Game of Thrones : Fire and Ice.

Chapitre 2 : L'exil du Régicide. (Jaime Lannister)

5075 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/03/2020 04:07

CHAPITRE NUMERO DEUX : JAIME LANNISTER.


   La neige virevoltait en tout sens tout autour de lui et bien que les flocons ne soient pas bien épais, la visibilité demeurait assez réduite. Le sol était recouvert de blanc sauf le sentier qu’il arpentait actuellement et qui était plus boueux, donc glissant, qu’autre chose, rendant ainsi sa progression plus difficile. Le temps paraissait ne pas vouloir changer et il en était ainsi depuis qu’il avait quitté la ville de Port-Réal quelques jours auparavant. Jaime en venait presque à soupçonner ces Anciens Dieux, que ceux du Nord priaient toujours, avaient eu vent de sa « trahison » envers Cersei et l’exhortaient à présent à ne pas aller plus loin dans ses pérégrinations. Ou peut-être tentaient-ils tout simplement de lui indiquer que non, sa place n’était pas dans le Nord, qu’il n’avait rien à y faire. Pas après tout ce qu’il y avait fait. S’imaginer pareille chose était tout simplement ridicule.


« Je n’ai pas peur des Dieux, affirma-t-il tout haut. Qu’ils soient anciens ou nouveaux je ne les crains pas. »


   Ceux-ci parurent prendre ses paroles comme un défi puisqu’une subite bourrasque manqua de le faire choir de sa monture. Jaime se contenta de resserrer sa cape de voyage autour de lui. Elle ne repoussait que vaguement le froid ambiant et plus il progressait droit devant lui, plus Jaime avait conscience que l’attendait des températures qui deviendraient plus glaciales. Il espérait néanmoins que la neige cesserait bientôt car à ce rythme il risquerait fortement de se retrouver enseveli avant d’avoir atteint une quelconque destination.

   Ah qui aurait cru qu’un jour sa destinée ferait qu’il retournerait à Winterfell ? Sans doute pas lui et certainement pas dans les conditions actuelles. Un homme qui était obligé de fuir la capitale simplement parce qu’il avait décidé d’honorer un serment réalisé quelques temps auparavant. Toutefois Jaime s’en venait seul et non en compagnie des forces armées qu’il avait promise de mettre à disposition afin de lutter contre les troupes de ce Roi de la Nuit. Et un sentiment l’accaparait depuis lors car Jaime savait que ce serait à lui qu’on tiendrait rigueur quant à la trahison de Cersei et non à cette dernière.

   Car après tout ne continuait-on pas de voir en lui le Régicide ? Ce surnom qui le suivait depuis des années et que tous s’échinaient à lui donner en vue de le blesser lui l’homme dépourvu d’honneur. Jaime éprouvait un profond ressentiment de cette injustice perpétuelle qui lui collait à la peau. Après tout n’avait-il pas fait montre d’un certain honneur au cours des dernières années ? Ou bien toutes ces actions n’effaceraient jamais l’ardoise qu’il avait laissée derrière lui ?


« Les choses que je fais par amour. »


   Cette phrase résonna en lui sans qu’il ne s’y attende. Jaime n’en fut pas moins surpris par le ton employait, ayant l’impression que c’était un étranger qui venait de s’adresser à lui. Aussi s’arrêta-t-il un instant pour regarder tout autour de lui. Non il devait halluciner. Il faut dire qu’il avait bien peu dormi ces derniers jours. Jaime se remit en mouvement, repensant à ces sept mots qu’il avait proclamé longtemps auparavant et les circonstances qui l’avaient poussé à devoir les prononcer. Le jeune Stark, il ne se souvenait plus de son nom pas plus de ce à quoi il ressemblait. Toujours était-il que le gosse les avait surpris Cersei et lui alors que tous deux étaient occupés à faire l’amour. Ils escomptaient profité de l’absence de la plupart des gens de Winterfell mais avant tout du roi Robert, le mari de Cersei.


« L’amour, murmura-t-il avec un soudain mépris. »


   Dire que le geste qui avait suivi avait été dicté par ce qu’il ressentait pour sa sœur, par la peur que si le môme les dénonçait plus jamais il n’aurait la possibilité de partager ces étreintes charnelles qui lui plaisaient tant, ces baisers fougueux, ces moments à deux où Cersei et lui ne faisaient plus qu’un. Cette femme si parfaite, cette jumelle qui l’avait complété depuis leur plus jeune âge et qui à ses yeux représentaient plus qu’il ne pourrait jamais espérer, plus qu’il ne pourrait jamais posséder.

   Aujourd’hui toutefois la situation avait évolué. Aurait-il agit ainsi à l’époque en sachant que désormais Cersei était prête à le sacrifier pour une « trahison » qu’il n’avait commis qu’aux yeux de cette dernière ? Jaime se surprit à se dire qu’effectivement il n’aurait changé en rien son geste d’alors quand bien même il en éprouvait une certaine forme de regret.

   Après tout il aimait toujours sa sœur. Vraiment ? Même après toutes les actions qu’elle avait accomplies ? Une poignée de jours auparavant elle avait hoché la tête, signifiant son accord pour que la Montagne l’exécute. Avant ça elle avait été responsable de la mort de leur dernier enfant, Tommen, qui s’était jeté dans le vide à la suite de la disparition de cette femme, Margaery Tyrell, qu’il aimait tant. Comment pouvait-il dès lors continuer à éprouver de tels sentiments pour Cersei alors que dans le même temps une part de lui ressentait une sorte de haine à l’encontre de cette dernière.


« Je suis un idiot, voilà tout. »


   C’était là une bien piètre réponse à ces interrogations et il le savait consciemment. Quoiqu’il en était, et dès l’instant où il fermait les paupières en quête de sommeil, chaque fois lui revenait le mouvement de tête de sa sœur ainsi que le son de l’épée au moment où Clegane la sortait tout juste de son fourreau. Rien que d’y penser, cela lui faisait palpiter le cœur et un frisson d’effroi se mit à couler le long de son dos.

   Certes il n’en avait finalement rien été. Malgré tout il ne pouvait s’empêcher de se demander comment les choses avaient put atteindre ce point de non retour.


« J’ai toujours agi pour elle et c’est comme ça qu’elle m’a remercié pour cette loyauté que je lui ai témoigné. »


   Jaime senti le désir de serrer son poing droit face à cette colère. Malheureusement il n’avait que sa main en or ce qui n’était pas chose aisée pour s’adonner à une telle pulsion. Quoiqu’il en fût, il était certain que depuis son départ sa sœur avait dépêché des corbeaux à tous les capitaines de l’armée à propos de sa soi-disant désertion et de la trahison qu’il aurait commise. Aussi Jaime se demanda-t-il si oui ou non il parviendrait tout de même à atteindre le Nord. Si le chemin devait se révéler semer d’embûches rendant impossible de parvenir à destination à quoi bon s’entêter. Mais avait-il d’autres endroits où il pouvait se rendre ?

   Jaime savait bien que ce n’était pas le cas. Revenir sur ses pas était exclus. Probablement Cersei se le figurait-il revenir la queue entre les jambes et jouer au bon soldat obéissant. Mais les risques de se retrouver raccourcir d’une tête n’était pas une perspective qui l’enchantait plus que ça, aussi cette première solution s’avérer être à oublier. Oh il pouvait toujours tenter d’affronter la Montagne. Outre le fait qu’il n’avait pas la moindre chance face à un adversaire aussi monstrueux, qui plus est alors que lui-même ne manier l’épée qu’avec sa mauvaise main, la gauche, il risquait surtout de paraître ridicule.


« La Montagne et le Manchot, voilà bien une ode que les bardes pourraient s’amuser à composer pour témoigner de la bêtise de Jaime Lannister dit le régicide. »


   Le fait qu’il ne trouva pas lui-même sa tirade hilarante l’incita à se concentrer sur les autres options qui pourraient s’offrir à lui. L’Est et Essos ? Autant oublier. Son état actuel en ferait un simple mendiant qui, un matin, serait retrouvé égorgé et jeté dans une fosse commune parce qu’il n’aura pas réussi à se défendre à cause de cette fichue main qui lui manquait tant depuis qu’on la lui avait tranché.

   L’Ouest et Castral Roc ? Une perspective si ridicule qu’il secoua la tête. Autant se livrer directement à Cersei. Ailleurs dans Westeros, s'il exceptait le Nord. Sûrement pas. Les Lannister n’avaient jamais été appréciés, c’était d’autant plus vrai depuis que sa sœur régnait sur le continent. Que ça soit dans le Bief ou à Dorne si Jaime montrait ne serait-ce que l’ombre de sa personne alors il ne survivrait pas bien longtemps.

   Son avenir ne paraissant pas le mener vers des lendemains joyeux il n’avait qu’un seul choix, tenir son serment réalisé auprès de ce Snow et de cette Targaryen. Néanmoins Jaime n’avait pas l’intention de gagner le Nord par la Route Royale. Les armées de Daenerys suivaient ce trajet et Jaime avait suffisamment approché les seigneurs des chevaux pour savoir qu’il préférait éviter d’avoir à se frotter à pareil engeance. Et qu’importe le fait que Jaime ait décidé de perdurer l’alliance réalisé à Fossedragon, pour lui les Dothrakis resteraient des ennemis de Westeros car ils n’appartenaient pas à ce continent.


   Quoiqu’il en était Jaime avait prit la direction du Nord-ouest. Son objectif premier était d’atteindre la ville de Pierremoûtier où il espérait ensuite rejoindre Vivesaigues. C’était un trajet long, solitaire et dangereux car des bandits, appartenant très certainement à la Fraternité Sans-Bannière il le jurerait, profiteraient certainement des neiges pour détrousser le voyageur imprudent.

   Jaime n’en avait pas rencontré jusqu’alors bien que plusieurs fois déjà il s’était senti suivi. Fort lui avait été constaté qu’il était seul. Sans doute éprouvait-il une telle sensation dû fait qu’il s’imaginait Cersei ayant lancé des tueurs à ses trousses pour que ceux-ci lui apportent la tête de son « traître » de frère.

   Dressant la tête vers les cieux il espérait toujours que le temps irait en s’améliorant. Ces nuits agitées passaient à dormir à l’extérieur et avec toute cette neige n’étaient pas ce qui l’enchantaient le plus. Il aurait certes put s’arrêter à une auberge mais le risque était grand que quelqu’un le reconnaisse. Après tout il était encore proche de la capitale à ce moment-là.

   Toutefois son apparence ne ressemblait pas à ce qu’on pourrait attendre d’un Lannister à présent. Les cheveux sales, qu’il pourrait toujours dissimuler sous la capuche de sa cape, sa barbe qui lui mangeait le visage, l’état déplorable dans lequel il apparaissait ne témoignaient en rien de son appartenance aux Lannister. Seule sa main pourrait le trahir, toutefois il se contenterait de garder ses gants en cuir. Certes ça n’excluait pas la possibilité que quelqu’un parvienne à l’identifier mais Jaime avait grand besoin d’un lit confortable et d’apprendre des nouvelles du monde. Après tout si le Nord avait eu vent d’une manière ou d’une autre de la trahison de Cersei, certainement par ce Varys qu’il abhorrait tant, il serait fixé sur si oui ou non il valait mieux poursuivre devant lui alors qu’on pourrait lui attribuer à lui aussi cette traîtrise.


   Deux heures s’écoulèrent, aussi mortellement ennuyeuses que les précédentes. La neige ne tombait certes plus qu’à flocons épars mais le froid s’était accentué.


« Comment Diable les Nordiens font-ils pour supporter cela ? »


   Si son père avait été à ses côtés, mais comment Tywin aurait-il accepté de l’être ? Il serait surtout récrier quant à la déchéance de son fils qu’il aimait tant. Jaime se prit à sourire en se l’imaginant là. Quoiqu’il en était le Grand Lord Tywin, Jaime se surprenant devant son ton narquois qu’il venait d’employer, lui aurait sans doute dit que les Stark et consorts étaient habitués à ces conditions car c’étaient des sauvages ou une chose de cet acabit. Un terme qu’il valait mieux ne pas employer en présence de ces gens estima Jaime avec sagacité.

   La luminosité déclinait rapidement à présent et la perspective d’une autre nuit à la belle étoile n’avait rien pour le réjouir. Cependant, et après que la route qu’il arpentait l’eut conduit au sommet d’une petite butte il put distinguer dans le lointain les lumières d’une ville. Il était finalement arrivé à Pierremoûtier.

   L’histoire de la ville était connue dans tout Westeros. Robert Baratheon, alors en rébellion ouverte contre Aerys Targaryen, s’était caché pendant quelques jours, échappant à la forte armée venue sur place pour le dénicher et mener par la Main du Roi de l’époque, Jon Connington. Robert leur avait échappé et lorsque l’aide arriva via les armées de Stark, Tully et Aryn, Robert sorti de sa cachette où il se battait avec une vaillance sans pareille.

   Jaime toisa la bourgade qui s’offrait à lui. Malgré l’obscurité grandissante il pouvait voir qu’il ne restait rien du passé de cette ville. Bien au contraire les plaies béantes parmi les édifices témoignaient que des combats y avaient été menés. Jaime reconnaissait là l’œuvre de son père. Dans sa lutte contre Robb Stark, Tywin ne faisait pas dans le détail, aimant à détruire pour affaiblir ses adversaires bien qu’en l’occurrence Jaime ne voyait pas pourquoi Pierremoûtier avait subi un tel sort.

   Néanmoins les habitants étaient toujours présents et il pouvait noter la lente reconstruction du patelin. Il faudrait sans doute du temps pour que les ultimes cicatrices disparaissent, si tant est que tous survivent à l’hiver d’ici là.

   Finalement Jaime arriva à une sorte de palissade en bois qui avait été bâtie en toute hâte pour assurer une maigre défense des lieux. Jaime secoua mentalement la tête, comme si ceci pouvait suffire en cas d’attaque d’une puissante armée. Qui plus est si les morts parvenaient jusque là alors ceux présents ici n’auraient aucune chance. Devait-il pour autant les prévenir ?


« Non, décida Jaime. Il vaut mieux que je fasse profil bas jusqu’à ce que j’aie obtenu des nouvelles sur ce qu’il se passe dans le royaume. »


   Deux gardes, dont l’armure usée n’offrait pas la moindre protection digne de ce nom, lui barrèrent le passage.


« Halte ! Qui va là, hurla l’un d’eux.

-Un simple voyageur cherchant un refuge pour la nuit. »


   Jaime escomptait que cette simple réponse suffirait à taire les possibles questions de ces gens. Toutefois, bien que demeurant silencieux, ceux-ci tournèrent autour de sa monture, l’inspectèrent tout comme l’accoutrement de Jaime.


« C’est un chouette cheval que vous avez là, glissa celui qui lui avait parlé. Comment un miséreux dans ton genre a pu en dénicher un de comme ça ? »


   Jaime se mit à réfléchir en vitesse. Il devait trouver une réponse adéquate sans quoi la situation pourrait tourner à l’aigre. Et s'il se dévoilait alors on finirait très certainement par l’identifier chose qu’il tenait à éviter à n’importe quel prix. Une solution s’imposait, tuer ces deux hommes et prendre la fuite. Tant pis si il devait renoncer pour ça à un bon lit. Resté que si une garnison était présente à Pierremoûtier elle s’élancerait très certainement à ses trousses.

   Toutes à ses pensées silencieuses, Jaime ne remarqua pas qu’un cavalier venait d’approcher par derrière, hélant les deux individus.


« C’est mon écuyer, répliqua l’homme. Il a prit les devant pour que je parvienne ici et trouve aussitôt de quoi me réchauffer et me nourrir.

-Et vous êtes, demanda le garde.

-Seigneur Bronn de la Néra et j’exige qu’on m’indique la meilleure auberge de votre boui-boui.

-Un seigneur ici, répliqua le soldat avec méfiance. Qu’est-ce qu’un lord viendrait faire par ici ? »


   Et tandis que Bronn répondait à sa manière désinvolte, Jaime n’en revenait pas de voir ce dernier ici. La nonchalance de Bronn parut convaincre les gardes qui les laissèrent passer.


« Ah que ça a du bon d’être seigneur, déclara Bronn avec contentement.

-Vous m’avez suivi, demanda Jaime partagé entre la stupeur et l’énervement. »


   Cela expliquait pourquoi il avait eu la sensation que quelqu’un venait après lui. Mais si Bronn l’avait vraiment accompagné jusqu’alors pourquoi ne s’était-il pas manifesté plus tôt ? Un soudain soupçon s’empara de lui. Et si sa sœur l’avait dépêché à ses côtés pour que le moment venu Bronn lui plante un poignard dans le cœur. Après tout l’homme ne refuserait pas un tel service en échange d’or ou d’un château comme il se plaisait à le réclamer depuis bien longtemps.


« J’avais peur que vous vous perdiez, se contenta de clamer Bronn. Et puis par les temps qui courent ce n’est pas très prudent de rencontrer des hommes à une main. Il paraît ce sont des fourbes de traître. »


   Jaime préféra ne pas relever. La phrase de Bronn était suffisamment implicite pour comprendre que l’autre savait pour ce qu’il s’était passé avec Cersei. Cette dernière avait donc fait courir la rumeur sur sa trahison et sa fuite. Cela ne pouvait pas être pire.

   Les deux hommes finirent par atteindre une auberge nommée La Pêche. Bronn s’en félicita quand il comprit que l’endroit faisait office de bordel. Jaime ne partagea pas le même enthousiasme que lui. La maîtresse des lieux, une femme corpulente à l’incroyable tignasse de cheveux roux, et qui, comme Jaime l’apprit par la suite, s’appelait Chanvrine, leur octroya une chambre pourvue de deux lits séparés. Et tandis que Jaime enquêta sur les possibilités d’un bon repas, Bronn préféra draguer la maîtresse de maison.


« Si c’est du cul que vous voulez mon seigneur j’ai des filles pour ça. »


   Ensuite de quoi cette Chanvrine les conduisit jusqu’au salon où de rares clients se tenaient à des tables rondes, une chope de bière à portée de main. Jaime et son compagnon de voyage choisirent de s’installer un peu à l’écart, évitant soigneusement les regards qui se posaient sur eux. Bronn n’hésita pas à faire montre de sa nonchalance habituelle, mettant les pieds sur la table. Cela eut le don d’irrité Jaime.


« Ayez un peu de tenu sans quoi nous risquons d’être chassé d’ici, s’irrita Jaime. »


   Ah qu’il haïssait quand Bronn se comportait de la sorte. Malgré tout l’intéressé ne parut pas s’émouvoir de cette mise en garde.


« Qu’ils essaient, répliqua Bronn. Je ne suis pas certain que quiconque sache manier l’épée dans ce bled. »


   Jaime soupira mentalement, sachant qu’il ne fallait pas s’attendre à de la sagesse concernant son vis-à-vis. Néanmoins il était temps pour lui d’obtenir des réponses quant aux motivations de ce dernier.


« Pourquoi m’avez-vous suivi jusqu’ici ? »


   Il vit Bronn le toiser un court instant puis l’air narquois celui-ci s’empressa de lui répondre.


« Pour vos beaux yeux de Lannister. »


   Jaime demeura parfaitement stoïque devant cette réplique. Il n’était vraiment pas d’humeur à la plaisanterie. L’épée louée qu’avait été Bronn le comprit puisqu’il se montra plus sérieux.


« J’ai jamais cru votre sœur quand elle a évoqué votre traîtrise. Et vu que vous étiez déjà parti j’ai compris qu’il était temps pour moi de vous imiter et vite. Votre sœur sait que nous sommes proches et que je ne lui suis pas loyal. Je tenais à éviter d’avoir à perdre ma tête si jamais elle m’envoyait son animal de compagnie. Et puis, ajouta-t-il avec un sourire sardonique, j’ai dans l’idée que vous allez pouvoir me rapporter un gros paquet de jolies pièces. »


   Et voilà on y était, pensa sombrement Jaime sans réelle surprise. Bronn et son appétit insatiable pour l’or et un intérêt croissant pour les grandes choses comme de posséder son propre château. Jaime lui en avait promis un ainsi qu’un parti avantageux avec une épouse issue d’une noble et grande famille. Bronn ayant renoncé à cela une première fois pour le suivre jusqu’à Dorne, il avait revu ses exigences à la hausse depuis lors. Et Jaime n’avait pu lui obtenir ce qu’il souhaite. Bronn ne manquait d’ailleurs jamais une occasion pour le lui rappeler. Quand bien même, les propos de ce dernier n’avaient rien pour lui plaire.


« Vous comptez me vendre auprès de ma sœur et escomptez obtenir les avantages et les faveurs que vous n’avez pu obtenir par mon biais ?

-Oh non je n’ai pas l’intention de retourner à Port-Réal, répliqua Bronn. Je comptais davantage vous vendre à cette autre reine. »


   Tout cela avait été dit avec une telle désinvolture que durant une seconde Jaime se surprit à vouloir en rire. Malgré tout il s’en abstint, étonnait de la décision de son acolyte. Bien qu’après réflexion il aurait dû s’attendre à une chose pareille vu la personnalité de son compagnon qui n’hésiterait pas à vendre père et mère si ça lui permettrait d’empocher de l’or.

   Jaime le fixa longuement attendant des explications qui paraissaient ne pas vouloir venir. Que cela l’irritait bien qu’il resta impassible. Il exhorta Bronn à en dire davantage à l’aide d’un geste de sa main dorée qu’il gardait dissimulé sous son gant noir. Dans le même temps on leur rapporta une miche de pain ronde et bien chaude ainsi qu’une écuelle contenant du poulet baignant dans son jus accompagné de pommes de terre persillées. Les deux hommes cassèrent la croûte, extrayant la mie du pain afin de s’en faire un tranchoir.


« Vous avez tué son père, lui déclara Bronn. Un coup de poignard dans le dos et ça elle le sait, continua-t-il tout en se mettant à mastiquer. Je suis certain que rien que pour ce geste elle me donnerait une belle récompense pour lui apporter uniquement votre tête de Régicide. Et puis si elle vient à apprendre que Cersei ne compte pas apporter l’aide promise contre ces morts nul doute qu’elle se plaira à obtenir justice en éliminant du Lannister. Elle aime bien votre frangin donc elle prendra le premier de votre famille qui lui tombera sous la main. Je suppose qu’elle refera comme elle a fait avec les Tarly. On dit qu’on sent encore leur odeur là où elle s’est occupée d’eux. Quoiqu’il en soit, elle vous aura et ce grâce à mon aide si précieuse qu’elle m’en remerciera comme il se doit. »



   Jaime le vit lui sourire et une furieuse envie de lui envoyer un soufflet au visage se saisit de lui. Toutefois il réalisa qu’il ressentait de la peur face aux propos de son compagnon. Bien que n’ayant pas personnellement à la mise à mort de Randyll Tarly et de son fils Dickon, Jaime avait néanmoins eu vent de ce qu’il s’était passé. Et la possibilité d’avoir à finir lui aussi de cette manière, brûlé vif sous le souffle d’un dragon monstrueux, ne l’enchantait aucunement et lui arracha une grimace. Bronn ne paraissait pas s’en émouvoir pas plus de la perspective de retourner sa veste pour le livrer à cette reine des dragons. D’ailleurs Jaime nota que son bras droit sur le champ de bataille n’en avait pas tout à fait terminé puisqu’il reprit la parole une fois qu’il eu vidé d’un trait la moitié de sa chope de bière.


« Et c’est pas tout, vu votre passif avec ceux du Nord, je crois que vous feriez mieux de ne pas vous y rendre. Enfin je dis ça mais je vous y mènerai volontiers de force si ces Nordiens savaient payer en bon or. Malheureusement… .»


   Jaime aurait certes put suivre cette mise en garde, malgré tout il savait déjà qu’il n’en ferait rien. Il avait fait un serment et compter bien s’y tenir. Et même s’il redoutait les Stark et leurs bannerets, il avait tout de même contribué à apporter son aide à Sansa Stark en la laissant entre les mains puissantes de Brienne. Il savait que celle-ci était désormais la protectrice de la jeune femme.



« Tout ça grâce à moi, se dit-il mentalement. »


   Ce n’était certes pas l’entière vérité mais ça prouvait néanmoins qu’il n’était pas l’homme que tous voyaient en lui. Si véritablement il ne possédait aucun honneur alors il n’aurait pas œuvré ainsi alors que les Lannister étaient en guerre contre ceux du Nord.


« Admettons que, têtu comme vous êtes, vous vous rendez quand même sur place. Que comptez-vous y faire ? Vous ne possédez aucune armée et ce n’est pas votre talent au combat qui fera une différence s’il doit y avoir une bataille. »


   Cette dernière remarque fut prononcée sur le ton de l’amusement. Fort lui était de constater que ce n'en était pas moins la stricte vérité. De sa main gauche il n’était bon à rien. Jaime avait beau s’être entraîné régulièrement, surtout en compagnie de Bronn, il n’en demeurait pas moins qu’il avait pleinement conscience que jamais il ne pourrait affronter un soldat accompli. Lors de l’attaque contre les Dothrakis il ne devait son salut qu’à l’intervention inopinée de Dickon Tarly.

   Ce n’est pas pour autant qu’il devait s’avouer vaincu. Après toutes les épreuves qu’il avait traversé il comptait bien réitérer la chose et si possible parvenir à réunir suffisamment d’hommes pour que lorsqu’il atteindrait Winterfell il ne puisse rougir de la trahison de sa sœur.


« J’ai une armée, affirma-t-il. »


   Cependant il espérait que ce serait le cas sinon quoi il ferait mieux d’effectivement oublier cette promesse et de partir loin de tout tant qu’il en avait la possibilité. Bronn le fixait, ne paraissant pas dupe.


« Une armée, lui répéta-t-il. Et vous allez la sortir d’où cette jolie armée ? D’entre les cuisses de votre chère sœur ? »


   En tant normal Jaime se serait vivement redressé pour faire payer l’imprudence dont faisait montre Bronn. Aujourd’hui néanmoins il se contenta d’un long silence, se surprenant à tenter vainement de se représenter une telle scène. N’y parvenant guère, Jaime revint au sujet principal.


   « J’ai laissé une forte garnison à Vivesaigues. Ces hommes me sont loyaux et m’accompagneront dans le Nord. J’ai également l’intention de demander son aide à Lord Edmure Tully. »


   Information qui laissa dubitatif son interlocuteur. Cependant après une minute de silence et avoir avalé la moitié de ce qu’il lui restait de pommes de terre, Bronn prit la parole.


« J’espère que vous savez ce que vous faites. Je suppose que je n’ai pas besoin de vous rappeler le nombre de personnes qui ne vous portent pas dans leur cœur et qui ne ressentent que du mépris pour ser Jaime Lannister.

-J’imagine que cette assertion pourrait s’appliquer à l’ensemble des habitants de Westeros, répliqua Jaime plus ou moins indifférent de cette triste vérité.

-Sauf votre sœur, rétorqua Bronn. Même les Dieux savent à quel point elle aimait vous offrir son con. »


   Cette impertinence. Encore. Bronn devait vraiment le savoir au fond du trou pour s’échiner à le rabaisser ainsi sans ressentir la moindre culpabilité.


« Et bien, fit Jaime tout en se relevant, si véritablement je venais à échouer je présume qu’il ne me restera plus d’autres choix de vous faire amener ma tête à ma chère sœur. Je suis certain qu’après ça ce sera à vous qu’elle ouvrira ses cuisses. »


   Puis, furieux, Jaime s’en alla à grandes enjambées, quittant la salle sous l’œil à l’éclat sardonique de Bronn.





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