Clair comme Nuit

Chapitre 13 : Nos pères ennemis

4738 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:51

 

NOS PERES ENNEMIS

 

 

Les deux hommes se faisaient face et ne semblaient pas réaliser qu'ils étaient observés – et écoutés – par une trentaine d'élèves de Gryffondor intrigués et vaguement inquiets.

- Tu n'as pas tes entrées ici, Malefoy, disait Harry d'une voix sourde. "Ton père le pouvait peut-être, mais ça fait bien longtemps que Poudlard n'est plus le jouet des politiciens."

- Alors qu'est-ce que tu fais là, Potter ? riposta son interlocuteur avec une grimace sarcastique. "Professeur ? Le parfait candidat au poste de ministre de la magie ? On aura tout vu. Tu as toujours été un petit monsieur je-sais-tout, alors ça ne m'étonne pas, mais quand à penser que la vieille McGonagall recrutait son équipe sur des critères aussi ridicules…"

Il haussa les épaules avec un froncement de nez dédaigneux.

- En tout cas, je n'attendrais pas qu'il y ait un autre scandale pour retirer mon fils de l'école. Scorpius n'a pas besoin des cours d'un ex-auror en mal de sensations fortes.

Harry se permit un sourire méprisant.

- Tu as peur de quoi, Drago ? Que je le transforme en fouine pour faire un exemple ?

Le teint clair de l'homme élégant s'empourpra.

- Je t'interdis… !

- Oh, mais je ne le ferais pas, reprit le nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal en enfonçant les mains dans ses poches comme s'il tenait une conversation normale. "Je ne suis pas Fol Œil et j'ai payé ma dette à ta mère depuis longtemps. Minerva ne m'aurait pas accepté dans son équipe si j'étais incapable d'enseigner, elle n'est pas encore sénile."

Un frémissement courut parmi les élèves en entendant les deux hommes parler en termes aussi familiers de la toute-puissante directrice.

Harry marqua une pause et sa voix se fit plus douce.

- Je ne vais pas faire de différence avec ton fils, Drago. J'ai des enfants moi aussi.

Le père de Scorpius éclata d'un rire grinçant.

- Et tu utilises les sortilèges impardonnables sur eux ! Un fameux parent, je vois."

Pendant un instant il sembla vouloir en rester à cette joute verbale, puis une veine tressaillit sur son front pâle et ses lèvres se pincèrent.

- Est-ce que tu as perdu la tête à force de tuer tant de monde, Potter ? siffla-t-il. "Le sang, le sang, le sang ! Maintenant tu ne sais plus faire la différence entre la réalité et tes cauchemars ? Je n'ai jamais compris comment un meurtrier tel que toi avait pu entrer en politique ! Tu mettais déjà les autres en danger quand tu étais à l'école, ça a du être tellement satisfaisant pour toi d'avoir le droit de frapper quand tu es devenu auror ! Sans compter toutes les victimes que tu as faites quand tu étais en cavale !"

- Ferme-la, Malefoy ! gronda Harry qui s'était raidi, et les spectateurs involontaires eurent la curieuse impression qu'ils assistaient à une dispute d'adolescents. "Qu'est-ce que tu veux, à la fin ? Que je te dise que ma carrière politique est foutue ? Elle l'est, t'es content ? Un duel en bonne et due forme ? Pourquoi maintenant ? ça fait plus de vingt ans !"

Sa voix rauque débordait d'amertume.

- Tu crois que si j'avais encore des comptes à régler avec toi, j'aurais attendu tout ce temps ? Je me fiche de tes regrets, Malefoy ! J'ai tenu parole, tu es en vie, personne ne t'a fait payer tes…

Il s'interrompit brusquement, comme si on lui avait vidé un seau d'eau glacé sur la tête : ses yeux venaient de tomber sur Scorpius et Albus qui le regardaient fixement.

Les deux garçons étaient livides, figés en statues dans le couloir en pierres.

- On devrait continuer cette conversation en privée, dit-il, la voix haletante. "Les…"

- Non, coupa l'homme blond d'une voix acérée.

Ses traits aristocratiques étaient déformés sous la colère et Terrence, qui avait fait un pas en avant comme pour se placer en bouclier devant ses deux amis, décelait aussi une souffrance indicible dans les yeux gris brûlants de rage.

- Tu te prends peut-être pour un saint, Potter, mais c'est loin d'être le cas. Tu t'es cru formidable, plein de compassion avec ton pardon, mais tu n'as fait que rendre nos vies misérables.

Les mots dégoulinaient, chargés de fiel, et Harry les recevait en plein visage comme des giclées d'Empestine.

- Acquittés ? Bien sûr ! Déshonorés, rejetés, désavoués. J'ai dû reconstruire de zéro, avec cette infamie constante accrochée à mes basques et ma mère

Sa bouche se tordait et des plis labouraient son visage pointu, comme si chaque phrase fouaillait ses entrailles. Il inspira comme s'il s'étouffait et reprit d'un ton glacial.

- Tu étais partout, évidemment. Dans les journaux, les conversations, en politique et dans le plus sordide des bars, on chantait tes louanges. Azkaban rempli par tes soins de gens qui n'avaient pas eu le choix de prendre une autre décision et finalement, tes gosses à Poudlard avec mon fils !

- Tu n'avais qu'à déména… commença Harry qui sentait son irritation remonter malgré les deux silhouettes immobiles dans le coin de son œil et la culpabilité grandissante qui entortillait son diaphragme.

Drago Malefoy éclata de nouveau de son rire perçant et cette fois les élèves firent un pas en arrière, épouvantés. Wendy n'osait plus respirer et encore moins regarder dans la direction d'Albus.

- Fuir ! Absurde. Les Malefoy ne fuient pas, Potter. Ma mère était une Black.

Ses narines frémissaient, et ses articulations avaient blanchi sur le pommeau de sa canne.

- On aurait pu vivre sans se fréquenter, en s'ignorant, Potter, continua-t-il d'une voix étrangement désincarnée. "Mais il a fallu que ce sale petit fourbe que tu as en aîné prenne mon fils comme cible de ses blagues stupides…"

Harry se mordit la lèvre pour garder le contrôle et un peu de sang apparut à l'endroit où la peau avait éclaté.

Il se revoyait en gare de King's Cross, presque ému de croiser sans affrontement le jeune homme blond avec l'enfant qui lui ressemblait tellement.

Dire qu'il avait imaginé un instant qu'un jour, peut-être, ils…

La voix acerbe de Drago le ramena à la réalité.

- Mais le pire, dans tout ça, c'est ton autre gamin.

Toutes les têtes, à l'exception de celle de Scorpius qui semblait sur le point de s'évanouir, se tournèrent instinctivement vers Albus. Ses yeux d'émeraude, immenses, étaient attachés sur l'homme qui crachait son venin.

- Après la honte de savoir notre fils unique réparti à Gryffondor, je ne pensais pas que je devrais aussi supporter d'entendre constamment parler d'Albus Severus Potter.

Le premier nom avait eu l'air de lui donner envie de vomir, le deuxième lui avait écorché la bouche et le troisième avait sonné de façon dérisoire.

Les yeux gris de l'homme blond se posèrent sur Albus et le jaugèrent avec un dédain mêlé d'une haine incompréhensible, et Terrence oublia qu'il avait quatorze ans, que le geste pouvait créer un tas de malentendus et que ce n'était pas 'viril'. Sans réfléchir, il attrapa la main de son meilleur ami et la serra.

Wendy aperçut le mouvement et sa gorge se dénoua un peu, soulagée.

Comment Albus et Scorpius pouvaient-ils supporter ces rafales de phrases horribles ?

Elle avait l'impression que des milliers de petites coupures s'ouvraient à chaque mot et pourtant, elle n'était pas concernée.

Qu'avait créé cette guerre pour qu'une telle animosité demeure vivace autant d'années après ?

Devenir adulte vous rendait-il si cruel ?

Pourquoi aucun des deux hommes ne se taisaient alors que leurs fils étaient devant eux ?

Comme s'ils avaient tout oublié, revenu dans le passé qui les engluait, Drago et Harry soutenait le regard l'un de l'autre, sans ciller.

- Comme ça a du te plaire, hein, Saint-Potter, d'apprendre que mon idiot de fils n'était pas brillant, qu'il ressemblait si peu à notre famille qu'il ne pouvait même pas réussir à être admis à Serpentard !

- La répartition n'est pas un examen ! répliqua Harry, les yeux étincelants derrière ses lunettes rondes. Des gouttes de sueur perlaient à la racine de ses cheveux noirs emmêlés. "Et je n'ai jamais rien pensé de spécial à…"

- Quel menteur, ricana Malefoy avec un geste hautain qui fit soulever la jaquette sombre de sa redingote. "Tu l'a su comme nous. Que les deux gosses étaient dans la même chambre, qu'ils s'entraidaient en cours, qu'ils étaient – amis."

Le dernier mot passa difficilement entre ses lèvres, comme s'il l'étranglait.

- Nos enfants se sont montrés moins bornés que nous, Drago, c'est tout, dit sèchement Harry. "Les choses auraient peut-être été différentes si toi et moi n'avions pas été ennemis dès le premier jour…"

Il marqua un instant d'arrêt, puis un sourire étroit se fraya un chemin sur son visage.

- Tu n'as rien raconté non plus à ton fils… peut-être que tu y croyais aussi, au fond de toi.

Le silence qui suivit était assourdissant.

Puis Malefoy se redressa de toute sa hauteur (il était plus grand qu'Harry et si mince que ce dernier semblait presque trapu à côté de lui) et passa une main sur ses cheveux gominés. Il tapa sa canne sur les dalles du couloir et le bout en acier fit crépiter quelques étincelles.

- Tant que je vivrais, Scorpius n'aura jamais classe avec toi, dit-il froidement. "Je peux supporter d'entendre sans cesse parler d'un avorton qui a six mois de retard sur les autres, vole sur un balai comme un exhibitionniste et attire tout ce qui est à plumes ou à poils, parce que pour une raison que j'ignore, ma femme a l'air de trouver ça bien, mais je ne te laisserai pas devenir le professeur de mon fils, Potter."

Le cœur de Wendy cognait si fort sous ses côtes qu'elle avait l'impression de l'entendre résonner dans le couloir.

- Je suppose que le ministère de la magie trouvera moyen de te réhabiliter si tu vas prendre quelques coups dans les Hébrides. Fais tes bagages rapidement, je ne tiens pas à ce que Scorpius soit désavantagé par rapport aux autres.

Harry ne respirait plus – ou presque. Les poings serrés, il dardait ses yeux de jade sur l'homme blond qui le toisait.

- Et si je ne pars pas ? articula-t-il, si bas qu'on l'entendit à peine.

- Alors…

- NON.

Le visage de Scorpius était exsangue, mais sa voix ne tremblait pas et ses yeux gris avaient pris une teinte noire violacée. Il n'avait pas bougé.

- Je n'irai pas avec vous. Je resterai ici et le professeur Potter fera son cours. Vous n'avez rien à faire ici, Père. Les parents n'ont pas le choix des enseignants. Quand bien même un loup-garou nous ferait classe, vous n'auriez rien à y redire.

Pendant une milliseconde, Drago et Harry eurent la même expression ironique, puis les sourcils foncés de l'homme blond se plièrent.

- Scorpius Hyperion Malefoy. Ne crois pas un instant que tu puisses me défier, dit-il dangereusement.

Sa voix était glaciale, mais l'adolescent ne baissa pas les yeux.

- Je vous remercie de votre visite, Père, ajouta-t-il très poliment. "Je dois entrer en cours, maintenant, mais je viendrais vous saluer avant votre départ si vous êtes encore présent dans une heure. Transmettez mes meilleures salutations à Mère."

A côté de Wendy, Violette Morgensten mit soudain les mains sur sa bouche avec un drôle de hoquet.

Terrence lâcha la main d'Albus et fit un pas en avant.

- Vous l'avez entendu, nous avons classe, monsieur. Pardon, mais on ne peut pas entrer dans la  salle si vous restez là.

D'autres élèves se décidèrent à bouger et des murmures coururent sur le groupe. Craig Finnigan sortit son manuel de son sac et se dirigea fermement vers Harry.

- Professeur, j'ai une question au sujet du chapitre 11. On a fait que de la théorie et je me demandais si…

- SUFFIT ! jappa Malefoy, figeant immédiatement tous ceux qui avaient osé se manifester.

Il écarta les adolescents qui étaient devant lui et marcha sur Scorpius avec la main levée, comme s'il allait le gifler ou l'attraper pour l'obliger à le suivre.

Albus s'interposa et le silence qui remplit le couloir devint épais comme du coton.

L'homme blond au visage contracté considéra rageusement le garçon qui se dressait entre lui et son fils.

- Qu'est-ce que tu veux ? siffla-t-il. "Pousses-toi."

Albus secoua la tête sans faire mine de se déplacer. Il était très pâle et ses cils sombres faisaient paraître ses yeux verts encore plus grands.

- Je suis désolé, murmura-t-il. "Je suis vraiment désolé d'être… juste ça."

Harry ferma les yeux.

Non, Albus, ce n'est pas vrai.

Terrence serra les poings. Wendy osa avancer d'un pas, les mains crispées sur ses livres. Les yeux de Scorpius qui étaient restés secs jusques là s'embuèrent.

L'adolescent aux cheveux noirs emmêlés redressa le menton, le regard toujours plongé dans celui de l'homme blond.

- S'il vous plaît, laissez-le rester, dit-il.

Malefoy cilla.

Un instant plutôt, il bouillait d'indignation et, maintenant, sa colère s'effritait sans raison.

- Tu ne comprends pas, grogna-t-il.

Albus sourit – de ce même sourire qui avait empêché le chien de Honeydukes de les dévorer.

- Je sais, souffla-t-il. "Mais vous oui."

Drago se racla la gorge, déstabilisé.

Quelque chose de chaud bullait tout doucement au fond de lui.

Il se retourna, jeta un coup d'œil à Harry qui contemplait son fils et ne semblait pas davantage déchiffrer ce qui se passait.

Quelqu'un toucha sa manche. Il baissa les yeux.

- Père, supplia Scorpius qui avait contourné Albus et s'était approché, levant son visage fin comme lorsqu'il était enfant

L'homme déglutit, essayant de rattraper les bribes d'exaspération qui filaient entre ses doigts comme des grains de sable.

Il tenait dans ses bras un tout petit bébé et se promettait qu'il ne serait jamais comme son père.

Il attendait, accroupi, les bras tendus, et l'enfant aux cheveux pâles s'approchait en cahotant jusqu'à tomber dans ses bras avec un gazouillis heureux.

Assis sur le divan, il lisait la lettre de Poudlard et le garçon habillé comme un petit prince réfrénait son excitation, les yeux pétillants de joie, appuyé contre lui.

Il était sur le quai de la gare et regardait son fils monter dans le train de son enfance. Le monde était en paix et personne ne viendrait jamais réclamer l'innocence d'un si jeune élève.

Stupéfait, il montrait à sa femme la lettre de Scorpius, dont la fierté transparaissait à travers ses mots prudents, et la ligne où il était écrit qu'il avait été réparti à Gryffondor.

C'était la rentrée de la deuxième année et ce damné Harry était aussi sur le quai de la gare avec ses trois mioches excités. La fille Weasley avait changé, elle s'était enlaidie. C'était bien fait. Granger était devenue plus jolie, mais elle avait toujours l'air aussi bêcheur. Leurs rejetons ressemblaient à leur benêt de père.

Ses dents crissaient de rage alors qu'il imaginait l'humiliation ressenti par son fils lorsque le plus âgé des trois Potter l'avait fait trébucher au milieu du réfectoire. Scorpius se relevait, les cheveux plein de tarte à la mélasse et son père aurait voulu pilonner les crétins qui s'en prenaient à lui.

Sur le quai de la gare, Scorpius lui disait au-revoir et souriait au garçon aux yeux verts qui montait dans le wagon. Albus Severus Potter. Le nom remplissait les lettres, bien plus que les récits des brimades ou les questions sur la santé de sa mère. Comment Harry avait-il pu donner à son enfant des noms autant chargés de souvenirs ? A quel jeu jouait-il ?

Il suppliait, grondait, menaçait, mais Scorpius continuait de baisser la tête obstinément. Al, Al, Al. Il n'y avait pas moyen de lui faire cracher d'autre intérêt. Il devenait sociable – fréquentait un gamin moldu qui allait sûrement faire sauter Poudlard un jour, parlait d'une fille, de promenades près du lac, de faire du Quidditch.

Sa mère s'était mise de son côté et Drago, bien malgré lui, était obligé de s'avouer que son fils si sérieux et si guindé s'était animé, qu'il avait l'air de vivre – et d'aimer être en vie. Et rien d'autre ne comptait.

Un elfe de maison lui tendait la Gazette du Sorcier et tout à coup la vieille rancœur brûlait ses yeux alors qu'il découvrait l'article. Harry Potter, soupçonné d'avoir tenté d'assassiner son propre fils.

Et pas n'importe lequel : celui qui fascinait Scorpius.

C'était terriblement suspect. Une file interminable de raisons se bousculait dans son esprit, il avait la migraine, il tournait comme un animal en cage dans le salon.

Puis on annonçait que le secrétaire du ministre allait être professeur à Poudlard et Drago revoyait les continuelles humiliations de Rogue, les chaudrons vidés, les retenues injustifiées, les coups d'œil condescendants et les moqueries à peine voilées prenaient tout un autre sens.

Harry allait se venger. La vie de Scorpius allait devenir un enfer.

L'instant d'après, il était en train de négocier sa visite à l'école et à l'intérieur de sa poitrine quelque chose gonflait comme un maléfice cuisant, douloureux amer, violent.

Quelqu'un tirait sur sa manche. Il rouvrit les yeux.

- Père, je vous demande pardon de vous avoir défié… murmura Scorpius.

Son regard gris tourterelle était la seule chose pure dans le monde entier et Drago sentit tomber les dernières barricades.

- S'il vous plaît. Je voudrais rester. Je n'ai pas peur.

L'homme blond renifla sarcastiquement, comme pour maintenir le masque.

"Peur de qui, mon fils ?

De moi ?"

Il s'était promis qu'il ne deviendrait pas comme son propre père.

Il ferait les bons choix.

Il ne serait plus jamais faible.

Il pourrait regarder le monde dans les yeux et montrer à tous l'honneur d'un vrai Malefoy.

Il tenta de sourire et son visage grimaça de façon effrayante. Mais Scorpius lut plus loin que la veine qui palpitait sur le front de son père, ses sourcils froncés et ses yeux couleur d'acier.

Il inclina le menton pour montrer qu'il avait compris et retira sa main.

Drago prit une grande respiration. Son regard se posa de nouveau sur le gamin qui était entré à Pouldard à onze ans et demi, la même année que son fils. L'adolescent qui ressemblait tellement à son pire ennemi. Albus Severus Potter.

Deux grands yeux d'émeraude posés avec douceur sur lui, suppliants comme ceux d'un enfant, mais remplis d'une compassion immense qui avait quelque chose de très ancien, d'éternel.

La boule d'amertume et de regrets au fond de lui fondait sous cette paire de soleils verts et Drago se permit un haussement d'épaules négligent.

Ah. C'est pour ça.

Père et fils fascinés par le môme de Saint-Potter. C'est du grand n'importe quoi.

Et soudain ce n'était plus si difficile à accepter.

Il fit volte-face et se tourna vers Harry.

- Tss, lâcha-t-il. Très bien. Mais si j'entends une seule fois parler de…

Harry hocha la tête très vite.

- Je sais. Pas de métamorphose, ni de sortilèges impardonnables. Je me contenterai de les habituer aux lutins de Cornouailles.

L'ombre d'un sourire passa sur le visage de Malefoy, puis il posa sa main sur la tête de son fils, le regarda une dernière fois et s'en alla dans le couloir d'un pas majestueux, la tête haute dans l'élégant col noir de sa redingote. Perdu dans ses pensées, Harry suivit des yeux la silhouette altière qui s'éloignait.

- Euh… professeur ?

Il tressaillit, revint au moment présent et découvrit les élèves rassemblés autour de lui, silencieux et un peu blêmes, encore secoués par l'entrevue.

- Oui, mon garçon ?

- Craig Finnigan, m'sieur. Mon père s'appelle Seamus. Il était à l'école avec vous.

Harry se mit à rire et le couloir se réchauffa d'un seul coup.

- Ouais, en effet. Il avait le don de mettre le feu à tout ce qu'il touchait.

- C'est vrai que vous pouvez faire un patronus ? chuchota une fille.

- Vous allez nous faire léviter ? demanda Paul Sommerset, l'air de vouloir se proposer comme volontaire.

Fabius leva timidement la main.

- Moi aussi mon père était à l'école avec vous. Ernie Macmillan. Il a dit que c'était vous qui lui aviez tout appris en Défense Contre les Forces du Mal

Violette Morgensten et Miranda Brown papillonnaient des paupières comme si elles se réveillaient et Terrence avait jeté un bras fraternel, presque distrait, autour des épaules de Scorpius qui donna une pichenette à Wendy pour qu'elle arrête de l'examiner d'un air de souris électrifiée.

Harry laissa échapper le soupir qui bloquait ses poumons depuis un moment et il se sentit mieux. Il promena les yeux sur les adolescents qui l'entouraient, passa tranquillement un bras autour des épaules de son fils qui se blottit inconsciemment contre lui et sourit largement.

- Pas tout, c'est certain. Mais vos deux pères et un tas d'autres, quand ils étaient en cinquième année, ont formé une classe secrète pour apprendre à combattre. On l'avait appelé l'A.D., l'Armée de Dumbledore… et le premier sort qu'on s'est entraîné à apprendre était celui qu'on va étudier aujourd'hui. Expelliarmus.

- C'est un sort de désarmement, dit Samuel Flinch-Fletchley d'un ton très respectueux. "La Gazette du Sorcier dit que c'est avec ça que vous avait vaincu Voldemort…"

Harry ouvrit les portes de la classe et les élèves entrèrent, pressés autour de lui, attentifs et fascinés.

- C'est un sort très utile dans un duel. Je l'ai appris d'un professeur qui s'appelait Severus Rogue.

Contre lui, le corps d'Albus cessa de trembler et l'adolescent se redressa.

- C'est vrai ? demanda-t-il, les yeux brillants.

- C'était le professeur de potions quand vous étiez à l'école, dit Finnigan avec excitation. "Mon père m'en a parlé ! La chauve-souris des cachots ! Vous le craigniez plus que Pique-la-lune !"

Il se tut et plissa les yeux, attendant les points retirés, mais Harry éclata d'un rire sonore.

- Polycarpus Flaubert est un homme sympathique que vous gagneriez à connaître. On l'invitera au prochain cours. Bien, maintenant, à vos baguettes !

Il tapa dans ses mains et les portes se refermèrent sur le brouhaha joyeux qui s'était mis à bourdonner dans la grande salle tapissée de glaces à l'ennemi.

Les ombres étaient très loin, presque invisibles, et la pièce chaleureuse.

La guerre était finie.

 

 

A SUIVRE…

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