qu'elle était tombée la bonne année…

Elle longea les étagères, ensevelies sous une épaisse et intacte couche poussiéreuse où ses bouteilles de vin mises à vieillir se trouvaient stockées, puis se fraya un chemin vers l'office, qui malgré des dizaines et des dizaines d'années écoulées, lui semblait toujours familier…

En débouchant dans les cuisines gigantesques, par rapport aux espaces modernes restreints dont elle avait aujourd'hui l'habitude, elle eut la surprise de voir que la pièce était désertée aussi et se dit que son majordome devait être en train de briefer le personnel pour le lendemain.

Elle progressa sans faire de bruit, en évitant de faire claquer ses talons hauts sur le sol. Dans l'ancien bureau de son père, elle allait forcément trouver un journal ou un almanach… Des bruits de voix assourdis provenant du salon lui parvinrent peu à peu. La maison n'était donc pas vide. Le dos plaqué contre le mur le plus proche de l'entrée de la pièce, elle essaya de regarder discrètement qui se trouvait là et avisa que c'était justement… elle-même – l'air bien jeune avec sa blondeur de l'époque ! – en pleine discussion avec un homme inconnu et dont elle n'avait pas le moindre souvenir. C'était d'autant plus surprenant qu'il était vraiment… à tomber ! Un bref instant, elle avait d'abord eu peur qu'il ne puisse s'agir de Druitt. Elle ne savait pas comment elle aurait supporté de le revoir.

— Ce n'est pas possible que ce soit John ! répétait étrangement en écho la jeune femme qu'elle avait été d'un ton désolé.

Helen tendit l'oreille, intriguée. Elle n'osait pas jeter un autre coup d'œil furtif de peur d'être découverte. Elle savait qu'elle devait faire vite. Worth avait visé l'année 1898, son équipe et elle étaient sûrs de cette information, et il était parti juste quelques minutes avant elle… Il ne devait pas se trouver si loin…

— Si vous trouvez cette bague dans ses effets personnels, vous en aurez le cœur net, disait l'homme inconnu. Le signal de réception était clair. Je ne peux pas envisager que ce soit vous : vous n'avez ni la corpulence ni la stature de celui qui m'a agressé. Et à moins qu'un autre homme de votre maisonnée ne dispose de connaissances de médecine…

Elle entendit sa version plus jeune étouffer un sanglot. Elle était plus sensible à l'époque. C'était bien fini ce temps-là …

Elle était curieuse de ce qui se disait, mais son timing vraiment très serré lui intimait de partir. Elle recula à pas légers et prudents jusqu'à l'office où elle tomba enfin sur une aide-cuisinière arrivée en retard et qui lui apprit la mauvaise nouvelle : on était là en 1888, soit dix ans trop tôt… La consternation et l'agacement l'envahirent et elle jeta un coup d'œil frustré au dispositif à son poignet qui lui avait permis de suivre Adam Worth dans le Temps.

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