Clair comme Nuit

Chapitre 5 : Caché au plus profond

4641 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 03:15

 

CACHE AU PLUS PROFOND

 

 

Mrs Curtis descendit les marches précautionneusement, les mains de part et d'autre de son ventre énorme. C'était une petite sorcière aux cheveux bruns soigneusement coiffés sous un bibi de velours, qui portait une robe gris tourterelle très ajustée, courte et décorée de petits boutons de nacre. Son col un peu pointu était déplié derrière sa nuque et ses collants en dentelle noire étaient assortis à ses mitaines.

- Bonjour les enfants, dit-elle avec son accent de Cambridge très élégant. "Bienvenue dans notre dernier cours ensemble."

Quelques filles émirent des "oh" déçus, mais la plupart des élèves étaient bien trop intrigués par l'armoire mystérieuse pour se préoccuper de cette annonce.

- Aujourd'hui, il n'y aura pas de théorie ennuyeuse, mais plutôt quelques frissons alors que nous pratiquerons ce sortilège, continua le professeur, amusée. "L'un d'entre vous peut-il me dire ce qu'il y a dans l'armoire ?"

Terrence leva la main.

- Je pense qu'il s'agit d'un épouvantard, répondit-il. "C'est une créature qui se cache dans les coins sombres et qui prend la forme de ce qui fait le plus peur à celui qui la découvre."

La femme hocha la tête avec approbation.

- Très bien, M. Swanson. Cinq points pour Gryffondor.

Samuel Flinch-Fletchley échangea un coup de coude avec Craig Finnigan derrière le dos de Wendy.

- Ce que j'aime quand nous ne sommes pas en cours commun avec Serdaigle ! chuchota-t-il. "Swanson est plus intelligent que cette pimbêche de Weasley, mais il se fait toujours couper la parole."

Miranda Brown se retourna et le foudroya du regard.

"Tais-toi, imbécile. Tu veux qu'on reperde ces points immédiatement ?" articula-t-elle silencieusement.

Mrs Curtis fit quelques pas dans la salle qui paraissait étrangement vide avec les bureaux poussés sur les côtés. Elle tapota le coin de l'armoire qui continuait de s'agiter férocement.

- Pour être plus précise, un épouvantard prend la forme de la peur la plus enfouie en vous, expliqua-t-elle en promenant son regard sur les élèves. "Il peut s'agir d'une phobie irraisonnée comme d'un traumatisme. C'est pourquoi, malgré le côté amusant de ce cours, je vous demanderai le plus grand respect pour vos camarades. Nous ne savons pas toujours ce qui nous inquiète le plus et vous pourriez avoir des surprises."

Un murmure inconfortable courut sur la classe.

- Est-ce qu'on est obligé de participer ? demanda Violette Morgensten en pinçant les lèvres. "Je n'…"

Elle se tut en croisant le coup d'œil sévère de leur professeur.

- Personne ne sera dispensé, dit Mrs Curtis d'un ton froid. "Ce sera peut-être désagréable, mais maîtriser le sortilège de défense contre un épouvantard est un très bon exercice pour apprendre à garder son sang-froid en toutes circonstances."

Elle revint vers la fenêtre et toussota.

- Bien, dit-elle en s'asseyant sur le rebord, gênée par son gros ventre. "Répétez après moi : Riddikulus !"

Les élèves s'exécutèrent docilement.

- Tu imagines si on avait eu nos baguettes à la main ? gloussa Fabius Macmillan dans l'oreille d'Emile Scarcrow dont le visage se fendit aussitôt d'un sourire irrépressible. "Avec une incantation pareille, elle se serait retrouvée en culotte – ou pire !"

Le brouhaha empêcha heureusement leur professeur d'entendre la réflexion, mais Scorpius, qui était à côté de Fabius, lui écrasa les orteils de son pied.

- T'as juré de nous faire perdre la coupe des quatre maisons, ou quoi ? siffla-t-il entre ses dents serrées.

Macmillan se contenta d'hausser les épaules.

- Riddikulus, répéta-t-il négligemment.

- Bien, dit le professeur qui se leva de nouveau et vint se placer devant eux en parlant. "Maintenant, voici ce qui va se passer. Vous vous présenterez un à un devant l'épouvantard qui prendra la forme de votre pire cauchemar. Vous lèverez votre baguette et prononcerez alors l'incantation. Attention, cependant, ce n'est pas tout. La seule chose qui peut déstabiliser un épouvantard est…"

Elle s'interrompit et considéra longuement Albus qui était en face d'elle.

- M. Potter, est-ce que tout va bien ?

Terrence et Wendy, qui étaient debout de chaque côté de leur ami, tournèrent immédiatement la tête vers lui.

Le garçon aux yeux verts se troubla aussitôt.

- Euh… oui, oui. Pourquoi ?

Mrs Curtis arqua ses fins sourcils.

- Vous avez mauvaise mine. Ce n'est pas l'idée d'affronter l'épouvantard qui vous incommode, j'espère ?

Albus rougit en entendant les rires étouffés derrière lui.

- Non, pas du tout, professeur ! dit-il avec précipitation. "Je… c'est juste que… je-je n'ai pas très bien déjeuné ce matin."

C'était vrai, mais ça ne l'empêcha pas d'avoir l'air de mentir.

Mrs Curtis fit la moue.

- Hum. Je disais donc, reprit-elle en retournant vers l'armoire qui s'énervait de plus en plus, "que la seule chose qui peut déstabiliser un épouvantard, c'est le rire. Pour contrebalancer chacune de vos peurs, imaginez quelque chose d'absolument inepte."

Miranda Brown leva la main.

- Pourriez-vous nous montrer un exemple, s'il vous plaît, professeur ?

La femme eut l'air sur le point d'accepter, puis elle aperçut quelque chose au-delà du groupe d'élèves et son visage se ferma.

- Non, répondit-elle d'un ton sec. "Je ne suis pas le professeur Lupin, je ne pense pas qu'il soit toujours nécessaire de faciliter l'apprentissage aux élèves."

- C'est qui, lui ? marmonna Finnigan. "Le remplaçant ?"

Mrs Curtis tapa dans ses mains.

- Bien. En rang, maintenant ! Vos baguettes à la main, mesdemoiselles et messieurs.

Alors que tout le monde se poussait et se tirait dans un brouhaha excité, Terrence regarda discrètement derrière lui.

- Le professeur Londubat est là, chuchota-t-il en se penchant vers ses deux amis.

Wendy jeta un coup d'œil vers la porte, étonnée.

- Il n'a pas cours avec Serpentard à cette heure-ci ?

- Peut-être qu'il en a eu marre d'eux et qu'il leur a collé un devoir à faire sur les plantes carnivores, dit Albus qui s'était appuyé contre le pilier de la salle et semblait essayer de disparaître dans le bois sombre.

Wendy pencha la tête de côté et s'approcha de lui.

- Elle a pas tort, t'es vraiment pâle, dit-elle d'un ton soucieux.

- ça va, je vais bien, grommela Albus. "C'est juste que j'ai vraiment – vraiment – pas envie de faire cet exercice stupide."

Terrence sourit. Il croisa les bras.

- Pourquoi ? T'as peur de quoi, toi, exactement ? Et ne me dis pas que c'est d'un animal, parce que je ne te croirai pas…

- Vous êtes prêt, M. Finnigan ? lança Mrs Curtis d'une voix forte, en se tenant à prudente distance de l'armoire. "Attention, j'ouvre la porte."

Elle agita sa baguette et le loquet se déverrouilla avec un clac. L'armoire cessa de bouger et de rugir. Pendant un instant, le silence fut complet, puis la porte s'entrouvrit en grinçant. Un zombie se glissa à l'extérieur, le visage dégoulinant de bave verte et visqueuse, des bandages mal faits sur les bras.

- RiRiddikulus ! bredouilla Craig.

Il y eut un CRAC ! retentissant, puis le zombie se retrouva coiffé d'un chapeau ananas-pêche-melba.

Samuel Flinch-Fletchley, qui était derrière Finnigan, éclata d'un rire jaune, puis blêmit quand l'épouvantard prit soudain la forme d'un essaim de guêpes géantes qui fondirent sur lui.

- Riddikulus !

CRAC ! Les guêpes dégringolèrent sur le plancher en rebondissant, transformées en boules de gomme.

- C'est quoi son problème avec les guêpes ? marmotta Wendy, ahurie.

- Il est allergique, dit Terrence, l'air de plus en plus intéressé par l'exercice.

Pendant que l'épouvantard prenait la forme d'un chien enragé, puis d'un chien en train de miauler de façon stridente en face de Sandie Morgensten, Albus se rencogna encore davantage dans son coin, assis presque par-terre.

- Je flippe un peu, je crois, dit Wendy d'une voix un peu aigüe, tout en observant Emile Scarecrow obliger un squelette de ptérodactyle à faire des claquettes.

Le sourire de Terrence s'agrandit.

- De quoi t'as peur ? T'es une des filles les plus courageuses de l'école ! Ou des plus dingues, je ne sais pas.

Elle lui donna une bourrade.

- C'est juste que ça te prend à revers, ce truc ! Moi, par exemple, j'ai la trouille des insectes qui grouillent, mais qu'est-ce qui me dit que ça ne va pas prendre la forme de ma cousine Diane quand elle a eu le pied écrasé par un tracteur. C'était horrible ! Je ne veux pas non plus revivre ça…

- Et moi, je suis sûr qu'il va se transformer en James, lâcha Albus entre ses dents, la tête baissée, comme si la confidence lui avait échappé malgré lui. "Je déteste ça. Toute l'école va le savoir et ça va être infernal…"

Terrence lui fourragea affectueusement dans les cheveux.

- T'inquiète pas. Je suis sûr que personne n'aura le temps de s'en apercevoir. Imagine-le se transformer en un truc super laid. Un bébé mandragore ou une fouine.

- Tout va bien, Potter ? demanda à mi-voix le professeur Londubat qui s'était rapproché d'eux pendant ce temps. "Mrs Abbot me disait qu'elle n'était pas très contente de vous. Vous étiez censé revenir à l'infirmerie ce matin, pas aller en classe. Je sais que vous êtes un élève plutôt appliqué, mais je conçois difficilement qu'un garçon de quinze ans tel que vous puisse dédaigner la permission de manquer les cours…"

Il y avait une certaine irritation dans son ton.

- Désolé, m'sieur, commença Albus en se levant maladroitement. "Mais je vais bien, je vous promets… je…"

Un cri perçant lui coupa la parole.

- Pas d'affolement, Miss Caradoc, intervint calmement le professeur Curtis, tandis que la jeune fille tombait assise par terre, secouée de frissons, ses yeux exorbités fixés sur la chose mi-vampire, mi-gobelin, qui s'approchait d'elle en respirant lourdement. "Pensez à quelque chose de ridicule. Prononcez la formule en y croyant très fort…"

Mais Jane secoua la tête, le visage ruisselant de larmes, et recula en rampant.

Mrs Curtis soupira.

- M. Malefoy, à vous. Avancez rapidement, je vous en prie !

Scorpius prit la place de Jane, le dos très droit et le visage raide.

L'épouvantard tourna sur lui-même et, dans un brouillard de fumée verdâtre, il prit la forme d'un homme d'une quarantaine d'années, grand et mince, habillé d'une chemise blanche. Ses cheveux blonds étaient gominés, ramenés vers l'arrière, et il avait des traits aristocratiques qui auraient été beaux s'ils n'avaient pas été déformés par un rictus mi-haineux mi-désespéré.

- Qui c'est ? chuchota Wendy. "On dirait…"

- On dirait Scorpius… compléta Albus. "C'est peut-être son père ?"

L'homme retroussait la manche de sa chemise et Malefoy blanchissait à vue d'œil, les yeux fixés sur l'apparition, complètement pétrifié.

- Qu'est-ce qu'il a sur le bras ? demanda Terrence en se hissant sur la pointe des pieds pour voir au-dessus de la tête de Fabius Macmillan.

Il y avait quelque chose de noir, comme une sorte d'inscription à moitié effacée sur le bras de l'homme blond.

Les élèves se mirent à chuchoter : ce n'était pas effrayant, c'était juste… bizarre.

Neville Londubat se fraya un passage à travers le groupe et posa sa main sur l'épaule de Scorpius qui tressaillit.

- Du calme, M. Malefoy, dit le professeur avec douceur. "Reprenez vos esprits, vous pouvez y arriver."

Scorpius avala sa salive. Il pointa sa baguette sur l'homme blond qui grimaçait.

- Riddikulus ! souffla-t-il.

CRAC !

La marque étrange devint un tatouage de marin, un cœur rouge transpercé d'une ancre grossièrement dessinée.

Mrs Curtis fronça les sourcils.

- Je vous serais reconnaissante de ne pas intervenir dans mon cours, Neville, dit-elle d'une voix glaciale.

Le professeur Londubat s'écarta avec un sourire embarrassé.

- Je suis désolé, Mauritia, je ne pensais pas à mal, dit-il tandis que l'épouvantard prenait la forme d'un rat velu et mouillé devant Violette Morgensten qui se mit à piailler.

- Riddikulus, riddikulus, riddikulus !

CRAC !

Le rat se retrouva coiffé de bigoudis roses.

La file des élèves qui n'étaient pas encore passés en face de l'épouvantard avait considérablement diminué. Scorpius, encore sous le choc, s'était assis à côté de Jane Caradoc qui se mouchait comme si elle essayait de s'étouffer. Les autres les regardaient d'un peu loin, en chuchotant entre eux.

Albus, la mort dans l'âme, s'était mis à la suite derrière Terrence qui était parcouru d'un frémissement d'excitation à l'idée d'une nouvelle expérience. Wendy était dans son dos. Elle se mordillait la lèvre inférieure avec nervosité.

- Qu'est-ce que vous faites là, Neville ? grinça Mrs Curtis à voix basse, tout en gardant les yeux fixés sur l'exercice.

- Je suis venu chercher Potter, répondit l'homme calmement. "Il est malade et devrait être à l'infirmerie."

- Depuis quand est-ce votre travail de seconder Mrs Abbot ? renifla la femme, moqueuse. "Ne me faites pas rire. Potter a l'air d'avoir passé la même nuit que ses camarades de chambre qui se comportent comme d'infâmes babouins, c'est tout. Je ne comprends pas que vous soyiez si indulgent avec certains de vos élèves. Ça ne leur sera d'aucune utilité plus tard."

CRAC !

Elle releva le menton d'un petit air mécontent, les bras croisés sur son gros ventre comme une espèce de gerbille en colère.

Neville Londubat réprima un sourire en coin malgré l'inquiétude qui semblait le tenailler.

- Mauritia, vous savez bien que je ne fais pas de préférence… tenta-t-il de nouveau.

Terrence, qui observait le dialogue en essayant de lire sur leurs lèvres ce qu'ils marmonnaient, fut contraint de reporter toute son attention sur l'exercice quand Kevin Mordecrat lui laissa la place sur le devant.

L'épouvantard s'entortilla sur lui-même en produisant un nuage de fumée grise, puis se changea en dragon dans un "pof" que le garçon blond aurait pu trouver drôle s'il n'avait pas eu soudain l'impression d'avoir de nouveau six ans et d'être terrifié en face du lézard géant brusquement jailli de son livre de contes.

- Oh, oh…

Il fit un pas en arrière presque malgré lui.

Ecailles de bronze luisantes, narines dilatées, une queue d'acier annelée et l'échine recouverte d'une crête tranchante, des yeux vides comme des opales…

Le dragon lâcha un torrent de flammes et Terrence avala sa salive de travers.

C'est bon. Tout va bien. Il ne va rien cramer pour de vrai. Je n'ai plus six ans, ce n'est pas la première fois que je vois de la magie se manifester et j'ai une baguette à la main.

Il leva le bras.

- Riddikulus ! lança-t-il fermement.

CRAC !

Le dragon marcha sur une de ses ailes et trébucha. Il culbuta peu élégamment et se retrouva sur le dos en train de geindre. Pour un peu, Terrence aurait eu envie de lui gratouiller le ventre comme à un bon toutou.

- A toi, dit-il en s'effaçant avec un sourire à l'intention d'Albus qui crispait les doigts sur sa baguette.

Le professeur Londubat se leva et trébucha quand Mrs Curtis le rattrapa par la manche.

- Vous n'empêcherez pas Potter de faire l'exercice, siffla-t-elle, outrée. "J'ai eu son frère avant lui et je sais qu'il ne va pas faire apparaître Voldemort !"

- Vous ne comprenez pas, Mauritia, balbutia Neville. "Albus est – différent…"

Elle le fusilla des yeux, mais il ne la regardait pas, les yeux fixés sur la fumée jaunâtre qui tournoyait au-dessus du plancher.

Une silhouette avec des cheveux en désordre commença à prendre forme et Wendy pria intérieurement pour qu'Albus soit assez rapide pour lancer le sortilège avant que les autres ne reconnaissent son frère.

Terrence serrait les poings dans ses poches comme si ça avait pu aider.

Allez, Al… on s'en fout, de James. C'est qu'un idiot. T'as pas besoin de flipper, tu le vaux mille fois… Je sais pas pourquoi tu fais ce complexe, mais…

La  silhouette devint de plus en plus nette – et ce n'était pas James. C'était un homme d'une trentaine d'années, avec la même tignasse embroussaillée, les mêmes traits un peu âpres et la même façon de se tenir planté avec le bassin un peu de travers.

Il portait un anorak avec de la fourrure sur la capuche et tenait sa baguette à la main. Derrière ses lunettes rondes, il avait des yeux verts remplis de désespoir.

- Hé, c'est le père de James Potter, je le reconnais, y'avait sa photo en première page de la Gazette du Sorcier avant-hier, dit Fabius Macmillan, intrigué.

Craig Finnigan lui donna un coup de coude.

- Mais t'es trop bête, souffla-t-il. "Si c'est le père de James, c'est aussi celui d'Albus, gros débile."

- Ah, c'est Harry Potter, s'écria Violette. "Il parait qu'il va être le prochain ministre de la magie !"

Les murmures gonflèrent sur la salle en quelques secondes.

Albus était toujours debout en face de l'épouvantard et le regardait sans comprendre.

Une sueur glacée coulait le long de son dos et le bout de ses doigts tremblait sur sa baguette, mais il ne savait pas pourquoi.

C'était son père.

Son père qu'il adorait, en qui il avait entière confiance.

Neville chercha à libérer son bras.

- Oh non, oh non, oh non… marmonna-t-il d'une voix hachée.

Mais le professeur Curtis ne desserra pas son étreinte.

Terrence chercha Scorpius du regard et vit que celui-ci s'était levé, les yeux écarquillés.

L'homme dans la fumée leva sa baguette et ouvrit la bouche.

- "Avada Keda…" hurla-t-il juste avant que Neville ne bondisse devant Albus et n'envoie bouler l'épouvantard qui commençait à se retransformer d'un coup de baguette magique puissant qui illumina toute la pièce.

La porte se referma en claquant et l'armoire se remit à gronder et à se secouer furieusement.

Terrence s'aperçut qu'il avait retenu son souffle et se remit à respirer, le cœur battant.

- Albus ! cria Wendy en rattrapant le garçon aux yeux verts, livide, alors qu'il chancelait.

Une baguette tomba sur le plancher et roula à quelques mètres avec un petit bruit sec.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? articula Mrs Curtis d'une voix mal assurée.

Le professeur Londubat ne répondit pas. Il était revenu à grands pas vers Albus et avait sorti une tablette de chocolat de sa poche, qu'il cassait en morceaux. La femme rangea une mèche de cheveux derrière son oreille pour se donner une contenance, puis fit quelques pas vers les élèves restés stupéfaits.

- Le… le cours est terminé, dit-elle. "Vous, euh. Vous pouvez ranger vos affaires et sortir."

Scorpius allait s'approcher, hésitant, du groupe auquel s'était rajouté Terrence, lorsque Albus dégagea brusquement son bras que tenait Wendy et s'enfuit de la salle, une main sur la bouche. Terrence partit en courant derrière lui, imité presque aussitôt par la jeune fille.

Neville Londubat les regarda partir et passa une main sur son visage défait.

- Qu'est-ce que nous avons fait ?… murmura-t-il. "Oh, Harry… Qu'est-ce que nous avons fait ?..."

Le soleil entrait à flots dans la grande salle presque vide et glissait sur les rainures du plancher.

L'armoire continuait à s'agiter, comme un prisonnier fou derrière les barreaux.

Les élèves quittaient le cours les uns après les autres, dans un silence lourd à peine troublé par leurs chuchotements.

Mauritia Curtis rangeait des livres qui n'en avaient pas besoin sur le rebord de la fenêtre.

Scorpius Malefoy ramassa la baguette qui était tombée par terre et sortit le dernier, après un regard vers le professeur de botanique qui semblait soudain très las.

Dans les toilettes des garçons, au bout du couloir, Albus était en train de vomir son déjeuner et son repas de la veille, arcbouté au-dessus des lavabos. Wendy était à côté de lui et lui massait doucement le dos, les yeux pleins de larmes. Terrence était appuyé contre le mur des cabines de WC, les bras croisés, et attendait.

Albus finit par mettre l'eau en route. Son dos était agité de frissons et à la façon dont il crachotait et s'étouffait à moitié, on aurait pu croire qu'il pleurait. Il se rinça la bouche et s'aspergea copieusement la figure.

- ça… va…? demanda Wendy d'une petite voix inquiète, en lui tendant un mouchoir pour qu'il s'essuie.

Les cheveux dégoulinants, Albus tourna la tête vers elle et elle se mordit les lèvres.

Sa mâchoire était contractée, il était encore plus pâle qu'avant et les gouttes qui roulaient sur ses joues en continu n'avaient rien à voir avec l'eau glacée du robinet.

- C'est pas grave, Al, dit Terrence d'une voix grave depuis son coin.

Albus se tourna vers lui et le mouvement le fit vaciller. Il se rattrapa au bord du lavabo. Ses jambes tremblaient. Sa main monta machinalement jusqu'à son torse et se crispa sur son sweater trempé.

- Pourquoi ? finit-il par articuler d'une voix rauque. "Qu'est-ce que j'…"

Un gémissement lui échappa et il se plia en deux.

- Al ! s'écria Wendy, bouleversée. "Al, ça va ? Tu as mal ? C'est comme hier ?"

Terrence fut d'un bond à côté de son ami et l'attrapa pour l'empêcher de tomber.

- Al, respire, okay ? ça va aller. Je te promets que ça va aller. On va tout éclaircir. On va te soigner et aussi on saura pourquoi… pourquoi,  il…

Les mots avaient du mal à passer ses lèvres.

Les doigts convulsivement agrippés sur son sweater, Albus releva la tête.

- Pourquoi mon père a voulu me tuer, termina-t-il, haletant.

A côté de la porte des toilettes, invisible, Scorpius s'était adossé au mur, l'air sombre, la baguette d'Albus à la main.

 

 

A SUIVRE...

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