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Chapitre 3 : I'm going slightly mad

1537 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/08/2023 21:27

J'ai commencé cette fic en 2019. Le COVID m'a bien arrêtée dans pratiquement toutes mes histoires, y compris celle-ci. Cependant, à la faveur de la saison 2, je me suis replongée un peu dans le fandom... et je me suis rendu compte que j'ai quelques chapitres non postés. La fic est bien inachevée, mais bon, peut-être que je vais me motiver pour écrire la suite, donc voici le chapitre 3.



I’m going slightly mad


Mme Pelletier avait toujours eu un faible pour les Anglais.

A chaque fois qu’elle louait son chalet à un visiteur d’outre-Manche, elle se faisait un plaisir d’exhiber sa connaissance de la langue et son accent presque parfait. Le gentleman qu’elle avait eu au téléphone s’était montré d’une politesse exquise et d’une extrême gentillesse, et maintenant qu’elle le voyait « en vrai », elle trouvait qu’il possédait un physique parfaitement adapté à sa voix douce et précieuse, et même qu’il était assez séduisant, avec son teint de lait, ses cheveux d’une blondeur presque blanche et son costume suranné qui se fondait particulièrement bien dans le décor. Il faut dire que Mme Pelletier était très fière de la décoration intérieure de son chalet : elle avait passé des années à confectionner, pièce après pièce, un petit nid douillet et accueillant.

Ce n’était certes pas raisonnable, à son âge (pas si avancé que ça, mais elle n’était plus de toute première jeunesse, malheureusement), de s’imaginer, à chaque fois qu’elle accueillait un locataire qu’elle trouvait à son goût, que ce dernier allait tomber sous le charme des lieux et de son hôtesse – mais enfin, elle ne parvenait pas à se raisonner, pas totalement, et continuait à secrètement espérer que…

L’Anglais lui adressa un sourire et lui fit compliment de la propreté et de la beauté lumineuse de son chalet, ce qui la fit rosir de plaisir.

– Et il y a une autre chambre… (elle fit une pause en plissant les yeux et coula son regard vers le second Anglais qui, hélas, accompagnait le premier) si jamais vous avez besoin de deux chambres. [1]

L’autre locataire (nettement moins charmant), qui n’avait pas décoché un mot depuis leur arrivée (ni ôté ses lunettes de soleil, quelle impolitesse), émit un petit ricanement déplaisant, tandis que son compagnon se mettait à rougir. Mme Pelletier en déduisit qu’elle avait vu juste. Elle était un peu déçue, car décidément, l’homme en blanc lui plaisait beaucoup. Mais enfin, ainsi va la vie.

– Je vais vous laisser vous installer tranquillement. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à m’appeler, je n’habite pas loin.

– Merci infiniment, chère madame.

Son locataire s’inclina avec une politesse désuète (l’autre esquissa à peine un vague salut), et elle referma la porte derrière elle avec un soupir.

Dommage.

.

– Bon, donc, clarifions les choses : cet endroit est immonde, et je ne supporterai pas d’y dormir une seule nuit.

– Les démons n’ont pas besoin de dormir, fit remarquer Aziraphale, qui avait tout de même le bon goût de paraître un peu gêné devant la débauche d’horreurs qui s’accumulaient sous leurs yeux.

– Parce que les anges ont besoin de manger ? ironisa Crowley. A chacun son péché capital : toi la gourmandise, moi la paresse. Et il est hors de question que je paresse dans une chambre qui… qui…

Les mots lui manquaient pour décrire la hideur des lieux. Entre les cadres représentant des paysages de montagne enneigés prétendument idylliques (à l’huile, en aquarelle, en puzzle, et même au point de croix, proliférant sur les murs selon l’idée erronée que la quantité allait compenser l’absence totale de qualité), le radioréveil surmonté d’un oiseau en plastique très mal fait (et à qui il manquait une patte), la lampe de chevet tenue par une marmotte joufflue à l’air passablement imbécile et les nombreux cœurs plus ou moins gros et plus ou moins roses qui ornaient la commode et les rideaux, il sentait son cœur se soulever.

Un petit mouvement du poignet, et les cœurs devinrent des pentacles, les bestioles des chiens de l’enfer, des satyres ou des mogriaves, et les tableaux furent remplacés par du Bosch. Le démon soupira d’aise et recula d’un pas pour admirer son travail.

– Tu veux que je redécore ta chambre aussi ? proposa-t-il à Aziraphale, qui semblait hésiter entre l’amusement et la répulsion. Si tant est que tu tiennes vraiment à avoir ta chambre, ajouta-t-il en regardant son ami par-dessus ses lunettes noires.

Pour le plus grand plaisir de Crowley, l’ange bafouilla quelques mots incompréhensibles avant de se retirer avec précipitation dans la pièce principale, qui donnait sur le Mont Blanc. Le démon se laissa tomber sur le couvre-lit dont il venait de foncer la couleur (de rose bonbon à rouge bordeaux) et poussa un soupir d’aise. Si l’on passait outre la déco, ils n’allaient pas être mal ici.

Ce qui l’inquiétait un peu était le côté reculé de ce bled innommable – le Bettex, et Crowley ne voyait pas l’intérêt de mettre un x à la fin du mot, si c’était pour ne pas le prononcer – et l’absence totale de distractions dans ce trou à rats.

La question qui se posait donc était : mis à part la contemplation du Mont Blanc (qui allait bien cinq minutes), qu’avait donc prévu Aziraphale ?

.

L’ange trouvait que la décoration n’était pas si épouvantable que le prétendait Crowley. Un peu… chargée, certes, mais en parfaite adéquation avec l’état d’esprit alpestre qui régnait dans ces lieux. Il se voyait parfaitement en plein hiver, dans un des fauteuils recouverts d’une chaude couverture, un livre à la main, un bon feu ronflant dans la cheminée, alors que de l’autre côté de la porte-fenêtre tombait la neige à gros flocons…

– Bon, mon ange, c’est pas le tout, mais est-ce que tu vas enfin me dire ce qu’on fout ici ?

Aziraphale se retourna vers Crowley, qui venait d’entrer dans le salon du chalet et regardait d’un air mauvais une énorme cloche à vache sur laquelle était justement gravée… une vache. Avant que le démon n’ait eu le temps de la transformer en quelque chose de plus hideux encore, son compagnon s’empressa de répondre :

– J’ai pensé que nous pourrions nous adonner au plaisir très humain de la randonnée.

Crowley tourna la tête avec une souplesse et une rapidité toute serpentine.

– Pardon ?

Aziraphale fit une petite grimace. Il savait que cette partie serait difficile, aussi l’avait-il repoussée jusqu’au dernier moment. A savoir maintenant.

– Ecoute, tu l’as dit toi-même : la prochaine fois, ce sera le paradis et l’enfer contre les humains. Nous devons nous préparer à combattre et un peu d’entraînement physique ne nous fera pas de mal.

Il passa prudemment sous silence les remarques de Gabriel sur son embonpoint naissant, de peur que le démon ne se moquât de lui. Crowley ôta ses lunettes noires et regarda Aziraphale avec une expression légèrement hystérique :

– Tu veux dire que tu m’as fait faire mille deux cents kilomètres, dont les quinze derniers à la vitesse approximative de deux mètres à l’heure, pour marcher ? On n’aurait pas pu tout simplement faire ça à Londres, si vraiment tu y tenais tant que ça ?

– C’est bien plus beau ici ! protesta l’ange. Le paysage est magnifique, et puis c’est calme…

– Mortellement calme, je te l’accorde.

– … et on ne risque pas de croiser un des tiens ou un des miens au détour d’un sentier.

Depuis l’Apocalypse et la confusion qui avait suivi leur procès à tous deux, l’enfer et le paradis semblaient désireux de les oublier, mais ils pouvaient à tout moment se souvenir de leur existence et tenter quelque chose contre eux. Et dans ce cas, qui, la prochaine fois, protégerait les humains ? Anathème, Newton et le sergent Shadwell étaient plein de bonne volonté, mais ils ne feraient certainement pas le poids face aux forces conjuguées d’en bas et d’en haut…

Crowley poussa un gémissement et se laissa tomber sur le canapé.

.

– Dis-moi que c’est une blague.

– Bien évidemment, si tu te dégonfles à l’idée de devoir affronter cinq cents mètres de dénivelé… Je pensais les démons plus résistants.

– Moi, je me dégonfle ? Je te parie que je serai en haut bien avant toi !



[1] Vous aurez peut-être reconnu une citation de Sherlock BBC dans l'épisode 1 de la saison 1...


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