Clair comme Nuit

Chapitre 20 : Et soudain les tambours se turent

5019 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:10

 

ET SOUDAIN LES TAMBOURS SE TURENT

 

 

Harry enleva ses lunettes et les essuya sur le coin de sa chemise avant de les remettre sur son nez.

- … et c'est comme ça qu'ils sont arrivés ici, termina-t-il sombrement. "On est obligés de garder Albus ici, même si évidemment c'est hors de question qu'il se batte, mais il faut qu'on trouve un moyen d'évacuer les trois autres."

Hermione respira profondément, encore sous le choc, les mains jointes devant sa bouche.

- Oh mon Dieu, Ginny... pauvre Ginny, ce doit être horrible…

Ses yeux bruns allèrent machinalement vers Ron qui était debout sur l'estrade, de dos, les bras croisés, puis revinrent sur son meilleur ami.

- Je voudrais tellement pouvoir te dire qu'il y a une solution, souffla-t-elle. "Mais c'est impossible, Harry. Plus maintenant. L'aéroport a été fermé ce matin et le dernier ferry est parti tout à l'heure. Le médecin de Glenegedale était très inquiet. Les moldus croient vraiment à cet histoire de pyromane et il n'était pas sûr d'avoir assez de matériel au cas où un drame comme celui de Ballygrant se reproduise…"

Charlie posa le menton dans sa main, observant distraitement le rayon de soleil qui jouait dans les rainures de bois.

- C'est le village qu'ils ont brûlé ? demanda-t-il d'une voix neutre.

Hermione hocha la tête.

- Rasé serait un terme plus exact, rectifia Ron depuis l'estrade, sans se retourner. "Cinquante-deux moldus et une famille de quatre sorciers, dont un gamin qui venait de recevoir sa lettre pour Poudlard."

- La Gazette parlait de trois villages, dit lentement Harry.

- C'était pas suffisant, comme nombre de victimes ? riposta l'Auror roux en se retournant brusquement. "Pas assez glamour pour la presse, je suppose !"

- Ron… soupira Hermione à voix basse.

Son ex-mari descendit de l'estrade à grandes enjambées et vint aplatir ses mains sur la table d'un geste violent.

- Le ministère a attendu presque un mois pour décider d'envoyer quelqu'un voir ce qui se passait dans les Hébrides ! Des émeutes – n'importe quoi !

Il éclata d'un rire sarcastique.

- Depuis le début les moldus eux-mêmes se doutent que quelque chose ne tourne pas rond. Ils ont limité le tourisme bien avant qu'on envoie des Aurors vérifier ce qui clochait. Des fermes en flammes, des lueurs sur l'océan, plusieurs rixes en ville, un mec ivre qui raconte qu'il a vu le diable sur la côte et, comme si ça ne suffisait pas, nos services ont reçu des lettres qui racontaient que le vieux MacFusty proclamait le retour de l'empire des dragons !"

Hermione acquiesça.

- Pour l'instant, on a pu limiter les fuites, mais ça ne va pas durer éternellement. Chaque nuit, les défenses magiques baissent un peu plus et le risque que les batailles soient vues augmente.

- Ce n'est pas ça le plus grave, Harry, ajouta Ron. "Il y a trois mille moldus sur cette île et même si Bercelak MacFusty n'est pas Voldemort, il a clairement décidé d'en faire les sujets de son royaume de cauchemar. Je suis persuadé qu'il contrôle l'esprit du directeur de la Cal'mac et qu'il est aussi à l'origine des problèmes qu'on a pour se réapprovisionner."

Les yeux d'Harry faisaient le va-et-vient entre ses deux amis et il avait l'impression que chaque nouvelle phrase écrasait un peu plus ses épaules.

- Je pensais expédier Teddy en Ecosse avec le prochain ferry et on aurait pu évacuer les enfants avec lui, en espérant qu'une fois la Trace réactivée, le ministère aurait envoyé quelqu'un les chercher, expliqua Hermione. "Mais maintenant c'est impossible, et ils ne seront pas en sécurité dans une auberge de l'île non plus, il y a des dénonciateurs partout. Le mieux c'est encore qu'ils restent au camp..."

- Attends une minute, coupa Charlie. "Se réapprovisionner ?"

Ron lui adressa une moue narquoise.

- Quoi ? Faut bien qu'on mange et qu'on se soigne – surtout depuis que le seul médicomage qu'on nous avait accordé a passé l'arme à gauche. On achète aux moldus et Hermione fait de temps en temps une descente au dispensaire où elle "emprunte" du matériel pour compléter les potions.

La femme adressa une grimace d'excuse à Harry.

- Je déteste jeter un sort d'oubli au docteur, mais on n'a pas le choix. On manque vraiment de tout. Et avec ce genre de blessures… de toute façon, je ne crois pas qu'il croirait mon histoire d'accident de chaudière à chaque fois…

Harry fronça les sourcils.

- Deux secondes, Hermione. Reviens en arrière. La Trace n'est pas active sur l'île ? Tu veux dire qu'on a trois gamins ici et que personne ne sait qu'ils sont là ?

Ron gratta sa barbe qui crissait et s'assit sur le bord de la table.

- Pense-y comme à une bonne nouvelle, Harry. Au moins tu ne verras pas débarquer le père Malefoy en furie à l'idée que ton fils aie entrainé son rejeton en pleine guerre."

Hermione leva les yeux au ciel.

- Ce n'est pas drôle, Ronald Weasley.

Harry eut un petit rire.

Certaines choses ne changeaient pas.

Le soleil glissait avec les heures et il jouait maintenant dans les cheveux ébouriffés de la femme, dorant les mèches folles autour de son visage.

- Je suis vraiment contente que tu sois là, Harry, murmura-t-elle. "On avait besoin d'espoir."

Ron hocha le menton et se permit un petit reniflement.

- Elle a raison, sur ce coup-ci. Les hommes vont reprendre du poil de la bête, maintenant que le Survivant est aux commandes.

Harry se leva brusquement.

- Jamais de la vie, Ron ! protesta-t-il. "Tu tiens le fort depuis des jours. Je ne vais pas prendre ta place. Je n'ai aucune connaissance du terrain et en plus, ce… ce ne serait pas juste."

Son meilleur ami  le regarda droit dans les yeux.

- Oh, mais je veux que tu le fasses, Harry. Tu n'as aucune idée. Tu crois que la bataille de Poudlard était horrible ? Attends de voir les flammes de l'enfer déferler sur le camp. On a besoin de ta capacité tenace à survivre à la fin du monde.

Harry avala sa salive.

- Combien de temps il nous reste ?

Ron tira une montre à gousset de la poche de son jean.

- A peine quatre heures avant le coucher du soleil.

 

oOoOoOo

 

Scorpius engloutit la dernière frite et écrasa la barquette en carton maculée de taches de gras. En face de lui, Albus léchait ses doigts avec l'application d'un enfant et Wendy l'observait, la gorge chatouillée par une forte envie de rire.

- Si je ne te connaissais pas, je dirais que tu aimes le poisson, commenta Terrence en secouant la tête.

- Je ne l'aime pas, corrigea son meilleur ami sans cesser de nettoyer consciencieusement ses doigts, le contour de sa bouche et le papier d'aluminium dans lequel la truite était enveloppée. "Mon coloc l'aime."

Scorpius pouffa involontairement.

- Peut-être que t'as de l'avenir comme patron du 'Fish & Chips' Chez Crocmou, dit Wendy avant de se taire brusquement, réalisant que tous les regards étaient sur eux. Un grand silence s'était établi sous le chapiteau qui servait de réfectoire.

- C'est vraiment, des gosses, hein.

- 'Savent pas dans quoi ils se sont fourrés.

- … tiendront pas deux heures.

- Plus arrogant, tu meurs !

Marmonnés entre haut et bas, dans le cliquetis des cuillères et des verres, les mots étaient chargés d'une animosité lasse, écœurée. L'Auror coiffé en catogan, dont les manches retroussées laissaient apercevoir ses biceps couturés de cicatrices, termina son yoghourt, un pied sur le banc, son bras calé sur le genou.

- Ils feront moins les malins tout à l'heure, grogna-t-il en attrapant sa timbale pour boire d'une lampée. "Ça va pleurnicher et appeler sa môman à grands cris."

Wendy souhaitait qu'il s'étouffe avec son eau et son vœu fut exaucé.

- Venez, on va voir Teddy, murmura Albus en se levant.

Crachotant, l'Auror le foudroya du regard.

- Des bébés ! siffla-t-il. "C'est tout ce que tu peux faire ? L'arme secrète du ministère est une boule de poils qui n'a pas dépassé la magie intuitive ! Et c'est comme ça qu'ils croient qu'on va gagner cette guerre ?"

Terrence se leva à son tour, très calme. Il fit rouler sa baguette sur ses doigts avant de la remettre dans la poche arrière de son jean. Il remonta ses lunettes sur son nez.

- Non, c'était moi. Désolé.

L'homme le fixa, incrédule. Puis il reposa sa timbale et s'avança vers lui entre les tables. Le sol boueux s'enfonçait sous ses bottes.

- Tu oses me défier ?

Scorpius se leva et rabattit sa frange en arrière en posant ses yeux gris glacés sur l'Auror.

- Sûrement l'ennemi n'a pas besoin qu'on se batte entre nous, gronda-t-il de son habituelle voix impatiente.

Albus frissonna sous les regards hostiles qu'il ne comprenait pas. Un courant d'air froid se glissait sous la toile, à ras de terre, mordant ses chevilles à travers ses chaussettes.

- Je suis désolé, commença-t-il. "On… euh. On ne causera pas de problèmes, on…"

- De quoi tu t'excuses ? Tu es là pour les aider ! protesta Wendy d'un ton suraigu.

Les yeux noirs de l'homme s'amincirent.

- Nous aider ? répéta-t-il. "Nous AIDER ? Tu veux nous faire rire ? Ah la bonne blague, les gars, vous avez entendu ça ?"

Personne ne riait dans le réfectoire.

L'Auror fit un pas de plus vers eux et ses épaules roulèrent sous sa chemise de lin noir, menaçantes.

- Je ne sais pas ce que vous avez cru, mais quitter vos bancs d'école bien confortables pour venir jouer les héros sur cette île infernale ne vous rapportera aucun point ! Vous allez juste griller comme des brindilles.

- Skyler, intervint une voix de femme tranquille mais ferme.

Les Aurors toussotèrent et se rassirent avec la même attitude un peu penaude qu'une classe reprise par Mrs McGonagall.

En fait, la femme qui avait parlé ressemblait beaucoup à la directrice. Sa peau ridée se froissait sur les os protubérants de son visage, une paire de petites lunettes pinçait ses narines et elle était coiffée d'un chapeau pointu en feutre.

- Lizzie, lança-t-elle aux adolescents. "Vous pouvez m'appeler ainsi. Et ne restez pas plantés comme des gobe-lunes, venez avec moi !"

Albus lui emboita le pas et Wendy le suivit. Avant de quitter le chapiteau, Terrence jeta un dernier coup d'œil au-dessus de son épaule, en direction de l'Auror au catogan qui fulminait toujours en silence, mais Scorpius l'ignora complètement.

Dehors, le soleil avait un peu baissé et baignait d'une lumière orangée la plaine et la montagne. Les mouettes se poursuivaient en criant au-dessus de la crête de la colline qui cachait la mer.

- C'était vraiment une bêtise, hein ? murmura Wendy.

- Ce n'était pas très malin, en effet, acquiesça la femme qui se déplaçait à pas rapides, bien plus alerte que ne l'aurait laissé soupçonner son âge. "Mais vous vouliez protéger votre ami et ça, c'est un sentiment louable. Imprudent, mais admirable."

Elle s'arrêta à côté d'une tente et souleva le pan de toile qui servait de porte.

- Vous allez me faire le plaisir de retrouver ce bel esprit optimiste et de tenir compagnie à Teddy Lupin pendant un moment.

Ses yeux d'un bleu très clair se posèrent sur Albus, comme ceux d'un oiseau de proie.

- Quand j'ai rencontré ton père, c'était un tout jeune Auror. Lui et son ami Weasley étaient bien trop en avance sur le programme de formation. Ils avaient déjà combattu plus que de raison… ils ne savaient plus rire.

Elle écarta une mèche du visage de Wendy, sourit à Terrence et Scorpius.

- Skyler n'est pas méchant, il a peur pour vous, c'est tout. Ne cherchez pas à grandir trop vite. Ça n'apportera rien de bon.

Albus hocha la tête.

- Bien. Allez, rentrez là-dedans et soyez sages ! Je reviendrais vous chercher quand ce sera le moment.

- Le moment de quoi ? chuchota Scorpius en pliant un sourcil soupçonneux tandis qu'elle les poussait sous la tente.

Terrence se contenta d'hausser les épaules. Il réfléchissait et faillit marcher sur le pied de Wendy.

Le vent froid qui s'était glissé à l'intérieur avec eux fit frissonner les rideaux blancs de l'infirmerie et dissipa un peu la forte odeur d'herbes amères et de désinfectant moldu. Le soleil de fin de journée s'attardait sur les étagères en métal presque vides. Une bande de gaze s'enroulait toute seule sur un plateau argenté et des épingles à nourrice jouaient à cache-cache autour d'un pot d'onguent à l'étiquette surannée. Une grosse boîte en carton débordait de compresses stériles et une paire de ciseaux était posée sur une desserte à roulettes réparée avec un mélange de Sorcier Collant et de rubalise de gendarmerie.

- Salut, Teddy, dit Albus en s'approchant du lit en fer qui était le seul occupé dans la rangée de gauche.

- Yo, Al ! lança le jeune homme pâle étendu sous les couvertures rayées de bleu, en s'appuyant sur un coude pour se redresser avec une grimace. "Alors c'était vrai, t'es vraiment ve…"

Il s'interrompit, et ses cheveux d'un blond terne bouclèrent soudainement en prenant une teinte mauve.

- Oh. Bonjour mademoiselle, dit-il en adressant un sourire enjôleur à Wendy.

Terrence aperçut le clin d'œil narquois destiné à Al qui rougissait et se rendit compte qu'il avait envie de rire, malgré les circonstances.

Albus fit les présentations rapidement, expliquant en quelques mots au filleul de son père comment ses amis étaient venus le rejoindre sur l'île. Teddy émit un sifflement admiratif, même s'ils eurent quand même droit à un "vous êtes carrément barges !" qui sonnait un peu comme les reproches des adultes.

Scorpius s'était posé sur le lit d'à côté, l'air suprêmement ennuyé.

- Tu… tu as mal ?" demanda Wendy comme si la question lui avait échappé, ses yeux exorbités fixés sur le bandage suintant enroulé autour de l'épaule de l'Auror. Les bandes de gaze cachaient mal les cloques percées et le liquide d'un rouge jaunâtre qui s'en écoulait.

Teddy sourit.

- Ouaip, avoua-t-il d'un ton léger. "Mais je survivrais, t'inquiète pas, ma jolie."

Les joues de Wendy rosirent et Albus foudroya Teddy du regard.

- C'est un dragon qui t'a fait ça ? demanda Scorpius d'un air détaché (qui ne trompa personne).

Le jeune homme se rallongea, aidé par le fils de son parrain. Il cala la tête dans son oreiller, et ses cheveux perdirent leur couleur éclatante, creusant davantage les cernes sombres sous ses yeux.

- C'est l'Anghenfil, le dragon du père MacFusty, expliqua-t-il. "Ils en ont quatre. Tous aussi monstrueux les uns que les autres, mais lui, il est énorme et il n'est pas contrôlé par magie. Ron pense que si on peut l'abattre, les trois Ecailleux qui restent reprendront leur état normal et se disperseront. C'est pas des mauvaises bêtes, juste des animaux sauvages. Enfin, c'est ce que j'essaie de me dire... ça marche pas trop."

Terrence et Scorpius échangèrent un regard derrière le dos d'Albus qui baissait la tête, silencieux.

- Bref, si on chope MacFusty et qu'on abat son dragon, tout rentrera dans l'ordre. C'est pas compliqué, hein ?

La voix de Teddy était soudain très fatiguée.

- C'est un ordre de mission simple. Dommage qu'on n'ait pas assez de force brute en face. Les sortilèges rebondissent plutôt bien sur la peau de dragon. Et quand tu t'approches un peu trop, ben… voilà ce qui arrive.

Dans le silence, Terrence mordillait l'intérieur de ses joues.

- Voilà pourquoi le ministère a besoin de Crocmou, dit Wendy d'un ton amer, exprimant à haute voix ce qu'il pensait.

- Qui est Crocmou ? demanda Teddy.

Albus prit une longue inspiration.

- Il ne s'appelle pas Crocmou, rectifia-t-il. "C'est…"

Il se tut brusquement. Scorpius s'était levé aussi, cherchant l'origine du son qui venait de naître dans le lointain, sourd et régulier.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Wendy, inquiète.

Terrence pencha la tête de côté.

- On dirait… un tambour.

Teddy ferma les yeux, puis les rouvrit.

- Aide-moi à me lever, Al. Il faut que je me prépare.

Il gémit en redressant, le visage inondé de sueur, et les adolescents le contemplèrent, atterrés.

- N'importe quoi, dit la voix sévère d'Hermione depuis l'entrée de la tente.

Elle vint rapidement les rejoindre, repoussa doucement mais fermement le jeune homme, remonta la couverture sur lui et lui caressa les cheveux.

- Teddy, tu n'es pas en état d'aller te battre. Lizzie et Colchide t'emmèneront à la grotte avec les enfants. N'essaie pas de jouer les héros.

- Harry…

Quelque chose de furieux et d'infiniment triste étincela dans les yeux de la femme.

- Ne crois pas un instant que je vais te laisser demander à Harry si tu peux mourir cette nuit.

Teddy leva les yeux au ciel et se tut.

- Madame ?

Hermione tourna la tête vers Wendy et se radoucit. Elle rangea une mèche châtain derrière son oreille et sourit gentiment.

- Qu'est-ce qu'il y a, ma chérie ?

Albus avait l'impression d'entendre sa grand-mère, Molly Weasley.

- Qu'est-ce que… c'est quoi qu'on entend ?

- Les tambours, dit la femme en resserrant son gilet en crochet rose autour d'elle. "Les Rebelles ont commencé leurs incantations pour fissurer les barrières magiques qui entourent l'île. Ils attaqueront dès la nuit tombée."

Elle tressaillit, jeta un coup d'œil soucieux au rayon de soleil qui avait fortement diminué sur l'étagère. Il faisait beaucoup plus sombre et le battement sourd des tambours se glissait en eux comme un frisson.

- Allez, dehors, vous quatre. Il faut qu'on se dépêche. Lizzie va vous équiper, puis vous irez avec elle et Colchide à la grotte.

- Moi aussi ? demanda Albus en levant ses grands yeux d'émeraude vers sa tante.

Hermione lui prit le menton dans ses mains.

- Toi aussi, Al, dit-elle doucement. "Tu ne vas pas te battre. Ton père ne le permettrait jamais. Le ministère n'a aucun moyen de savoir ce que tu fais sur cette île, la Trace est désactivée dans les Hébrides. Ne t'inquiète pas, il n'aura pas d'ennuis. Maintenant, file."

Elle soupira une fois qu'ils furent sortis et tourna la tête vers le blessé qui lui adressait une moue narquoise.

- Quoi ?

- ça ne te ressemble pas de désobéir au règlement et d'y encourager les autres, pouffa-t-il. "J'pensais que t'étais une bureaucrate modèle du gouvernement."

- Si tu savais, riposta la femme. Elle leva les yeux au ciel, le temps d'une pause découragée théâtrale. "C'est l'influence d'Harry – et Ron. Je devrais déménager…"

Elle sourit tristement et Teddy n'ajouta rien.

 

oOoOoOo

 

Terrence s'avança juste un peu pour avoir une meilleure vue de la plaine, appuyé contre la roche à l'entrée de la grotte.

Les tambours battaient toujours dans le lointain, au même rythme que son cœur.

Le soleil avait complètement disparu. La montagne jetait une lueur grisâtre sur le camp désert, en bas. Le ciel s'assombrissait et la mer se couvrait de brume au-delà de la colline.

- Al, ça va ? demanda la voix de Wendy derrière lui.

Il se retourna.

Albus était assis sur un rocher et se frottait l'oreille en fronçant les sourcils.

- Hum, répondit-il distraitement.

Teddy lui lança un regard compatissant depuis le lit de camp sur lequel il était étendu, au fond de la grotte. Lizzie pilait quelque chose dans un bol en terre glaise. Colchide, le géant qui les avait accompagnés, était assis sur le sol, en tailleur, le dos très droit comme s'il méditait. La torche jetait des reflets sur la peau d'ébène de son crâne, ses muscles lustrés et le tatouage doré sur son front.

Tous deux étaient vêtus du même plastron noir que les adolescents, avec les épaulettes en acier et une ceinture dans laquelle était glissée leur baguette. Ils portaient d'épais gants en cuir de dragon et de hautes bottes qui protégeaient leurs genoux.

Terrence avait adoré le moment où Lizzie avait ajusté les tuniques sur eux et fait surgir les ceintures et les protèges-épaules de simples boucles en métal. Il avait eu du mal à se reconnaître dans le miroir que lui avait ironiquement tendu Teddy lorsqu'ils l'avaient rejoint à l'arcade.

Différent. Impressionnant. Beau ?

En tout cas, il ne voyait plus rien d'un enfant.

Les cheveux blonds de Scorpius, lissés en arrière, lui donnaient l'air d'un prince de manga, habillé ainsi. Wendy avait la démarche d'une princesse guerrière, encore plus farouche que dans sa tenue de Quidditch. Albus ressemblait à son père, en plus fin et plus délicat, un vrai chevalier.

Le lieutenant-colonel Ron Weasley était encore plus effrayant dans son armure qu'en jean, avec sa barbe rousse et son visage blême, et son ex-épouse avait complètement changé d'allure, lorsqu'elle était réapparue sans sa jupe en laine et son gilet – la tenue noire cintrée et sévère donnait de la crédibilité à son titre de négociatrice (même si ses cheveux châtains étaient aussi indisciplinés que ceux d'Harry et Albus).

Ils avaient tous l'air grave. Prêts pour la bataille.

- Tu crois qu'ils vont arriver bientôt ? chuchota Scorpius en venant rejoindre Terrence à l'entrée de la grotte. "Attendre comme ça, c'est juste… usant."

- Es-ce qu'on va vraiment rester là toute la nuit ? demanda Wendy en se rapprochant de Lizzie.

- Oui, ma chérie. A défaut de les vaincre, tout ce qu'on peut faire, c'est tenir jusqu'au petit matin. A l'aube, les dragons retournent dans leurs nids et les MacFusty sont obligés de se retirer. Avec la lumière, les barrières magiques sont beaucoup plus fortes, on peut les rétablir.

Scorpius glissa un coup d'œil en direction de Colchide.

- Je suis sûr qu'il aimerait mieux être avec les autres plutôt qu'à nous babysitter, souffla-t-il.

Terrence hocha la tête.

Il faisait de plus en plus sombre sur la plaine et les tambours continuaient de battre sourdement. Il avait l'impression d'entendre les lentes litanies qui brisaient les protections une par une.

- Oh, dit Scorpius en pointant du doigt vers le ciel anthracite. "La première étoile."

Terrence leva les yeux et soudain son cœur s'arrêta.

Les tambours s'étaient tus.

Une silhouette apparut sur la crête en face de lui, minuscule. Puis une autre, puis des dizaines, puis des centaines.

- Al ? s'écria Wendy derrière les deux garçons. "Al, ça va ? Ton oreille… elle saigne."

Scorpius se retourna et Terrence était en train de l'imiter, lorsqu'une flèche d'or courut sur la mer de l'autre côté de la colline. En un instant, les vagues gonflèrent et s'enflammèrent, projetant un éclat flamboyant dans le ciel sombre.

- ça commence, murmura Teddy, la main crispée sur sa baguette posée sur la couverture, son visage tendu vers l'entrée de la grotte.

- Al…

La voix de Wendy se fit suppliante. Elle se pencha sur le garçon qui regardait sa main maculée de sang d'un air absent.

Colchide ouvrit les yeux et se leva lentement en tirant sa baguette, les yeux fixés sur Albus.

- Euh… Ter…

Scorpius tirait sur sa manche et Terrence arracha son regard aux flammes qui dansaient sur l'horizon et aux centaines de silhouettes dressées sur la crête. Il se retourna et cligna des yeux machinalement.

Un fourmillement doré remplit la grotte comme au ralenti et, avant que Colchide n'ait pu finir le geste de sa baguette levée, le dragon de fourrure noire se dressa, le poil hérissé, ses yeux verts étincelants. Il ouvrit la gueule et feula furieusement, puis d'un bond fut dehors, déplia ses ailes sombres et disparut dans la nuit qui prenait feu.

 

 

A SUIVRE...

Prochain chapitre : JUSQU'A L'AUBE

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