Clair comme Nuit

Chapitre 14 : Sardines

4137 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 04:27

 

SARDINES

 

 

Wendy étouffa un long bâillement et tourna la page de son exemplaire des Arbres Carnivores du Monde en jetant un coup d'œil ensommeillé à la pendule.

Minuit moins dix.

Les notes qu'elle avait gribouillées pendant la dernière demi-heure se chevauchaient, de plus en plus illisibles. Son estomac grommela – elle avait sauté une partie du souper pour commencer les schémas demandés en Etude des Moldus et il lui restait encore à faire la liste des ingrédients d'une des satanées potions de Pique-la-lune.

Je devrais arrêter là… j'empêche les elfes de faire le ménage…

Comme s'il l'avait entendu, Boolay apparut avec un léger pop. Il s'ébroua, dépliant ses larges oreilles triangulaires, jeta un coup d'œil autour de lui avec un grand sourire qui s'éteignit un peu quand il comprit que la jeune fille était seule.

- Yo, Boolay, tu tombes à pic, dit celle-ci, amusée.

- Qu'est-ce que Boolay peut faire pour Miss Wendy ? s'enquit la petite créature en levant ses yeux protubérants vers elle.

- Tu n'aurais pas quelque chose à manger ? implora-t-elle avec sa meilleure moue de bon-toutou-attendrissant. "N'importe quoi, un bout de pain, un reste de rognons, un fond de tisane…"

Les sourcils de hérisson de Boolay se froncèrent.

- Les élèves doivent manger aux heures des repas, récita-t-il d'un ton sévère. "Les enfants ne devraient pas manger tant de sucreries dans leurs dortoirs. Les elfes désapprouvent, oui oui oui. Beaucoup trop de papiers et des tas de bonbons collants partout ! Boolay a marché sur quelque chose de sucré et la plante de son pied est devenue toute bleue !"

Il avait l'air absolument écœuré à ce souvenir.

- Je suis désolée, dit précipitamment la jeune fille, en essayant de ne pas rire. "Je ne ferai pas de miettes, promis ! Je meurs de faim, Boolay, j'ai trop de devoirs…"

L'elfe se dandina d'un pied sur l'autre.

- Al va peut-être descendre, mentit Wendy, un peu honteuse.

Elle savait que l'argument fonctionnerait, mais elle n'était pas très fière de tromper la créature dont les traits se peignirent aussitôt du plus profond ravissement.

- Boolay va tout de suite chercher une collation pour le jeune maître ! Les enfants sorciers travaillent beaucoup trop ! Il faut se reposer un peu !

Et avant qu'elle ne puisse se raviser, il avait de nouveau disparu dans un claquement de doigts enthousiaste.

Wendy soupira.

- Aucune chance, pourtant…

Après le cours de Défense Contre les Forces du Mal, le professeur avait retenu Terrence, Albus et Scorpius en arrière pour leur annoncer qu'ils ne seraient pas en retenue ce soir-là et leur conseiller de se coucher tôt. Si ceci n'était pas déjà assez bizarre en soi –  quoi, étaient-ils en retenue avec la moitié de l'équipe enseignante ? – la réaction des garçons l'avait été encore plus : ils avaient eu l'air consterné. Terrence, à qui ses cernes auraient pu servir de sacs à provisions, avait assuré qu'il était en pleine forme. Albus s'était renfrogné comme un gamin puni. Scorpius avait demandé si c'était sa faute, si c'était parce que son père était venu, et M. Potter avait répondu quelque chose comme "non, pas du tout, c'est plutôt moi qui devrait être désolé de te faire garder des secrets."

Wendy voulait demander de quels secrets il s'agissait, mais la scène saumâtre du couloir était encore trop présente dans sa mémoire et elle ne savait pas comment s'y prendre pour ne pas blesser Malefoy. Quant à ses questions sur la nature de la retenue ou la raison pour laquelle ils en avaient écopé, elles n'avaient obtenu que des réponses sans queue ni tête.

Scorpius a ensorcelé les craies du professeur Douglas pour qu'elles fassent des pendus au lieu d'écrire des runes…Terrence a dit à M. Binns qu'il était mort… Albus a été pris en train de racketter des premières années de Poufsouffle…

N'importe quoi.

A table, Terrence s'était endormi, le front dans son assiette de ragout. Scorpius s'était servi de crème aux airelles en même temps que de salade et n'avait pas bronché en mangeant ce mélange absolument immonde. Albus n'avait rien avalé du tout. Il somnolait en marchant – il s'était pris de plein fouet le pilier de la salle d'étude et n'avait même pas entrouvert un œil. Evidemment, aucun des trois ne s'était rappelé de faire ses devoirs en arrivant aux dortoirs et Wendy n'avait pas eu le cœur de le leur dire.

Boolay pouvait toujours attendre, son idole ne risquait pas de se montrer à cette heure-ci.

Non pas qu'elle ne le souhaite pas aussi…

C'était tellement mieux quand les garçons trainaient par là…

Okay, ce n'était pas tout à fait la vérité.

Elle griffonna encore quelques notes, puis ferma le livre et le posa sur la pile avec les autres. Les doigts entrelacés, elle étira les bras au-dessus de sa tête, enroula ses jambes autour de la chaise et bascula un peu le dossier pour se balancer.

Minuit cinq.

Le feu se mourrait tranquillement dans la grande cheminée de la salle commune de Gryffondor. Les braises bruissaient, rougeoyantes. Un jeu d'échecs était resté sur une table ronde. Les aiguilles à tricoter de Sandie Morgensten terminaient toutes seules une écharpe rose ornée de pompons. Les quelques personnages encore éveillés dans les tableaux passaient d'un cadre à l'autre en chuchotant. Le chat de Fabius Macmillan faisait sa toilette, assis sur le dossier du canapé.

Wendy défit la barrette qui retenait ses longs cheveux châtains enroulés en boule au sommet de sa tête, démêla sa tignasse avec les doigts et se massa le crâne.

- Allez, courage ! dit-elle à voix haute. "Le ravitaillement arrive, plus que cette stupide liste à faire ! Tu vas t'en sortir !"

Ou pas.

Pourquoi Pique-la-Lune était-il si pointilleux ? Terrence obtenait bien des résultats intéressants aussi, même quand il ne suivait pas les recettes…

Boolay réapparut dans un tintement d'argenterie. Il tenait un plateau sur lequel il y avait une théière remplie à ras-bord de thé à la bergamote brûlant, une pile de tasses branlante, une quantité astronomique de tartines beurrées et plusieurs boîtes de sardines.

- T'es un trésor ! s'écria Wendy, sincèrement émue, en se levant.

- Où est le jeune maître ? demanda l'elfe, les mains fermement accrochées au plateau qu'elle essayait de lui enlever.

- Euh… il est…

Elle était sur le point de dire "remonté se coucher", quand les yeux globuleux de l'elfe s'illuminèrent.

- Boolay vous a apporté une collation, monsieur Albus Potter ! claironna-t-il, assez fort pour risquer de réveiller les deux dortoirs.

- Chut ! sursauta Wendy en se retournant, le visage en feu.

Et elle rougit de plus belle quand l'adolescent qui descendait les escaliers en colimaçon pouffa de rire.

Super. Prise en flagrant délit de manipulation des serviteurs ancestraux du château.

Et pour couronner le tout, j'ai les cheveux sales.

Elle rabattit sur sa tête la capuche molletonneuse de son pull, oubliant que deux oreilles de lapin y étaient cousues.

- Merci, Boolay, c'est vraiment sympa, dit Albus qui s'approchait tout en nouant les cordons de sa robe de chambre bleu marine. "Whaah, où t'as trouvé tout ça ? Je crève la dalle, c'est génial. Et des sardines, en plus !"

L'elfe se rengorgea.

- Boolay le sait, dit-il, rayonnant. "Boolay a bien vu l'autre jour comme le Grand aime le poisson."

Le garçon sourit, mais il jeta un coup d'œil inquiet en direction de Wendy qui posait le plateau sur la petite table basse devant la cheminée. Elle n'avait sûrement pas entendu.

- Merci, répéta-t-il finalement. "Euh… y'en a d'autre, à part toi ? Qui ont… vu le Grand ?" termina-t-il dans un souffle.

L'elfe tira un peu sur son oreille, le nez froncé pour réfléchir.

- Oh. Il compta sur ses doigts grêles et énuméra d'une voix aiguë. "Boolay, Kindoy, Tinky, Soupape et Edgar, je crois, monsieur. Et un sorcier avec un chapeau haut-de-forme qui sentait l'oignon."

- Le chapeau ? demanda Wendy sans pouvoir s'en empêcher.

La fatigue, sans doute.

Albus n'avait pas l'air de trouver ça marrant. Elle mordit dans une tartine de beurre et se concentra sur sa faim enfin apaisée.

- Est-ce que… est-ce que je peux te demander un autre service, Boolay ?

La créature se mit positivement à irradier de bonheur.

- Qu'est-ce que Boolay peut faire pour le jeune maître ?

- Tu voudrais bien aller répéter tout ça à mon oncle Charlie ? Tu sais, le nouveau professeur. Celui qui est roux…

- Ah, le dragonni…

Albus éternua tellement fort que le chat de Fabius Macmillan faillit en tomber du dossier du canapé.

- C'est ça, c'est lui ! M-merci, Boolay. T'es un as.

L'elfe s'inclina d'un air radieux et disparut en un instant.

- T'es enrhumé ? demanda Wendy, la bouche pleine, en inclinant la théière avec précaution, agenouillée sur l'épais tapis écarlate.

Le garçon eut l'air surpris pendant quelques secondes, puis il s'assit dans le fauteuil à gauche de la cheminée en secouant la tête.

- Non, je… j'avais un truc dans la gorge, c'est tout.

Il leva les yeux vers la pendule de l'autre côté de la pièce.

- Tu dormais pas ? C'est tard.

- Et toi ? répliqua la jeune fille en lui tendant la deuxième tasse remplie de thé chaud et sucré.

- Ah, j'avais trop faim… soupira-t-il. "Je crois que c'est ça qui m'a réveillé. Et toi ?"

- Je faisais mes devoirs, expliqua Wendy en ouvrant une des boites de sardines.

Le bruit du couvercle métallique et l'odeur qui se répandit attirèrent immédiatement le chat de Fabius Macmillan qui vint se frotter contre la table en ronronnant bruyamment.

- Dégage, minet, protesta Wendy qui était obligée de repêcher les sardines en tenant la boite au-dessus de sa tête.

Albus accepta une tartine beurrée et mordit dedans avec appétit.

- Comment t'as fait pour obtenir un encas à cette heure-ci ? s'enquit-il, amusé par les longues oreilles de lapin qui dansaient au-dessus de la capuche.

- J'ai fait croire à Boolay que tu allais venir… avoua la jeune fille en faisant une grimace d'excuse.

Le garçon se mit à rire. Il se pencha, attrapa un bout de poisson et l'agita hors de portée pour taquiner le chat qui miaulait et lui pétrissait les genoux.

- Un… deux… trois… quatre… non, pas encore… cinq… six…

- Comme t'es méchant, gloussa Wendy derrière le bord de sa tasse de thé.

Le félin sauta sur l'accoudoir du fauteuil et rafla la sardine d'un coup de griffe. Il l'engloutit, puis s'assit en fixant ses gros yeux jaunes gloutons sur Albus qui s'essuyait les mains sur une des serviettes brodées que Boolay avait artistiquement pliées sur le plateau.

- Ne me regarde pas comme ça, tu me fais peur, protesta le garçon. "Y'a plus de sardines pour toi, ici. Niet. Nada. Pigé ?"

Le chat ne bougea pas d'un pouce.

Wendy entortillait autour de ses doigts les cordons qui retenaient les pompons des bottes en laine blanche qui lui servaient de pantoufles.

- Al…

Albus goba une sardine et faillit se faire arracher le visage par le chat.

- Ouais ? répondit-il distraitement, occupé à repousser l'animal.

- Tu… euh… pourquoi tu avais peur que l'épouvantard prenne la forme de James ?

Elle ferma les yeux sous la capuche-lapin.

Elle avait tellement de questions qu'elle ne savait pas par où commencer.

Des questions débiles, juste pour qu'il lui réponde.

Des questions légitimes de camarade de classe.

Des questions qu'elle n'osait pas poser parce qu'elle n'était, après tout, qu'une fille née de parents moldus, qui n'aurait jamais dû croire qu'elle avait le droit d'être aussi proche du fils du héros de guerre du monde sorcier…

Pourquoi celle-là ? Elle aurait dû plutôt demander pourquoi James et Lily ne croyaient pas à l'histoire du grapcorne, ou s'il savait à quoi rimait la douleur qui l'avait fait tomber de son balai. Ou même s'il avait une idée de comment Charlie Weasley connaissait Scorpius et Terrence avant de les avoir en classe. Ou encore…

Comme il n'y avait soudain plus de bruit à part les craquements discrets des braises dans la cheminée, elle rouvrit les yeux.

Albus s'était débarrassé du chat et examinait ses ongles. Ses yeux étaient baissés, cachés sous sa frange de cheveux noirs en désordre.

- Parce que…James… quand on était petit, James racontait toujours que j'étais pas de la famille et que… tu comprends, on ressemble pas à ce point-là à son père. Il disait que j'étais adopté, qu'on m'avait ensorcelé pour que j'ai la même tête que papa et…

Il se mordit les lèvres, haussa les épaules.

Il s'efforçait de garder un ton détaché, mais cette fanfaronnade était vraiment triste.

- Et moi… ben, j'y croyais. J'étais petit. James était tellement… tellement intéressant. Tous les adultes l'adoraient et disaient tout le temps que c'était la combinaison parfaite de nos parents. Et puis Lily est arrivée et elle était… trop mignonne. Malicieuse et irrésistible. Et moi… j'avais juste droit à cette tête que faisaient les gens systématiquement : "Oh.mon.dieu.Harry.c'est.ton.portrait." Comme si c'était pas normal – ou effrayant.

Il releva un peu la tête et Wendy vit que ses yeux verts lui souriaient bravement.

- C'est bête, hein ? Mais tu sais, je ne suis pas fort comme ma mère ou sage comme mon père. Alors je croyais James et j'essayais de lui ressembler, et lui, il n'arrêtait pas de répéter qu'il ne voulait pas que je le copie, qu'on n'était pas pareils… et de temps en temps il ajoutait qu'un jour des gens comme les Dursley viendraient me récupérer.

- Les Dursley, répéta Wendy, interrogative.

Albus haussa de nouveau les épaules, comme pour se débarrasser d'un courant d'air froid.

- C'est les gens qui ont élevé mon père. Son oncle et sa tante, du côté de ma grand-mère. Ils étaient horribles.

Elle hocha la tête.

- On… on n'est pas obligés de parler de ça, tu sais, dit-elle timidement.

Un peu tard, maintenant, idiote.

Elle avait envie de se donner des claques, et en même temps…

Albus sourit et ses grands yeux verts la regardèrent bien en face, sans reproche.

- Non, ça va. Je l'ai jamais dit à personne, mais faut bien que ça sorte si je veux progresser. Alors je suppose que ça fait partie de l'entrainement…

Le choix des mots étaient un peu bizarre, mais c'était le milieu de la nuit, alors Wendy ne s'y arrêta pas.

- Bref, James. Ben voilà, je crois que j'ai tout dit. Je me suis mis dans la tête qu'il avait raison et quand j'ai eu assez grandi pour réaliser qu'il racontait n'importe quoi la moitié du temps, je me suis persuadé que je ne serais jamais assez aussi cool que lui de toute façon et qu'un jour il allait me le reprocher. Devant tout le monde.

Il fit la grimace.

- Un épouvantard montre tes peurs les plus secrètes, même les plus ridicules. Ça me paraissait logique…

Il eut un petit rire d'excuse et se pencha pour attraper une autre sardine, histoire de cacher son embarras.

Wendy but une gorgée de son thé et s'aperçut qu'il avait refroidi.

Soudain, ça n'avait pas d'importance. Elle avait l'impression de porter son uniforme de Quidditch et d'être invincible.

Elle posa la tasse sur la petite table et crispa ses mains sur le coton fin de son bas de pyjama.

- James a tort, dit-elle lentement.

- Hum ?

Albus la regarda, étonné.

Elle releva la tête et le fixa bien en face, d'un air un peu hagard.

- Je pense que tu es vraiment extraordinaire, ajouta-t-elle avec fougue. "Je suis vraiment contente que tu sois dans ma classe et d'être une sorcière et d'être à Poudlard avec toi."

Ses joues rosissaient, sa respiration s'était accélérée et ses épaules lui faisaient mal.

Pourquoi était-ce mille fois plus difficile que d'encaisser les cognards ou de les renvoyer dans la tête des joueurs adverses ?

Elle avait l'impression que les mots sortaient dans le désordre, comme pour échapper à la supernova en train d'imploser à l'intérieur de sa poitrine.

- Tu dois pas penser que t'es nul ou que t'es pas aussi bien que Machin ou Truc ou James. T'es toi et ça suffit. C'est toi qui… que.. j'…

De la fumée lui sortait par les oreilles, elle en était certaine. Heureusement que sa tête était cachée sous la capuche-lapin.

Tais-toi, Wendy. Tais-toi vite.

Mais son cerveau s'était déconnecté, visiblement. Il subissait sûrement une attaque des joncheruines dont le professeur Lovegood leur avait dit de se méfier.

- Moi… je… toi… t'… aime…

Si seulement ses jambes n'avaient pas été transformées en mousse de calmar, elle aurait pu se lever et s'enfuir dans le dortoir des filles. Et vivre pour le restant de ses années d'école sous une épaisse cape noire.

Un miracle.

Terrence.

Boolay.

Quelque chose.

Etre stupéfixé devait vous faire à peu près cet effet-là.

Prisonnière dans… OH.

Ses yeux s'agrandirent et ses cils se mirent à battre frénétiquement, mais le reste de son corps ne bougea absolument pas, tandis qu'Albus glissait de son fauteuil, ses yeux verts toujours intensément fixés sur elle.

Il se rapprochait. Il était de plus en plus proche. Il était – oh – beaucoup trop près…

Wendy essaya d'avaler sa salive et n'y parvint pas.

Elle était en train de loucher et il n'y avait pas moyen de faire autrement parce que son nez touchait presque celui d'Albus.

Elle frissonna violemment quand il posa une main sur son épaule et repoussa de l'autre la capuche aux oreilles de lapin, très très doucement.

- Wendy… murmura-t-il.

Ses cheveux noirs frôlèrent le front de la jeune fille. Ses longs cils sombres lui caressèrent la joue quand il baissa les paupières. Elle sentait son souffle léger sur sa peau, une odeur de savon, un shampoing pour garçon…

-Tu ne peux pas, Wendy…

Sa voix était presque inaudible. Elle ferma les yeux, respira l'odeur douce-amère des sardines, le parfum craquant des toasts.

- Tu ne sais pas ce que je suis…

Les braises cramoisies terminaient de se consumer dans la cheminée, diffusant une lumière chaude et bienveillante sur le tapis écarlate, et le silence de la salle commune de Gryffondor était seulement troublé par le battement de cœur de la pendule, sourd et régulier. Il y avait une bougie comme une étoile dans l'obscurité et des livres et des parchemins abandonnés sur une table, à côté d'une bouteille d'encre et d'une plume qu'un chat faisait rouler sur le bois poli.

Les lèvres d'Albus avaient un goût de beurre et elles étaient posées sur celles de Wendy.

Je t'aime.

Peu importe ce que tu dis, ce que tu as fait, ce que tu es, ce que tu deviendras.

Je t'aime.

Les mots scintillaient dans sa tête, comme un serment, comme un feu d'artifice de joie bouleversée, de timidité confiante et de courage farouche.

Et lorsque la douceur sur sa bouche s'évapora, elle ouvrit les yeux pour les prononcer à haute voix.

Un milliard de grains dorés dansaient devant elle, éblouissants. Elle referma les paupières et les rouvrit lorsqu'elle sentit de nouveau quelque chose toucher le bout de son nez.

Elle sourit et se figea.

Deux grands yeux verts fendus d'or la contemplaient avec intensité. Ce qui touchait son nez était un museau de cuir noir tiède.

 

 

A SUIVRE...

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